Traque à Boston ★★★☆

Peter Berg filme à la truelle les pages les plus sanglantes et les plus héroïques de l’histoire contemporaine américaine. L’attentat des tours de Khobar en 1996 en Arabie saoudite (Le Royaume), l’opération Red Wings menées par les SEALs dans les montagnes afghanes en 2005 (Du sang et des larmes), l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon au large de la Louisiane en 2010 (Deepwater).

« Traque à Boston » – un titre bien médiocre auquel on aurait préféré « Marathon à Boston » – est lui aussi inspiré d’une histoire vraie. Le 15 avril 2013, près de la ligne d’arrivée du marathon, deux bombes explosent causant la mort de trois spectateurs et en blessant des centaines d’autres. Les auteurs de ces attentats, les frères Tsnarnaïev, seront impitoyablement traqués par la police de Boston.

Tous les films de Peter Berg suivent la même recette : un Américain moyen – auquel Mark Wahlberg a prêté ses traits dans ses trois dernières réalisations – est plongé à son corps défendant dans un événement qui le dépasse et qui sera pour lui l’occasion d’exprimer son héroïsme. On pourrait trouver la formule répétitive. On pourrait considérer le patriotisme de ses films par trop chauvin.

Pourtant, je dois confesser un vrai plaisir de spectateur devant cette « Traque à Boston ». Même si on connaît par avance l’issue de la traque des frères Tsarnaïev, elle n’en demeure pas moins palpitante. La mise en scène, nerveuse, suit le parcours d’une dizaine de protagonistes qui, à un moment ou à un autre, seront touchés par les attentats : un couple aimant fauché par le souffle des explosions, un père qui perd son enfant dans la panique qui s’ensuivit, un policier proche de la retraite qui interpellera les frères Tsarnaïev dans une banlieue tranquille de Boston, etc.

On ne regarde pas une seconde sa montre. Et à ceux qui considèreraient par trop manichéenne cette chasse à l’homme, expression de la soif de vengeance d’un corps social blessé dans sa chair contre ses deux assassins, j’opposerai une scène d’interrogatoire dérangeante, près de la fin du film, où la froide violence de l’interrogateur se heurte de plein fouet à la fanatique détermination du complice.

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L’Opéra ★★★☆

Le Suisse Jean-Stéphane Bron s’est fait un nom en signant deux documentaires politiquement engagés. Le premier, « Cleveland contre Wall Street » (2010) filmait le procès engagé par des propriétaires dépossédés de Cleveland, contre les banques de Wall Street à l’origine de la crise des subprimes. Le second, « L’Expérience Blocher » (2013), créait une intimité troublante avec le leader de l’UDC, le parti suisse d’extrême droite.

Son troisième documentaire chasse sur des terres bien différentes. De son propre aveu, Jean-Stéphane Bron n’avait jamais mis les pieds à l’Opéra de Paris avant de se laisser convaincre par son producteur de le filmer. Le réalisateur marche sur les brisées du pape du documentaire, Frederik Wiseman, qui avait consacré au ballet de l’Opéra de Paris un documentaire de deux heures trente, « La Danse » (2009). Il ne documente pas, comme on l’a déjà souvent vu (« Company » de Robert Altman, « La Traviata et nous » de Philippe Béziat), les répétitions d’un spectacle. Comme Frederik Wiseman, il fait le pari de l’immersion participative, de l’embeddment sur la longue durée dans une institution dont il entend décrypter le fonctionnement.

Il réussit à capter des instants de pure magie, souvent très drôles. Ainsi de ce taureau d’une tonne cinq utilisé par le metteur en scène de « Moïse et Aaron » que son propriétaire prépare à monter sur scène en lui faisant écouter dans son enclos la musique de Schönberg. Ainsi de cette coryphée à bout de souffle à la fin d’un scène, dont la fragilité dévoilé à la caméra impudique dans les coulisses contraste avec le masque impavide qu’elle affichait sur le plateau quelques instants plus tôt. Ainsi encore de la minute de silence observée au lendemain des attentats du Bataclan (« il faut jouer, jouer, jouer encore »), dans la salle de l’Opéra Bastille et jusque dans ses cuisines. Ainsi enfin d’une maquilleuse, qui tend à la soprano une boîte de Kleenex et une bouteille d’eau minérale mais qui se laisse émouvoir aux larmes par la beauté de l’aria qu’elle entend au bord de la scène.

