La Vengeresse ★☆☆☆

Face-de-mort, un catcheur devenu sénateur (sic), embauche quatre chasseurs de primes pour retrouver le précieux document qui lui a été volé dans l’incendie du bar des bikers qui lui servent de garde prétorienne. L’un des quatre, Rod Rosse, va se retourner contre son employeur et prendre fait et cause pour Lana, l’auteur du larcin.

Revoilà Bill Plympton et ses films d’animation pour adultes. On reconnaît dès la première planche l’auteur de L’Impitoyable lune de miel et des Mutants de l’espace : couleurs pop, silhouettes déformées (des têtes énormes sur des corps minuscules), dialogues trash.
Dans Revengeance (intraduisible mot-valise), le vieux dessinateur s’est adjoint les services d’un jeune scénariste. Pour la première fois peut-être il raconte une histoire, particulièrement dense pour un film de une heure onze seulement. Une histoire complexe, pleine de rebondissement, qui évoquerait les films noirs des années 40 si elle ne se déroulait dans une Californie bien contemporaine. On pense à Inherent Vice de Paul Thomas Anderson et plus encore à l’esthétique pop de Kill Bill Quentin Tarantino dont Lana la vengeresse, aussi adroite à manier l’arc que Uma Thumrman le sabre, n’a pas pu ne pas s’inspirer.

Pourquoi ne donner qu’une seul étoile à ce dessin animé dont je suis en train de saluer la richesse ? Parce que je ne suis pas entré dans le délire de Bill Plympton. Parce que ses dessins ont cessé de m’intéresser passé le premier étonnement. Parce que son histoire, finalement assez conventionnelle, ne m’a pas captivé. Bref parce que, malgré la brièveté du film, je m’y suis copieusement ennuyé.

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Utu ★☆☆☆

L’action de Utu se déroule en Nouvelle-Zélande pendant les années 1870 durant la colonisation de cet archipel par les Britanniques.

Utu signifie vengeance en maori. Le sujet du film est celui d’une triple vengeance.
Vengeance de Te Wheke, un supplétif de l’armée britannique qui se rebelle contre ses maîtres après le sac de son village, se tatoue le visage, chante des hakas et prend la tête d’une troupe de guérilleros.
Vengeance de Williamson, un colon blanc rendu fou de douleur par l’assassinat de sa femme par les rebelles maoris.
Vengeance du lieutenant Scott, un Néo-Zélandais blanc dont l’histoire personnelle le conduit à se démarquer des méthodes violentes du colonel Elliot, chargé de mater la rébellion.

Sorti en 1983, Utu figure au nombre des 1001 films à voir avant de mourir. Il doit ce statut à sa renommée en Nouvelle-Zélande dont il raconte un pan de l’histoire. Un peu comme La Marseillaise ou Paris brûle-t-il ? dans l’hexagone. Cette célébrité et la curiosité qu’inspire ce petit pays antipodique expliquent que Utu ressorte en salles cette semaine à Paris.

Je dois confesser une grande déception à la découverte de cette pépite méconnue. La faute sans doute à l’époque où il a été tourné. 1983, c’est Le Retour du Jedi, L’Étoffe des héros, Tchao Pantin et Scarface. Des œuvres, je l’admets volontiers, que nous avions en leur temps vues et aimées. Mais des œuvres qui ont mal vieilli. En ces temps là, les films sont longs, lents, horriblement mal éclairés.

Utu ne fait pas exception. Pendant près de deux heures, c’est une succession vite monotone de combats mal filmés. Les paysages grandioses de la Nouvelle Zélande, que Peter Jackson allait rendre mondialement célèbres en en faisant l’arrière-plan du Seigneur des anneaux vingt ans plus tard, sont gris et pluvieux. Même les personnages de Te Wheke, qui retourne contre le colon la violence exercée contre ses compatriotes, ou de Wiremu, qui préfère construire une relation apaisée avec les Britanniques plutôt que de nourrir un combat stérile, n’émeuvent pas.

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London House ★☆☆☆

Kate (Clemence Poesy) et Justin (Stephen Campbelle Moore) attendent un enfant. Ils occupent le premier étage d’une maison bourgeoise de Londres. Theresa (Laura Birn) et Jon (David Morrissey) s’installent au rez-de-jardin de la même demeure. Ils ont quelques années de plus et attendent eux aussi un enfant. Les couples sympathisent avant qu’un événement dramatique ne les éloigne.

