Nisha a seize ans. D’origine pakistanaise, elle vit en Norvège avec son père qui s’est sacrifié pour donner à ses enfants l’espoir d’une vie meilleure, sa mère, son frère aîné qui rêve de faire des études de médecine et sa sœur cadette qui n’est pas encore sortie de l’enfance. Nisha a les loisirs ordinaires des adolescentes norvégiennes de son âge : elle joue au basket, envoie des SMS, flirte avec des garçons… Mais ses parents, soucieux de « ce que les gens disent » (pour traduire mot à mot le titre norvégien), surveillent étroitement l’éducation de leur fille. Tout bascule quand le père de Nisha la surprend dans sa chambre en compagnie d’un garçon.
Iram Haq sait de quoi elle parle. On imagine volontiers la part d’autobiographie que contient le deuxième film de cette actrice norvégienne d’origine pakistanaise, née à Oslo en 1976, passée depuis quelques années derrière la caméra. Le risque était grand qu’elle y égrène gentiment ses souvenirs, l’histoire d’une jeune fille à cheval entre deux cultures, dont les amourettes adolescentes doivent passer à la censure d’un contrôle parental tatillon.
Il n’en est rien. La mauvaise réputation choisit le drame façon Jamais sans ma fille. Au bout de trente minutes, par un saut dans l’espace aussi abrupt qu’inattendu, il nous transporte au Pakistan – l’affiche du film le laissait déjà à moitié présager. Car, pour le bien de sa fille, pour la sauver de la mauvaise réputation que son imp.r.udence lui vaut désormais dans la communauté pakistanaise de Norvège, son père décide de la renvoyer chez sa tante.
Le film change du tout au tout. La chronique gentillette d’une jolie jeune fille en mal d’intégration en Norvège devient le drame d’une femme kidnappée au Pakistan qui cherche à s’évader. On partage son désarroi ; on espère avec elle un sauvetage ; on est terrassé par son infortune. Bientôt le film prend un second tournant. Nouveau bond dans l’espace dont on ne dira rien sans en dévoiler l’intrigue. Avant de se conclure, on en voit venir un troisième qui n’aura pas lieu car le scénario prend un nouveau chemin, parant l’un des personnages d’une humanité qu’on ne lui espérait plus.
Ce qui séduit dans La mauvaise réputation c’est sa capacité à bifurquer, à nous entraîner là où on ne s’y attendait pas, à nous surprendre sans cesser de nous émouvoir. Déjà, l’an passé, le réalisateur belge Stephan Streker réalisait Noces sur le mariage forcé d’une jeune Belgo-pakistanaise, un des films de mon Top Ten 2017. Le filon est décidément fertile.