Sayonara ★★☆☆

Dans un Japon post-apocalyptique, une femme atteinte d’une maladie dégénérative se meurt dans son salon. Une humanoïde veille à son chevet.

Koji Fukada, avant de réaliser Harmonium, sorti sur les écrans français en janvier dernier, avait tourné Sayonara, une œuvre puissante qui frappe par l’économie de ses moyens et l’ambition de son propos.

Plusieurs thèmes y sont évoqués. Le premier, qui nous prend à la gorge dès la première scène, est celui de la catastrophe apocalyptique. On ne l’a jamais autant vu traitée que dans la littérature de ces dernières années : qu’il s’agisse évidemment de La Route de Cormac McCarthy ou World War Z de Max Brooks qui furent l’un et l’autre adaptés au cinéma, mais aussi Station Eleven de Emily St John Mandel ou Le Grand jeu de Cécile Minard. Il prend un relief particulier dans le Japon depuis l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima en 2011.

Le deuxième, moins évident, est aussi plus politique. Dans Sayonara, l’évacuation du Japon est décidée, mais se fait selon des critères de classe et de race : les pauvres et les étrangers sont abandonnés à leur sort dans un archipel qui se vide lentement de ses habitants.

Tania – qui est (bizarrement) d’origine sud-africaine – reste donc seule avec son robot de compagnie. C’est le troisième thème de Sayonara : l’homme face à l’intelligence artificielle, la frontière ténue entre l’homme et la machine. C’est aussi l’aspect le plus novateur du film, le rôle de Léona étant jouée par un robot – opéré en coulisse par un roboticien.

Mais le plus important thème du film est son dernier : la mort ou comment la regarder en face. Le sujet, particulièrement macabre, est traité frontalement, sans fard. Koji Fukuda nous rappelle à notre condition mortelle en filmant en long plan fixe la lente agonie de Tania. On n’oubliera pas de sitôt les vingt dernières minutes, particulièrement éprouvantes, particulièrement élégiaques aussi. Elles se seraient suffi à elles-mêmes, les quatre-vingt qui les précèdent ne servant guère qu’à les introduire.

La bande-annonce

Une famille heureuse ★★★☆

Manana est professeure de lettres dans un lycée de Tbilissi. Elle fête son cinquante-deuxième anniversaire dans l’appartement qu’elle partage avec son père grabataire, sa mère envahissante, son époux taiseux, sa fille et son gendre éperdument amoureux, son fils amorphe. Une famille ordinaire ? Sans doute. Une famille heureuse ? Pas si sûr. Car devant toute sa famille attablée, Manana annonce son intention de quitter le foyer et de s’installer seule ailleurs.

Un film en forme d’oxymore. Nana & Simon, un couple à la ville, filme à l’écran les apories d’une famille heureuse. Comme on les connaît, comme on les aime. Bruyantes, hautes en couleurs. Vivant au rythme de dîners pantagruéliques où tout le monde parle, se coupe la parole, s’admoneste – la mise en scène est admirable qui réussit à rendre parfaitement lisible ces scènes excessivement confuses …. et on ne peut s’empêcher une pensée solidaire pour l’auteur des sous-titres qui a dû avoir bien du mal pour décider ce qu’il fallait retranscrire de ces voix enchevêtrés.

Une famille heureuse est à la fois un film terriblement exotique et absolument universel.
Un film terriblement exotique. L’action se déroule en Géorgie. Je ne l’avais pas compris en en voyant la bande-annonce et, faute de reconnaître le géorgien et ses intonations, hésitais : Turquie ? Arménie ? Bosnie ? Pour qui comme moi maîtrise mal sa géographie, la Géorgie est un espace d’autant plus fascinant qu’on le situe mal. Pas tout à fait méditerranéen. Pas vraiment européen. De moins en moins soviétique. Toujours un peu slave. « Une famille heureuse » porte la trace de cet atavisme. Il documente le poids de la famille dans la société géorgienne patriarcale, la difficulté de s’en affranchir, le regard toujours envahissant des parents et des amis qui limitent sinon interdisent l’autonomie, surtout celle des femmes.