Ces saynètes révèlent le don du réalisateur pour capter l’inattendu. Elles raviront les amateurs d’opéra avides de connaître les coulisses de Bastille et de Garnier. Elles ont enthousiasmé le public de privilégiés invités hier soir en avant-première sous le plafond de Marc Chagall.

Le documentaire de Jean-Stéphan Bron souffre toutefois d’un défaut qui le pénalise lourdement. Il n’a aucun sens.
Aucun sens = aucune direction. Le montage est incompréhensible qui accumule les saynètes sans les organiser selon une progression logique. On passe sans solution de continuité d’une réunion de direction présidée par Stéphane Lissner, secondée avec talent par Jean-Philippe Thiellay, à une représentation de la Bayadère.
Aucune sens = aucune signification. Qu’a-t-on appris sur l’Opéra de Paris ? On touche du doigt la lourdeur de son administration. On vit, mais sans jamais vraiment en révéler les ressorts, les crises qui l’ont traversé, tel le départ polémique de Benjamin Millepied et son remplacement par Aurélie Dupont. On réalise que chaque spectacle est un miracle improbable, constamment menacé par une grève de personnel ou l’angine d’un soliste. On se voit confirmer que la recherche de la perfection anime chacun de ses employés, depuis le directeur musical jusqu’aux perruquiers en passant par le baryton-basse russe au talent prometteur et aux jeunes instrumentistes de l’orchestre Colonne. On n’apprend finalement rien qu’on ne sache déjà. Et on a un peu le sentiment de voir un clip, certes luxueux et touchant, à la gloire du directeur de l’Opéra.

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Les Oubliés ★☆☆☆

Bizarrement titré « Les Oubliés », « Landmine » est inspiré d’une page méconnue de l’histoire de la Seconde guerre mondiale. En 1945, au lendemain de l’armistice, de jeunes soldats allemands, prisonniers de guerre en attente de démobilisation, ont déminé les plages danoises des mines que leurs aînés y avaient laissés.

Ces faits réels ont un riche potentiel cinématographique. Les soldats allemands à peine sortis de l’adolescence ont la blondeur des pensionnaires des « Choristes ». Les mines antipersonnel qu’ils désamorcent avec un équipement de fortune peuvent en une seconde se transformer en bombes mortelles comme dans « Démineurs ».

Un sergent encadre cette douzaine de soldats. La première scène du film, glaçante, révèle la rage qui bouillonne en lui contre l’envahisseur allemand et son désir de vengeance. Ce n’est pas trahir l’intrigue – l’affiche le montre d’ores et déjà – que de révéler que l’hostilité sadique qu’il manifeste d’abord à l’égard de ses prisonniers évoluera vers des sentiments plus amicaux.

Du coup, l’intrigue finalement se réduit à pas grand chose. Le suspense angoissant d’une mine que désamorce un gamin suant et tremblant (explosera ? explosera pas ?) perd de son efficacité à force d’être répété. C’est finalement moins le sort prévisible de cette troupe d’enfants perdus que la beauté élégiaque d’immenses plages de sable sous la lumière rasante des interminables crépuscules d’été danois que je retiendrai.

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Saigneurs ★★☆☆

Raphaël Girardot et Vincent Gaullier ont filmé pendant un an le travail quotidien des cent employés d’un abattoir industriel breton.

Âmes sensibles s’abstenir. Il faut avoir le cœur bien accroché – et l’estomac vide de préférence – pour passer plus d’une heure trente dans un abattoir à regarder des vaches et des agneaux assommés, saignés, éviscérés, découpés, désossés.

Il y a deux lectures possibles de ce documentaire selon le sens que l’on donne à son titre volontairement polysémique.

Le premier est une dénonciation de l’abattage industriel et du traitement réservé aux animaux dont la viande est destinée à la consommation humaine. On ne regardera pas son bifteck de la même façon après avoir vu « Saigneurs ». Certains employés font d’ailleurs en riant la confession de leur conversion au végétarisme.

Mais l’essentiel du film n’est pas là. Patients ne fait pas le procès de l’industrie agro-alimentaire comme le faisait par exemple We Feed the World de Erwin Wagenhofer ou Meat de Frederik Wiseman. L’objet principal de ce documentaire est moins les bêtes saignées que ceux qui les saignent.

