Hélène (Vicky Krieps) est frappée d’une maladie mortelle, une fibrose pulmonaire idiopathique (FBI) qui risque de l’asphyxier si elle n’est pas greffée. L’attention aimante de son conjoint, Matthieu (Gaspard Ulliel), ne suffit pas à réconforter la jeune femme qui décide de fuir, seule, en Norvège pour y décider de son destin.
La campagne marketing de Plus que jamais repose en grande partie sur un argument morbide : ce serait le dernier film de Gaspard Ulliel, brutalement décédé dans un accident de ski en janvier 2022, après le tournage l’été précédent.
Plus que jamais n’a pas besoin de cet argument-là pour se vendre. Son sujet à lui seul suffit à en justifier l’intérêt. Il pose en effet une question universelle : comment réagir à l’imminence de la mort ? Faut-il en parler ? faut-il la taire ? La question résonne tout particulièrement pour ceux qui, comme moi, affichent narcissiquement le moindre de leurs faits et gestes sur les réseaux sociaux : posterons-nous la radio scintillante de nos métastases osseuses comme on poste complaisamment celles de nos dernières lectures avec une tasse de café fumant ?
Ce film en pose une autre, encore plus effrayante : comment partagerons-nous notre maladie avec nos proches ? Leur en fera-t-on porter le poids ? Le véritable amour ne consiste-t-il pas à les épargner et à les laisser vivre en euphémisant notre souffrance et notre angoisse ? Ou bien, au contraire, est-il orgueilleux de se draper dans un stoïcisme hors de propos et d’affronter seul la maladie ? De ces deux attitudes opposées, laquelle est la plus égoïste ?
À toutes ces questions, Plus que jamais répond frontalement avec une extraordinaire pudeur. Il le doit à la justesse du jeu de Vicky Krieps, cette actrice luxembourgeoise dont la célébrité explose depuis quelques années (De nos frères blessés, Serre-moi fort, Old, Bergman Island, Phantom Thread….). Elle réussit à être fragile et forte à la fois : la vie la quitte lentement à chaque inspiration, de plus en plus haletante, mais son esprit se débat avec une force inentamée entre instinct de survie et acceptation apaisée de l’inéluctabilité de la mort.
L’autre atout du film est les paysages majestueux des fjords de Norvège. Leur beauté sauvage est l’écrin intimidant dans lequel Hélène veut, contre toute raison, vivre ses derniers moments. Le soleil de minuit qui l’empêche de dormir éclaire paradoxalement ce film crépusculaire.
À me lire, vous vous imaginez déjà la dernière scène du film. Elle ne sera pas pourtant celle que vous croyez. Elle m’a rappelé celle de Quelques heures de printemps – où Vincent Lindon accompagnait dans son ultime voyage sa mère, interprétée par Hélène Vincent, qui souhaitait être euthanasiée en Suisse. Comme elle, elle m’a arraché des sanglots.