Différente ★★★☆

Katia (Jehnny Beth) a toujours été « différente ». Mais à trente ans passés, elle n’avait toujours pas mis un mot sur cette différence avant de découvrir, à sa grande surprise, au hasard de l’enquête que le journal où elle travaille comme documentaliste lui a confiée, qu’elle coche toutes les cases de l’autisme.

Près d’un million de Français souffriraient de troubles du spectre de l’autisme (TSA), l’appellation désormais reconnue pour englober tous les troubles comportementaux, plus ou moins graves, chez l’enfant comme chez l’adulte, qui altèrent la communication et les interactions sociales. Le diagnostic en est souvent malaisé, oscillant entre le trop et le pas assez.

Lola Doillon courait le risque de réaliser un film-dossier de l’écran, un film tout entier consacré à un sujet, ici l’autisme et son diagnostic tardif. Elle ne l’évite pas tout à fait en passant par tous les passages obligés et attendus : autisme et travail, autisme et famille, autisme et relations sociales…

Lola Doillon contourne toutefois en partie cet écueil en prenant son sujet à l’envers. Différente évoque autant l’autisme que la façon de vivre une histoire d’amour compliquée, comme le montre d’ailleurs l’affiche du film. La relation entre Katia et Fred est en effet au centre du film. C’est son évolution et ses rebondissements qui font avancer l’histoire et maintiennent l’attention. Katia et Fred s’aiment passionnément ; mais la condition de Katia rend leur relation impossible. S’installe un (petit) suspense : l’amour de Fred pour Katia sera-t-il suffisamment fort pour venir à bout de ce qui y fait obstacle ?

Le film est servi par son casting. Lola Doillon n’a pas choisi des stars. Jehnny Beth, dans le rôle principal, peut donner l’impression, dans les premières scènes, de surjouer les affections de son personnage, sursautant craintivement à chaque interaction, à chaque bruit inattendu. Mais la sincérité de son jeu réussit à nous convaincre. Thibaut Evrard avait la tâche plus facile, dans le rôle du bon bougre aimant mais dépassé.

J’ai lu des critiques acides, reprochant à Différente son classicisme et son didactisme. Je les ai trouvées bien sévères. Loin des caricatures à la Rain Man, Différente donne des TSA une image autrement authentique. Et il le fait dans un film qui, sans être larmoyant, m’a profondément touché. Que demander de plus ?

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13 jours, 13 nuits ★☆☆☆

En août 2021, les Américains abandonnent l’Afghanistan aux Talibans. La France lance l’opération Apagan pour fermer son ambassade, rapatrier son personnel diplomatique et consulaire et avec lui plusieurs milliers d’Afghans persécutés par le régime.

Commandant de police, attaché de sécurité de police adjoint à l’ambassade de France en Afghanistan, à quelques semaines de la retraite, Mohamed Bida a raconté les treize jours qui ont séparé l’annonce du départ des forces américaines d’Afghanisatn et son décollage de l’aéroport de Kaboul dans un livre autobiographique. Avec un groupe de policiers du RAID et en lien avec l’ambasadeur de France, mon ami David Martinon, replié à l’aéroport international, il a accueilli à l’ambassade plusieurs centaines de réfugiés afghans titulaires d’un visa pour la France. Fils de harki, il tenait à les protéger et à les évacuer. Les hélicoptères ayant subi des tirs d’artillerie, la voie aérienne leur était fermée pour quitter l’ambassade. Mohamed Bida et ses hommes ont dû affréter des bus et négocier avec les talibans qui contrôlaient les rues un accord pour autoriser leur transit jusqu’à l’aéroport. Arrivés sur place, il a pendant dix jours encore, sur instructions de Paris identifié, accueilli et exfiltré plusieurs centaines d’Afghans qui cherchaient à fuir le régime.

C’est cette histoire vécue que Martin Bourboulon, le réalisateur à succès de comédies grand public (Papa ou Maman) et de films historiques (Eiffel, Les Trois Mousquetaires), a reconstitué au Maroc, faute de pouvoir tourner en Afghanistan. Pour interpréter le rôle du commandant Bida, il a fait le bon choix avec Roschdy Zem qui lui insuffle ce mélange parfait d’hyper-virilité et d’humanité. Pour le rôle de l’interprète masculin qui a accompagné Bida dans ses négociations, il a fait le choix plus discutable d’une actrice. Et pour faire bonne mesure, il a inventé de toutes pièces une journaliste courageuse, jouée par Sidse Babett Knudsen (Borgen, L’Hermine, La Fille de Brest).