London House voudrait volontiers loucher vers Hitchcock ou Polanski. Hitchock pour la blondeur de ses héroïnes : la vulnérable blondeur vénitienne de Clémence Poesy, la provocante blondeur platine de Laura Birn.
Polanski pour l’ambiance de paranoïa et l’enfermement dans un lieu clos : on pense à la lente chute dans la folie du héros du Locataire ou, plus encore, à l’angoisse qui gagne Mia Farrow dans Rosemary’s Baby à l’approche de la naissance de son enfant.

Hélas, London House n’a pas la stature de ces illustres prédécesseurs. La comparaison la plus appropriée serait plutôt La Main sur le berceau ou La Fille du train, le best-seller de Paula Hawkins récemment porté à l’écran. J’avais eu la dent dure en ne mettant à ce film sorti l’an passé qu’une seule étoile. Je voulais m’inscrire en faux contre un succès mondial à mes yeux usurpé.

Il est difficile d’être beaucoup plus généreux avec London House. Sans doute sa fin glaçante devrait-elle m’inciter à plus d’indulgence. Mais ce refus des conventions ne suffit pas à racheter ce thriller trop prévisible.

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Paris la blanche ★★★☆

Rekia est kabyle. Quarante huit ans plus tôt son mari, Nour, est parti en France travailler dans le bâtiment. Chaque mois, il lui envoie, par son frère, un mandat. Mais les virements ont cessé depuis quatre ans. Inquiète, Rekia décide de prendre le bateau et de venir le chercher à Paris.

Paris la blanche débute par des plans sans dialogue où l’on voit Rekia préparer scrupuleusement sa valise, fermer sa maison, prendre le bus jusqu’à Alger puis embarquer. Alors qu’Alger la blanche est filmée en scope depuis le pont du navire, les mots Paris la blanche s’inscrivent sur l’écran. Ce titre paradoxal semble annoncer un renversement de perspective : comme si la capitale de la France allait avoir, pour cette Kabyle jamais sortie de son bled, le parfum exotique de la capitale algérienne pour les colons français du début du siècle dernier.

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Paris la blanche n’est pas un vague remake de La Vache, cette comédie tendre qui racontait l’an passé la traversée de la France par un Kabyle accompagnant sa bête au Salon de l’agriculture et, tel un Candide moderne, promenant son miroir au bord du chemin. Paris la blanche joue sur un autre registre : celui du drame familial, de l’exil, du déracinement, de l’attachement contrarié à la terre natale, de la fidélité d’une femme pour son mari et d’un mari pour sa femme.

Puisque l’affiche du film a la maladresse de le dévoiler, on peut le révéler : Rekia retrouvera Nour après plusieurs jours d’une quête stérile dans les rues de Paris où elle croisera le chemin de quelques Français aidants (formidable Karole Rocher). Le suspense du coup se déplace vers un double mystère : pour quelle raison Nour a-t-il laissé Rekia sans nouvelle ? Acceptera-t-il de reprendre avec elle le chemin du retour ?

Paris la blanche est un film d’une infinie douceur, illuminé du sourire tendre de Tassadit Mandi, figure moderne de Pénélope qui, lasse de tisser en attendant son époux, part à sa recherche. Dans ce film d’une heure vingt six seulement, beaucoup se dit sans mot, sans phrase inutile, sans surjeu inutilement démonstratif. Toutes les questions ne trouveront pas leurs réponses. Comme dans la vie. Tout simplement.

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Kong: Skull Island ★☆☆☆

King Kong : le retour.
Le grand gorille amoureux ne cesse de hanter notre panthéon cinématographique. L’image de Kong au sommet de l’Empire State Building, combattant d’une main  les avions qui l’assaillent et protégeant de l’autre sa belle, est entrée en 1933  dans l’imagerie populaire. Au point de vouloir la reproduire dans de nombreux succédanés : en 1976 avec Jessica Lange, en 2005 avec Naomi Watts.

Bizarrement, ce nouvel opus ne revisite pas cette scène iconique. Il se cantonne à la première moitié de l’histoire qui se déroule, on le sait, dans l’île mystérieuse dont Kong a fait son royaume.

