Sylvia (Jessica Chastain), la quarantaine, mène une vie réglée comme du papier à musique. Elle élève seule sa fille, travaille dans un centre d’accueil pour adultes handicapés, continue à fréquenter les AA et ferme à triple tour la porte blindée de son appartement pour se protéger d’on ne sait quelle menace. À l’occasion d’une réunion d’anciens élèves de son lycée, elle retrouve Saul (Peter Sarsgaard) qui est atteint d’une forme précoce de démence sénile et pense voir ressurgir les démons enfouis de son passé.
Il aimerait se souvenir ; elle aimerait ne plus se souvenir. Où diable ai-je vu ce pitch, aussi élégant (est-ce un chiasme ?) qu’un plan Sciences Po en deux parties ? Il résume à la perfection ce film, au titre si juste, dont vous aurez remarqué la graphie sur l’affiche, qui semble se dissoudre dans l’oubli.
Depuis sa sortie, je n’en entends que du bien. On en vante le sujet ; on en vante l’écriture ; on en vante l’interprétation (Peter Sarsgaard a obtenu le prix du meilleur acteur à la Mostra, ce qui semble bien inéquitable pour Jessica Chastain, loin des rôles de vamp rousse dans lesquels elle est trop souvent cantonnée).
Force m’est de reconnaître toutes ces qualités-là. Pour autant, j’ai été un chouïa moins transporté que je l’escomptais. C’est le défaut structurel des films dont on attend un peu trop – et réciproquement, car la nature est bien faite, l’atout de ceux dont on n’attend rien. J’ai trouvé Memory très linéaire. Le réalisateur Michel Franco (Sundown, Les Filles d’avril) nous avait habitués à des coups de poings plus déstabilisants. Ainsi ne me suis-je toujours pas remis de l’épilogue de Después de Lucia. On me rétorquera que Memory compte bien un rebondissement au milieu du film concernant le passé commun de Sylvia et de Saul. Mais étonnamment, ce twist est étouffé, comme un tennisman à Roland-Garros qui retiendrait ses coups.
Si les deux héros de Memory sont aussi bouleversants l’un que l’autre, j’ai trouvé somme toute banale et prévisible l’histoire qui les relie.