Le résultat a des airs de blockbuster américain. Il en a surtout les défauts : des scènes d’action paroxystiques dont on sait par avance l’issue heureuse, rien sur la guerre en Afghanistan, les ressorts du retrait américain, l’offensive éclair des talibans ou le régime théocratique qu’ils mettent en place, rien non plus sur les personnages réduits à des caricatures.

PS : Cette affiche vous en rappelle-t-elle une autre ?

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Au rythme de Vera ★★★☆

Vera Brandes a dix-huit ans à peine et un toupet fou. Rien ne lui résiste, sauf peut-être son père, un dentiste installé qui se désespère qu’elle soit moins assidue à ses cours au lycée qu’aux concerts de jazz qu’elle fréquente assidûment. Vera s’est improvisée impresario. Et, par un hasard de circonstances, c’est à elle qu’échoit la responsabilité d’accueillir le pianiste Keith Jarrett à Cologne en janvier 1975 pour l’organisation d’un concert voué à entrer dans la légende.

Au rythme de Vera est la traduction française insipide de Köln 75. Le titre allemand fait écho à plusieurs séries allemandes : Berlin 56 et sa suite Berlin 59, Deutschland 83 et ses suites Deutschland 86 et Deutschland 89. Comme elles, c’est un film historique qui ressuscite une époque : celle de Fassbinder et des années 70 où la sage RFA étouffait à force d’expier les crimes de ses pères. Il focalise le film sur l’événement qui en constitue le moyeu : le concert mythique donné par Keith Jarrett, improvisateur de génie, à l’opéra de Cologne en 1975.

C’est d’ailleurs cet argument-là qui m’a conduit à voir ce film. Comme tous les amateurs de jazz qui connaissent mal le jazz, je place Keith Jarrett et son Köln Concert au sommet de mon panthéon.

Or, c’est Vera qui est au centre du film. La vraie Vera Brandes aujourd’hui sexagénaire a d’ailleurs participé à l’écriture du scénario. C’est une fille portée par une énergie folle, qui rappelle l’héroïne de Cours, Lola, cours (encore une traduction d’une rare élégance !), toujours en mouvement. Dans la même tenue, tellement seventies, que celle qu’on voit sur l’affiche, elle passera la soirée du 24 janvier 1975 à courir pour parer au plus pressé : trouver un piano, convaincre le pianiste, épuisé par plusieurs jours de tournée et paralysé par une lombalgie, de monter sur scène….

On le sait par avance : Keith Jarrett montera sur scène, dût-il jouer sur un piano d’étude fatigué dont il n’aimait pas les aigus, ce qui le conduisit à se cantonner dans un registre plus grave qu’à son habitude. Le concert tant attendu par les protagonistes comme par les spectateurs marquera la fin du film. La façon dont le réalisateur Ido Fulk le filme est maligne.

Noyé dans une programmation qui le condamne à l’invisibilité, Au rythme de Vera risque de passer inaperçu. Ne le ratez pas !

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Another End ★★★☆

Sal (Gael Garcia Bernal) ne parvient pas à se remettre du chagrin causé par la mort de sa compagne, Zoé, dans un accident de voiture. Sa sœur, Ebe (Bérénice Bejo), le convainc de recourir aux services de la société Aeterna où elle travaille. Pour rendre le deuil moins douloureux, cette société propose à ses clients de réimplanter temporairement la personnalité et les souvenirs de l’Absent dans le corps d’un Hôte.

Another End baigne dans un climat étrange. C’est un film cosmopolite : son réalisateur est italien, ses acteurs sont mexicain, norvégien, français et britannique et on reconnaît les décors nocturnes et futuristes du quartier de La Défense près de Paris.

Mais son climat étrange, Another End le doit d’abord à son scénario original qu’on croirait sorti d’un épisode de Black Mirror (notamment Be Right Back, le premier épisode de la deuxième saison). L’écueil qui guette ce genre de films est de ne savoir que faire d’un postulat génial de départ : une histoire d’amour avec une voix artificielle dans Her, la duplication des « consommables » dans Mickey 17

Another End évite cet écueil. Il y réussit doublement. D’une part en proposant une réflexion profondément philosophique sur le deuil et l’attachement (qui était déjà au cœur du précédent film de Piero Messina L’Attente). D’autre part, en racontant une histoire avec un début, un milieu et une fin. Grâce à Ebe, Sal ressuscite Zoe. Mais Zoe lui revient dans une enveloppe corporelle qui n’est pas la sienne. Sal en est déconcerté. Le temps qu’il s’habitue à la nouvelle Zoé, il lui faut respecter le protocole imposé par Aeterna et se préparer à s’en séparer à nouveau.

