Dune, deuxième partie ★★★☆

Seuls survivants du clan des Atréides, après le raid victorieux des Harkonnen sur Arrakeen, la capitale de la planète Arrakis, Paul (Timothée Chalamet) et Jessica sa mère (Rebecca Ferguson) se sont réfugiés chez les Fremen, un peuple qui habite la partie méridionale, désertique et inhospitalière, de la planète. Ils y préparent leur revanche.

Il aura fallu attendre plus de deux ans la sortie de cette deuxième partie, au risque d’oublier les détails méandreux de la première. Mais le jeu en valait la chandelle. Si son scénario est peut-être moins subtil que celui du précédent opus, Dune, deuxième partie – que des esprits malicieux mais logiques proposent de rebaptiser « de deux » – est un spectacle époustouflant. Il serait criminel de le voir autrement qu’au cinéma et en Dolby Stereo. Les décors majestueux, les costumes stylés, la musique symphonique de Hans Zimmer (qui relève la gageure de signer la BOF de centaines de films sans être ni tout à fait le même ni tout à fait un autre), la durée écrasante de près de trois heures… tout concourt à faire de ce space opera épique un moment de cinéma inoubliable.

Ce qui frappe surtout, pendant le film, et quelques heures après, si on se donne le temps d’y réfléchir, est la richesse des thèmes brassés par le livre de Frank Herbert, dont la moindre des qualités de Denis Villeneuve est de lui être très fidèle. Des étudiants en cinéma après des générations d’étudiants en littérature en feront, espérons-le, leur miel et consacreront leurs mémoires à :

  • « Une lecture géopolitique de Dune : empire, colonisation et lutte de libération nationale » : la lutte des Fremen contre les Harkkonen qui ont fait main basse sur leur planète et, derrière eux, contre l’Empereur qui a armé leurs bras, peut se lire comme une métaphore des guerres de libération menées au Vietnam ou en Afghanistan.
  • « L’orientalisme de Dune » : la religion pratiquée par les Fremen n’est pas sans présenter bien des points commun avec l’Islam, tout comme leur mode de vie dans le désert pourrait rappeler celui des tribus nomades de la péninsule arabique aux temps du Prophète. Les Fremen vivent dans l’espérance du retour du Mahdi, cette figure à la fois religieuse et politique de l’Islam qui inspira des soulèvements nationalistes, par exemple au Soudan à la fin du XIXème siècle. Les Fedaykin, ces guerriers Fremen, évoquent irrésistiblement les feddayin palestiniens, qui se battent contre Israël pour la souveraineté de leur pays. La mise en avant de cette identité là, voire sa glorification, sont étonnantes dans l’Amérique post-11 septembre et surprennent de la part d’une Amérique trumpiste ouvertement pro-israélienne.
  • « Paul Atréides, Messie ou Prophète ? » : Ce sujet-là, non sans lien avec le précédent, interroge la dimension religieuse du héros de Dune. A la fois Mahomet et Moïse, il guide son peuple hors du désert vers la terre promise, ce « paradis vert » auquel rêve Stilgar (Javier Bardem), le chef Fremen. Possède-t-il une dimension christique ? se sacrifiera-t-il pour son peuple ? La troisième partie du film et la fin du roman le révèleront. Un parallèle peut aussi être esquissé avec Anakin Skylwalker, le héros de la sage Star Wars, dont on connaît [attention spoiler] la généalogie troublée.
  • « Les femmes dans Dune » : il y aurait une étude à consacrer au Bene Gesserit, cet ordre féminin, semblable à un ordre maçonnique, qui, à côté du pouvoir séculier monopolisé par les hommes [Dune est un patriarcat viriliste de la pire des espèces dont on peut malicieusement se demander s’il subira les flèches des wokistes], exerce une influence souterraine sur l’ordre des choses. Il est dirigé par Gaius Helen Mohiam interprétée avec la glaçante majesté qu’on lui connaît par Charlotte Rampling. Dame Jessica, la mère de Paul Atréides, en fait partie, ainsi que deux personnages qui font leur apparition dans cet opus : la princesse Irulan (Florence Pugh) à laquelle son père l’Empereur a promis de lui succéder, et Margot Fenning (Léa Seydoux).

On ne saurait achever cette critique fort sentencieuse sans dire un mot d’un sujet qui, si, par construction il ne figure pas dans le livre, pourrait lui aussi donner la matière d’une étude à part entière : Timothée Chalamet. Le choix de cette star pour interpréter le rôle titre dit beaucoup de notre époque. Dans le film honni de David Lynch, le rôle était tenu par Kyle McLachlan. Pour interpréter ce nouveau Messie, ce chef de guerre, on imagine plus volontiers une montagne de muscles qu’un adolescent fluet. Timothée Chalamet, sa silhouette gracile, ses cheveux frisés, son charme androgyne, étonne et détonne. Il n’est guère crédible dans le combat qui l’oppose au baron Fey-Rautha Harkonnen. Quant au couple qu’il est censé former avec Chani (Zendaya), c’est sans doute le chaînon le plus faible du film.

La bande-annonce

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