Le film en gagne-t-il en unité – là où le scénario de l’original, coupé entre l’île sauvage et les gratte-ciels de Manhattan souffrait en son milieu d’une césure presque incurable ? Peut-être Boileau y trouvera-t-il son compte (c’est quand même fort de citer Boileau dans une critique de Kong, non ? personne ne me faisant de compliment, il faut bien que je m’en fasse de temps en temps) ; mais pas le spectateur.

Car Kong – comme Ghost in the shell – procède d’un curieux assemblage. Un peu comme une mauvaise piquette produit du mélange de divers cépages de l’Union européenne. Sans doute le principal emprunt vient-il de la longue généalogie des King Kong déjà évoquée. Le contraire serait pour le moins troublant. Mais que vous rappellent ces hélicoptères volant dans le soleil couchant et cette jungle bombardée au napalm sinon Apocalypse Now ? Et ces monstres menaçants, issus d’un passé enfoui, qui prennent un malin plaisir à chasser et à dévorer une troupe d’innocentes victimes sinon Jurassic Park ? Et ces créatures chimériques (buffle à six cornes, araignée ou sauterelle géante) sinon les anime japonais de Hayao Miyazaki ?

Bien sûr. Tout dans Kong n’est pas à jeter. A commencer par les combats épiques de l’immense gorille avec toutes sortes de bestioles toutes plus dégoûtantes les unes que les autres : une pieuvre à mille bras, un gros lézard carnivore … Les cent quatre vingt dix millions de dollars de budget n’ont pas été dépensés en vain.
A saluer également la prestation de Brie Larson qui interprète une photographe de guerre. Sans doute sa présence ne se justifie-t-elle que par le souci d’ajouter une femme à une escouade par trop masculine et par celui d’attendrir le cœur de Kong – dans une scène trop attendue pour être réussie. Mais il sera beaucoup pardonné à Brie Larson, Oscar 2016 de la meilleure actrice pour Room,  à sa belle vitalité, à son sourire éclatant et à ses seins parfaits dans son T-shirt mouillé.

Il est temps, cher lecteur, que j’aille voir un film letton muet en noir et blanc et que j’y oublie les seins de Brie Larson et mon penchant coupable à rédiger mes critiques à la première personne du singulier.

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Orpheline ★★★☆

Je me plaignais hier des mises en scène un peu pauvres du cinéma français. Me voici aujourd’hui servi avec cette Orpheline d’une rare complexité et d’une belle sensibilité.

Comme l’annonce l’affiche, Arnaud des Pallières va raconter la vie d’une orpheline à quatre âges de sa vie. Au lieu d’en confier le soin à la même actrice, grimée et vieillie pour l’occasion, il en choisit quatre qui n’ont pas grand chose en commun sinon leurs lèvres purpurines. La même recette vient d’être employée avec le succès que l’on sait dans Moonlight outre-Atlantique.

Complexité supplémentaire : la vie de Karine/Sandra/Renée n’est pas narrée dans l’ordre chronologique, mais, comme dans Irréversible de Gaspar Noé, en commençant par la fin. On découvre une institutrice rangée (Adèle Haenel) sur le point d’être rattrapée par son passé sous les traits de Gemma Arterton (ah ! Gemma …). Pour comprendre sa situation, il faut remonter sept ans en arrière et rencontrer Sandra (Adèle Exarchopoulos) qui vient d’arriver à Paris et se retrouve plongée dans le milieu du jeu et de l’arnaque. À treize ans, la jeune Karine (Solène Rigot) cherche à toute force à fuir la violence d’un père dont on comprendra, après un quatrième saut dans le temps, les ressorts dramatiques.

La concaténation des temps est d’une parfaite fluidité et évite les défauts du film à sketches toujours inégal. Arnaud des Pallières peint un splendide tableau de femme diffractée. Le parti pris  de confier ce rôle unique à quatre actrices ne remet pas en cause sa profonde unité. Karine est une enfant en mal de (re)pères qui cherche maladroitement l’amour.

Dans un ultime chapitre, le film revient à son point de départ et retrouve Adèle Haenel obligée de faire taire la soif d’amour qui lui a tant fait tort. Ce dénouement n’est pas l’épisode le moins émouvant d’un film dont on retiendra l’éblouissante prestation d’Adèle Exarchopoulos, plus sensuelle que jamais.

