The Perfect Candidate ★☆☆☆

Maryam est saoudienne. Élevée au sein d’une famille aimante, récemment endeuillée par la mort de la mère, elle est l’aînée de trois sœurs. Elle a hérité de son père, musicien professionnel malgré les obstacles qui entravent l’exercice de son art, un caractère indépendant et intransigeant.
Maryam est médecin dans une petite clinique provinciale. Chaque jour elle se désespère de l’état de la voirie dans sa ville. Lorsque un concours de circonstances lui en donne l’occasion, elle décide de se porter candidate aux élections municipales.

Sorti en 2013, Wadjda peut s’enorgueillir d’être le premier film saoudien. Après un détour pas vraiment convaincant par Hollywood – où elle a tourné une biographie de Mary Shelley et un second film directement diffusé sur Netflix – sa réalisatrice revient au bercail. The Perfect candidate reprend le même sujet que Wadjda : dans l’un comme dans l’autre, il est question d’émancipation féminine en Arabie saoudite.

Dans Wadjda, une jeune adolescente avait décidé de braver l’interdit qui l’empêchait de faire du vélo. Dans The Perfect Candidate, la belle Maryam – dont la beauté éclate quand elle écarte les pans de son niqab – s’attaque à un autre tabou : la participation des femmes à la vie politique.

La charge de Haifaa Al-Mansour est bien sage. La réalisatrice saoudienne sait jusqu’où ne pas aller trop loin. Du coup, son film, qui suit un chemin déjà tout tracé, pourra sembler bien tiède et sa morale bien convenue.

Le seul intérêt qu’on pourra y prendre sera d’y voir quelques images de l’Arabie saoudite et de la façon dont les hommes et les femmes y vivent. Aucune tension ne semble traverser une société dont les membres, hommes ou femmes, se montrent les uns avec les autres d’une douceur angélique. Mais la stricte séparation des sexes qu’impose le respect scrupuleux de la loi coranique constitue un spectacle étonnant auquel on peine à s’habituer.

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Never Rarely Sometimes Always ★★★☆

Autumn a dix-sept ans. Elle mène une vie ordinaire dans une petite ville de Pennsylvanie, entre sa famille, son lycée et son job de caissière au supermarché du coin. Quand elle apprend qu’elle est enceinte, elle prend rapidement sa décision. Mais la législation de l’Etat lui impose de recueillir un accord parental qu’elle refuse de solliciter. Aussi, en compagnie de sa cousine, elle prend la route de New York pour s’y faire avorter. Mais le voyage, qui ne devait durer qu’une journée, se prolonge quand Autumn découvre que sa grossesse est beaucoup plus avancée qu’annoncée.

Avortement mode d’emploi. Le film de Eliza Hittman décrit, avec un souci quasi-documentaire un sujet grave : l’avortement des mineures. Son titre, assez obscur à un public non anglophone, fait référence aux choix multiples figurant dans le questionnaire que les jeunes femmes doivent renseigner avant l’opération. Malgré l’arrêt Roe vs Wade de 1973 – qu’une nouvelle majorité moins libérale à la Cour suprême pourrait renverser – qui autorise l’avortement pendant le premier trimestre partout aux Etats-Unis, la législation de certains États en restreint l’usage, en exigeant un accord parental si la mère est mineure, en interdisant la prise en charge par l’assurance-maladie ou en se faisant les complices des manifestants pro-Life qui provoquent la fermeture de nombreuses cliniques.

Fuyant tout pathos, Never Rarely Sometimes Always se veut minimaliste. Aucune musique, quasiment pas de dialogue, pas de rebondissement rocambolesque dans un scénario qui se borne à suivre pas à pas les deux personnages principaux de la Pennsylvanie à New York, un jeu d’acteurs réduit au minimum – comme en témoigne le visage impassible de l’héroïne sur l’affiche. Pourtant quelle intensité dans ce regard ! quelle profondeur dans ces silences !

