À la dérive ★★☆☆

Tami et Richard sont sur un bateau. Richard tombe à l’eau…

À la dérive est adapté d’une histoire vraie. En 1983, à Tahiti, Tami Oldham rencontre Richard Sharp. Les deux amoureux décident de convoyer un voilier jusqu’en Californie. Mais le bateau, pris dans un ouragan, démâte et dérive pendant quarante-et-un jours jusqu’à Hawaï.

Réalisateur islandais passé à Hollywood, qui commença sa carrière par des petits films islandais (Jar City) avant de signer consciencieusement des blockbusters sans âme (Everest), Balthasar Kormakur a hésité entre deux affiches. La première montre les deux navigateurs front contre front unis face à l’adversité. La seconde, plus angoissante, photographie l’océan immense et immobile. En choisissant la première, il tire À la dérive vers l’histoire d’amour. Et c’est bien dommage.

Il y a cinq ans, sur un thème similaire, J.C. Chandoor avait réalisé un tour de force : filmer un homme seul à bord d’un bateau qui coule sans voix off ni flashback. À la dérive n’a pas la force de All is lost. Si son premier plan est saisissant, qui filme Tami reprenant conscience à bord d’un bateau dévasté par l’ouragan et y recherchant en vain son compagnon tombé à la mer, le reste n’a pas la même force. On la voit repêcher Richard et tenter avec lui de réparer le bateau et de l’orienter vers la terre. Mais cette histoire est entrecoupée de flashbacks inutiles qui racontent leur rencontre et leur coup de foudre quelques mois plus tôt dans un décor tahitien de carte postale.

Ajouté à cela le tour de passe-passe façon L’Histoire de Pi, qu’on sent venir à des kilomètres, À la dérive n’est pas le survival aquatique qu’on attendait même si Shailene Woodley, son actrice principale, rendue célèbre par Divergente et Nos étoiles contraires, qui a coproduit le film, donne de sa personne avec une bluffante énergie.

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Le Dossier Mona Lina ★☆☆☆

Naomi (Neta Riskin) est une agent du Mossad qui peine à se reconstruire après la tragédie qu’elle a vécue. Son chef, Gad (Lior Ashkenazi), lui propose une mission a priori sans risque : être la babysitteur de Mona (Golshifteh Farahani), une taupe exfiltrée du Hezbollah durant sa convalescence après l’opération esthétique qu’elle vient de subir afin de changer d’identité.

Le cinéaste israélien Eran Riklis n’est pas un inconnu. Il a déjà réalisé plusieurs films remarquables qui interrogent la place des Arabes dans la société israélienne : La Fiancée syrienne, Les Citronniers, Mon fils… Il change de registre en signant un film d’espionnage  que l’affiche et le sous-titre sursignifiant destinent pachydermiquement à un public féminin.

Pourtant Le Dossier Mona Lina n’a rien de féminin ni de féministe si ce n’est le sexe de ses deux principaux protagonistes. Il s’agit d’un polar comme on en a déjà vu beaucoup. Le genre suit des règles éprouvées. Le Dossier Mona Lina n’y déroge pas. Mais les séries américaines (Homeland) ou française (Le Bureau des légendes) placent désormais la barre très haut qu’il n’est pas toujours facile de franchir.

Dans sa première partie, Le Dossier Mona Lina réussit à entretenir une ambiance paranoïaque. Le spectateur se met dans la peau de Naomi et, comme elle, voit partout des menaces : un appel téléphonique soi-disant mal aiguillé, un vendeur de journaux au regard insistant, un voisin à son balcon… Tout est dangereux, pour elle qui est parano et pour le spectateur qui est habitué à donner une signification à chacun des signes qu’on lui montre.

Le film perd de son intérêt dans sa seconde partie. Les deux personnages principaux sont lestés d’une lourde psychologie qui, sans qu’il soit ici question de déflorer l’intrigue, a trait à leur relation à la maternité.Et le film se termine, comme il est désormais d’usage, par un twist passablement alambiqué auquel je ne suis pas certain d’avoir tout compris.

Le résultat est globalement décevant qui nous avait mis l’eau à la bouche mais nous laisse sur notre faim.

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Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête ☆☆☆☆

Bruno Weintraub a écrit un premier roman encensé par la critique. Mais depuis vingt ans, il n’a pas transformé l’essai. De romans avortés à des histoires d’amour sans lendemain, sa vie fait du surplace. Il ne quitte plus guère l’appartement en étages qu’il partage avec une jeune Femen.
Ses parents décident de l’interner. Ils demandent à une psychiatre, à un ancien ami, à une ex fiancée de l’en convaincre.