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Pris de court ★★☆☆

Jeune veuve, Nathalie s’installe à Paris avec ses deux enfants. Las ! L’emploi de joaillier qu’on lui avait promis lui échappe. Elle trouve un petit boulot dans un restaurant tandis que son aîné fait de mauvaises fréquentations au lycée.

Pris de court est un petit film qu’on aurait aimé grand. Sa réalisatrice a été influencée par Bresson et Rivette dont on reconnaît le minimalisme. Elle tourne dans les rues du 13ème arrondissement, à quelques encablures du lycée Rodin dont elle fut l’élève.

Pris de court est un petit thriller qui n’exploite pas toutes les potentialités qu’il ouvre. Le fils de Nathalie se retrouve piégé par la petite bande de malfrats qu’il avait rejoint. Sa mère doit voler à son secours pour l’en libérer. Le dernier tiers du film a des allures de film américain avec arnaque à double tiroir. Mais le minimalisme de la mise en scène et le manque de complexité du scénario le privent de la rouerie à laquelle les films américains du même registre nous ont habitué.

« Pris de court » repose sur les épaules de Virginie Efira, de chaque plan. On l’a beaucoup vu en 2016 sur les écrans, notamment dans Victoria où elle fut excellente. A-t-elle atteint le sommet de son talent ? ou est-ce le début d’une carrière de star ?

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Ghost in the Shell ★☆☆☆

Il faudrait être ermite pour l’ignorer : Ghost in the Shell a débarqué hier sur nos écrans. Plus d’un million de spectateurs, petits et grands, iront le voir ce week-end. À tort ? À raison ?

Dans une salle archi-comble – plutôt jeune et masculine – je me suis laissé happer dès le générique (une réussite du genre !) par l’envoutante beauté des effets spéciaux. J’ai adoré le Tokyo (Hong Kong ? Shanghai ?) dystopique, la fascinante hybridation du robot et de l’humain et la lippe de Scarlett Johansson.

Je suis resté sourd à la vaine polémique provoquée par son rôle : on accuse à cette actrice américaine d’incarner une héroïne typiquement japonaise. Un peu comme si Hamlet était joué par un acteur noir ! Sauf que … Hamlet a été déjà joué par un acteur noir et que Hollywood n’a pas son pareil pour recycler et mondialiser des succès nationaux. En témoigne ce blockbuster tourné en Nouvelle-Zélande par un réalisateur britannique avec, dans les rôles principaux, outre une Américaine, une Française (Juliette Binoche), un Danois (Pilou Asbaek) et un Japonais (Takeshi Kitano).

Le problème de Ghost in the Shell n’est pas son casting mais son scénario. Je n’avais pas compris grand chose aux dessins animés volontiers ésotériques. Les scénaristes de Hollywood m’ont fait sentir moins bêtes. Prenez l’héroïne de Lucy, une pincée de Blade Runner pour les décors futuristes, une once de Assasin’s Creed pour les manipulations bioniques. Assaisonnez avec un poil de Matrix pour la philosophie pseudo-leibnizienne. Secouez. Servez froid.

Le problème de ce gloubiboulga cyberpunk est qu’il n’a plus grand goût. Reste à se réfugier dans la beauté hypnotique d’un Tokyo dystopique et de la lippe de Scarlett.

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Fixeur ★★☆☆

Fixeur (n.m.) : Personne employée (comme guide, interprète etc.) par un(e) journaliste pour faciliter son travail.
Radu travaille pour l’Agence France Presse (AFP) à Bucarest. Quand il apprend que deux prostituées mineures sont rapatriées de France vers la Roumanie, il propose à une équipe française de télévision d’organiser une rencontre.

Le cinéma roumain produit des pépites. Les films de Cristian Mungiu (Baccalauréat), Cristi Puiu (Sierranevada) ou de Corneliu Porumboiu (Le Trésor) décrivent une société âpre où l’individu est confronté à des dilemmes éthiques. Le précédent film de Adrian Sitaru (Illégitime) m’avait enthousiasmé. J’attendais beaucoup de Fixeur. J’en ai été un peu déçu.