On est profondément ému par la solitude d’Autumn, par les questions silencieuses qu’elle se pose lorsqu’elle découvre sa grossesse, par la solidarité bienveillante que lui manifeste sa cousine grâce à laquelle le voyage à New York est entrepris et qui saura trouver le moyen, lorsque l’argent viendra à manquer, pour les sauver de cette mauvaise passe.

L’émotion culmine dans la clinique où Autumn va se faire avorter. Dans un long plan fixe qui cadre son seul visage, elle répond aux questions que lui pose l’assistante sociale. Ses silences, ses larmes lèvent un voile sur son histoire. La confession aurait pu verser dans l’excès, par exemple en racontant un inceste que quelques indices laissaient redouter. Il n’en est rien. Autumn en dit juste assez pour que le spectateur comprenne les événements pas toujours gais d’une adolescence chaotique qu’elle a dû traverser. Cette pudeur, cette économie donne tout son prix à ce film poignant dont on ne ressort pas indemne.

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Madame ★★★☆

Stéphane Riethauser nous convie à une soirée diapo pour regarder les vieux films super 8 tournés par son père durant son enfance. On y voit sa grand-mère Caroline, ses parents, son frère cadet. On les voit à Genève où la famille habite et surtout sur la Côte d’Azur, près de Saint-Raphaël, où les vacances et la lumière estivale multiplient les occasions de se filmer en famille.

Ainsi présenté, Madame vous fait déjà bâiller d’ennui. Pourtant, derrière sa fausse innocence, Madame s’avère un témoignage aussi impudique qu’efficace sur le coming out, moins austère que les essais de Didier Eribon, moins prétentieux que les témoignages d’Edouard Louis, mais pas moins rageur ni moins helvétique que l’autobiographie de Fritz Zorn.

Stéphane Riethauser y raconte comment un petit garçon de la bonne bourgeoisie genevoise est éduqué dans une « homophobie ordinaire » – J’emploie l’expression comme Ariane Chebel d’Appollonia parlait dans les années 90 de « racismes ordinaires ». Les stéréotypes de genre font rage autour du petit garçon choyé par des parents aimants qui ne lui imaginent pas d’autre avenir que de fonder une famille et de reprendre la fiduciaire paternelle. Les « pédés » sont une source de plaisanterie moqueuse, des personnages de carnaval vaguement ridicules, une projection inimaginable pour des bourgeois confinés dans une stricte hétérosexualité.

L’enfance du jeune Stéphane se lit rétrospectivement comme un douloureux cheminement vers une identité refoulée et inavouable. On le voit avec des copains pour lesquels il ressent une attirance trouble. Dans son équipe de basket ou au régiment, la mâle virilité des vestiaires ou des chambrées le mettent mal à l’aise. Quelques flirts hétéro tournent court.

Tout au long de sa vie, Stéphane aura été proche de sa grand-mère, une femme forte, autoritaire, mariée contre son gré à seize ans, divorcée, puis remariée à trente. Elle a construit sa vie toute seule à force de volonté et de travail. Elle aura constitué pour le jeune garçon un phare et un havre.

Madame sort sur les écrans quelques mois après Toutes les vies de Kojin, un documentaire sur l’homophobie au Kurdistan. Les deux films méritent d’être regardés ensemble. Ils se déroulent dans deux milieux bien différents, les bords du lac Léman pour le premier, les montagnes du Kurdistan pour le second. Ils sont censés décrire deux milieux aux antipodes l’un de l’autre : la HSP d’un côté, l’Islam le plus rétrograde de l’autre. Sans doute, les imams intégristes de Toutes les vies de Kojin vouent-ils au bûcher les sodomites ce que les paisibles bourgeois de Genève ne font plus depuis Jean Calvin. Pour autant, l’homophobie beauf que ces derniers déploient – ou déployaient encore à la fin du siècle dernier – est à peine moins ridicule et à peine moins terrifiante.