Saigneurs est un documentaire sur le travail à l’usine. Une sorte de Les Temps modernes vegan. Ses héros sont les employés de cette entreprise qu’on suit dans leurs geste quotidiens et répétitifs. Ils travaillent à la chaîne dans un bruit assourdissant, dans une odeur qu’on devine pestilentielle. Leur harnachement est impressionnant : long tablier blanc, casque de chantier, gants, cotte de maille…

Sans doute, leurs conditions de travail sont-elles éprouvantes. En 2013, Entrée du personnel de Manuela Fresil instruisait le procès à charge du travail à l’abattoir – sans en franchir les portes. On est bien sûr impressionnés par les cadences, le bruit, le sang. Mais on l’est aussi par le modernisme des appareils, par l’efficacité des instruments, par le respect maniaque des consignes de sécurité. Et on se dit que le travail, aussi exténuant soit-il, devait l’être autrement plus il y a quelques années.

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Miss Sloane ★★★☆

Madeline Elizabeth Sloane est lobbyiste à Washington. Toujours tirée à quatre épingles, d’une froideur cinglante, elle met son efficacité redoutable au service de ses clients. Mais lorsque le lobby des armes lui demande de mener campagne contre une proposition de loi qui en restreindrait l’usage, elle quitte son employeur et embrasse la cause adverse. La cynique lobbyiste aurait-elle un cœur ? Difficile à croire.

« Miss Sloane » est un film taillé sur mesure pour Jessica Chastain. Un aspirateur à Oscar… qui n’a pas fonctionné puisque Jessica Chastain n’y a pas même été nominée (c’est une autre rousse qui a remporté le trophée). Elle y est pourtant impériale. Son rouge à lèvres, ses tailleurs impeccables, ses hauts talons vertigineux nourriront les fantasmes les plus indicibles des petits cochons qui sommeillent en chacun (ou presque ?) d’entre nous [Voilà une phrase que je n’aurai pas osé écrire le 8 mars. Le fait que nous soyons le 9 m’y autorise-t-il ?].

Il ne faudrait pas pour autant réduire « Miss Sloane » à un simple faire-valoir de son actrice principale. C’est aussi un scénario sérieusement charpenté. Le lieu de l’intrigue (Washington DC et ses monuments les plus emblématiques près desquels les limousines empruntées par Liz Sloane glissent en silence), la froideur de l’héroïne (qui n’est pas sans rappeler le personnage de Clare Underwood) évoquent évidemment « House of Cards ». Mais les dialogues à la mitraillette (j’ai cherché sans succès la touche « pause » pour les assimiler complètement) m’ont fait aussi penser aux scénarios de Aaron Sorkin qu’il s’agisse de « The Social Network » ou de la série « The Newsroom » dont on croise avec plaisir deux visages familiers (Sam Waterston et ALlison Pill).

Enfin « Miss Sloane » vaut pour le plaisir jubilatoire que propose sa conclusion. Je n’en dirai pas plus. J’en ai déjà peut-être trop dit en vous l’annonçant. Sans doute ce twist final est-il un brin trop abracadabrantesque pour être totalement crédible. Mais M. Night Shamalyan et Split peuvent aller se rhabiller.

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La Confession ★☆☆☆

Au seuil de la mort, Barny appelle un prêtre pour se confesser du lourd secret qu’elle a porté toute sa vie durant. Pendant la Seconde guerre mondiale, sous l’occupation allemande, la jeune et belle communiste, mariée et mère de famille, était tombée amoureuse du curé de son village, le séduisant Léon Morin.

Pourquoi diable ce remake ?
A l’origine de « La Confession », il y a un livre et un film d’un autre âge. « Léon Morin, prêtre », un roman largement autobiographique de Béatrix Beck publié en 1952 et couronné la même année par le prix Goncourt. Le film épnoyme de Jean-Pierre Melville sorti en 1961 avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle de Léon Morin et Emmanuelle Riva dans celui de Barny.

À l’époque, le roman comme le film avaient un retentissement que son remake n’a plus guère aujourd’hui. Dans la France de l’immédiat après-guerre, le souvenir de l’occupation allemande était encore vivace. Dans la France de Vincent Auriol ou du général de Gaulle, la conversion d’une communiste athée portait une charge émotive qui ne touchera plus nos sociétés déchristianisées et postcommuniste.

Le remake est d’autant plus anachronique que les deux acteurs jouent un marivaudage hors de propos. Trop beaux, trop séduisants, Romain Duris et Marine Vacth se tournent autour comme deux amants sur le point de se sauter dessus. Faute d’avoir l’austérité janséniste d’Emmanuelle Riva (qui venait de tourner « Hiroshima mon amour » avec Alain Resnais), Marine Vacth ne convainc pas entièrement. Mais c’est Romain Duris qui est le plus navrant, plagiant Bébel alors que le jeune Belmondo n’était encore en 1961 qu’un jeune acteur de la Nouvelle vague bien loin de la caricature franchouillarde dans laquelle il allait sombrer dix ans plus tard.