Quel beau titre, emprunté à la conclusion de La Critique de la raison pure où Kant oppose la loi morale en chacun de nous et le ciel étoilé qui nous surplombe… et quel film décevant !

Ilan Klipper tenait pourtant deux beaux sujets. Le premier : la malédiction d’un succès trop précoce pour un homme incapable de s’en relever. Le second : l’HDT (hospitalisation à la demande d’un tiers). Deux sujets graves qu’il décide de traiter sur le mode de la comédie.

S’ensuit un de ces petits films français, comme on en a déjà vu treize à la douzaine (Ouf de Coridina, Anna M. de Spinosa…), filmé à l’arrache dans un appartement mal éclairé. Petit par l’ambition et petit par la durée : soixante-dix-sept minutes seulement. Laurent Poitrenaux, souvent repéré dans des seconds rôles, en campe le premier : celui d’un cinquantenaire en slip kangourou glissant lentement mais sûrement dans la folie douce, dont l’hystérie devient vite lassante. Autour de lui s’agitent une galerie de personnages caricaturaux : des parents possessifs, un pote un peu lourd, une ex contrariée, une psychiatre bientôt dépassée par les événements… Le tout se termine par un grand n’importe quoi et une pirouette qui se voudrait tendre.

La bande-annonce

3 jours à Quiberon ★☆☆☆

Avril 1981. Romy Schneider a quarante-deux ans. Elle est au faîte de sa gloire mais au bout du rouleau. Elle enchaîne les films à succès. Mais sa vie privée est un champ de ruine. Son fils aîné David, dont le père vient de se suicider, refuse de la voir. Elle est en train de divorcer du père de sa fille cadette Sarah. L’actrice abuse de l’alcool et des médicaments qui la tueront un an plus tard.
Elle décide de partir en cure au Sofitel de Quiberon. Hilde, une amie d’enfance, l’accompagne. Un journaliste du Stern, Michael Jürgs, et un photographe Robert Lebeck, la rejoignent pour une longue interview.

Voilà l’exemple d’un film construit autour d’une fausse bonne idée : reconstituer l’ultime interview à la presse allemande de Romy Schneider. On aurait pu imaginer un documentaire. La frappante ressemblance de Marie Bäumer avec l’interprète de Sissi, l’usage du noir et blanc entretiennent le doute. Ce documentaire aurait été l’occasion de faire retour à la fois sur sa riche carrière et sa tumultueuse vie privée : ses débuts en Allemagne sous l’emprise d’une mère possessive, sa gloire précoce, sa « fuite » en France, sa rencontre avec Alain Delon, les chefs d’œuvre tournés avec Deray, Zulawski, Visconti, Sautet, ses mariages, ses enfants…

Mais la réalisatrice Emily Atef n’a pas recours au flash-back. Elle préfère filmer un huis clos interrompu par quelques trop rares échappées sur la Côte sauvage ou dans les rues de Quiberon à la nuit tombée. Les scènes s’enchaînent et le film fait du surplace.

Aussi habitée soit-elle, Marie Bäumer n’a pas grand chose d’intéressant à dire, pas grand chose qu’on n’escomptait pas et qui du coup ne nous surprend pas. L’actrice est tour à tour exubérante et catatonique, aimante et égoïste, candide et manipulatrice. Malgré son talent, elle ne réussit pas à rendre émouvante la solitude d’une star malheureuse.

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Football infini ★☆☆☆

Marre du foot à la télé ? Allez en voir au cinéma !

Laurentiu Ginghina habite Vaslui, en Roumanie près de la frontière de la Moldavie. Considérant que le football est trop violent, la circulation du ballon pas assez « libre », il propose d’en modifier les règles.

Depuis que Cristian Mungiu a décroché la Palme d’or à Cannes en 2007 pour Quatre mois, trois semaines, deux jours, le cinéma roumain ne cesse de nous étonner.
Parmi les réalisateurs de cette Nouvelle vague, Corneliu Porumboiu ne nous est pas inconnu. Son premier film, 12h08 à l’est de Bucarest, aux frontières du documentaire et de la fiction, disséquait les réactions des Roumains à l’annonce de la chute de Ceaucescu. Son dernier, Le Trésor, était un modèle d’humour noir, raillant les travers d’une société gangrenée par la corruption.