Un film absolument universel. Mais pour autant, Une famille heureuse traite d’un sujet universel : la crise de la quarantaine au féminin. C’est un pont-aux-ânes du film français : Aurore, Marie-Francine pour ne citer que deux films sortis ces dernières semaines. Mais, ce qui est intéressant est qu’en France, la cinquantenaire déprime car elle vit seule et cherche éperdument à refaire sa vie. Alors que la cinquantenaire géorgienne déprime parce qu’elle vit dans un appartement trop bruyant au milieu d’une famille envahissante dont elle veut se séparer.

La bande-annonce

Alien: Covenant ★☆☆☆

Alien: Covenant est le sixième film de la saga Alien. Il s’agit d’une suite de Prometheus (2012) et d’un préquelle d’Alien, le Huitième passager (1979).

Disons-le encore plus obscurément. Alien: Covenant est à l’univers d’Alien ce que l’australopithèque est à la théorie de l’évolution : le chaînon manquant.
On avait laissé à la fin de Prometheus Elisabeth Shaw (Noomi Rapace) et son humanoïde (Michael Fassbender) en bien mauvaise posture. Que s’est-il passé pendant les trente années qui s’écoulent jusqu’au débarquement sur la planète LV-426 des sept astronautes du cargo Nostromo, parmi lesquels le lieutenant Ripley (Sigourney Weaver) et son désormais légendaire débardeur ?

Près de quarante ans après avoir tourné Alien, le Huitième passager, Ridley Scot veut boucler le boucle. Pas sûr que l’obnubilation du réalisateur de Blade Runner, Thelma et Louise ou Gladiator à ressasser ses vieilles lubies soit couronnée de succès. Car, à trop vouloir mettre les points sur les i, Alien: Covenant dissipe le mystère qui entourait les xénomorphes et en faisait l’intérêt.

Alien: Covenant se présente comme une synthèse maladroite des grands thèmes de la science-fiction. Premier thème typiquement asimovien : l’intelligence artificielle et l’impossibilité d’en contrôler les errements. On pense à Hal dans 2001, Odyssée de l’espace, à Blade Runner (signé par Ridley Scott) mais aussi au premier Alien dont l’un des astronautes était (déjà) un humanoïde (interprété par Ian Holm). Deuxième thème : la jungle mystérieuse et dangereuse. On pense à Jurassic Park, à King Kong, à Predator.  Il faut aussi évoquer, sans déflorer le sujet, la figure mystérieuse découverte au sein de cette jungle hostile, qui n’est pas sans rappeler le personnage du colonel Kurz dans Apocalypse Now. Dernier thème, celui même qu’avait si brillamment inventé le premier Alien : le « survival movie » claustrophobe dans une navette spatiale (« In space, no one can hear you scream »).

Le problème de Alien: Covenant est qu’il ressemble moins à une synthèse sublimée de tous ces genres qu’à un patchwork de bric et de broc. Il fera peut-être la joie des vidéastes qui enfileront l’espace d’une nuit les six (sept ? huit ?) épisodes de la saga. Il a hélas pour les spectateurs de cinéma moins d’intérêt que les épisodes précédents qu’il se contente de recycler.

La bande-annonce

Les Fantômes d’Ismaël ★☆☆☆

Ismaël Vuillard (Mathieu Amalric) est un réalisateur installé. Il écrit un film dont le rôle principal, celui d’un jeune diplomate, se nomme Ivan Dédalus (Louis Garrel). Il fut marié à Carlotta Bloom (Marion Cotillard) qui disparut de sa vie. Il parvient difficilement à l’oublier en nouant une liaison avec Sylvia (Charlotte Birkin). Jusqu’au jour où Carlotta réapparaît…

Arnaud Despelchin est de retour. Avec Mathieu Amalric, son acteur fétiche (ils ont tourné huit films ensemble), son double de cinéma (Ismaël est un réalisateur égocentrique dévoré par le doute). Son film a fait l’ouverture du festival de Cannes. C’est dire l’importance de Desplechin dans le cinéma français contemporain.

Pourtant je n’aime pas son cinéma. J’ai vu tous ses films, attiré par la richesse de ses thèmes et une critique élogieuse. Depuis La Vie des morts en 1991 – dont le scénario sera repris à l’identique dix-sept ans plus tard dans Un conte de Noël – et La Sentinelle – qui racontait déjà les premiers plats d’un diplomate. J’en admire la cohérence. Mais j’en déplore le narcissisme.

