Karsh (Vincent Cassel) est un riche quinquagénaire rendu fou de chagrin par la mort de sa femme. Avec sa fortune, il a commercialisé un procédé technologique futuriste permettant de suivre, grâce aux capteurs qui tapissent le linceul dans lequel le cadavre est enterré, la lente putréfaction du corps de l’être cher. Or, le cimetière où repose Rebecca son épouse (Diane Kruger) est profané. Qui est à l’origine de cet acte de vandalisme ? Une ONG écologiste basée en Islande ? L’investisseur hongrois qui souhaite prendre des parts dans la société de Karsh ? Les services de renseignement chinois ou russe ? Le propre frère de Karsh (Guy Pearce), brisé par son divorce ? L’ex-oncologue de Rebecca mystérieusement disparu à l’occasion d’un congrès international ?
David Cronenberg, à quatre-vingts ans passés, fait partie de ces géants du cinéma, dont l’œuvre impressionnante (La Mouche, Le Festin nu, Crash, A History of Violence…) suscite une admiration révérencieuse. Chacun de ses nouveaux films – dont on peut craindre légitimement qu’il soit le dernier – est ipso facto sélectionné à Cannes (ce fut le cas de Maps to the Stars en 2014 et des Crimes du futur en 2022) quelles que soient ses qualités intrinsèques. Et d’ailleurs, si je suis allé voir dès sa sortie son dernier film, c’est précisément en raison de l’admiration respectueuse que je porte à l’un des plus grands réalisateurs canadiens contemporains (ex aequo avec Denis Villeneuve, Xavier Dolan et James Cameron).
Pour autant, quitte à passer pour un ilote, force m’est de confesser que je n’aime pas Cronenberg. Je n’ai jamais compris ses névroses, ses pulsions refoulées, son obsession pour le corps humain et sa mutilation. Crash par exemple sur l’érotisation de l’accident de la route et la fusion de l’humain et du mécanique (une thématique faussement transgressive plagiée par Julia Ducournau dans Titane dont je soutiens qu’il ne méritait pas la Palme d’or) m’a profondément mis mal à l’aise.
Aussi très logiquement n’ai-je pas aimé ces Linceuls. J’ai trouvé son idée de départ peu réaliste. Qui aurait sérieusement l’idée de filmer le lent pourrissement du cadavre de sa femme ? D’autant que Vincent Cassel, un acteur toujours aussi sautillant et débordant d’énergie, n’est guère crédible dans le rôle d’un veuf inconsolable. Le jeu des acteurs, à commencer justement par celui de Vincent Cassel, qu’on sent à chaque réplique obsédé par sa prononciation anglaise, m’a semblé particulièrement mauvais. J’ai également trouvé le film terriblement bavard, enchaînant les longs face-à-face paresseusement filmés en plans/contre-plans mettant en présence le héros avec tous ceux qu’il soupçonne successivement de l’abuser. Le scénario enfin m’a semblé excessivement filandreux, qui multiplie, comme un mauvais James Bond, les fausses pistes.
C’est à ma déférence envers le vieux maître que le film doit sa seule étoile. Si j’avais été moins respectueux, je ne lui en aurais mis aucune.