Fixeur traite de la déontologie du journaliste. Quelles compromissions peut-il accepter pour décrocher un scoop ? Quel respect doit-il aux personnes qu’il interviewe ? Jusqu’où peut-il orienter leurs réponses ? Doit-il s’inquiéter des conséquences de leur témoignage sur leur vie et sur leur sécurité ? Les questions sont nombreuses et elles ouvrent autant de pistes potentiellement très fécondes.

Hélas, on sent Adrian Sitaru étrangement retenu. Comme s’il n’était pas allé jusqu’au bout de son projet.
L’intrigue se réduit à pas grand chose. Radu accompagne un journaliste français et son cameraman dans la région de Cluj. Ils retrouvent la trace de Anca, jeune mineure de quatorze ans, traumatisée par le mois qu’elle a passé sur le trottoir à Paris et inquiète des représailles qu’elle pourrait subir pour avoir donné son proxénète à la police. Elle a trouvé refuge chez des religieuses qui refuse son accès aux journalistes.
Le film se termine par la rencontre d’Anca et de Radu. Non ! ce n’est pas un spoiler ! C’est son affiche ! Cette rencontre déçoit. Car il ne s’y produit rien qu’on n’escomptait pas. Est-on blasé des mille horreurs dont les actualités et la fiction nous mitraillent quotidiennement pour ne plus être bouleversé par une gamine de quatorze ans qui dit face caméra « Cinquante euros la pipe et l’amour » ? Peut-être.

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Sage-femme ★☆☆☆

Claire est sage-femme en banlieue parisienne. Elle reçoit un appel de Béatrice, l’amante fantasque qui, près de quarante plus tôt, avait brisé le cœur de son père. Béatrice, atteinte d’une tumeur cancéreuse au cerveau, ignore que le père de Claire s’est suicidé après son départ.

Le dernier film de Martin Provost (réalisateur du pluri-césarisé « Séraphine » en 2009) rappelle ceux de Sautet : une histoire bien française de famille, de maîtresse, de regard jeté en arrière sur une vie bien remplie et pourtant trop tôt achevée. C’est ce qui en fait le charme. C’est aussi ce qui en constitue la limite.

Car Martin Provost tourne en 2016 comme on aurait tourné quarante ans plus tôt. Avec certes autant de sensibilité. Mais avec guère plus de talent.

Pour filmer cette histoire intemporelle, il fait appel à deux monstres sacrés du cinéma français. A soixante-dix ans passés, Catherine Deneuve est parfaite dans le rôle d’une flamboyante maîtresse au crépuscule de sa vie, condamnée à squatter les appartements de ses anciens amants et à gagner aux cartes l’argent qui lui brûle les doigts. Pourtant, notre star nationale n’a pas si bien vieilli. Le botox se voit sur son visage, les kilos en trop aussi.

L’autre Catherine est censée jouer le rôle d’une femme de quarante neuf ans. Elle en a dix de plus. Claire est, dans le film, une femme sage autant qu’une sage-femme. Un modèle d’abnégation qui a perdu son père dans sa prime adolescence et qui ne s’est jamais entendue avec sa mère. Mère d’un fils sans père, elle est à cet instant de sa vie où son enfant va quitter le cocon familial et la laisser seule. Aussi excellente soit-elle, Catherine Frot n’était pas la meilleure pour ce rôle qui l’oblige à mettre sous l’éteignoir la petite graine de folie dont elle égaie ses interprétations.

Comme on s’y attend, les deux femmes se rencontrent, s’observent, se rapprochent. Les ennemies deviendront complices. Claire, qui ne boit ni ne fume, va s’encanailler. La rencontre de Paul, un routier philosophe, n’y sera pas étrangère. Là encore : rien à redire à l’interprétation aux petits oignons du toujours parfait Olivier Gourmet. Sauf que ce personnage masculin vient déséquilibrer un duo dont la densité dramaturgique ne suffisait pas à tenir la durée d’un film.

Que dire enfin de la lourde métaphore de la maternité, de l’accouchement, de la transmission (entre Béatrice, la femme sans fille, et Claire, la fille sans mère) ? Sur un mode quasi-documentaire, on voir un accouchement. Un deuxième. Un troisième. Un quatrième. C’est beaucoup.

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