After Yang ★★☆☆

Dans un futur dystopique, des « techno-sapiens » assistent les humains dans leur vie quotidienne. Jake (Colin Farrell) et Kyra (Jodie Turner-Smith) en ont acquis un pour les aider dans l’éducation de Mika, la petite fille d’origine chinoise qu’ils viennent d’adopter, et pour lui transmettre les références culturelles asiatiques qu’ils ne possèdent pas. Leur techno-sapiens se prénomme Yang. Lorsqu’il tombe en panne, Mika est dévastée. Son père va tout faire pour réparer Yang… au risque de biens étranges découvertes.

After Yang est un film de science fiction sans sabre laser ni petit bonhomme vert. Il imagine un futur proche et très réaliste où les progrès de la biomécanique auraient permis la généralisation des robots domestiques. C’est un thème très fréquent au cinéma, qu’on a vu tout récemment dans le film allemand I’m Your Man, maintes fois utilisé avant cela : 2001, Odyssée de l’EspaceBlade RunnerI.A.Her… Il est ici traité avec une immense douceur dans une Amérique futuriste influencée pour le meilleur par le Japon (j’ai pensé à la dystopie dickienne Le Maître du haut château) : vêtements, alimentation, aménagement intérieur, jusqu’au niveau sonore des échanges chuchotés loin des tonitruantes interpellations yankees.

La séduction exercée par cette ambiance feutrée agit puissamment. Elle nous plonge dans une délicieuse ataraxie. Mais l’histoire qui en découle est moins séduisante. Très classiquement, Jake découvre chez le robot des sentiments qu’il n’était pas supposé développer et un passé qu’il n’était pas censé avoir vécu. Cette découverte attendrissante nous ramollit encore un peu plus au risque de nous faire perdre tout esprit critique sur un film qui, tout bien considéré, n’apporte pas grand-chose.

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Dédales ★★★☆

Cristina, une jeune novice, quitte son monastère en taxi pour une consultation à l’hôpital.

Il est difficile d’en dire plus de Dédales, un film qui est entièrement construit sur l’accumulation de coups de théâtre qui donnent à l’action, à chaque fois, un tour nouveau et surprenant.

Son affiche est détestable qui campe certes ses deux principaux personnages mais qui les fige dans une posture réductrice. Cristina y a l’air d’être une islamiste sur le point de commettre un attentat suicide, tandis que Marius contemple son arme avec un regard vide.
Son affiche laisse également entendre que Dédales serait un polar. Or, il s’éloigne des canons du genre – et sa sélection au festival Reims Polar est d’ailleurs sujette à caution. Qui irait le voir en imaginant une énigme policière et sa patiente résolution serait vivement déçu.

Qui irait le voir sur la base de son pitch comme une dénonciation implacable des infâmes secrets qui gangrènent l’Eglise orthodoxe roumaine serait également déçu. Pour cela, mieux vaut voir ou revoir le film si âpre de Cristian Mugiu Au-delà des collines.

Ni polar, ni film à thèse, qu’est donc Dédales ? Un film difficile à présenter, difficile à résumer, difficile à critiquer.
Sa forme est peut-être aussi importante que son fond.
Et elle est exigeante sinon rébarbative : Dédales est construit en longs plans-séquence. Le premier, le seul dont on se sent autorisé à parler, se déroule dans le taxi qui conduit Cristina de son couvent à l’hôpital. Il dévoile très progressivement son histoire et les motifs, qu’on devine vite, de sa sortie. Ce plan là se reproduira trois fois, quasiment au même endroit, presque dans la même configuration. On n’en dira pas plus.

Dédales se conclut par un plan séquence magistral filmé à 360°, avec lequel le réalisateur joue avec nos nerfs et avec la chronologie. On en sort sidéré…. avant l’ultime image du film qui achève de nous figer.