Car de film en film, Desplechin ressasse les mêmes obsessions : l’enfance roubaisienne, la femme, mise sur un piédestal et méprisée pour son inconstance dans le même mouvement, la famille qui protège et qui étouffe, une lecture paranoïaque du métier de diplomate, les allusions à une obsédante judéité, les références révérencieuses à Joyce … Chacun de ses thèmes a tour à tour été développé dans chacun de ses films. Les Fantômes d’Ismaël est un film somme qui les convoque tous. En fait un film gloubiboulga qui les mélange tous au point d’y perdre le spectateur.

Le cinéma n’est pas une opération cathartique qui permet à un réalisateur de faire l’économie d’une cure psychanalytique.

La bande-annonce

Rodin ★☆☆☆

Vingt ans dans la vie de l’illustre sculpteur. De 1880 où l’État lui passe commande de La porte de l’Enfer – qu’il n’achèvera jamais – à l’achèvement du Monument à Balzac en 1900 qui fera scandale. Ces vingt ans, ce sont ceux aussi de la rencontre, de l’idylle puis de la rupture avec Camille Claudel, sa plus brillante élève.

Les biopics ont décidément la côte. Pas une semaine sans qu’il en sorte un nouveau : Pablo Neruda, Dalida, Jackie Kennedy, Paula Modersohn-Becker, Django Reinhardt, Emily Dickinson, Lou-Andreas Salome, Winston Churchill … Où diable s’arrêtera cette veine biographique qui produit à la chaîne des œuvres auxquelles je ne trouve guère d’intérêt ?

L’autre défaut rédhibitoire Rodin est qu’il succède à Camille Claudel, l’un des films les plus iconiques  des années 80, apogée de la carrière de la « reine » Adjani, couronné d’innombrables récompenses, entouré de l’aura de film-culte. Je n’ai pas revu Camille Claudel depuis sa sortie – au 14-juillet Odéon, dans une salle qui a été depuis longtemps rebaptisée ; mais j’en garde un souvenir indépassable. Peut-être ce souvenir est-il excessif. Peut-être Camille Claudel m’apparaîtrait-il aujourd’hui démodé. Mais c’est à l’aune de ce souvenir que j’ai vu Rodin. Et Rodin n’est pas de taille à se battre contre un souvenir.

Certes on comprend ce qui a attiré Jacques Doillon dans l’œuvre du maître. Il a voulu le filmer au travail, la main dans la glaise, obnubilé par une impossible quête de perfection. Vincent Lindon se glisse dans les habits trop larges de l’artiste enfiévré. Mais ce qu’il gagne en passion pour son art, il le perd en humanité. Le Rodin de Lindon n’est pas un être de sang, c’est une statue. Aucune étincelle ne jaillit entre Camille Claudel (Izia Higelin est pourtant excellente) et lui. On me rétorquera que tel était peut-être le dessein du réalisateur et scénariste. Mais alors, pourquoi avoir traité de cette dimension là de la vie du sculpteur ? pourquoi ne pas s’être contenté de le filmer sculptant ?

La bande-annonce

Drôles d’oiseaux ★☆☆☆

Viviane, dite Mavie (Lolita Chammah), a vingt ans et débarque à Paris. Elle s’installe sur le divan du salon d’une amie (Virginie Ledoyen) qui s’envoie bruyamment en l’air dans sa chambre avec son copain du moment. Pressée de déménager, Viviane répond à une annonce qui lui propose, en échange d’une chambre, quelques heures de travail dans une librairie. Elle y fait la connaissance de Georges (Jean Sorel), un libraire bougon dont elle se rapproche bientôt…

Sur le papier, Drôles d’oiseaux avait tout pour séduire. Un roman d’apprentissage filmé dans les rues du cinquième arrondissement et sur les bords de la Seine. Une histoire d’amour impossible entre une jeune fille en fleurs et un vieil homme revenu de tout. Un zeste de fantaisie (des goélands suicidaires, un hacker irlandais) pour alléger le propos.

Mais, prisonnier de son manque d’ambition, Drôle d’oiseaux ne prend pas. Son manque criant de moyens se voit. Sa durée bâtarde (une heure dix) atteste la vacuité de son propos. Il y aurait eu pourtant tant à dire sur cette jeune fille et ce vieux monsieur élégant. Nelly et Monsieur Arnaud (ah ! le regard de Michel Serrault sur Emmanuelle Béart assoupie) l’avait fait avec tant de grâce. Après une introduction charmante, à la limite loufoque (qui rappelle les films d’Emmanuel Mouret), la rencontre entre Mavie et Georges est mal filmée. Il n’était pas question d’un coup de foudre. La réalisatrice aurait dû prendre le temps de les laisser se rapprocher. Or, Georges, de misanthrope, devient soudainement épris. Comme si une scène avait sauté au montage. Idem pour l’épilogue, plein d’élégance sur le papier, qui bégaie devant la caméra.

