Blanquita ★★★☆

Le père Manuel Cura dirige au Chili un foyer où il accueille des adolescents en rupture de ban. Parmi eux, Carlo, quatorze ans, dit avoir été victime d’un réseau de pédocriminels contre lequel une enquête judicaire est en cours. Mais l’adolescent est trop fragile pour témoigner. Blanca, surnommée Blanquita, une ancienne pensionnaire du foyer, qui l’a quitté quand elle avait quatorze ans et qui y est revenue avec le bébé qu’elle a eu entretemps, témoigne à son tour des mêmes faits.

J’ai bien failli rater ce petit film chilien sorti au cœur de l’été sans aucune publicité dans trois salles parisiennes à peine. C’est sa bande-annonce, aperçue sur le Net, qui m’a donné envie d’aller y jeter un œil. Bien m’en a pris !

Car Blanquita est un film qui, avec une admirable sobriété, pose des questions diablement intelligentes.

La première, qui occupe la première moitié du film, concerne la véracité du témoignage de la jeune fille. A-t-elle été réellement victime des violences qu’elle prétend avoir subies ? Ou produit-elle un faux témoignage pour que les hommes qui ont brutalisé Carlo soient inculpés ?

Si Blanquita se résumait à ce questionnement là, son intérêt serait assez limité. C’est à ce stade, au risque d’un divulgâchage qu’on pourrait me reprocher – mais que commettent sans vergogne la plupart des critiques du film – qu’il faut révéler ce que les lecteurs les plus perspicaces ont déjà pressenti : Blanquita ment, avec la complicité et le soutien du père Manuel. Elle le fait pour la bonne cause : l’un et l’autre ont acquis la conviction de la véracité du témoignage de Carlo et de la culpabilité des hommes qu’il accuse, notamment le puissant sénateur Enrique Vázquez. Comment sinon connaîtrait-il son asymétrie testiculaire et la pigmentation de son pénis ?

Ainsi est posé le dilemme sur lequel le film est bâti : un faux témoignage peut-il être invoqué au service de la vérité ? un accusé peut-il être condamné par une menteuse ?
Blanquita a l’immense avantage de ne pas trancher la question. Il laisse à son héroïne une part d’ambiguïté. Il ne lui donne ni raison ni tort. Il s’inspire de faits bien réels survenus au Chili au début des années 2000. Le démantèlement d’un réseau de pédocriminalité avait conduit à la mise en cause de trois sénateurs. Une jeune femme de vingt ans avait déposé contre eux avant que la révélation de son faux témoignage ne conduise à son emprisonnement.

On pourrait, comme le fait Frédéric Strauss dans Télérama, reprocher à Blanquita de participer à un mouvement sournois de décrédibilisation de la parole de la victime dont on sait depuis #MeToo combien il faut l’écouter et la respecter. Ce serait se tromper sur le sens et la portée de ce film. Le réalisateur Fernando Guzzoni s’en est expliqué : son propos n’est pas de jeter un doute sur la parole des victimes, mais de montrer les dilemmes auxquels mène parfois la manifestation de la vérité au cours d’une enquête judiciaire.

La bande-annonce

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