Madame de Sévigné fut une observatrice acérée de la vie à la Cour de Louis XIV. Sa correspondance, qui n’avait pas vocation à être rendue publique, en porte le témoignage et acquit très vite une célébrité méritée.
L’attachement qu’elle porta à sa fille fut longtemps mis à son crédit. Il rompait avec la froideur sinon le détachement avec lequel les enfants, notamment dans la haute noblesse, étaient élevés à l’époque, soit que leur mortalité très forte interdît qu’on s’y attachât, soit qu’une abondante domesticité en assumât l’essentiel de l’éducation. Un féminisme avant-gardiste sinon anachronique soulignait combien Marie de Sévigné était attachée à l’indépendance et à l’épanouissement de sa fille.
Mais une relecture plus récente a dévoilé une mère plus possessive qu’aimante qui ne supporte pas l’éloignement de sa fille et sa dépendance à son mari, le comte de Grignan, qu’elle accuse de tous les maux.
C’est à cette peinture d’une mère toxique que s’attache le film d’Isabelle Brocard, qui en a co-écrit le scénario. Karin Viard, qui nous épargne les tics et les tocs dans lesquels elle s’est parfois laissé enfermer, y interprète une femme d’une intelligence, d’une sensibilité, mais aussi d’une détermination hors du commun. Rien ne lui résiste, sinon peut-être cette fille à laquelle une mère trop aimante voue un trop-plein d’amour. Le personnage de Françoise, comtesse de Grignan, interprétée par Ana Girardot, m’a semblé plus complexe que celui, monomaniaque, de sa mère : si Françoise manque de tomber dans la folie, est-ce de la faute de sa mère ? ou bien présentait-elle elle-même un terrain propice ?
J’ai aimé l’élégance de ce film, sa langue, ses costumes, ses décors. J’ai aimé Noémie Lvovsky qui se fait décidément une spécialité à apparaître pendant quelques scènes dans des seconds rôles toujours marquants (Jeanne du Barry, La Grande Magie, Youssef Salem a du succès…). Mais j’ai trouvé que, une fois posés le couple mère-fille et la tension qui l’anime, aussi intéressant soit-il, le film n’avait plus grand-chose à dire et faisait du surplace.