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Nana et les Filles du bord de mer ★★☆☆

Nana et ses ami.e.s s’aiment et se déchirent à l’heure des réseaux sociaux. Mathieu vient de quitter Nana. Pour se venger, elle s’inscrit sur une application de rencontres et décide de s’offrir au premier venu. Damien, son ami d’enfance, secrètement amoureux de Nana, l’apprend et s’inscrit à la même appli sous un pseudonyme.

Citoyenne d’honneur du Crotoy, c’est sur les bords de la baie de Somme que Patricia Bardon a posé sa caméra pour filmer une bande de jeunes comédiens pleins de charme s’adonnant aux jeux de l’amour et du hasard.

Nana et les jeunes filles du bord de mer a pour fil rouge les amours contrariées au temps d’Internet. Le thème est décidément à la mode. #Jesuislà ou Effacer l’historique l’utilisent sur le mode comique ; Nina… choisit quant à lui le registre de la fantaisie amoureuse.

Le récit est ornementé de la musique épatante d’Arno qui réinterprète avec sa voix caverneuse, reconnaissable entre mille, le tube d’Adamo qui donne son titre au film.

Nana et les jeunes filles du bord de mer n’est pas sans défauts. Les personnages sont trop nombreux ; la qualité de leurs jeux est inégale (c’est la jeune Laure Millet qui, dans un rôle secondaire tire le mieux son épine du jeu). Mais ce marivaudage touchant, qui louche du côté de Rohmer (on pense à Pauline à la plage ou à Conte d’été) et de Rozier ne se pousse jamais du col. Alerté sur sa modestie revendiquée, le spectateur averti ne pourra que valider son résultat.

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Mignonnes ★★★☆

Aminata a onze ans. D’origine sénégalaise, elle vit dans le nord de Pars avec ses deux petits frères et sa mère, qui vient d’apprendre que son mari reviendrait du pays avec une seconde épouse. Perturbée par la détresse de sa mère, Amy intègre un nouveau collège. Un groupe de filles plus délurées que les autres répète une chorégraphie en vue d’un concours. Amy n’a qu’un rêve : les rejoindre.

Mignonnes a été au centre d’une polémique dont la principale conséquence aura été de lui donner une publicité qu’il n’aurait pas eue sans elle. Netflix s’apprêtait à le mettre en ligne avec une affiche qui a fait s’étouffer d’indignation les ligues de vertu. Quelques accusations bien senties retentirent de la part de ceux qui n’avaient probablement pas vu le film : pédophilie ! hypersexualisation des petites filles ! Netflix fit marche arrière, retira l’affiche polémique et s’excusa d’un communiqué piteux : la photo « n’était pas une représentation fidèle du film ».

Si Mignonnes traite en effet de l’hypersexualisation des jeunes filles, ce n’est pas pour exciter la lubricité de libidineux pédophiles, mais pour nous inviter à y réfléchir. Avec une grande intelligence, sans jamais verser ni dans la dénonciation moralisatrice, ni dans la complaisance racoleuse, la réalisatrice Maïmouna Doucouré – dont on imagine volontiers la part d’autobiographie qu’elle a mise dans ce sujet – suit à la trace la petite Amy dans sa quête d’identité, entre le Sénégal et la France, entre une famille désunie et des copines affranchies.

Amy sent sa cellule familiale se dissoudre avec le retour imminent d’un père invisible, accompagné d’une nouvelle épouse à l’existence de laquelle la mère d’Amy ne parvient pas à se résoudre. C’était déjà le sujet du court métrage Maman(s) qui avait valu à Maimouna Doucouré un César en 2017. Mais, à partir de cette base-là, Mignonnes prend une autre direction pour s’intéresser à l’hypersexualisation des jeunes filles. Le sujet, délicat, crée la gêne. On est mal à l’aise face aux contorsions lascives de gamines en sixième qui singent les stars qu’elles regardent sur YouTube. Les adultes, démissionnaires, ne les aident guère, le seul faisant preuve de bon sens étant paradoxalement l’imam convoqué par la tante d’Amy pour chasser les mauvais esprits qui se seraient emparés de la jeune fille.

