Na Young et Hae Sung ont douze ans. Aussi intelligents et travailleurs l’un que l’autre, ils se disputent la première place de leur classe. Une grande complicité les soude, qui sera rompue par le départ des parents de Na Young au Canada.
Na Young, qui se fait désormais appeler Nora, et Hae Sung ont vingt-quatre ans. Ils se sont perdus de vue. Grâce à Facebook, ils renouent le contact. Entre New York où Nora s’est installée, et Séoul où Hae Sung suit des études d’ingénieur, ils passent de longues heures à discuter sur Skype.
Nora et Hae Sung ont trente-six ans. Ils ont mûri et ont pris des chemins différents. Nora s’est mariée avec un écrivain juif new-yorkais rencontré durant une résidence d’artistes. Hae Sung, qui est resté célibataire, vient lui rendre visite à New York et discute avec elle, l’espace d’une journée des choix qu’ils ont faits et de ceux que la vie a faits pour eux.
François Ozon avait intitulé un de ses films 5*2 qui brossait en cinq épisodes, antéchronologiques, l’anatomie d’un couple. Ce film-ci pourrait s’appeler 3*2 (trois épisodes pour raconter un couple qui n’en sera jamais un) ou encore 12*3 (la vie d’un homme et d’une femme racontée en trois tableaux à 12, 24 et 36 ans).
Le pitch de ce film, son affiche, les quelques mots prononcés par sa distributrice, l’immense Michèle Halberstadt, au début de son avant-première organisée par le club Allociné, m’avaient follement mis l’eau à la bouche. Il faut confesser mon goût coupable pour ces sujets-là : rien ne me transforme plus en petites flaques d’eau que la nostalgie des amours disparues. En témoigne, si besoin en était, la vénération dans laquelle je tiens Docteur Jivago, Love Story ou La La Land.
Hélas, Past Lives s’est révélé en-deça de mes attentes. Pourtant, j’en ai adoré l’actrice principale, Greta Lee – même si j’ai eu un peu de mal à la trouver crédible, née en 1983, dans le rôle d’une fille de 24 ans. Son visage frise la perfection. Je fais une fixation sur sa glabelle (c’était le mot du jour). Pour faire bonne mesure, force m’est de reconnaître que l’acteur masculin est beau comme un Dieu.
Le défaut de Past Lives est son scénario trop ténu. Il repose tout entier sur une ambiguïté qui n’en est pas une. On sait par avance l’avenir de la relation de Nora et de Hae Sung. Toute autre conclusion que celle à laquelle parvient inéluctablement le film n’aurait eu aucun sens. Dès lors, privé d’enjeu, Past Lives se réduit à un double ressassement : pourquoi sommes-nous devenus ce que nous sommes ? à quel moment aurions-nous pu évoluer différemment ?
Reste pour autant une dimension du film très stimulante : son héroïne est une Coréenne qui, comme la réalisatrice Celine Song, a quitté enfant son pays avant d’embrasser une autre culture. La relation de Nora avec Hae Sung n’est pas seulement celle d’une femme devenue adulte avec son amour d’enfance ; c’est aussi celle d’une personne qui a changé de pays, de continent, de culture et qui continue d’entretenir avec son pays d’origine et sa langue maternelle, une relation contrariée.
Merci
Voici un très joli premier film : délicat, sensible, élégant, touchant, empreint de retenue, de sublimation et de philosophie asiatique. Une histoire simple qui questionne nos choix de vie ainsi que les liens qui font battre nos cœurs. C’est dans ce qui n’est pas dit que la réalisatrice – qui sait appréhender l’intangible sans jamais rien forcer – parvient à ouvrir des espaces qui nous font vibrer. Et puis, cela fait du bien de voir des personnages qui savent cultiver le respect d’autrui.