En réduisant « Léon Morin, prêtre » à l’histoire d’un flirt chaud-bouillant, Nicolas Boukhrieff trahit l’œuvre qu’il adapte et son élan métaphysique.

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À ceux qui nous ont offensés ★★☆☆

Manouches de père en fils, les Cutler vivent en marge de la société et en sont fier. Le grand-père, Colby (Brendan Gleeson) est un chef de gang à l’ancienne, converti au christianisme avec la foi des born again. Il a transmis à son fils, Chad (Michael Fassbender), toutes les ficelles du métier, l’élevant dans la haine de la société et lui refusant d’aller à l’école. Mais Chad, qui s’est marié avec Kelly et en a eu deux enfants, souhaite pour eux une existence moins bohème que celle qu’il a connue.

Le Parrain chez les Romanichels des Costwolds. À ceux qui nous ont offensés (traduction audacieuse de : Trespass Against Us) est un drôle de mélange.

D’abord c’est une plongée quasi-documentaire au cœur d’une tribu de marginaux. De la même veine que celle que le documentariste français Jean-Charles Hue avait réalisé la radioscopie dans La BM du Seigneur (2010) et Mange tes morts (2014). On n’est plus dans le nord de la France, mais dans le centre cossu de l’Angleterre où la tribu des Cutler cambriole les résidences de riches praticiens.

Ensuite c’est une histoire de famille. Chad veut se libérer de l’emprise malfaisante de son père. Il veut offrir à ses enfants l’avenir dont il a été privé. Il excelle dans son travail – l’habileté avec laquelle il réussit à tromper la vigilance de la police est confondante – mais il veut en changer. Le thème n’est pas vraiment nouveau. Mais le cadre dans lequel il est traité fait toute l’originalité de ce film au montage nerveux et au scénario rebondissant.

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T2 Trainspotting ★★☆☆

Vingt ans après, les jeunes héros de « Trainspotting » ont bien vieilli. Mark (Ewan McGregor), qui avait trompé la confiance de ses amis, a vécu aux Pays-bas mais a la nostalgie de Édimbourg. Begbie (Robert Carlyle) purge en prison une peine de longue durée. Spud (Ewen Brumner) n’a jamais réussi à décrocher de la drogue. Simon (Jonny Lee Miller) continue d’organiser des arnaques à la petite semaine.

A sa sortie en 1996, « Trainspotting » avait viré au phénomène de société. Sa description à la fois trash et comique d’une bande de jeunes Écossais accro à la drogue avait touché une corde sensible dans le Royaume-Uni post-thatchérien. Après « Petits meurtres entre amis », Danny Boyle y gagnait ses galons de réalisateur confirmé – couronné quelques années plus tard par un Oscar pour « Slumdog millionaire ».

Réaliser une suite était un projet alléchant qui a mis vingt ans à voir le jour. C’est le lot hélas de tous les propriétaires de droits qui savent que l’aura nostalgique de leur premier succès leur garantit une audience captive. La saga « Le Parrain » l’aura montré pour le meilleur ; « Les Bronzés » pour le pire – dix millions de gogos (dont je fus) sont allés voir son troisième volet.

Les Inrockuptibles, Télérama, Le Monde et Libération tirent à boulets rouges sur T2. Isabelle Régnier évoque une « suite inepte ». Jeremy Roston raille le « sempiternel mauvais goût » de Danny Boyle. Serge Kaganski dénonce « une carrosserie rutilante ultra « tunée » avec pas grand-chose sous le capot ».

J’aurai la main moins lourde. Certes T2 n’est pas un immémorable chef d’œuvre. T2 est une suite qui essaie d’être compréhensible à ceux qui n’ont pas vu ou qui ont oublié T1 – je me classe dans la seconde catégorie. Sans doute n’a-t-il pas la fougue provocatrice de son prédécesseur (il est d’ailleurs tous publics alors que « Trainspotting » était interdit aux moins de seize ans). Mais il n’en reste pas moins une distraction agréable dynamisée par l’euphorisante énergie du montage de Danny Boyle.

La bande-annonce

Patients ★★★☆

Benjamin, la vingtaine, plonge dans une piscine à moitié vide et s’y brise les cervicales. « Tétraplégique incomplet », il est placé en centre de rééducation.