La direction d’acteurs fait des étincelles. La jeune Fathia Youssouf tient la corde raide de la pré-adolescence. La réalisatrice a réussi à lui faire exprimer des moments de grâce ambigüe où son jeu éclate moins par ce qu’il exprime que par ce qu’il retient.

Mignonnes a bien sûr son lot de défauts. Sa trame suit les canons mille fois explorés du récit d’initiation : l’arrivée dans le nouveau collège, la pénible intégration, la construction fragile de nouveaux liens d’amitié, le concours de danse dont la préparation et les épreuves qualificatives rythment la narration. Autre défaut : la similarité presque mimétique de Mignonnes avec Bande de filles, le film de Céline Sciamma qui avait également pour héroïnes quatre jeunes filles en quête d’émancipation en banlieue parisienne.

Mais Mignonnes n’en reste pas moins une grande réussite. En témoignent l’intelligence et la poésie des deux scènes qui clôturent le film. La finale du concours de danse et le retour du père approchant, le scénario semblait se condamner à une impasse, voire à un happy end moralisateur. Il évite ces deux écueils.

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Deutschland 83 ★★★☆

1983. L’OTAN déploie des missiles Pershing en Allemagne de l’Ouest. Le Pacte de Varsovie répond avec le déploiement des SS-20 en Europe de l’est. La tension entre les deux blocs américain et soviétique est à son comble. La moindre étincelle pourrait déclencher une escalade nucléaire.
À son corps défendant, un jeune Est-Allemand, Martin Rauch, est dépêché en Allemagne de l’Ouest pour y infiltrer l’OTAN. Il prend la place de l’aide de camp du général Ebel et conquiert l’amitié de son fils, Alexandre, qui effectue son service militaire en dépit de ses convictions pacifistes, et de sa fille Yvonne, qui a quitté sa famille pour vivre dans un ashram.
L’OTAN est en plein préparatif de Able Archer, un exercice militaire de grande ampleur. Les services d’espionnage du bloc de l’Est y voient le camouflage d’une attaque nucléaire générale. Martin devra en recueillir la preuve.

L’Allemagne réalise décidément des mini-séries fort bien troussées.

J’avais vu l’an dernier Berlin 56 et Berlin 59 qui racontait l’histoire d’une mère et de ses trois filles dans un Berlin en pleine reconstruction.

Je découvre à présent ce Deutschland 83, tourné un an plus tôt en 2015, et dont le succès a entraîné le tournage de deux suites : Deutschland 86 (sorti en 2018) et Deutschland 89 (programmé pour 2021).

Ces mini-séries très rythmées jouent sur deux tableaux. D’un côté le drame intimiste : la saga familiale dans Berlin 56 et 59, le film d’espionnage dans Deutschland 83. De l’autre la soigneuse reconstitution historique, qu’il s’agisse des images d’archives qui sont abondamment utilisées, des décors et des costumes, et de la musique (quel régal d’entendre les tubes de l’année 1983 qui ont bercé mon adolescence).

La série est servie par un scénario rebondissant et par une brochette de jeunes acteurs dont on est surpris que Hollywood n’ait pas déjà repéré les talents : Jonas Nay aux faux airs de Tobby Maguire et surtout Sonja Gerhardt qui présente une ressemblance vraiment étonnante avec Jennifer Lawrence.

On aurait tort de crier au chef d’œuvre ; car Deutschland 83 n’a pas la maîtrise de Tchernobyl ou la puissance d’évocation de The Crown. Mais il n’en reste pas moins une série très agréable à regarder dont on attend impatiemment les suites.

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Taking lives, destins violés (2004) ★☆☆☆

La police de Montréal traque sans succès un tueur en série. Elle fait appel à un agent spécial du FBI, Illeana Scott (Angelina Jolie), qui retrouve la trace de la mère de l’assassin (Gena Rowlands) et en établit le profil : depuis près de vingt ans, il tue ses victimes pour en subtiliser l’identité. Pour l’aider dans son enquête, Scott peut s’appuyer sur le témoin d’un crime (Ethan Hawke).

