La Petite Cuisine de Mehdi ★☆☆☆

Mehdi (Younés Boucif) vit entre deux mondes soigneusement cloisonnés. D’un côté, son travail dans un restaurant « bistronomique » à Lyon, et ses amours avec Léa (Clara Bretheau). De l’autre ses origines algériennes, sa mère et ses trois sœurs. Que dire à Léa qui veut à tout prix rencontrer sa famille ? Que dire à sa mère qui vit très mal que son fils ne l’ait jamais invitée dans son restaurant ?

La réponse à ces deux questions semble aller de soi : dire la vérité. Mais, si le scénario suivait cette voie, il n’y aurait pas de film. Aussi les scénaristes en ont-ils soufflé une autre à Mehdi : il demande à Souhila (Hiam Abbas), la patronne d’un troquet algérien dans son jus où il a ses habitudes, de jouer le rôle de sa mère.

De ce point de départ, dépourvu de la moindre crédibilité, naît une série de quiproquos qui se voudraient drôles mais qui le sont rarement et qui conduisent le malheureux Mehdi à s’enferrer de plus en plus dans ses mensonges. Comme de bien entendu, l’imbroglio se résoudra et, à la fin, comme dans un Astérix, tout le monde se réconciliera autour d’un grand banquet.

Si l’on était pédant, on dirait de La Petite cuisine de Mehdi qu’il dissèque les questionnements identitaires des immigrés de la seconde génération, à cheval entre leurs racines maghrébines et leur intégration en France. Ce serait faire trop d’honneur à cette comédie franchouillarde, qui se démodera bien vide. Seule l’interprétation joyeusement loufoque de Hiam Abbas réussit à la sauver du naufrage.

La bande-annonce

Rétrospective Coppola : Les Gens de la pluie (1969) ★★☆☆/ Outsiders (1983) ★★☆☆

La Filmothèque du Quartier Latin programme une rétrospective Coppola. C’est l’occasion de revoir ses palmes d’or (Le Parrain, Apocalypse now) et de combler les trous de sa filmographie.

C’est l’occasion surtout de réaliser la richesse de la filmographie de ce monstre sacré du Nouvel Hollywood écrasé par le prestige de ses deux chefs d’œuvre et souvent réduit à eux seuls.

Francis Ford Coppola fut aussi le peintre de l’Amérique des 60ies qu’il décrit avec une vingtaine d’années de décalage nimbée dans une aura nostalgique. Peggy Sue s’est mariée est sans doute le film le plus emblématique de cette veine ; mais le binôme Outsiders/Rusty James s’y rattache aussi. Tournés au début des années 80, ces deux films, adaptés de deux romans du même auteur, S.E. Hinton, peignent l’Amérique profonde, sa jeunesse désœuvrée, ses gangs qui s’affrontent dans des joutes puériles qui parfois tournent mal. Ces films-là souffrent de la notoriété de leurs illustres prédécesseurs : La Fureur de vivreWest Side Story

Tourné une décennie plus tôt en 1969 sur la base d’un scénario qu’il avait lui-même écrit, Les Gens de la pluie appartient à un genre différent. Il a un parfum cassavétien. Son histoire se réduit à pas grand chose : une femme enceinte étouffe auprès de son mari et décide brutalement de le quitter. Sur la route, elle prend en stop un ancien joueur de football américain trépané à la suite d’un grave accident.

Quand il tourne Les Gens de la pluie, Coppola n’a pas encore trente ans. Mais il fait déjà preuve d’une étonnante maturité dans la façon de placer sa caméra, dans le montage de son film, dans l’utilisation de la musique. Autre qualité de Coppola : savoir s’entourer d’excellents acteurs et faire éclore leur talent. James Caan et Robert Duvall encore tout jeunes sont à l’affiche des Gens de la pluie. Matt Dillon, Patrick Swayze, Rob Lowe, Emilio Estevez et Tom Cruise dans un rôle minuscule sont, pardonnez-moi du peu, à celle d’Outsiders, à l’aube de brillantes carrières.

La bande-annonce des Gens de la pluie
La bande-annonce de Outsiders

La Femme de ménage ★☆☆☆

Millie (Sydney Sweeney) accepte de devenir la femme de ménage d’Andrew et Nina Winchester, un couple de riches New-Yorkais. Mais très vite la paranoïa de Nina (Amanda Seyfried) dégrade les  conditions de travail de Millie qui se sent irrésistiblement attirée par le charme d’Andrew.