Drôles d’oiseaux est l’exemple malheureux du film qu’on aurait tellement aimé aimer.

La bande-annonce

Conspiracy ☆☆☆☆

Alice Racine (Noomi Rapace) travaille sous couverture pour la CIA à Londres. Elle reste traumatisée par un attentat terroriste commis quelques années plus tôt à Paris qu’elle n’a pas su déjouer. Elle y était alors en poste auprès de Eric Lasch (Michael Douglas). Elle n’a pas pour autant perdu la confiance de son directeur (John Malkovich) qui lui confie une mission délicate : infiltrer un réseau djihadiste pour déjouer une attaque terroriste imminente visant des ressortissants américains sur le sol britannique.

Ce résumé vous semble bien filandreux ? Ou alors, en le lisant une seconde fois, pas si compliqué ? Tel est bien le problème de Conspiracy : un film qui voudrait se donner l’apparence de la complexité mais peine à cacher son indigence.

Michael Apted à la réalisation est un honnête faiseur qui a signé des films de studio : un James Bond (Le Monde ne suffit pas), le troisième volet du Monde de Narnia, quelques épisodes de Masters of Sex. Il abat besogneusement la tâche, alternant quelques molles scènes de fusillade et des dialogues téléphonés. On se laisse gentiment happer par l’action, attendant que se révèle la « conspiration » que le titre annonce. Une bonne surprise : l’arrivée au milieu du film du séduisant Orlando Bloom dont l’évolution du personnage est la seule dimension surprenante de ce thriller par trop convenu.

Pour le dire en une phrase assassine : un film tellement mauvais qu’il ne mérite même pas un coup de gueule.

La bande-annonce

Retour à Montauk ★★☆☆

Max est un écrivain renommé. Il est marié à Clara, une femme plus jeune que lui qui l’aide dans son travail. Il est de passage à New York pour la sortie de son dernier roman. Il y évoque, sur un mode autobiographique, l’amour d’une femme disparue. Cette femme, c’est Rebecca, une Allemande qu’il a rencontrée et aimée à New York dix-sept ans plus tôt. Max veut à tout prix la revoir.

Faut-il mieux avoir des remords ou des regrets ? Des remords d’avoir fait. Des regrets de n’avoir pas fait.

Max veut remonter le temps. Il veut retrouver Rebecca et recommencer avec elle la folle histoire d’amour qu’ils ont vécue ensemble. Il est prêt à sacrifier à cette quête désespérée l’amour de Clara qui l’aime pourtant avec la même fougue que celle que Rebecca avait manifestée vingt ans plus tôt. Rebecca, elle, est allée de l’avant. Elle vit toujours seule avec ses chats, mais elle est devenue une brillante avocate et s’est installée dans un splendide duplex. Elle n’est pas prête à revisiter ce passé même si le retour de Max ne peut que la troubler.

La psychologie de Max est bien frustre. Il ne se définit que par son entêtement à reconquérir Rebecca. Celle de Rebecca au contraire m’a semblé si ambiguë qu’elle m’est restée incompréhensible : pourquoi après avoir refusé de revoir Max pour ensuite lui céder ? pourquoi entreprendre à Montauk – où l’on comprend qu’ils vécurent jadis leur idylle – ce pèlerinage condamné par avance à l’échec ?

Retour à Montauk aurait pu être bouleversant, comme le laissait espérer sa bande-annonce. Je dois avouer en être sorti déprimé, tristement conscient du temps qui passe inéluctablement et de l’âge qui vient, écrasé de remords et de regrets.

La bande-annonce

Nothingwood ★★★☆

Qui connaît le cinéma afghan ? Personne. Et pour cause : il n’y existe aucune industrie cinématographique. Ni Hollywood. Ni Bollywood. Rien. Rien … sauf Salim Shaheem, un auteur de série Z qui, avec trois bouts de ficelle filme à la chaîne des romances, des drames, des comédies musicales plus ou moins autobiographiques.

