Aristide (Omar Sy), Virginie (Virginie Effira) et Erik (Gergory Gadebois) travaillent au commissariat de police du douzième arrondissement. Chacun a ses blessures secrètes qu’il cache tant bien que mal : Aristide est sujet à des troubles post-traumatiques, Virginie, dont le mariage bat de l’aile, est tombée enceinte d’Aristide, Erik, alcoolique repenti, est sur le point de se séparer de sa femme.
Un soir les trois collègues sont missionnés pour escorter à Roissy un Tadjik en situation irrégulière sous le coup d’une mesure d’éloignement. À la lecture de son dossier, Virginie découvre que le renvoi de cet étranger dans son pays signera probablement son arrêt de mort. Sa conscience se rebelle.
Anne Fontaine n’est pas très connue ; mais elle est pourtant l’une des réalisatrices françaises les plus accomplies. Elle tourne depuis une trentaine d’années des films qui immanquablement me touchent. Je me souviens l’avoir découverte à la fin des années quatre-vingt-dix avec Nettoyage à sec où un couple provincial, propriétaire d’un pressing, voyait son train-train bouleversé par l’arrivée d’un séduisant inconnu (qu’est diable devenu Stanislas Mehrar qui avait obtenu pour ce rôle le César du meilleur espoir masculin ?). Je me souviens aussi de Nathalie où Emmanuelle Béart interprétait une stripteaseuse moins sulfureuse qu’elle n’en avait l’air et de Perfect Mothers, une adaptation toute en nuances d’une nouvelle de Doris Lessing.
Anne Fontaine a fait tourner tout ce que le cinéma français compte de stars : Fanny Ardant, Daniel Auteuil, Miou-Miou, Fabrice Lucchini, Isabelle Huppert, Charles Berling, Benoît Poelvoorde, Audrey Tautou, Vincent Macaigne… Dans Police, elle réunit trois des meilleurs. Omar Sy, qui tutoie au panthéon des personnalités préférées des Français l’abbé Pierre et Jean-Jacques Goldman, y déploie son irrésistible sourire et son charme fou. Virginie Effira – qui est, de mon point de vue très subjectif, la meilleure actrice française du moment mais qui n’a peut-être pas encore trouvé LE rôle qui ferait d’elle une star – y est comme d’habitude parfaite. C’est peut-être Gregory Gadebois qui est le plus étonnant, creusant de film en film un sillon à la Raimu de bloc d’humanité bougonne et fragile.
Anne Fontaine choisit d’adapter un roman de Hugo Boris publié en 2016, salué par la critique et le public. Elle lui est d’une fidélité scrupuleuse jusque dans la police (sic) du titre et dans le prénom des personnages. Le film comprend trois parties. La première est polyphonique et nous fait découvrir les trois ou quatre protagonistes principaux – on n’apprendra pas grand chose du réfugié tadjik. La deuxième se concentre sur sa reconduite à l’aéroport de Roissy. Sa troisième, dont on peut s’interroger sur l’utilité, suit les quatre personnages après cette nuit riche en rebondissements.
Comme l’avait fait le film homonyme Polisse, couvert de prix en 2011, le film d’Anne Fontaine veut nous faire découvrir le quotidien d’une brigade parisienne. Son sujet résonne avec une actualité brûlante qui voit se confronter deux opinions irréconciliables : celle qui dénonce des violences policières incompatibles avec nos libertés, celle au contraire qui voit dans l’action des forces de l’ordre un rempart nécessaire face à l’inexorable « ensauvagement » de nos sociétés.
À la différence de Polisse qui présentait une galerie de personnages et une multitude de situations, Police se focalise sur un seul événement : la reconduite à la frontière d’un demandeur d’asile débouté. La façon dont les faits nous sont présentés biaise le dilemme. Sauf à avoir un cœur de pierre, on prendra immédiatement fait et cause pour le malheureux Tadjik et, avec Virginie Effira, on s’insurgera contre l’inhumanité de la décision inique prise à son encontre. Cette réaction spontanée et affective – que j’ai eu moi aussi – fait un peu vite litière à la fois de notre droit positif qui définit les règles d’éligibilité au statut de réfugié et de nos tribunaux qui en contrôlent, au cas par cas, la juste application.