Annie, la quarantaine, est ouvrière dans une petite ville du centre de la France. Mariée, mère de deux enfants, elle tombe enceinte d’un troisième. Son mari et elle sont d’accord pour avorter. Mais, en 1974, l’avortement est encore illégal. Annie doit pousser la porte d’une antenne du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception). Elle y est accueillie par des médecins et des infirmières qui vont vite la rallier à leur cause.
Alors que les Etats-Unis nous rappellent que la conquête des droits des femmes est une lutte sans cesse recommencée, alors qu’en France l’Assemblée nationale accepte, le temps d’une séance, de faire taire ses divisions pour inscrire le droit à l’avortement dans notre Constitution, le sujet d’Annie colère est d’une actualité brûlante. Il aurait pu faire l’objet d’une grande fresque politique, mettant en scène les grandes figures de ce combat : les 343, Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir, Simone Veil… Annie colère suit une autre voie.
Il met en scène une femme ordinaire interprétée par Laure Calamy. L’actrice est partout ces temps-ci, au risque de saturer l’espace public : Antoinette dans les Cévennes, Garçon chiffon, Une femme du monde, À plein temps, L’Origine du mal…. La question n’est plus de savoir si elle emportera le prochain César de la meilleure actrice, mais pour quel film ! Si cela ne tenait qu’à moi, je le lui décernerais pour À plein temps qui compte parmi mes films préférés de l’année.
Mais sa prestation dans Annie colère est tout aussi convaincante. Pourtant son personnage n’est pas d’une extraordinaire subtilité : il s’agit d’une femme simple, une femme du peuple, sans éducation, dont la conscience politique s’éveille lentement et qui s’engagera dans une cause. Cette évolution est progressive et sans surprise. Elle mettra bien entendu en péril son couple en révélant le machisme qui sommeille derrière les idées de gauche de son époux (Yannick Choirat). Mais Laure Calamy l’interprète avec une telle justesse qu’Annie devient extraordinairement émouvante. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la bande annonce et d’entendre la façon dont Laure Calamy/Annie prononce les mots « avec une aiguille à tricoter ».
Annie colère est servi par un scénario écrit à quatre mains par la réalisatrice Blandine Lenoir – à laquelle on devait déjà un portrait émouvant de femme en pleine crise de la cinquantaine, Aurore – et par Axelle Roppert – qui vient de réaliser le portrait d’une pré-ado, La Petite Solange. Elles ont su s’entourer d’une palette d’acteurs épatants, parmi lesquels on reconnaît des visages familiers, India Hair, Zita Henrot, Eric Caravaca (bouleversant en médecin aidant) ou Louise Labèque (l’actrice fétiche de Bertrand Bonello) et parmi lesquels on découvre un talent inattendu : Rosemary Standley, la chanteuse du groupe Moriarty.
Un seul couac : un titre « colérique » qui n’est pas fidèle à l’apaisante sororité dans laquelle baigne ce film bienveillant.