Nour (Ayoub Gretaa) a quitté le Maroc pour la France au début des années 90. Sans papiers, il vit avec une bande d’amis de petits trafics sous la menace permanente d’une reconduite. Il fait la connaissance de Serge (Grégoire Colin), un commissaire de police, qui, au mépris de toutes les règles, le prend sous sa protection. Nour devient l’intime du commissaire et de sa femme, Noémie (Anna Mouglalis).
Le premier film de Saïd Hamich, Retour à Bollène, ne m’avait qu’à moitié convaincu. Le second, sept ans, plus tard, m’a enthousiasmé. Le réalisateur franco-marocain y explore les mêmes sujets : l’exil loin de la terre natale, la difficile intégration en France, la construction douloureuse d’une identité à cheval entre deux cultures, sous la double accusation d’avoir abandonné la première et de n’être pas légitime à se revendiquer de la seconde…
La Mer au loin est un film qui se déroule au début des années 90. L’époque peut sembler proche à ceux, de mon âge, qui l’ont vécue. Le réalisateur prend le parti de la dater, non seulement avec ses décors, avec quelques références iconiques (la tête de Basile Boli à Bari pour l’OM en 1993, les années Sida….) mais avec un étonnant travail sur l’image qui rappelle la photo surannée des films de Kaurismäki. On a l’impression d’être plongé dans un vieux film de Mehdi Charef (Le Thé au harem d’Archimède), de Karim Dridi (Pigalle) ou d’Abdellatif Kechiche (La Faute à Voltaire).
La Mer au loin relève le défi du mélo au long cours – Saïd Hamich dit avoir été inspiré par L’Education sentimentale de Flaubert. Son histoire se déroule sur une dizaine d’années. Il m’a rappelé le dernier film de Gaël Morel, Vivre, mourir, renaître, qui se déroule à la même époque et met lui aussi en scène un triangle amoureux raconté dans la durée. La Mer au loin se paie même le luxe d’un retour au pays natal qui est l’occasion d’une révélation aussi étonnante que pudique.
La réussite du film doit beaucoup au talent des trois interprètes de Nour, Serge et Noémie. ses trois acteurs. Ayoub Gretaa est la grande révélation du film. Grégoire Colin joue un rôle étonnant de flic bisexuel, brûlant la vie par les deux bouts. Mais c’est surtout Anna Mouglalis qui crève l’écran dès qu’elle y apparaît. Sa voix, sa sensualité enflamment la pellicule.
La Mer au loin ne révolutionnera pas le cinéma, mais livre un tableau particulièrement réussi de la situation immigrée en France dans les années 90 en évitant le double piège du misérabilisme et du sentimentalisme.