Quand elle tourne Taking Lives en 2004, l’actrice Angelina Jolie n’a pas trente ans mais est déjà au sommet de sa gloire. Son second rôle dans Une vie volée en 1999 lui avait valu un Golden Globe et un Oscar. Le triomphe de Lara Croft en 2001 et de sa suite en 2003 a fait d’elle une star planétaire. Ce succès est-il usurpé ? Angelina Jolie n’est peut-être pas une immense actrice – même si, comme Marilyn, elle suit à la lettre les préceptes de l’Actor’s Studio – mais elle est tellement agréable à regarder qu’on lui excuse ses fautes de carre.

Réalisé par D.J. Caruso, dont le premier film, Salton Sea, venait d’être remarqué, Taking Lives s’inscrit dans la filiation de Seven. Les tueurs en série étaient à l’époque à la mode. Angelina Jolie elle-même avait d’ailleurs joué quelques années plus tôt dans un film en tous points semblables, Bone Collector.

Taking Lives se déroule au Canada, soi-disant à Montréal, même si on voit en arrière-plan la silhouette du Château Frontenac de Québec. La raison en est sans doute que les tournages y sont moins chers que sur le sol américain. Du coup, y sont rassemblés quelques acteurs français. Il est assez cocasse de voir Tchéky Karyo, Jean-Hugues Anglade et Olivier Martinez discuter ensemble dans un mauvais anglais. On reconnaît aussi, dans des rôles minuscules Paul Dano (qu’allait révéler deux ans plus tard Little Miss Sunshine) et Marie-Josée Croze (qui avait pourtant déjà obtenu l’année précédente le prix d’interprétation féminine à Cannes pour Les Invasions barbares).

Taking Lives ne révolutionne pas le cinéma, mais se regarde sans déplaisir en dépit d’un épilogue passablement grotesque.

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Network (1976) ★★☆☆

Howard Beale (Peter Finch) est depuis deux décennies le présentateur du JT sur la chaîne UBS. Mais ses audiences en baisse le condamnent, malgré le soutien et l’amitié du rédacteur en chef Max Schumacher (William Holden). Réagissant très mal à la nouvelle, Beale annonce en direct son licenciement et son intention de se suicider. La nouvelle fait bondir les audiences. Diana Christensen (Faye Dunaway), la directrice des programmes, flairant le bon filon, convainc Franck Hackett (Robert Duvall), le président de la chaîne, de confier à Beale une émission où le présentateur, de plus en plus fou, se lance dans des monologues enflammés plébiscités par le public. Mais le succès de son show ne dure pas…

Network est un film qui avait marqué son temps.

Il s’attaquait à l’époque à un sujet d’actualité : l’emprise débilitante de la télévision sur le public et les intrigues en sous-main des grands groupes pour en contrôler le contenu. Le temps a montré combien le sujet était important. Mais il en a aussi lentement banalisé l’urgence et modifié l’enjeu : la télévision n’est plus l’instrument de pouvoir monopolistique qu’il était dans les 70ies. Les chaînes se sont multipliées ; les pratiques se sont modifiées et diversifiées avec Internet. Les GAFAM sont devenus plus dangereux que la télé.

Le sujet a donc perdu de son actualité. Et le film a perdu de son intérêt. D’autant que, esthétiquement parlant, il a été tourné à la pire des époques de l’histoire du cinéma : les décors, les costumes, les coiffures, les maquillages, tout y est hideux, qui me rappelle les photos maronnasses de mon enfance en pattes d’eph et pulls en acrylique orange.