Il faut habiter la planète Mars pour ignorer le succès mondial du livre de Freida McFadden. Aux États-Unis puis dans le monde entier, notamment en France, ce thriller s’est hissé au premier rang des ventes. L’été dernier, semble-t-il, tous les estivants l’ont glissé dans leur sac de plage, à l’exception de quelques snobinards comme moi qui ont jugé, sans l’avoir lu, ce livre trop vulgaire pour s’abaisser à le lire.

Aussi snobinard que je sois, je me suis abaissé à aller voir son adaptation au cinéma. Je suis même allé en avant-première dans une salle dont j’étais peut-être le plus vieux spectateur. Signe réjouissant que la jeunesse ne dédaigne pas la lecture ? ou signe affligeant qu’elle lit des navets ?

Le succès de La Femme de ménage interroge. Le livre, m’a-t-on dit, est horriblement mal écrit, au point qu’on se soit demandé s’il n’était pas l’œuvre d’une intelligence artificielle. Le film n’est guère mieux filmé. Il coche plusieurs des cases censées lui garantir un grand succès. La romance stéréotypée à souhait qui lie Millie à Andrew s’inscrit dans la veine des Harlequin tendance Cinquante nuances de gris. Mais le scénario s’inscrit dans un genre plus ancien ouvert par les cultissimes Rebecca et Hantise d’Hitchcock et poursuivi par le tout autant cultissime mais nettement plus mauvais La Main sur le berceau ou plus près de nous Gone Girl ou La Fille du train. Un genre qui a peut-être un nom que je ne connais pas et que je qualifierais faute de mieux de thriller psychologique domestique puisqu’il se déroule dans un home pas si sweet home.

Ayons l’honnêteté de reconnaître que, même s’il dure plus de deux heures, on ne s’ennuie pas à ce film. On s’ennuie d’autant moins avec le twist en son milieu qui en renverse les enjeux et qui provoque toute une série de rebondissements jusqu’à la fin. Mais les personnages sont si caricaturaux, les situations si peu crédibles, le gore dans lequel le film verse si sanglant, qu’on finit par se demander s’il faut le prendre au premier ou au second degré, en rire ou en pleurer.

La bande-annonce

L’Âme idéale ★★★☆

Médecin au Havre dans une unité de soins palliatifs, Elsa a hérité de sa mère un don extraordinaire : elle peut voir les morts en peine et les aider à quitter définitivement notre Terre. Mais ce don encombrant a mis à mal sa vie amoureuse. Jusqu’au jour où elle fait la connaissance d’Oscar et entame avec lui une relation passionnée.

La bande-annonce de L’Âme idéale vend la mèche : on y apprend qu’Oscar est mort. Et on pressent déjà ce que le reste du film, privé de ce qui en faisait sans doute le sel, sera : un mélo sirupeux qui se conclura fatalement par le « grand départ » d’Oscar vers un au-delà apaisé. C’était déjà ainsi que se terminait, on s’en souvient Ghost avec Demi Moore et Patrick Swayze.

Oui, mais voilà : le rouge au front, je dois confesser avoir adoré Ghost malgré ses pesantes références eschatologiques ! Vous l’aviez, cher lecteur, déjà pressenti en notant mon penchant coupable pour les comédies musicales genre Les Parapluies de Cherbourg et La La Land : les mélos sirupeux me font fondre.

Aussi, j’ai eu un coup de cœur pour L’Âme idéale, un film qui ne mérite certainement pas les trois étoiles que je lui donne. Pourtant son histoire, j’en ai eu la confirmation, ne réserve aucune surprise : on sait dès le commencement comment elle se terminera.

L’héroïne a le don de voir et de dialoguer avec les morts. La situation pourrait sembler dénuée de toute crédibilité. Combien de fois d’ailleurs dans mes critiques en fais-je le reproche ? Ainsi tout récemment pour Louise. Ici cela ne m’a pas dérangé. Car dès lors que le postulat – aussi peu crédible soit-il comme d’ailleurs dans L’homme qui rétrécit – est posé, le reste de l’histoire s’enchaîne logiquement. Un tel point de départ pourrait donner lieu à des situations comiques. Le scénario d’ailleurs hésite un instant à s’engager dans cette direction. Mais il s’auto-censure et reste dans une veine mélodramatique.