Le système de soins français est en train de devenir une star de cinéma. Après La Maladie de Sachs en 1999, Le Scaphandre et le papillon en 2007, l’excellent Hippocrate en 2014, Médecin de campagne, Réparer les vivants et La Fille de Brest ont l’an passé eu la médecine comme sujet principal.

A la différence de ces films, Patients s’intéresse aux malades plus qu’aux soignants. Ceux-ci ont bien sûr leur place parmi les rôles secondaires : un médecin chef autoritaire, un kinésithérapeute compréhensif, une infirmière maladroite et un aide soignant insupportable à force de bonne humeur matinale et bruyante (« Alors, Benjamin, il a bien dormi ? il veut que je lui allume la télé ? il prendra du café ou du chocolat ce matin ? »). Mais Ben et sa bande d’amis sont, comme l’annonce l’affiche, les personnages principaux du film.

Farid est en fauteuil depuis l’enfance, Steeve n’accepte pas son état, Toussaint désespère de son manque de progrès, Samia cache les causes de l’accident qui l’ont clouée dans un fauteuil. Autour de Ben se constitue une petite communauté d’amis qui ne se sont pas choisis mais qui traversent ensemble les mêmes épreuves. Leur objectif n’est pas tant de guérir ; car certains savent qu’ils ne le pourront pas. Leur souci principal est de « niquer des heures », de passer un temps qui, comme en prison, s’étend sans sens. Patients, on l’avait compris, est un titre à double entrée.

Ce film est l’adaptation du roman éponyme de Grand corps malade. De son vrai nom Fabien Marsaud, le slammeur français y relatait son séjour en centre de rééducation. Une chronique à hauteur de fauteuil roulant. Sans sentimentalisme ni apitoiement. Avec l’humour comme seule arme pour déminer les situations les plus embarrassantes et les plus déprimantes. Car on se vanne beaucoup, avec un mélange de tendresse et de cruauté, comme dans La Haine, L’Esquive ou Divines.

Patients séduit par son refus du sensationnalisme. Ben est un jeune homme chanceux dans son malheur. Des parents aimants se relaient à son chevet. Ses amis ne l’oublient pas. Sa situation médicale est bien meilleure que celle de ses congénères : il fait de rapides progrès et peut espérer marcher à nouveau. Surtout, il bénéficie d’un accompagnement médical qui frappe par son luxe : séances de rééducation en gymnase, en piscine, personnel médical attentif, lieux de vie spacieux et accueillants…

La romance qui se noue entre Ben et Samia et la façon surprenante dont elle évolue témoignent de l’intelligence et de la sensibilité de ce film qui réussit à émouvoir avec le sourire.

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Logan ★☆☆☆

En 2029, les mutants ont quasiment tous été exterminés. Logan (Hugh Jackman) survit misérablement comme chauffeur de limousine, rongé par l’alcool et la maladie. Avec l’aide de Caliban, il cache le professeur Xavier (Patrick Stewart), de l’autre côté de la frontière mexicaine. Mais une infirmière le retrouve et lui confie une enfant dotée de superpouvoirs semblables au sien que les scientifiques de Alkali Transigen veulent à tout prix kidnapper.

« Logan » est le dixième film de la franchise X-Men et le troisième du spin-off consacré à Wolverine, le plus célèbre de ses mutants. Son affiche baigne dans une lumière crépusculaire qui en annonce le sujet : les héros vieillissants vont mourir non sans avoir, dans un dernier sursaut d’énergie, défendu une enfant innocente.

Wolverine au bout du rouleau. Le héros interprété par Hugh Jackman n’en peut plus. Au propre comme au figuré. On le sent las de quitter la scène. Il effectue un dernier tour de piste dont on peine à comprendre le sens.

Le scénario n’est guère imaginatif. La horde d’orphelins que le héros prend sous sa coupe n’est pas sans rappeler « Mad Max 3 » – la crinière et la voix de Tina Turner en moins. L’apparition d’un clone maléfique de Wolverine (interprété par un Hugh Stewart aux cheveux teints, rajeuni à la palette graphique) fait, elle, penser à « Terminator » ou à « Oblivion ».

Quel public « Logan » attirera-t-il ? Pas les jeunes fans de X-Men qui trouveront bien mou ce film sans super-héros ni combats épiques. Pas non plus ceux que rebutent la pyrotechnie démagogue des superproductions hollywoodiennes qui n’iront pas voir ce énième surgeon d’une franchise à bout de souffle.

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