Je n’en dirais pas plus pour ne pas divulgâcher la fin du film. Je lis ici et là qu’elle est alambiquée et décevante. Je l’ai au contraire trouvée bluffante, la pressentant peu à peu sans l’imaginer possible.

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Loveable ★★☆☆

Maria et Sigmund se sont passionnément aimés. Mais sept ans et deux enfants plus tard, le couple est usé. Maria peine à assumer seule les charges du foyer ; Sigmund tolère de moins en moins les brusques accès de colère de Maria. C’est lui qui prend l’initiative de rompre. Maria ne le supporte pas.

Loveable est un film sur le désamour (un terme qui fut à la mode il y a une dizaine d’années avant de l’être moins). Ses dix premières minutes décrivent le coup de foudre entre Maria et Sigmund. Elles sont euphorisantes. Mais le reste du film qui s’inscrit dans un tout autre registre est plus plombant.

Loveable raconte l’histoire du point de vue de Maria qui étouffe de colère et éclate de chagrin. Le film touche un nerf sensible en montrant ce que nous avons tous plus ou moins vécu un jour ou l’autre, homme ou femme, et qui nous a laissé.e brisé.e : une rupture amoureuse, le vide qu’elle crée, l’immense amertume qu’elle occasionne. Cette amertume peut prendre deux formes : la haine (il/elle m’a quitté.e parce qu’il/elle ne me méritait pas) ou l’auto-dénigrement (il/elle m’a quitté.e parce que je ne le.la méritais pas). C’est cette seconde branche qui est ici, fort intelligemment creusée : l’histoire de Loveable est celle de Maria qui se demande si elle est ou non « aimable ».

Ainsi posé, ce film norvégien signé par une réalisatrice d’origine islandaise est évidemment stimulant. Mais hélas, son traitement est tellement mal aimable que l’expérience s’avère traumatisante. Loveable est un feel-bad movie. J’ai trop souvent dit la suspicion que m’inspirent les feel-good movies, j’ai trop souvent écrit que le rôle du cinéma ne se limitait certainement pas à nous faire sentir bien pour m’en plaindre. Mais il y a des limites au masochisme…

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Amélie et la métaphysique des tubes ★★★☆

Ce film d’animation est l’adaptation du roman bien connu d’Amélie Nothomb, la célèbre écrivaine belge, qui y raconte sa petite enfance au Japon.

Le roman sorti en 2000 passait pour inadaptable. Car, comme son titre intimidant et passablement incompréhensible l’annonçait, il racontait une histoire difficile à mettre en image : l’égocentrisme radical et le sentiment d’omnipotence du nourrisson.

Le film co-réalisé par Maïlys Vallade et Lione-cho Han, produit par mon ami Henri Magalon, y parvient pourtant admirablement dans ses premières minutes. Les suivantes nous plongent dans un cadre édénique, une sorte de paradis perdu qui servira d’écrin aux premières années de la vie de la jeune Fabienne – qui prendra Amélie comme (pré) nom de plume : le Japon du Kansaï où son père était à l’époque consul général de Belgique.

Tout se passe autour de la maison des Nothomb : le père, diplomate donc, la mère, pianiste, le frère aîné, André, qui martyrise sa benjamine, et la sœur aînée, Juliette. La maison compte un membre de plus : la nounou, Nishio san, avec laquelle l’enfant développera une relation symbiotique qu’elle évoquera dans plusieurs de ses livres. Pour corser cet environnement un peu fade, les scénaristes ont inventé un autre personnage secondaire, dont je ne suis plus sûr qu’il figurât dans le roman : celui de la propriétaire, veuve de guerre inconsolée et xénophobe sur le chemin de la rédemption.

Projeté en sélection officielle (hors compétition) au festival de Cannes, grand prix du jury au festival d’Annecy, Amélie et la métaphysique des tubes possède deux atouts qui enthousiasmeront petits et grands : une animation féérique, haute en couleurs, et une musique spécialement composée pour l’occasion par Mari Fukuhara, qui fusionne les sonorités asiatiques et occidentales.

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Peacock ★★☆☆

Matthias travaille pour MyCompanion, une société de service qui loue le compagnon idéal. Il accompagne une vieille dame qui veut parader à l’opéra, se fait passer pour un pilote d’avion auprès des camarades d’école d’un orphelin, sert de répétiteur à une femme qui hésite à se séparer de son mari… Mais à force de se glisser avec talent dans la peau des autres, Matthias est en train de perdre pied. Sa femme lui reproche d’être devenu une enveloppe vide.