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En décalage ★★☆☆

L’héroïne anonyme de Tres (bizarrement traduit dans sa version française pour en rendre sans doute le titre plus compréhensible) est bruiteuse et ingénieure du son. Son oreille est son outil de travail. Quel n’est donc son désarroi quand elle réalise qu’elle se détraque, les sons lui parvenant désormais avec quelques secondes de retard.
Sa vie, qui n’était déjà pas rayonnante s’écroule. Elle était en pleine rupture et en plein déménagement. Elle se retrouve sans emploi, contrainte de retourner vivre chez sa mère tandis que son handicap s’aggrave et que la médecine se déclare impuissante.

Beaucoup de spectateurs, moi y compris, sous-estiment le travail de post-synchronisation que le montage d’un film exige. Quand on le visionne, confortablement installé dans son fauteuil, on n’imagine pas le travail minutieux qu’il a fallu pour synchroniser l’image et le son – quitte au passage à le retravailler et à l’enrichir. C’est ce travail méconnu que la première séquence du film nous montre où on découvre avec fascination comment la séquence muette d’un banal polar en noir et blanc peut devenir tout autre chose avec son son et ses bruitages.

C’est sur cette synchronisation, qui nous est si naturelle dans la vie de tous les jours, et sur son dérèglement que joue le film. Nous voyons ce que nous entendons et vice-versa (je laisse aux puristes le soin de corriger que les vitesses de la lumière et du son ne sont pas les mêmes… bref). Que se passerait-il si image et son étaient désynchronisés ? Si nous entendions les sons avec un décalage ? Ou, plus étrange encore, si nous voyions les images après avoir entendu les sons ?

La conception d’un tel film se heurte à un défi de taille : comment faire percevoir au spectateur bien-entendant les troubles de l’audition de l’héroïne ? Ou, pour le dire autrement, comment distinguer les sons synchrones des sons asynchrones que l’héroïne entend en décalage ?

L’an dernier, un petit film indépendant américain passé inaperçu avait pour héros un batteur frappé d’une surdité irréversible. Sound of Metal nous emportait dans une odyssée sensorielle inédite dont j’ai retrouvé le goût – et le son – dans En décalage. Mais les deux films souffrent du même défaut : une incapacité à écrire à partir de ce pitch prometteur un scénario intéressant. Sound of Metal se noyait dans une romance lacrymale ; En décalage se perd dans une banale quête des origines.

Au passage, le récit se teinte de surnaturel : l’héroïne peut entendre les paroles qui se sont échangées dans un lieu donné. On imagine comment un tel superpouvoir aurait pu être utilisé par la police criminelle. Et on tremble que le film ne prenne ce tournant là. Fort heureusement, un tel dérapage nous est épargné. Mais cette prudence pose la question de l’utilité d’avoir doté son personnage d’un tel pouvoir.

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Loin de chez nous ★☆☆☆

Milad et Jamil sont deux frères syriens qui ont choisi en 2015 de quitter leur pays en guerre. Leur cousin, Wassim, les a filmés avec son camescope au moment de leur départ et pendant les cinq années suivantes.

La guerre en Syrie et les drames humains qu’elle suscite a nourri tout un filon cinématographique que la miniaturisation des moyens de tournage facilite et encourage : Little Palestine, le journal d’un siège d’un camp de réfugiés palestiniens près de Damas, Pour Sama ou Still Recording avec des images volées durant le siège d’Alep, sans parler des reportages tournés dans les rangs de la résistance kurde (Filles du feu) ou de ceux sur les traces funestes laissées par Daesh (Notturno, 9 jours à Raqqa).

Bien sûr, il n’est pas ici question de minorer la tragédie syrienne et les drames humains qu’elle a causés. Il s’agit pour moi seulement de pointer le risque d’un trop-plein autour d’un sujet vu et revu.

Ceci dit, la critique pourrait sembler injuste et sévère pour le documentaire de Wissam Tanios qui n’a pas à proprement parler la guerre en Syrie pour sujet. Elle constitue uniquement l’arrière-plan historique qui contraint ses cousins à l’exil. C’est à cet exil que le réalisateur s’intéresse, comme le titre de son documentaire l’annonce sans ambiguïté.

