L’Adamant est une péniche amarrée en bord de Seine, dans le douzième arrondissement, au pied du quai de la Rapée, qui accueille depuis 2010 des malades souffrant de troubles psychiques. Nicolas Philibert, sans doute le plus grand documentariste français, devenu célèbre grâce à Être et avoir (2002), y a posé sa caméra pendant sept mois à la rencontre des patients. Son intérêt pour la psychothérapie institutionnelle – qui met l’accent sur la dynamique de groupe et la relation entre soignants et soignés – n’est pas nouveau. Il avait consacré un précédent documentaire à la clinique de La Borde en 1995 et aux méthodes novatrices du Dr Oury.
Auréolé de l’Ours d’or qu’il a obtenu au dernier festival de Berlin et des lauriers que lui a tressés sa présidente Kristen Stewart, Sur l’Adamant est sorti en salles cette semaine et attire un public nombreux.
Cette curiosité est méritée. Nicolas Philibert n’a pas son pareil pour laisser traîner sa caméra et susciter les confidences. On pourrait craindre son voyeurisme, surtout face à des personnages fragilisés. Mais rien n’est plus empathique que le regard qu’il porte sur les doux dingues qu’il filme et dont il interroge la différence : qu’est-ce qu’être « normal » nous demandent François, qui donne une interprétation incarnée de La Bombe humaine de Téléphone, Frédéric et sa curieuse dégaine à la Houellebecq, Muriel à la gouaille de titi parisien ?
Le seul défaut de ce documentaire est son manque de linéarité. Sur l’Adamant qui aurait pu, sans conséquence, durer une heure de plus ou de moins, tourne en rond et nous mène un peu en bateau. Nicolas Philibert s’en justifie dans le dossier de presse : « J’ai toujours aimé improviser, et avec le temps, l’improvisation est devenue pour moi comme une nécessité éthique. Ne rien expliquer, surtout. Ne pas assujettir son film à un programme, à un ‘vouloir-dire’ préalable. Ne pas chercher à filmer utile. Traquer toute trace d’intentionnalité ». On adhèrerait volontiers à cette idéologie si elle n’ouvrait la porte à toutes les paresses. À force de ne vouloir rien démontrer, Sur l’Adamant court le risque de ne pas montrer grand chose qu’on n’ait déjà vu dans sa bande-annonce.
Sur l’Adamant est le premier volet d’un triptyque consacré à la psychiatrie. Le deuxième se déroulera à l’hôpital Esquirol à Charenton ; le troisième filmera des visites domiciliaires. Ils sortiront dans les mois à venir.