L’Âme idéale n’est pas seulement un mélo. Son sujet invite à une réflexion sur l’attachement, la mort, la séparation. Plus inattendu : l’évolution du personnage d’Elisa invite à une réflexion sur la folie, sur la vie et ce qui en fait le prix.

Son duo d’acteurs est épatant. La Québécoise Magalie Lépine-Blondeau, dont la voix a parfois les mêmes accents graves que celle, envoutante, d’Anna Mouglalis, franchit avec succès l’Atlantique. Jonathan Cohen a presque réussi à me convaincre qu’il est un acteur dramatique. Dommage que ce duo ne laisse pas suffisamment de place aux seconds rôles.

La bande-annonce

L’Agent secret ★★★☆

À Recife, au Brésil, en 1977, sous la dictature militaire, un homme se cache. Que fuit-il ?

Double prix de la mise en scène et de la meilleure interprétation masculine, amplement mérité, à Wagner Moura au dernier festival de Cannes, L’Agent secret arrive enfin sur nos écrans précédé d’un bouche à oreille louangeur. Il représentera le Brésil aux Oscars. Santo subito, il figure au sommet des Top 2025 qu’on voit fleurir depuis quelques jours dans les meilleures revues de cinéma, au milieu de Sirat, The Brutalist, Une bataille après l’autre et Life of Chuck.

C’est ainsi avec une immense impatience que je suis allé le voir hier avec mes amis cinéphiles du dimanche soir. Près de trois heures plus tard, nous étions quasiment tous d’accord : L’Agent secret est un grand film… qu’aucun d’entre nous n’a pourtant adoré. Nous n’avions bizarrement pas grand-chose à en dire, si bien que notre discussion a rapidement bifurqué vers La Femme de ménage – que je critiquerai le jour de sa sortie en salles.

Un grand film donc. Par sa durée d’abord : deux heures et quarante minutes. Par son ambition : ressusciter une époque et des lieux qui marquèrent la prime enfance de Kleber Mendonça Filho, né à Recife en 1968 et qui voue à sa ville natale, qu’il filme dans la quasi totalité de ses films (Les Bruits de Recife, Aquarius, Portraits fantômes), une fidélité irréfragable. Par sa cohérence artistique, à travers le choix de la musique, allant des tubes disco de l’époque à la musique brésilienne, et des décors : les couleurs primaires, le rouge, le jaune, claquent. Par son sujet qui, comme déjà avant lui Je suis toujours là de Walter Salles, résonne avec les dérives fascisantes du régime Bolsonaro.

Pour autant, deux raisons m’ont empêché d’adorer L’Agent secret et de lui donner les quatre étoiles que j’espérais ardemment qu’il décroche pour finir en beauté cette année. La première : sa durée trop longue, qui aurait pu largement être raccourcie et qui présente un ventre mou durant lequel je crois bien m’être assoupi – me privant ainsi de comprendre les motifs précis de la cavale de Marcelo/Armando. La seconde : sa conclusion. Alors même que le film dans sa dernière demi-heure s’engage dans une course poursuite haletante, L’Agent secret s’achève en épingle à cheveux avec une photo floue en noir et blanc qui laisse en suspens bien des questions [qui est le meurtrier ?] et un flash forward inutile qui casse le rythme du film.

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Elle entend pas la moto ★★☆☆

Au début des années 2000, la réalisatrice Dominique Fischbach était allée filmer pour Striptease la famille Altazin. Elle s’était intéressée à cette fratrie de trois enfants, dont deux d’entre eux, Manon et Maxime, étaient sourds. Vingt-cinq ans plus tard, elle les retrouve pendant quelques jours dans leur chalet de vacances en Haute-Savoie. Entretemps un drame est intervenu.

Elle entend pas la moto est un documentaire sensible et émouvant sur la surdité et la (moins mauvaise) façon de la vivre dans une famille composée pour partie de sourds et  pour partie d’entendants. Il documente les choix douloureux offerts aux parents et le parcours d’obstacles qu’ils doivent emprunter pour l’épanouissement de leurs enfants : pose d’un implant, apprentissage de la langue des signes, éducation en milieu spécialisé…

Mais Elle entend pas la moto ne se réduit pas à cette seule dimension pédagogique. Il évoque le drame qui a frappé la famille Altazin, la dépression dans laquelle a sombré le père et la façon dont tous ses membres, sept ans après, tentent d’y faire face. On comprend par son absence que la fille aînée Barbara, qui n’est pas devenue orthophoniste par hasard, n’y a pas réagi de la même façon que ses parents et que sa sœur. Celle ci est aujourd’hui kinésithérapeute. Elle est en couple, a eu un premier enfant et en attend un second. Son élocution n’est pas parfaite mais elle réussit fort bien à se faire comprendre et à mener une vie quasi normale.