Fils d’un ancien arbitre professionnel, Corneliu Porumboiu avait consacré un documentaire à un match opposant les deux équipes de Bucarest durant les dernières heures du communisme sous la neige. C’est à nouveau au football qu’il s’intéresse avec un documentaire au format court (soixante-dix minutes seulement) dont la sortie coïncide avec la Coupe du Monde 2018.

Laurentiu Ginghina fut victime durant son adolescence sur un terrain de football d’un tacle meurtrier qui lui fractura le péroné et compromit son avenir professionnel. Faute d’avoir entrepris des études de sylviculture, faute d’avoir réussi à s’installer durablement aux Etats-Unis, Ginghina a pris un obscur poste de bureaucrate dans l’administration de Vaslui. On le voit, encravaté derrière son bureau, tentant sans conviction de démêler les tracas administratifs d’une vieille babouchka.

Ginghina se rêve en super-héros dont le train-train ennuyeux serait en fait une couverture. Ginghina aspire à une autre vie, dans laquelle il ne croupirait pas derrière un bureau. Ginghina imagine d’autres règles au football comme il fantasme d’autres règles à sa vie.

Du coup, après avoir écouté un temps avec amusement ses propositions, d’ailleurs pas si saugrenues, on s’en désintéresse vite pour se focaliser sur celui qui les énonce. On comprend que le sujet du film n’est pas le football mais la folie douce d’un homme plein d’imagination.

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How To Talk To Girls At Parties ★★★☆

En 1977. À Croydon dans la banlieue de Londres. Enn (Alex Sharp) étouffe chez sa mère et ne vit que par le punk avec ses deux inséparables amis.
Après un concert organisé par Boadicea (Nicole Kidman), le trio débarque dans une soirée organisée par des hôtes à la tenue et au comportement déroutants. Il s’agit en fait d’une colonie d’extraterrestres venus étudier les mœurs des humains avant de sacrifier à un funeste rite de passage.
Enn tombe sous le charme de Zan (Elle Fanning), une extra-terrestre qui se révolte contre le sort qui lui est promis.

John Cameron Mitchell s’est taillé la réputation d’une icône gay par quelques films devenus cultes : Hedwig and the angry inch, Shortbus, Rabbit Hole… À cinquante ans passés, il revient avec un film assagi qui n’en garde pas moins un zeste de folie qui en fait le charme.

How to talk to girls at parties pourrait être une gentille bluette punk, l’histoire du déniaisement d’un ado londonien dans les années 70. C’est ce que le titre et l’affiche laissent croire.

Mais il ne faut s’arrêter à cette première impression. Il s’agit en fait de l’adaptation d’une courte nouvelle de Neil Gaiman, un célèbre auteur de sciences fiction. Il y raconte comment Enn et son ami Vic (le duo du livre est devenu trio dans le film) débarquent dans une soirée et y draguent des filles dont on comprend progressivement la bizarrerie. La nouvelle se termine lorsque Enn et Vic fuient la soirée, horrifiés de leur découverte. Mais le film va plus loin avec le personnage de Zan, absent du livre, ses rêves de révolte qui recoupent ceux de Enn.

How to talk to girls at parties emprunte à plusieurs sources. Son héros, fou de musique rappelle John Cusack dans High Fidelity ou le jeune groopie de Almost Famous. Les scènes de concert évoquent celles que John Cameron Mitchell avait filmées dans Hedwig… ou celles du biopic consacré au leader du groupe Joy Division, Control. L’ambiance décalée qui règne dans la demeure des extraterrestres évoque les décors du tournage de Moonwalkers. Le personnage de Zan et de ses congénères n’est pas sans évoquer Scarlett Johansson dans Under the skin. Mais nul besoin pour apprécier How to talk… de connaître ces références qu’un critique prétentieux égrène comme d’autres enfilent des perles…

Car Elle Fanning mérite à elle seule le déplacement. Le rôle de Zan lui va comme un gant : un peu d’ici, un peu d’ailleurs, encore enfant, déjà adulte. Sa beauté laisse pantois, qui a quelque chose de surnaturel : sa blondeur, sa peau translucide, son cou interminable. À vingt ans à peine, Elle Fanning a déjà une filmographie qui force l’admiration. Dès ses tout premiers films (Somewhere en 2010, Super 8 en 2011), l’acteur-enfant impressionnait par son aisance face à la caméra sans jamais sombrer dans le cabotinage qui gâte si souvent le jeu des plus jeunes stars. Avec The Neon Demon, elle se révélait dans un rôle adulte, avec quelle troublante efficacité. Si besoin était How To Talk… le confirme : le bébé-star est devenue une grande star.