Un héros bigger than life. Il suffit de jeter un œil à la bande annonce pour se laisser séduire par ce cinquantenaire ventripotent, par son inépuisable faconde, par sa mythomanie revendiquée, par son optimisme à tout crin. La documentariste Sonia Kronlund y a succombé. Fine connaisseuse de l’Afghanistan, elle a mis ses pas dans les siens le temps d’un documentaire, heureuse de présenter de l’Afghanistan une image plus riante que celle d’un pays saigné à blanc par le fondamentalisme, l’occupation étrangère et les retards de développement.

Sonia Kronlund a décroché un sujet en or. Elle fait le portrait du héros de l’inépuisable réalisateur, de ses fidèles collaborateurs et aussi, en filigrane, de la société afghane. Celle-ci apparaît moins monolithique qu’on ne l’imagine. Certes, les images de Nothingwood révèle une société qui suinte la misère : des routes défoncées, des intérieurs délabrés et – ce qui choque immanquablement l’audience occidentale – des foules exclusivement masculines. Mais l’accueil bon enfant que cette société réserve aux provocations de Salim Shaheen surprend au moins autant : Qurban Ali, l’acteur de la troupe qui endosse systématiquement des rôles efféminés et dont l’homosexualité ne fait guère de doute, ne fait l’objet d’aucune réprobation.

Sonia Kronlund s’est peut-être laissée aller à la facilité, se bornant à filmer le temps d’un tournage Salim Shaheem à Bamiyan, là où s’élevaient les Bouddhas géants dynamités par les Taliban en 2001. Elle ne creuse pas assez des questions qui auraient mérité de l’être : comment Shaheem finance-t-il ses films ? comment en assure-t-il la distribution ? Quelles relations entretient-il avec les autorités ? avec la censure ? Pour autant, son héros est tellement exotique, tellement euphorisant qu’on se contente volontiers de le suivre pendant une heure vingt-sept sans se poser trop de questions.

La bande-annonce

Les Lauriers-roses rouges ★★☆☆

Roya est une actrice reconnue à Dacca. Depuis douze ans, elle joue au théâtre Nandini, l’héroïne de la pièce « Les Lauriers-roses rouges » du grand dramaturge bengali Rabindranath Tagore. Son mari, un riche homme d’affaires, la presse d’interrompre sa carrière pour avoir un enfant. Mais Roya veut approfondir son art et faire de Nandini une héroïne plus moderne, à mille lieux du classicisme engoncé dans lequel son metteur en scène l’oblige à jouer. Elle va s’inspirer de l’expérience de sa bonne, Moyna, qui après être tombée enceinte et avoir quitté le service de Roya, travaille dans des conditions misérables dans l’industrie textile.

Le cinéma du sous-continent indien – ou plutôt l’infime partie de ce qui s’y produit et qui s’exporte en Occident – semble s’être fait du féminisme une spécialité : La Saison des femmes, Déesses indiennes en colère pour ne citer que deux films sortis ces dernières années.

Les Lauriers-roses rouges est un film réalisé par une femme, joué par des femmes, ciblant un public féminin. Sur la (petite) vingtaine de spectateurs venus le voir dans l’une des deux (petites) salles parisiennes qui le diffusent, j’étais le seul homme. Cela ne m’a pas empêché d’être sensible aux états d’âmes de Roya, que la caméra de Rubaiyat Hossain ne cherche pas à sublimer : elle est tour à tour d’une beauté fascinante quand elle monte sur scène et très banale, presque bouffie, quand elle retire son maquillage.

Les Lauriers-roses rouges ne nous vient pas d’Inde, mais du Bangladesh. C’est une rareté, les films bangladais diffusés en France se comptant sur les doigts d’une main. Il présente, pour le spectateur français, une dimension nettement documentaire que la réalisatrice ne renie pas. Elle nous fait ressentir la touffeur de Dacca, l’encombrement de sa circulation. En faisant expressément référence à la catastrophe du Rana Plaza – l’effondrement d’un immeuble qui abritait des usines textiles provoquant la mort de plus d’un millier d’employés – elle entend rattacher son pamphlet féministe à l’actualité la plus brûlante.

Les Lauriers-roses rouges n’a ni la frivolité ni les interludes musicaux de ses cousins de Bollywood. Son affiche, le regard grave de son héroïne entre deux âges, le slogan trop sentencieux qui l’orne annoncent la couleur : on n’est pas là pour rigoler.

La bande-annonce