Dans l’Espagne du début des années 70, Maria aide les femmes de son village de Galice. Elle les aide à accoucher, elle les aide aussi à avorter alors que le régime franquiste l’interdit. Lorsqu’un drame l’oblige à fuir son village et à se réfugier au Portugal voisin, Maria trouve son salut dans la solidarité que lui manifestent d’autres femmes.
Le cinéma est décidément friand des sujets de société. Je l’écrivais déjà il y a quelques jours au sujet de Pas de vagues, qui traitait des violences à l’école, et de Paternel, sur le célibat des prêtres. L’avortement est un autre de ces sujets qui a inspiré beaucoup de cinéastes alors même que le sujet fait, en France, avec la constitutionnalisation du droit à l’IVG, les gros titres de l’actualité politique. Après L’Evénement, adapté du livre d’Annie Ernaux, après Annie Colère, qui se déroulait à la même époque que O Corno et racontait l’action des militantes du MLAC, quatre autres films étrangers sont sortis ces dernières semaines sur ce sujet : Levante, dont l’action se déroule au Brésil, Les Lueurs d’Aden au Yemen, Inchallah un fils en Jordanie et enfin En bonne compagnie, au Pays basque en 1977.
« O Corno » désigne l’ergot de seigle, un parasite toxique connu depuis le Moyen âge pour hâter les contractions utérines et faciliter à la fois les accouchements et les avortements. Cette explication donnée, on comprend mieux le titre du film et son affiche bucolique.
O Corno repose sur un postulat audacieux : l’idée que mettre un monde un enfant et interrompre une grossesse participerait du même geste, celui d’une aide inconditionnelle aux femmes dans leur choix souverain de devenir mère ou pas. Le film nous prend à contrepied dès son début, qui commence par une longue scène, non pas d’avortement, mais d’accouchement, filmée avec un réalisme dérangeant. Cette scène-là aura son contrepoint dans la dernière, qui nous réserve une belle surprise.
Coquille d’or au Festival de Saint-Sébastien, prix de la révélation féminine aux derniers Goya pour Janet Novas, l’actrice principale, O Corno souffre à mes yeux de deux défauts. Le premier est très subjectif : il exalte une fois de plus la solidarité féminine – qu’on pare depuis quelques années du beau mot de sororité – un ressort qui semble désormais un passage obligé, une nouvelle forme de politiquement correct #MeToo, voire une recette assurée pour décrocher des prix et susciter l’enthousiasme.
Le second est plus cinématographique : l’histoire, filmée en plans serrés, est tout entière focalisée sur son héroïne, sans laisser exister l’arrière-plan, le contexte historique, pourtant déterminant. Les seconds rôles y sont réduits à des silhouettes, des caricatures sans épaisseur, des faire-valoir. Le film est divisé en deux parties, peu cohérentes l’une avec l’autre, la première au village et la seconde qui suit Maria pendant sa fuite, peu crédible, au Portugal.