Greta Thunberg est devenue une icone. Sa photo a fait le tour du monde. Son combat contre le réchauffement climatique est connu de tous. Elle suscite des réactions radicales : certains la considèrent comme un modèle, d’autres au contraire comme une enfant manipulée qu’il faudrait renvoyer à ses études.
Nathan Grossman, un documentariste, la suit depuis que Greta a décidé en août 2018, à quinze ans à peine, de faire grève tous les vendredis en posant son cartable devant le parlement suédois pour dénoncer l’inaction de la classe politique. Il aurait été intéressant d’analyser comment cette action individuelle a pu faire tâche d’huile et comment la timide collégienne est devenue une star mondiale en l’espace de quelques mois.
La caméra de Nathan, Grossman a le défaut de ne prendre aucun recul par rapport à son sujet et de se borner à l’accompagner dans ses déplacements. On suit donc Greta à Katowice, à la COP24, à Paris, où elle rencontre Emmanuel Macron (qui ne semble pas vraiment savoir sur quel pied danser face à cette gamine si sérieuse), à Bruxelles où elle inspire d’autres jeunes en colère et intervient devant le Parlement européen et à New York à l’Assemblée générale des Nations-Unies qu’elle ralliera en bateau, au terme d’une traversée éprouvante, par refus d’emprunter l’avion trop polluant. Autour d’elle, rien ni personne, sinon son père qui l’accompagne et l’entoure de son attention bienveillante : aucun assistant, aucune équipe de recherche, aucun service de communication
À toutes ces tribunes, Greta – car comme toutes les icônes (Marilyn, Elvis, Johnny…), son prénom suffit à la désigner – assène le même discours plein de rage. Le documentaire de Nathan Grossman a beau durer plus d’une heure trente, on n’en apprendra pas grand chose sinon quelques formules plus ou moins répétitives. Pour Greta, la lutte contre le réchauffement climatique est une urgence qu’aucune excuse ne saurait esquiver. Elle incombe à nos dirigeants que, dans un même mouvement paradoxal, elle stigmatise (son désormais fameux « How dare you ? ») et elle exhorte.
Le documentaire de Nathan Grossman ne prétend pas à l’objectivité. Il assume d’être du côté de Greta, sinon de verser carrément dans l’hagiographie. Si les critiques, parfois cinglantes, adressées à la jeune fille, sont évoquées, c’est moins pour les réfuter que pour montrer le calme avec lequel elles sont accueillies (son père prend des cours de premier secours pour pouvoir aider sa fille si elle était blessée). Si le starsystem dans lequel Greta est aspirée est montré, c’est pour souligner la lucidité avec laquelle cette soudaine célébrité est vécue par la jeune fille et par son père qui n’aspirent qu’à l’anonymat disent-ils.
On ressort de ce documentaire avec la satisfaction d’avoir levé un voile sur l’intimité de cette jeune fille iconique, mais avec le soupçon qu’on ne nous en ait montré que ce qu’une communication bien huilée pouvait accepter de révéler.