Tarzan ☆☆☆☆

Tarzan – la suite. Après que ses parents ont trouvé la mort dans la jungle, qu’une maman-gorille l’a élevé, qu’il a rencontré et épousé la belle Jane, le jeune John Clayton III est rentré en Angleterre. L’histoire du Seigneur de la jungle, inventée par Edgar Rice Burroughs avant la Première Guerre mondiale, est universellement connue. Elle a déjà donné lieu à de nombreuses adaptations cinématographiques.

David Yates, le réalisateur des quatre derniers Harry Potter, en imagine la suite. Nous sommes en 1890 au lendemain de la conférence de Berlin. Léopold II vient de mettre la main sur l’immense Congo. Il lorgne sur les mines de diamant dont l’accès est défendu par la tribu du chef Mbonga qui voue au jeune Tarzan une haine imprescriptible. Jouant de cette rivalité, le fielleux capitaine Léon Rom va tendre un piège au jeune lord et à sa ravissante épouse.

Le scénario de Tarzan n’est pas d’une particulière subtilité. D’un côté les gentils : le bodybuildé Alexander Skarsgård qui ne perd pas une occasion de quitter sa chemise pour dévoiler ses pectoraux, la sexyssime Margot Robbie qui, hélas, ne quitte pas sa chemise (le film est PG-13), Samuel L. Jackson en acolyte américain, habile tireur et anti-esclavagiste, et Djimon Hounsou en roi nègre moins cruel qu’il n’y paraît. De l’autre, le méchant : Christoph Waltz qu’on a un peu trop vu dans ce genre de rôles, de Inglorious Basterds à 007 Spectre en passant par Django Unchained, pour ne pas s’en lasser. Et au milieu, les gorilles, les lions et les éléphants, en images de synthèse, nettement moins réussis que l’ours de The Revenant.

On l’aura compris, Tarzan est d’une niaiserie abyssale et d’une laideur repoussante. Le scénario, d’une lourdeur éléphantesque, se traîne à un rythme d’escargot. Les scènes d’action, tournées dans la campagne anglaise sur fond vert, ne réussissent pas à réveiller le spectateur passablement endormi. Et la morale de l’histoire, qui voit un Blanc sauver les Noirs de la cupidité d’autres Blancs, charrie un racisme aussi primaire qu’involontaire.

La bande-annonce

Lea ★★★☆

Après « Nos meilleures années », chronique de l’Italie au temps des Brigades rouges, et « Piazza Fontana », sur l’attentat à la bombe qui avait tué seize personnes à Milan en 1969, Marco Tullio Giordana continue à sonder l’histoire de son pays. Il s’est inspiré de l’histoire vraie de Lea Garofalo dont la mort tragique en 2009 avait ému la péninsule. Originaire de Calabre, elle avait eu un enfant d’un membre de la ‘Ndrangheta, la mafia locale. Pour se sauver et sauver sa fille d’une vie de violence, elle avait dénoncé son conjoint et ses acolytes à la justice. Mais, malgré la protection policière dont elle bénéficiait, elle disparut dans d’obscures circonstances.

Lea est interprétée avec une belle intensité par Vanessa Scalera, une star italienne, vue chez Bellocchio et Moretti mais peu connue en France. La caméra ne la lâche pas d’un pouce, dans tous ses déménagements, inséparable de sa fille. Après sa disparition, aux deux tiers du film, c’est cette fille, encore mineure, qui prend le relais dans le rôle de la femme déterminée.

Le montage de Mario Tullio Giordana est particulièrement étonnant. L’action s’étale sur plus de vingt ans, de l’adolescence de Lea au procès de ses assassins. Une telle amplitude aurait pu justifier un film fleuve, comme « Nos meilleures années » dont la version TV durait sept heures. « Lea » au contraire est ramassé en quatre-vingt-quinze minutes à peine. Du coup, chaque scène est réduite à l’os, livrant le minimum d’informations nécessaire pour comprendre la situation de Lea. De ce rythme haletant naît un sentiment d’urgence, comme si la vie de Lea lui était volée par le filet qui, lentement, resserre sur elle ses mailles, jusqu’à l’issue qu’on sait, dès le départ, tragique.

La bande-annonce

Truman ★★★☆

La cinquantaine, Julián a décidé de cesser de se battre contre le cancer qui le tue à petit feu. Son ami Tomás vient du Canada lui rendre visite. Pour le faire changer d’avis ? Pour l’accompagner vers la mort ? Ou pour trouver un nouveau maître à son chien Truman ?

Le pitch de Truman est calamiteux. On imagine volontiers un film lacrymal, débordant de bons sentiments, sur la mort, l’amitié… et les bullmastiffs.

Truman est tout cela. Pourtant Truman mérite amplement les 5 Goyas – équivalents de nos Césars – que l’Académie espagnole lui a décernés en février dernier. Car si Truman traite de la mort, de l’amitié et de l’amour des bêtes, il le fait avec une délicatesse à laquelle le cinéma ne nous a pas habitués.

Il le fait en utilisant un biais très simple : celui de la pudeur virile. L’amitié qui unit Julián et Tomás n’est pas démonstrative. Pas de fous rires, d’embrassades ou de larmes. Pas de Miss You Already (Ma meilleure amie, 2016) pour reprendre le titre tellement caricatural de ce film – que je n’ai pas vu – sur l’amitié de deux amies face au cancer, mais des silences, des non-dits autrement efficaces et moins embarrassants.

La bande-annonce

Irréprochable ★★★☆

Irréprochable, Constance (Marina Foïs toujours excellente) prétend l’être, qui revient à Saintes au chevet de sa mère souffrante et souhaite retrouver l’emploi qu’elle exerçait dans une petite agence immobilière sur les bords paisibles de la Charente. Mais, la vérité apparaît progressivement révélant le caractère instable, voire psychotique, de la jeune femme. Constance était montée à Paris sur un coup de tête, abandonnant son compagnon et son employeur qui ne sont pas prêts à lui pardonner sa fuite si facilement. Elle vit désormais au RSA après avoir perdu son emploi. Quant à sa mère…

Le premier film de Sébastien Marnier ne quitte pas d’une semelle l’inconstante Constance. On la voit séduire un inconnu rencontré dans un TGV et retrouvé dans une chambre d’hôtel anonyme (Benjamin Biollay toujours magnétique). On la suit dans les rues de Saintes renouer avec un amoureux d’enfance (Jérémie Elkaïm toujours creux). On s’attache à ce personnage fragile autant qu’on s’inquiète des progrès de son entreprise lorsqu’elle se met en tête d’évincer Audrey, la jeune et jolie employée qui a été recrutée à sa place. Lentement, l’étau se resserre jusqu’à un dénouement final particulièrement malin.

Si ce petit film avait eu plus d’ambition, ç’aurait pu être un grand film. Son scénario le lui aurait permis, alors que c’est souvent là que le bât blesse dans le jeune cinéma français. Mais le manque de moyens et l’absence d’ambition esthétique ou narrative tirent irrésistiblement Irréprochable vers le téléfilm, aussi réussi soit-il.

La bande-annonce