On a certes parfois l’impression un peu gênante – qu’on avait déjà ressenti chez les Larauze dans le documentaire Promesse consacrée à la mémoire de leur fille fauchée à vingt-deux ans par une leucémie – de pénétrer sans invitation l’intimité d’un foyer. Mais la caméra toujours pudique de Dominique Fischbach évite le piège du voyeurisme.

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Louise ★☆☆☆

Marion et Jeanne sont deux fillettes inséparables. Elles sont élevées par leur mère Catherine (Cécile de France) qui vient de se séparer de leur père (Paul Hamy). Catherine a un nouveau compagnon auquel l’oppose une nuit une violente dispute qui provoque la fuite de Marion puis sa disparition.
Quinze ans passent. Marion désormais adulte et parisienne est devenue journaliste. Elle cherche à reprendre contact avec sa petite sœur.

J’ai lu, à ma grande surprise, de bonnes critiques de Louise, dans Le Monde, Télérama ou Première. Pourtant je l’ai trouvé bien faiblard. Je lui ai trouvé un défaut insurmontable : je n’imagine pas un instant possible qu’une mère ne reconnaisse pas son enfant, même si quinze ans ont passé, même si elle s’est convaincue qu’il était décédé.

Or, tout le film est bâti sur cette hypothèse à mon sens dénuée de toute crédibilité : Marion, désormais dénommée Louise, se présente à sa sœur et à sa mère sans que celles-ci ne flairent l’entourloupe. Peut-être cette hypothèse audacieuse serait-elle mieux passée dans un livre. Mais au cinéma, désolé, pour moi, ça coince : quand Jeanne ou Catherine rencontrent Louise, quand elles lui parlent, quand elles l’embrassent, je n’imagine pas qu’elles n’aient rien ressenti.

Bloqué à tort ou à raison sur ce point précis, tout le reste du film m’a semblé faux, quand bien même les deux fils narratifs sur lesquels il se construit m’ont tenu en haleine pendant la dernière heure : qu’est-il arrivé à Louise et à Catherine pendant les quinze ans de leur séparation ? Louise/Manon finira-t-elle par dévoiler son identité à sa mère et à sa sœur ? Le problème du second est qu’on devine par avance comment il se dénouera et comment le film se terminera dans une avalanche de sanglots réconciliateurs.

La bande-annonce

Alice par ci par là ★★☆☆

Recherchant un sujet pour son projet de fin d’études, Isabela Tent a fait la rencontre de Dorian, un vieil artiste punk. Dorian venait d’épouser Alice, sa cinquième (!) épouse. Dorian avait cinquante-deux ans, Alice dix-sept.  Alice venait d’accoucher d’un petit garçon prénommé Aristo après que sa mère avait refusé qu’elle avorte et demandé à Dorian de prendre ses responsabilités. La documentariste s’est attachée aux pas de ce couple dysfonctionnel dont elle a vu grandir pendant dix ans l’enfant.

La démarche est la même que celle de Marie Dumora qui, dans Belinda, avait, pendant quinze ans, de l’enfance jusqu’à l’âge adulte, suivi une jeune fille de la communauté yéniche élevée en orphelinat.

Alice par ci par là est un documentaire doublement dérangeant. Parce qu’il filme deux adultes sous substances, lui, vieillissant, affaibli par la maladie, elle, toxicomane, qui se prend pour une artiste, mais gagne péniblement sa vie en s’exhibant devant sa sexcam. Parce qu’il prend à témoin le malheureux Aristo, victime innocente de leurs disputes incessantes et de l’incapacité de sa mère défaillante à l’aimer.

Hasard du calendrier, ce documentaire confidentiel sort sur les écrans au même moment que plusieurs films français qui posent tous la même question : qu’est-ce qu’être mère ? C’est notamment le thème du fabuleux docufiction Dites-lui qui je l’aime de Romane Bohringer qui, à travers l’expérience de Clémentine Autain et de la sienne, essaie de « rompre la chaîne de l’abandon ». C’est ce cycle qu’Alice semble bien incapable de briser quant à elle, qui fut victime d’une éducation défaillante, abandonnée par ses parents, prise en charge par une grand-mère autoritaire.