Peacock nous vient d’Autriche. Il m’a rappelé les films glaçants d’Ulrich Seidl (Sparta, Rimini) ou de Jessica Hausner. Les critiques évoquent à son sujet Her de Spike Jonze dont le héros , interprété par Joaquin Phoenix, retrouvait goût à la vie au contact d’une intelligence artificielle sensuelle. Nous sommes dans la même dystopie, pas si futuriste, puisque des agences de location du même genre existeraient déjà au Japon.

Peacock nous donne à voir plusieurs situations dans lesquelles le recours à un compagnon de location s’avère utile ou au contraire désastreux. À accumuler les saynètes, il aurait couru le risque du film à sketches. Aussi suit-il un autre fil rouge : celui de la personnalité de Matthias qui, justement, n’en a plus à force d’emprunter celles des autres.

Cette perspective-là s’avère en fait décevante. Car elle se réduit à une alternative binaire : Matthias réussira-t-il à retrouver en lui l’élan vital qui semble l’avoir abandonné et, en rejetant un métier qui l’asservit, à recouvrer son identité ? La réponse, qui ne fait guère de doute, survient à l’issue d’une scène qui rappelle The Square de Ruben Östlund et qui est presque aussi malaisante.

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Le Répondeur ★★☆☆

Un célèbre romancier (Denis Podalydès), Pierre Chozène, ancien Prix Goncourt, fait appel à Baptiste Mendy, un jeune imitateur de talent (Salif Cissé), pour répondre à sa place aux sollicitations qu’il reçoit par téléphone. Le subterfuge, censé lui donner la quiétude indispensable à la rédaction de son prochain roman, dérape vite devant les interlocuteurs que Baptiste se voit obligé de gérer : le père atrabilaire de Chozène, sa fille qu’un journaliste courtise, son ex-femme qui lui réclame une augmentation de sa pension alimentaire, une ancienne maîtresse avec laquelle Chozène aimerait renouer…

Je ne serais pas allé voir ce Répondeur si quelques amis cinéphiles ne me l’avaient chaudement recommandé et si le bouche-à-oreille n’en avait fait, depuis sa sortie début juin, l’un des succès inattendus de ce mois décidément plus riche qu’escompté. Je craignais de voir une énième comédie franchouillarde dont le pitch me semblait peu crédible. Sur ce point-là, je ne suis toujours pas convaincu : quand on est déconcentré par les appels téléphoniques incessants qu’on reçoit, fermer son téléphone me semble une stratégie plus astucieuse qu’embaucher un imitateur !

Mais je dois reconnaître à cette comédie plus de finesse que je ne l’imaginais. Elle le doit évidemment à ses deux acteurs vedettes. On ne présente plus Denis Podalydès qui se coule à merveille dans le rôle de ce célèbre écrivain qui retrouvera, grâce à la liberté que Baptiste lui permet, l’élan vital qui le quittait. Salif Cissé est moins connu. On l’a découvert chez Guillaume Brac (À l’abordage). On l’a revu dans plusieurs seconds rôles (Spectateurs !, Juliette au printemps, La Vie de ma mère). Il est pour la première fois en tête d’affiche et s’en sort très bien avec sa ronde gentillesse, son charme fou et, bien sûr, ses talents d’imitateur – même si la consultation du dossier de presse nous apprend qu’il est doublé la plupart du temps.

Le scénario, inspiré d’un livre récent dont je me demande s’il lui est fidèle, dénoue l’une après l’autre les intrigues secondaires qu’il a tissées : avec le père de Chozène, avec son ex (Laure Atika), avec sa fille (l’étonnante Clara Bretheau). Le Répondeur ne révolutionnera pas le cinéma ; on ne le lui demandait d’ailleurs pas. Mais il fait passer le bon moment qu’on escomptait – ou, en ce qui me concerne, que je n’escomptais pas…. et c’est tout ce qu’on lui demandait !

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Enzo ★★☆☆

Enzo a seize ans. Il est issu d’un milieu favorisé qui le pousse à faire des études. Mais Enzo a choisi contre toute raison de suivre un CAP maçonnerie et de travailler de ses mains. En stage sur un chantier, il se rapproche de Vlad, un  jeune maçon ukrainien, pour lequel il ressent une attirance trouble.

Laurent Cantet est mort en avril 2024 des suites d’un cancer sans avoir fini la réalisation de son dernier film. C’est Robin Campillo, son ami de toujours rencontré à l’IDHEC au début des années 80 et qui avait cosigné plusieurs scénarios de ses films, qui a mené la tâche à bien. Le geste, profondément émouvant, justifie déjà à lui seul le détour au risque d’hypothéquer l’objectivité de la critique qu’on peut faire de ce film.

