The Duke of Burgundy ★★☆☆

The Duke of Burgundy traite – comme son titre ne l’indique pas – de la relation sadomasochiste qui unit une lépidoptériste et sa jeune collaboratrice

A première vue, on dirait du porno chic. Dans une grande demeure hors du temps, Cynthia, une maîtresse sévère et raffinée accueille Evelyn, une domestique timide et en retard, lui ordonne de laver son linge et la menace de la punir si elle le fait mal.

Mais à regarder de plus près, on s’éloigne des canons de Marc Dorcel – même si les deux actrices (Sidse Babett Knudsen, la Première ministre de Borgen en Domina sévère, et Chiara D’Anna en soumise plus manipulatrice qu’il n’y paraît) le sont.
Peter Strickland interroge le sado-masochisme, toujours menacé de sombrer dans le ridicule. Comment ne pas éclater de rire en entendant « I just… might tie you up
and use you as my chair for the afternoon. » ?! Mais comment ne pas aussi, dans le même temps, être troublé ?

Dans un mouvement très hégélien, la dominatrice est asservie par les pulsions de son esclave. Evelyn, la soumise, exige de sa maîtresse des scenarii toujours plus compliqués dont Cynthia, qui aspire à une relation plus spontanée, se lasse.

Le sadomasochisme est-il une impasse ou une issue de secours ? C’était la question posée par Lune de fiel de Brückner/Polanski. La fin du film donne, à sa façon, une réponse. Autrement plus intelligente que Cinquante nuances …

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Vice versa ★★☆☆

Sentiments ambigus devant l’avant-dernier Pixar encensé par une critique dithyrambique.
Admiration face à l’audace du choix d’un sujet si abstrait (la psyché d’une pré-adolescente), à l’inventivité d’un scénario rebondissant, à la richesse des illustrations.
Émotion lacrymale devant quelques scènes qui feraient pleurer des pierres.
Mais malaise face à la bien-pensance trop sucrée d’une superproduction Disney toute entière vouée à la glorification des valeurs de la famille nucléaire blanche, aisée et américaine.

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L’Échappée belle ★★★☆

Une femme à l’ouest un gamin en quête de mère = un sujet qu’on a vu dix fois.

Néanmoins le charme opère grâce à la fraîcheur de Clotilde Hesme.
Elle ressemble un peu trop à Cécile de France pour qu’on l’identifie sans se tromper. Pourtant le César du meilleur espoir féminin 2012 pour Angèle et Tony est en train de creuser sa place. Elle est parfaite dans L’Échappée belle où elle réussit à rendre crédible un personnage qui ne l’est pas : une adulescente d’une trentaine d’années, fille d’un milliardaire dépressif (Peter Coyotte prisonnier de son grand château), abonnée aux soirées privées (où elle croise Frédéric Beigbeder qui joue très mal) et aux amours impossibles avec des hommes mariés.

Last but not least : un film tourné sous les arcades du Palais-Royal ne peut qu’être réussi !

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Fantasia ★★☆☆

J’ai vu à l’été 2015 à sa sortie dans une salle déserte ce film en mal de spectateurs.

Sans doute le sujet est-il plombant. Une famille chinoise est confrontée à la maladie du père leucémique. La mère fait la tournée des anciens amis égoïstes, la fille se prostitue, le fils s’acoquine avec des petits mafieux.

Et la mise en scène de Wang Chao n’est pas particulièrement guillerette qui plante sa caméra à Chongqing, l’immense métropole sichuanaise sur les bords du Fleuve bleu.

On peut donc, sans frais, railler ce film esthétisant. Mais on peut aussi y voir un portrait triste d’une Chine en mal de repère, à cheval entre communisme et capitalisme. Pas de quoi attirer les foules ? Peut-être. Mais suffisamment pour donner à réfléchir.

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Get Out ★★☆☆

Get Out nous est arrivé d’Amérique précédé d’une réputation élogieuse. Film à petit budget, carton au box office, Get Out a battu des recors de rentabilité.

De quoi s’agit-il ? D’un remake du film bien connu Devine qui vient dîner ? qui, en 1967, posait déjà la question des relations interraciales. Daniel Kaluuya reprend le rôle de l’acteur noir Sydney Poitier que sa fiancée blanche présente à ses parents. Comme dans le film de Stanley Kramer, l’accueil que ces bourgeois éclairés réservent au futur gendre est d’une parfaite courtoisie. Mais bien vite, sous la civilité apparente, affleurent les réserves et le malaise.

En 2017, le théâtralisme statique de Devine qui vient dîner ? et son moralisme bien pensant ne sont plus de mise. Son réalisateur, Jordan Peel, a la bonne idée d’utiliser les codes convenus du film d’horreur pour actualiser cette histoire intemporelle.