J’ai vu ce documentaire avant-hier dans une petite salle d’art et d’essai du Quartier Latin. Nous étions cinq seulement dans la salle. Stoïquement, la réalisatrice et le producteur ont animé un débat après le film. À leur place, j’aurais été désespéré par un public si clairsemé. J’aurais baissé les bras, annulé le débat et souhaité une bonne soirée aux trois derniers spectateurs. Mais, avec une générosité admirable, ils ont « fait le job », présenté leur démarche, répondu à nos questions, qui furent d’autant plus nombreuses que nous étions en petit comité. Ce débat-là fut peut-être l’un des plus stimulants auxquels j’aie jamais assisté. Merci !

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L’Amour qu’il nous reste ★☆☆☆

What the fuck ? L’expression est à la mode chez les ados – ou l’était il y a quelques années avant d’être à son tour périmée. Elle pourrait grossièrement se traduire : « mais c’est quoi ce truc ? ». Ce sont les mots que j’avais sur les lèvres pendant toute la projection, en avant-première, de cet Ovni tourné par un réalisateur islandais dont le précédent film, Godland, tourné dans les austères paysages d’une nature ingrate, ne laissaient en rien présager le suivant.

De quoi s’agit-il ? C’est difficile à dire. Un documentaire sur une plasticienne qui réalise, à partir de plaques de tôles qu’elle découpe, des toiles abstraites ? L’histoire d’une famille qui lentement se délite ? ou bien au contraire qui essaie d’inventer à sa façon, unique, une manière de continuer à vivre harmonieusement ensemble ?

L’amour qu’il reste est un peu tout cela. Sa construction laisse augurer un événement, une catastrophe, qui [attention spoiler] pourtant jamais ne viendra. Rien ne se passe dans ce film qui, du coup, devient vite lassant. Sauf si la lassitude distillée chez le spectateur est un objectif sciemment recherché par le réalisateur qui vise ainsi à nous faire ressentir intimement la lente dissolution du noyau familial.

Mais il faut être très masochiste (ou très islandais ?) pour trouver du plaisir à ce spectacle déconcertant. Sinon à respirer à pleins poumons l’air vivifiant des hautes latitudes islandaises, filmées dans toutes les saisons et la beauté boréale de l’actrice, dont le nom à lui seul est une promesse de dépaysement, Saga Garðarsdóttir.

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Rebuilding ★★★☆

Dusty (Josh O’Connor) a tout perdu dans l’incendie qui a ravagé la région : son ranch, dévasté par les flammes, son bétail, revendu à vil prix, et sa confiance en lui. Temporairement relogé dans un mobil home avec d’autres sans-abris aussi paumés que lui, il va tenter lentement de se reconstruire.

Je craignais le pire devant l’affiche du film, scandaleusement photoshoppée, son sujet, dont on voit venir à l’avance tous les rebondissements et le dénouement, et sa bande annonce éhontément romanesque engluée dans une musique envahissante.

Et pourtant je me suis laissé embarquer par ce film qui m’a profondément touché.

La responsabilité en revient à ses deux acteurs principaux. Josh O’Connor qu’on a découvert dans The Crown et qu’on a retrouvé avec bonheur dans le hottissime Challengers. Et Lilly Latorre, la gamine qui joue le rôle de sa fille, dont le visage étonnamment mature contraste avec son jeune âge et la frêle stature d’une enfant de six ou sept ans.

La responsabilité en revient plus encore à la délicatesse de l’écriture de Max Walker-Silverman, réalisateur et scénariste. Tout sonne juste sur ce sujet pourtant minimaliste, où il ne se passe pas grand-chose et qui aurait pu donner lieu à des excès trop mélos. Tout y est infiniment délicat et doux, comme cette famille recomposée autour de Ruby, l’ex-femme de Dusty, et celui dont je me suis longtemps demandé s’il était son frère ou son compagnon. La dernière scène m’a fait pleurer à chaudes larmes, avec ses références pudiques à des éléments antérieurs du récit : la plaque à la mémoire de Théo, la couleur bleue de la peinture du mobil home, les bottes de Callie-Rose, si désireuse de s’identifier à son père….

La bande-annonce