Network a remporté en son temps un immense succès public et critique.
Nommé dix fois aux Oscars, il en repart avec quatre statuettes, mais n’obtient ni celle du meilleur film (décerné à Rocky), ni celle du meilleur réalisateur (John G. Avildsen pour Rocky). En revanche, Peter Finch souffle à Sylvester Stallone la statuette qui lui était promise. Il était pourtant mort le mois d’avant, devenant le premier acteur à recevoir un Oscar à titre posthume (ce fut ensuite le cas du seul Heath Ledger en 2009). Faye Dunaway remporte l’Oscar de la meilleure actrice – après avoir échoué deux fois pour ses rôles dans Bonnie et Clyde et dans Chinatown. Louise Schumacher est rentrée dans les annales pour avoir décroché l’Oscar du meilleur second rôle féminin avec l’apparition la plus courte (cinq minutes et deux secondes)

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Nuits blanches (1957) ★☆☆☆

Mario (Marcello Mastroianni) a déménagé pour son travail dans une ville portuaire et vit seul dans une pension de famille. Une nuit, errant dans les rues, il rencontre près d’un pont une jeune femme (Maria Schell). Natalia lui avoue qu’elle y attend un bel inconnu (Jean Marais) dont elle s’est éprise et qui lui y avait donné rendez-vous un an plus tôt.
Éperdument amoureux de Natalia, Mario essaie de l’arracher à ses chimères.

Lorsqu’il filme Nuits blanches en 1957, Luchino Visconti a tourné le dos au néoréalisme de ses débuts. Certes, on y croise dans une ville italienne anonyme qui peine à se relever de ses ruines, des noctambules divagants, des prostituées misérables, des clochards transis de froid. Mais la réalité contemporaine du néoréalisme passe à l’arrière-plan dans l’adaptation de la nouvelle intemporelle et universelle de Dostoïevski.

Visconti y est très fidèle – comme il avait été très fidèle trois ans plus tôt dans l’adaptation de Senso, roman de Camillo Boito. Il choisit de tourner en studio à Cinecittà et met dans la construction des décors, qu’il conçoit comme une scène de théâtre, un soin jaloux : leur artificialité revendiquée devra paradoxalement renforcer la force du récit.

La beauté plastique, la poésie de Nuits blanches ne peuvent qu’impressionner. On émettra plus de réserves sur l’histoire elle-même et sur les personnages qui ont mal résisté à l’épreuve du temps. Aucun des trois n’est crédible : ni Mario, dont on se demande bien pourquoi il s’entiche de cette jeune femme au comportement si peu attirant, ni Natalia qui reste imprescriptiblement rivée au passé, ni le bel inconnu anonyme interprété par Jean Marais dont on ne saura rien de la sincérité des intentions.

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Felicità ★☆☆☆

Tim (Pio Marmaï) et Chloé (Camille Rutherford) sont de grands adulescents qui vivent à la cloche de bois. Paradoxalement, leur fille Tommy (Rita Merle) est, du haut de ses onze ans, plus raisonnable qu’eux. Son seul souci : être à l’heure pour la rentrée des classes. Le défi peut sembler bien modeste mais va s’avérer difficile à relever.

Je n’avais pas l’intention d’aller voir Felicità. Mais je me suis laissé convaincre par des critiques positives et un bouche-à-oreille enthousiaste. Et puis, avouons-le, en ces périodes de basses eaux post-Covid, alors que le robinet de Hollywood reste désespérément fermé, c’est l’occasion de donner sa chance au cinéma français.

J’attendais un vent léger, un conte enjoué, une réflexion décalée sur la parentalité portée par un trio d’acteurs irrésistibles. Je serais bien ingrat d’affirmer ne pas les avoir trouvés. Mais, je serais trop indulgent en prétendant en avoir été emballé.

La faute à un scénario qui enferme cette famille hors norme dans une journée de vingt-quatre heures où quelques événements sans grand intérêt se bousculent pour nous offrir un condensé de sa vie. La pauvreté, pour ne pas dire l’indigence, de cette trame scénaristique, nous empêche de nous attacher à cette famille que nous aurions pourtant tant aimé aimer.

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