Much Loved ★★★☆

« Much loved » suit au quotidien quatre prostituées à Marrakech : Hlima qui débarque du bled, Randa qui préfère les femmes aux hommes, Soukaina, romantique au cœur tendre, et Noha qui fait office de grande sœur. Sans oublier Said, le silencieux homme à tout faire, tour à tour chauffeur, coursier et garde du corps.

Nabil Ayouch filme la société marocaine et ses hypocrisies : les femmes se voilent dans la Casbah mais se dévoilent sitôt refermées les portes des riads de Marrakech où de riches Saoudiens libèrent leurs pulsions réprimées.

Tout y passe : la corruption de la police, les violences faites aux femmes, la tartufferie des hommes face au déni de leur homosexualité, la pédophilie… Les officiels marocains ne l’ont pas supporté et en ont interdit la sortie dans leur pays. Agressée à Casablanca, l’actrice principale, Loubna Abidar, a dû prendre le chemin de l’exil vers la France.

« Much loved » n’évite pas la complaisance dans la description un brin répétitive des nuits de Marrakech. Il aurait pu sans peine être amputé de son dernier quart d’heure. Mais ce beau portrait de femmes – qui rappelle « Le Harem de Madame Ousmane » ou l’exceptionnel « Party Girl » – laisse une empreinte durable, forte et belle.

La bande-annonce

Les deux amis ★★★☆

« Les deux amis » est un drôle de film.
Ce n’est pas un film drôle.
Quoi qu’on rit de temps en temps ; car cette histoire triste n’est pas filmée tristement.

Ce que je viens d’écrire n’est pas très clair ?
Reprenons.
Clément (Vincent Macaigne, pitoyablement attendrissant) est fou amoureux de Mona qu’il rencontre à la gare du Nord.
Sauf que Mona (Golshifteh Farahani, lumineusement belle) a un secret : elle est en régime de semi-liberté et doit rentrer chaque soir dormir en prison.
Clément demande à son meilleur ami, Abel (Louis Garrel, bellâtrement auto-dérisoire), de servir d’entremetteur. Mais Abel tombe amoureux de Mona au premier regard. Emue de l’amour que lui porte Clément, troublée par l’attirance qu’elle ressent pour Abel, obsédée par l’urgence de regagner sa cellule, Mona doit choisir.

« Les deux amis » a le charme fou des triangles amoureux : Clément aime Mona qui aime Abel qui n’aime au fond que lui ? Et si c’était en fait l’inverse ? Abel qui aime Mona qui aime Clément ? ou alors, Abel et Clément, homosexuels en déni, qui s’aiment à travers Mona ??
Dans « House of Cards », Frank et Claire Underwood finissent par coucher avec leur garde du corps. En France, on a le triolisme autrement plus subtil.

La bande-annonce

Everest ★★★☆

On a tous un rêve inavoué : marcher sur la Lune, rencontrer Nelson Mandela, coucher avec Miss Monde…
Le mien : grimper l’Everest
Problème : j’ai de l’asthme… et le vertige.
Du coup j’étais allé voir « Everest » dès sa sortie, chaussé de mes lunettes 3D, au premier rang.
« Everest » est hollywoodien jusqu’au bout des ongles – gelés. Une galerie de personnages caricaturaux. Une action qui monte lentement en puissance. Des effets spéciaux. Du grandiose et de l’intime.
Sauf que Everest ne se termine pas par un happy end. On le sait avant d’entrer dans la salle.
On sort triste et content. Triste de la petite larme versée et content d’avoir réalisé, fût-ce par procuration, son rêve inavoué.

La bande-annonce

Summer ★★☆☆

Sangailé, dix sept ans, est mal dans sa peau, qu’elle taillade à coups de cutter. Elle rencontre Austié, une fille de son âge dans un aérodrome à l’occasion d’un show aérien.
Ensemble, elles feront le grand saut, partiront en vrille, grimperont au septième ciel…
« Summer » (titre français de « Sangailé ») est dix fois moins bien que « La vie d’Adèle », cinq fois moins bien que « La belle saison »… mais nous donne l’occasion rare de voir des jeunes filles en fleur parlant une langue terriblement étrangère s’ébattre entre une centrale nucléaire et un aérodrome.