Enzo a été tourné à La Ciotat, une ville qui, depuis les frères Lumière a été rarement filmée. Je ne connais guère que L’Atelier, un précédent film de Laurent Cantet justement, qui l’ait choisie pour cadre. Pourtant la lumière méditerranéenne y est belle, les vues sur mer paradisiaques et les hautes falaises de la calanque de Figuerolles particulièrement impressionnantes.

Enzo s’inscrit parfaitement à l’intersection des cinémas de Cantet et Campillo. Cantet est un réalisateur de la juste place (comme Annie Ernaux en littérature) : quelle est ma place se demandent les jeunes héros de Ressources humaines, d’Entre les murs ou de Arthur Rambo. Campillo, lui, est un réalisateur de l’homosexualité (Eastern Boys, 120 bpm). Leur Enzo est un adolescent, à peine sorti de l’enfance, qui cherche sa place et découvre son homosexualité.

Le sujet est intéressant et il serait bien injuste de lui reprocher d’être mal traité. En particulier les deux parents d’Enzo évitent la caricature dans laquelle ils auraient pu sombrer (Elodie Bouchez et Pierfrancesco Favino, l’un et l’autre impeccables). Il encourt toutefois selon moi deux critiques.

La première est son hypothèse de base. J’ai trouvé le personnage peu crédible. J’ai du mal à croire – la faute à mes préjugés de classe ? – qu’un garçon de seize ans puisse se prendre de passion pour la maçonnerie et tourner le dos à l’avenir privilégié que ses parents ont dessiné pour lui.

La seconde, la plus rédhibitoire, est le tempo languissant du film où il ne se passe hélas pas grand-chose au point qu’on s’y ennuie ferme.

PS : Qui aura reconnu les ruines romaines où a été tournée la dernière scène ? Réponse en mp

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Sauve qui peut ★★☆☆

La documentariste Alexe Poukine filme un ingénieux dispositif mis en place dans certaines facultés de médecine en Suisse, en Belgique et en France pour aider les soignants à faire leur travail. Il s’agit d’un atelier théâtral où ils sont placés dans des situations qu’ils rencontreront inévitablement dans leur vie professionnelle : l’annonce à un patient d’un diagnostic fatal, la conduite d’une anamnèse, l’attitude à tenir face à un homme lourdement dragueur, la gestion délicate de la compagne d’un malade en soins palliatifs qui refuse de le voir mourir…

Alexe Poukine tenait un sujet en or qu’elle n’a peut-être pas aussi bien exploité qu’elle aurait pu le faire. Son documentaire manque des explications nécessaires permettant d’en comprendre les situations. Le jeu de rôles qui y est filmé fait-il partie de la formation (initiale ? continue ?) des médecins et des autres personnels de santé (une séquence met en scène une jeune infirmière mise au défi de stabiliser une patiente psychotique hospitalisée contre son consentement) ? Sont-ils confrontés à des acteurs (amateurs ? professionnels ?)  ou bien à des collègues ?

Ce dispositif aurait pu être hypothéqué par sa triple artificialité. 1. Le soignant, qui sait que le patient auquel il est confronté joue un rôle, trouvera-t-il moins difficile de lui annoncer une tumeur maligne dont il sait qu’il n’est pas affecté ? 2. Lui tiendrait-il dans l’intimité du dialogue singulier médecin-patient le même discours que celui qu’il tiendra se sachant observé par ses pairs et par des évaluateurs ? 3. La présence intrusive d’une caméra ne rajoutera-t-elle pas encore à l’artificialité du dispositif ?

Pour autant, les participants ne semblent pas en être gênés. Leur malaise, leurs hésitations, leur émotion transpirent à l’écran. Et ils sont terriblement communicatifs. Le spectateur, en empathie complète, se demande à son tour quelle aurait été son attitude dans telle ou telle situation. Les maladresses de tel ou tel – ainsi de l’étudiant qui répond « très bien » quand sa (fausse) patiente lui dit que son père est décédé d’un cancer – rendent ces situations plus touchantes encore.

Sauve qui peut – un documentaire au titre intelligemment polysémique – a toutefois le défaut dans son dernier tiers de changer de cap et d’évoquer la crise systémique de l’hôpital et les sous-effectifs chroniques qui rendent les gardes harassantes, acculent les personnels au burn out et interdisent une prise en charge optimale des patients. Pour pertinent que ce procès soit, on l’a déjà trop souvent filmé dans d’autres documentaires chez Antoine Page (Toubib), Sébastien Lifshitz (Madame Hoffmann), Nicolas Peduzzi (État limite) pour qu’il n’ait pas un goût de resucée.

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