Intemporelle ? Une famille blanche accueille-t-elle en 2017 son gendre noir comme elle le faisait cinquante ans plus tôt ? Oui et non. Catherine Keener et Bradley Whitford rappellent Katherine Hepburn et Spencer Tracy. Ils font preuve de la même affabilité, de la même gentillesse. Mais les rapports interraciaux se sont compliqués en un demi-siècle. La phobie de la souillure qui animait le racisme hier se combinerait désormais à une forme de jalousie paradoxale. Dépréciatif hier, le regard, toujours raciste du Blanc sur le Noir, serait devenu admiratif aujourd’hui.

C’est cette thèse – qui reste à démontrer – que Jordan Peele défend dans une fable horrifique et gothique, qui emprunte au film d’horreur et au film de science-fiction. Sa première partie est la plus réussie qui installe l’action en prenant son temps, distillant un malaise persistant. La seconde partie qui révèle la folie vampirique des Armitage est plus convenue déroulant jusqu’à son terme une intrigue dont tous les ressorts ont été déjà explicités.

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Jours de France ★☆☆☆

Un beau matin, Pierre quitte Paul. Pourquoi ? pour quoi ? Il prend la route à bord de son Alfa Roméo avec pour seul guide une application Internet qui lui permet de faire des rencontres d’un soir. Utilisant la même application, son amant part à sa recherche.

Dès la première image du film, le doute est levé. Jours de France n’a rien à voir avec l’hebdomadaire féminin qu’on feuilletait chez le coiffeur – en un temps où j’allais encore chez le coiffeur. On voit un homme à la fine moustache freddymercurienne dormant nu sur le dos, le sexe turgescent à demi visible à travers le slip en coton blanc.

Jours de France est donc un film gay comme Vecchiali ou Ducastel & Martineau aiment en tourner (voir par exemple Théo & Hugo dans le même bateau). C’est aussi un film triste. C’est l’histoire d’une séparation et d’une errance. De cette séparation, de ses motifs, on ne saura rien. De cette errance, on décrira les moindres rebondissements. Avec le risque de dilater jusqu’à l’excès un récit qui se construit au fil des rencontres : un adolescent homosexuel qui rêve de monter à Paris, une ancienne professeur de lettres qui s’est encroûtée en province, un VRP qui aime les « belles italiennes », une muse cachée dans les montagnes.

La durée inhabituelle de Jours de France (deux heures vingt-et-une) lui offre une belle idée de scénario malheureusement laissée en jachère. Ces personnages secondaires ne se contentent pas d’une brève saynète. Tandis que Pierre continue son errance à travers la France, on les suit dans leurs vies parallèles. On se demande si ces ré-apparitions fugaces feront sens. Il n’en est rien. Dommage.

Dernier intérêt du film s’il faut à tout prix lui en trouver : un voyage dans la « France périphérique », la France du Centre, de la Limagne, des Hautes Alpes. Une France de l’entre-deux, une France qui n’est ni profonde ni centrale. La France où l’on ne vit ni bien ni mal. La France où l’on s’ennuie.

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Taipei Story ★☆☆☆

Edward Yang est décédé en 2007. Avec Hou Hsiao-Hsien et Tsai min-Lang, il avait incarné la Nouvelle vague du cinéma taïwanais. Son œuvre reste méconnu, mis à part Yi Yi, son dernier film. Taipei Story, son deuxième film, daté de 1985, était resté inédit en France jusqu’à sa sortie sur nos écrans le mois dernier.

C’est l’histoire d’un couple qui se délite. D’un côté Lon (interprété par Hou Hsiao-Hsien lui-même) est une ancienne gloire du base-ball qui, après un séjour aux États-Unis, revient à Taipei reprendre le commerce paternel. De l’autre Gwan (la sublime Sun Yun Ko qui hélas n’a pas fait carrière) travaille dans un cabinet d’architectes en pleine restructuration.

Le résumé que je viens de faire de Taipei Story est beaucoup plus compréhensible que la présentation qu’en fait le film. Il procède par de courtes saynètes qui, comme le dessin d’une marqueterie compliquée, ne font sens que mises bout à bout.

Edward Yang se revendiquait de Bresson ou d’Antonioni. On pense aussi à Cassavetes, peut-être en voyant le réalisateur Hou Hsiao-Hsien dans le rôle principal – et Edward Yang lui-même dans un rôle secondaire. Peut-être aussi à cause du grain et de l’ambiance de ce milieu des années quatre-vingts qui ont si mal vieilli. Qu’il s’agisse de la musique, des costumes ou des coiffures, tout était décidément laid à cette époque.

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Cinéma, mon amour ★☆☆☆

Dans une petite ville du nord-est de la Roumanie, Victor Purice exploite le cinéma Dacia. Avec deux employées, il essaie contre vents et marées de remplir sa salle.