Red Rose ★★☆☆

Le cinéma iranien connaît depuis quelques années une belle effervescence.
Interdit de quitter son pays, condamné à filmer sous le manteau, Jafar Panahi en est devenu le porte-drapeau. Ashgar Farhadi, le réalisateur de « Une séparation », Ours d’or à Berlin et Oscar du meilleur film étranger, en incarne la face la moins polémique. La sublime Goshifteh Farahani, découverte par Fahradi dans « La Vie d’Elly », aujourd’hui exilée en France en est devenue l’égérie internationale et libérée.
Mais le cinéma iranien ne se résume pas à ces trois personnalités.

Comme Mehrand Tamadon qui, en 2014, avait questionné l’iranité en se confrontant, l’espace d’un week-end avec un trio de mollahs aussi intolérants que ficelles, Sepideh (quel merveilleux prénom !) Farsi filme un huis clos.
Cette fois-ci le conflit est hors champ : dans la rue où se déroulent les manifestations de la « révolution verte » qui avait accompagné la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Une manifestante, l’oreille rivée à son téléphone, l’œil collé aux réseaux sociaux, trouve refuge dans l’appartement d’un militant des droits de l’homme plus âgé qu’elle. Deux générations confrontent leurs espérances, leurs désillusions et s’aiment l’espace d’une nuit.

Le procédé, théâtral, touche vite ses limites. La fin est maladroite. Mais la situation actuelle de l’Iran, qu’on sent sur le point d’exploser, mérite qu’on s’y intéresse.

La bande-annonce

Agents très spéciaux : code U.N.C.L.E. ★★★☆

Vous cherchez un film qui ne vous fatigue pas les neurones ? qui vous divertisse sans vous faire perdre votre temps ? Regardez le DVD de « Agents très spéciaux : Opération U.N.C.L.E »

Comme son nom l’indique, c’est un film d’espionnage. L’action se déroule en pleine guerre froide entre Berlin et Rome. Deux agents de la CIA et du KGB que tout oppose sont obligés de faire cause commune pour sauver le monde.
Tout est bien sûr au second voire au troisième degré façon OSS 117. Les acteurs, quasi-inconnus, sont beau comme des dieux – et belles comme des déesses – et d’une élégance renversante.

C’est plus drôle qu’un Jason Bourne, moins long qu’un James Bond et plus sexy qu’un Mission impossible.

La bande-annonce

Mémoires de jeunesse ★★☆☆

« Mémoires de jeunesse » est un film qui nous parle de la mort. Son titre en anglais « Testament of youth » a d’ailleurs une nuance morbide que sa traduction en français a gommée.
La mort, c’est la première guerre mondiale qui fauche la fine fleur de l’aristocratie britannique. ils sont jeunes, ils sont beaux, mais ils vont mourir. Sortez les Kleenex !

Mais « Mémoires de jeunesse » nous parle aussi de la vie [c’est beau ce que j’écris !!]
La vie de Vera, jeune, belle, intelligente, féministe. Sauvée du narcissisme par le choc de la guerre. Admise à Oxford – dont les jeunes filles avaient à l’époque le droit de suivre les cours mais pas d’en décrocher le diplôme – elle suspend ses études pour s’engager comme infirmière. En Angleterre, puis en France, elle assiste, impuissante à la boucherie. Quelques deuils plus tard, elle en reviendra avec un nouvelle cuase à défendre : le pacifisme.

Les noms des acteurs principaux ne vous diront peut-être rien.
Pourtant Alicia Vikander et Kit Harrington sont de futurs stars. La première, qui sort avec Michael Fassbinder (la veinarde !), a partagé l’affiche du dernier Jason Bourne avec Matt Damon. Le second, plus connu sous le nom de John Snow, a ressuscité dans la dernière saison de Game of Thrones.

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Classe à part ★★★☆

Dans les teen movies, tout commence en général mal pour le héros/l’héroïne, lâché(e) dans un univers hostile dont il/elle ne maîtrise pas les codes. Puis tout finit par s’arranger jusqu’au happy end inévitable.

