En 2012, durant un « bahutage », un bizutage qui n’ose pas dire son nom, à l’école militaire de Saint-Cyr, Jalla Hami, un jeune aspirant qui venait d’en réussir le concours d’entrée, est mort noyé. C’est l’histoire de sa mort que raconte Rachid Hami, son propre frère, réalisateur de cinéma, mais c’est surtout celle de sa famille.
Tout dans le titre de Pour la France, dans son affiche, dans sa bande annonce, nous laissait escompter un film politique sur le modèle de La Fille de Brest ou de Goliath : un brûlot à charge contre l’armée qui a laissé stupidement mourir l’un des siens dont le seul tort était, en dépit de ses origines maghrébines, d’avoir essayé de toutes ses forces de s’intégrer.
Mais, contre tout attente, Rachid Hami nous emmène dans une autre direction. La mort de son frère constitue le cœur du film. Et la lutte menée par sa mère et son frère pour que les honneurs lui soient rendus en est l’un des principaux enjeux ; mais il n’en est pas le seul. Rien n’est dit sur l’enquête policière et le procès qui conduira en 2020 à la condamnation de trois militaires pour homicide involontaire à des peines de sursis qu’on pourrait estimer trop légères.
En revanche, le réalisateur nous raconte par le menu l’histoire de sa famille à travers deux longs flashbacks. Le premier remonte à 1992. Il se déroule en Algérie en pleine guerre civile où la famille des deux jeunes frères (Rachid a sept ans, Jallal quatre seulement) se déchire : leur mère veut quitter ce pays mutilé pour la France ; leur père, gendarme, s’y refuse. La seconde a lieu une vingtaine d’années plus tard. Rachid a mal tourné, multipliant, faute de boulot stable, les menus larcins. Jallal au contraire est un jeune homme rangé qui termine sa scolarité à Sciences Po par un séjour d’études à Taïwan où son frère le rejoint le temps des fêtes de fin d’année.
Cette histoire familiale, celle du lien compliqué entre deux frères, entre deux terres, la France et l’Algérie, et deux allégeances, au père et à la mère, nous détourne du vrai sujet du film.
Pourtant il y aurait eu beaucoup à dire sur la mort de Jallal, sur ses circonstances stupides, sur le racisme sournois qui ronge les écoles militaires ou, au contraire, si on a la rigueur d’instruire à charge et à décharge, sur leur ouverture aux immigrés de la deuxième génération (« Si l’armée avait été raciste, il n’aurait pas réussi le concours » rétorque avec beaucoup de justesse le personnage interprété par Karim Leklou). Pour la France aurait pu, aurait dû creuser le point de vue des militaires, comme il le fait dans une scène trop courte, pour moi la meilleure du film, et opposer dans leurs rangs ceux qui veulent étouffer l’affaire et ceux au contraire, plus courageux, qui sont prêts à assumer leurs responsabilités.
Mais on ne trouvera rien de tout cela. Ou on le trouvera si peu qu’on sort de la salle frustré voire furieux d’avoir été berné par un film qui annonçait une promesse qu’il n’a pas tenue.
Je viens de le voir dans l’avion. Je partage votre avis sur la meilleure scène du film et sur le reste d’ailleurs. Voici un film long cette fois. (Le développement à Taïwan est d’un mortel ennui).