Alexandru Belc tenait un sujet en or : le combat pour la survie d’une salle de cinéma. Il pouvait compter, pour en assurer la diffusion et la promotion, d’un public captif : les exploitants de cinéma qui s’identifieraient à lui et les cinéphiles de tous poils. Giuseppe Tornatore en avait en son temps tiré une fiction inoubliable, Cinema Paradiso (1989).

Hélas, il  gâche une belle idée par manque de travail. Il se borne à suivre pas à pas Victor Purice. On le voit accueillir des groupes scolaires, jouer au ping-pong avec ses employées, se battre avec la chaudière récalcitrante du cinéma, repeindre son enseigne… Au bout de trente minutes, la cause est entendue : cet homme est un Don Quichotte.

Mais le documentaire ne cherche pas les causes de cette situation. Les salles de cinéma roumaines ferment-elles du fait de la concurrence du DVD ou d’Internet ? La question est posée à Victor Purice qui la balaie d’un revers de main. Non. La responsabilité incombe à Romania Film l’exploitant public. C’est sans doute réducteur. De toutes façons, on n’en saura pas plus : spéculation foncière ? corruption ? Et c’est bien dommage.

Pas plus le documentaire n’explore-t-il les remèdes possibles à cette situation. À aucune moment n’est-il envisagé de réagencer cette salle immense, impossible à chauffer, en un complexe de deux ou trois salles plus petites. Rien n’est dit sur la programmation qui semble majoritairement constituée de films américains grand public. Pas un mot sur les actions menées vers des publics spécifiques, sur des cinés-débats, sur des présentations par les réalisateurs, dont les exploitants savent qu’elles sont susceptibles de faire revenir dans les salles obscures un public qui en a oublié le chemin.

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Lettres de la guerre ★☆☆☆

L’écrivain Antonio Lobo Antunes a été enrôlé en Angola en 1971, durant la dernière guerre de décolonisation livrée par le Portugal salazariste. À cette occasion, il a écrit chaque jour à sa femme des lettres qui viennent d’être publiées en recueil.

Ivo Ferreira les met en images. Le pari n’est pas facile. Car de deux choses l’une. Soit les images sont les pâles illustrations des lettres lues en voix off et ne servent à rien. Soit au contraire elles s’en détachent au risque de créer un hiatus entre ce qu’on voit et ce qu’on entend.

Autre difficulté propre au roman scriptural. Sa difficulté à avancer. Sans doute Choderlos de Laclos y parvenait-il dans Les Liaisons dangereuses. Mais Antonio Lobo Antunes n’avait pas dans l’idée de construire une œuvre organisée en écrivant chaque jour à sa femme enceinte. Il y évoque la solitude du soldat dans la moiteur tropicale, l’absurdité et la violence d’un conflit insensé, l’amour de sa femme et de son enfant à naître.

Alors bien sûr, la langue de Lobo Antunes est d’une hypnotisante poésie, servie par les accents chuintants du portugais. Bien sûr, le noir et blanc crée à la fois une distance et une intimité. Bien sûr, on ne peut qu’être touché par la formidable humanité du héros.

Pour autant, passée l’excitation que suscitent les premières minutes du film, on trouvera bien longues les cent cinq suivantes.

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La belle occasion ★☆☆☆

La belle occasion a la simplicité d’un conte.
Trois forains : une sœur aînée, un frère cadet et un père violent et malade. Une jeune orpheline dans un grande demeure vide. Le frère séduit l’orpheline qui l’invite chez elle avec sa famille. Saura-t-elle s’en faire aimer ?

Isild Le Besco n’en finit pas de laisser sa trace dans le cinéma français. Qu’elle soit devant ou derrière la caméra, elle interroge la découverte de la sexualité chez de très jeunes gens. À seize ans, elle jouait dans le premier film d’Emmanuelle Bercot (qui réalisera plus tard Elle s’en va et La Tête haute) une jeune fille séduite par un homme mûr. À dix-huit, elle partageait l’affiche avec Daniel Auteuil dans Sade. Son premier film, Demi-tarif, sorti en 2003, raconte l’histoire d’une fratrie de trois enfants abandonnés par leur mère, séchant l’école et vivant la nuit.

La même magie opère dans la première moitié de La belle occasion. Filmée en plans très brefs, la vie chaotique de Sarana, de Ravi et de leur père se raconte comme dans un roman-photo, presque sans dialogues. Au hasard d’une rencontre, la séraphique Mathilde, une belle rousse à peine sortie de l’enfance, croise leur chemin et se laisse fasciner par leur dangereuse liberté. Mathilde est dans le même mouvement attirée et repoussée par le charme félin du jeune homme. Sarana comprend l’attirance mutuelle des jeunes gens et leur servira de pont.

Le problème est que l’enjeu du film est vite posé – et son dénouement rapidement pressenti. Si bien que sa seconde moitié s’étire inutilement, virant parfois au porno amateur maladroit.

La bande-annonce