La bande-annonce

Les Funérailles des roses ★★☆☆

L’action se déroule à Tokyo, dans la communauté homosexuelle autour du bar gay Genet dont Leda, une travestie sur le retour, assure la gérance. Gonda en est le propriétaire. En cachette de Leda, il a une liaison avec un jeune travesti Eddie.

Longtemps inédit en France, Les Funérailles des roses ressortira  sur nos écrans le 29 août mais était diffusé hier soir au Reflet Médicis en avant-première dans le cadre du réjouissant Festival du film de fesses.

C’est une œuvre expérimentale, à mi-chemin du documentaire et de la fiction. Il s’agit d’abord d’une plongée quasi-ethnologique dans la communauté homosexuelle de Tokyo. Cette dimension-là est peut-être la plus intéressante du film et on regrette qu’elle n’ait pas été plus développée. On y constate une mondialisation avant l’heure : celle qui caractérisa les années soixante partout dans le monde, qu’il s’agisse de la musique, des vêtements ou de la libération sexuelle. Mais on y découvre aussi combien le regard sur les homosexuels a changé : les questions posées aux travestis naturalisent l’homosexualité en en faisant une maladie dont on pourrait se soigner voire une tare dont on devrait s’affranchir.

Les Funérailles des roses est par ailleurs une œuvre expérimentale – qui aurait dit-on inspiré Kubrick pour tourner Orange mécanique deux ans plus tard. Une œuvre en noir et blanc qui mélange l’humour et le trash. Une œuvre qui entend cultiver avec le spectateur une distanciation toute brechtienne grâce à des inserts de textes ou d’images. Une œuvre qui ne se soucie pas de linéarité, mélangeant les scènes, effectuant des flashbacks inattendus – et volontiers incompréhensibles. Une œuvre qui, s’il fallait lui trouver un thème, modernise pour mieux le travestir le mythe d’Œdipe dans ses toutes dernières minutes, particulièrement impressionnantes.

L’expérience, trop longue d’une vingtaine de minutes, peut décontenancer. Le cinéma de l’époque cherchait volontiers à le faire à force de surenchères esthétiques et narratives. Il y arrivait souvent ; il y arrive encore.

Rétrospective Dario Argento ★★☆☆

A l’initiative du distributeur Les Films du Camélia, six films de Dario Argento ressortent en salles le 27 juin. C’est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir sur grand écran l’œuvre du maître italien de l’épouvante peu ou mal distribué – ainsi Opéra (1987) était-il jusqu’à ce jour inédit.

Né en 1940, Dario Argento est le maître incontesté du giallo, ce genre italien inimitable qui doit son nom à la couverture jaune des polars. À la frontière du film policier, du film érotique et du film d’horreur, le giallo transcende les genres. Les Frissons de l’angoisse (1975) en constitue sans doute l’apogée. Le personnage principal est un pianiste de jazz à la poursuite d’un mystérieux assassin. Le film bluffe par ses audaces visuelles, ses scènes gore, ses mouvements de caméra renversants, sa musique angoissante signée par le groupe de rock progressif Goblin. Mais sa durée excessive et l’accumulation de scènes sanglantes risquent de lasser même les plus endurants.

Dario Argento a tiré le giallo vers le fantastique. C’est le cas dans Suspiria (1977), considéré parfois comme son meilleur film. 1001 Movies You Must See Before You Die le classe d’ailleurs dans son anthologie. C’est un film d’une grande violence visuelle et sonore dont l’action se déroule dans une école de danse allemande où une jeune ballerine enquête sur une succession de crimes atroces. Un remake vient d’en être tourné par le réalisateur de Call me by your name et A bigger splash avec Dakota Johnson, Chloë Grace Moretz et Tilda Swinton, excusez du peu, au casting. Il sortira sur nos écrans à l’automne.

Opéra (1987) est le film le plus récent distribué dans cette rétrospective. La violence y est plus moderne, plus impressionnante. Dario Argento y laisse parler son goût pour la musique lyrique, imaginant des crimes en série autour d’une représentation de Macbeth à la Scala de Milan. Comme dans les deux films précédents, l’intrigue ne brille pas par son originalité. Une fois encore, il s’agit d’une série de crimes, tous plus violents les uns que les autres. Le film est gâché par son dernier quart d’heure où le scénario en roue libre perd toute crédibilité, provoquant des fous rires dans la salle au lieu des cris d’horreur qu’il est censé susciter.