« Classe à part » renverse les codes. Tout y commence plutôt bien pour Lena, une adolescente belle comme le jour, qui, après plusieurs années recluse chez elle à soigner une myopathie qui l’a privée de l’usage de ses jambes, est admise dans une classe d’adaptation. Premières rencontres, premiers baisers… on nage en plein teen movie.

Et puis tout se détraque. Parce qu’on est en Russie et pas en Californie. Dans une société dure aux faibles où la cruauté des enfants entre eux n’a d’égale que la lâcheté des adultes. C’était la même société, la même cruauté qu’avait dépeint The Tribe, le film ukrainien de Myroslav Slaboshpytskiy dont l’action se déroulait dans un internat spécialisé pour sourds et muets.

« Lamborghini aux roues cassées », Lena vivra une lente descente aux enfers. Jusqu’au dénouement qui glace les sens.
Un des meilleurs films de l’année 2015

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The Look of Silence ★★★☆

Cette page de l’histoire indonésienne est mal connue en Occident : en 1965-1966 la dictature du général Suharto a massacré entre 500.000 et un million de communistes ou suspectés de l’être.

Joshua Oppenheimer, un documentariste américain, est parti à la recherche des auteurs de ces crimes et de leurs survivants survivants. Il en a tiré un premier film en 2012 « The Act of Killing ». « The look of silence » en constitue le second volet qui s’attache aux pas du frère de l’une des victimes. Sans esprit de vengeance, avec une étonnante placidité, il profite de l’exercice de son métier d’opticien de campagne pour reconstituer les circonstances de la mort de son frère.

« The Act of Killing » présentait des assassins bravaches qui, loin de nier les crimes commis ou de s’en repentir, s’en enorgueillissaient, allant même jusqu’à en reconstituer la scénographie devant la caméra. « The Look of Silence » est tout aussi troublant qui place les bourreaux face à leurs victimes. Ce face-à-face est extrêmement malaisant. Car les bourreaux comme les victimes n’ont pas le comportement ou les réactions qu’on attendrait d’eux. L’opticien enquêteur affiche en toutes circonstances un visage impavide comme si aucun sentiment le traversait : ni désir de vengeance, ni chagrin. Les bourreaux et leurs familles ne sont guère plus expressifs, manifestant tout au plus quand ils sont poussés dans leurs retranchements, une gêne agacée.

Du coup, ces confrontations produisent sur le spectateur occidental un résultat paradoxal. Au lieu de nous sensibiliser aux atteintes portées à l’universalité de la condition humaine, elles nous font toucher du doigt l’immense fossé culturel qui nous sépare.

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Taj Mahal ★★☆☆

Le 26 novembre 2008, des terroristes pakistanais investissent l’hôtel Taj Mahal à Bombay, tirent sur les clients du restaurant, prennent en otage les résidents et y mettent le feu.

C’est cet épisode sanglant que le réalisateur français Nicolas Saada a choisi de relater dans un film dont la sortie a coïncidé avec les événements tragiques du 13 novembre.

Il le fait sur un mode qui n’est ni celui du documentaire ni celui du thriller. Il nous fait vivre le drame par les yeux de Louise, une jeune Française qui accompagne ses parents à Bombay. Alors qu’ils sont sortis dîner en ville, elle est prise au piège dans l’hôtel assiégé.

Le film fonctionne très bien sur l’identification : que ferions-nous dans une chambre d’hôtel si nous entendions des déflagrations de Kalachnikov ? Tenter de fuir ? Se cacher ? Dans la salle de bains ? Sous le lit ?

Taj Mahal n’est pas Taken. Nicolas Saada refuse la facilité qui aurait consisté à multiplier les courses-poursuites. On ne sortira pas de la chambre d’hôtel où Louise reste cloîtrée, reliée à ses parents par le fil ténu d’un téléphone portable à la batterie chancelante.

Cette honnêteté est la plus grande force et la plus grande faiblesse d’un scénario trop vide qui doit recourir à une longue mise en place et à un inutile épilogue pour tenir la distance des quatre-vingt-dix minutes.

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