Dario Argento suscitera l’enthousiasme ou la détestation. Musique stridante, effets de caméras étourdissants, jeu outré des acteurs, hémoglobine grossièrement artificielle, fétichisme… On pourra lui reprocher ses outrances. On ne saurait critiquer sa cohérence.

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Les Affamés ☆☆☆☆

Zoé a vingt-et-un ans, un copain photographe, une licence en poche et des rêves plein la tête. Mais son copain la trompe, le marché du travail est bouché, le logement à Paris hors de prix.
Avec ses nouveaux colocataires, Zoé décide de faire bouger les lignes.

La bande-annonce des Affamés m’avait mis l’eau à la bouche. J’en escomptais l’histoire pleine d’allant et d’humour d’une bande d’amis unis autour de Louane Emera (la révélation de La Famille Bélier) dans un combat politique, celui d’une jeunesse prenant conscience de son identité de classe et bien décidée à changer son statut dans la société.

Las ! Les comptes n’y sont pas. Sur le terrain de la comédie comme sur celui du militantisme, là où par exemple Problemos réussissait à faire coup double, Les Affamés nous laissent sur notre faim.

Les Affamés est d’abord l’histoire d’une atterrante platitude d’une bande de potes. On se souvient avec quel brio, quelle tendresse et quelle intelligence, Cédric Klapisch avait réussi sur cette base à croquer le portrait-chorale de la jeunesse des années 2000 dans L’Auberge espagnole – dont le succès allait provoquer deux suites dispensables, Les Poupées russes et Casse-tête chinois.
Louane Emera a une belle énergie. Mais elle n’a hélas ni le charisme ni le charme de Romain Duris. Sa romance avec François Deblock ne fonctionne pas. Ses autres colocataires sont réduits à des caricatures : le rebeu dragueur, le geek à lunettes, la renoi lesbienne (sic)…

Mais c’est surtout sur le terrain du combat politique que j’attendais Les Affamés. Au départ, Léa Frédeval avait écrit non pas une fiction mais un essai, témoignant de la rage d’une génération sacrifiée. Ce témoignage largement autobiographique frappait juste. Il décrivait une jeunesse sans illusions, touchée par un chômage de masse contre lequel aucun diplôme ne l’immunise plus, surexploitée dans des stages ou des CDD, constamment renvoyée par des aînés volontiers paternalistes à son inexpérience.

Le passage à la fiction ne fonctionne pas. Car une fois que les « affamés » prennent conscience de leur état et parviennent à articuler des revendications, plus rien ne se passe. Le film s’arrête, faute d’enjeu dramatique. La dernière demie-heure, privée d’enjeu, est un naufrage embarrassant.

Les Affamés n’a pas été projeté à la presse. On comprend pourquoi.

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Sicario La Guerre des Cartels ★☆☆☆

Pour désorganiser les cartels mexicains, qui font régner leur loi à la frontière mexicaine, le gouvernement américain décide de lancer une opération undercover. Il s’agit de kidnapper la fille de Carlos Reyes, l’un de ses chefs les plus puissants, en faisant croire que l’enlèvement est l’œuvre d’un cartel ennemi, afin de déclencher une vendetta fratricide.
L’agent Matt Graver (Josh Brolin) en est chargé. Il fait appel au mystérieux Alejandro (Benicio Del Toro), un ancien sicaire travaillant désormais pour les États-Unis.

J’avais adoré Sicario, à mes yeux l’un des meilleurs films de 2015. Aussi me suis-je précipité pour voir la suite. Et du coup en ai-je été d’autant plus déçu.

Car ce deuxième épisode copie, sans l’égaler, le premier. Même affiche, mêmes couleurs, même typographie. Même têtes d’affiche.  Même violoncelle oppressant de Hildur Guðnadóttir.
Sauf que manque à l’appel Emily Blunt dont le personnage donnait au film tout son intérêt. Sauf que manque derrière la caméra Denis Villeneuve, sans doute l’un des réalisateurs les plus intéressants de sa génération, qu’Hollywood a eu raison d’exfiltrer du Canada, qui réussissait à nous clouer sur notre siège par quelques scènes restées dans ma mémoire : une exfiltration qui tourne mal au poste-frontière, un tunnel traversé en vision nocturne, un repas familial qui tourne au carnage…

Dans Sicario La Guerre des Cartels, les mêmes recettes sont ré-utilisées mais tournent à vide. Elles ont le goût fade et aseptisé du réchauffé.

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