Loin de chez nous comporte deux parties distinctes. La première se déroule entre Damas et Beyrouth où, un temps, Milad et Jamil se sont installés. On les y suit dans la lente maturation de leur décision, dans la préparation du départ et dans sa mise en oeuvre, sur un radeau pneumatique entre Bodrum et Kos. On vit avec eux leur entrée en Grèce, stressé par l’attente, la confiance chichement accordée au passeur dont on redoute qu’il disparaisse avec le prix du trajet, la peur du naufrage… et finalement soulagé au terme d’une petite balade en bateau somme toute anodine.
La seconde se déroule en Europe, à Berlin ou à Stockholm où on suit l’évolution des deux frères. Milad s’est installé à Berlin pour y vivre de sa passion, la musique. Moins original, Jamil est parti à Stockholm où il exerce le métier de son père et de son grand-père, la menuiserie. Wassim a la sensibilité de trouver le trait d’union entre ces deux destins assez dissemblables : il s’agit de l’atelier de menuiserie familial où les enfants ont grandi à Beyrouth. Cette madeleine éveille une douce nostalgie ; mais elle ne suffit pas à nous emporter.

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Sundown ★★☆☆

Une riche famille anglaise passe ses vacances dans un hôtel de luxe à Acapulco au Mexique qu’un appel téléphonique vient brutalement interrompre : la mère de Alice (Charlotte Gainsbourg) est en train de mourir. Toute la famille prend le chemin de l’aéroport pour sauter dans le premier avion. Mais Neil (Tim Roth), prétextant l’oubli de son passeport, n’embarque pas. Au lieu de retourner à son hôtel l’y chercher, il prend le premier taxi venu et se fait déposer dans une pension interlope. Il esquive les appels de plus en plus pressants d’Alice qui organise seule les obsèques de sa mère. Il embrasse une vie léthargique dont ne réussit même pas à le distraire la rencontre d’une accorte Mexicaine.

Michel Franco est un réalisateur mexicain dont le style emprunte, de film en film, les mêmes recettes. C’est quasiment le même procédé qu’il utilise dans Sundown et dans Después de Lucía et dans Les Filles d’Avril : une histoire en apparence anodine est brutalement percutée par un coup de théâtre qui en modifie radicalement le sens. On n’oubliera pas l’incroyable violence du dernier plan de Después de Lucía (qui lui avait valu une interdiction aux moins de douze ans). De la même façon on restera longtemps hanté par le personnage de Neil dans Sundown.

Tout le film est construit autour d’une seule interrogation : pourquoi Neil refuse-t-il de quitter Acapulco et soutenir sa sœur ? pourquoi se mure-t-il dans le silence ? pourquoi est-il devenu indifférent à tout ce qui l’entoure ? (les esprits chagrins me feront remarquer qu’il n’y a donc pas une seule interrogation mais trois ou quatre !).
Son principal défaut est que, la clé de cette énigme une fois révélée – dont il ne faut évidemment rien dire sauf à gâcher le plaisir de ceux qui n’ont pas encore vu Sundown – elle pourra sembler un peu mince. Une autre faille est de prétendre qu’on en avait pressenti l’issue…. mais une telle prescience excède de beaucoup mes capacités d’imagination.

Sundown est un film masochiste pour le spectateur qui exige d’accepter un rythme très lent pendant plus d’une heure, une énigme que rien n’éclaire et, brutalement, en deux plans muets, sa résolution et sa conclusion qui nous laisse, quand apparaît le générique de fin, incrédules et déconcertés.

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Magdala ★☆☆☆

La Légende dorée de Jacques de Voragine raconte que Marie Madeleine aurait vécu seule la fin de sa vie dans une forêt. Damien Manivel, le réalisateur du Parc ou des Enfants d’Isadora, reprend la légende à son compte.

À la place de la sulfureuse rousse que l’iconographie chrétienne a souvent peinte, il donne à la pécheresse les traits d’Elsa Wolliaston, la danseuse jamaïcaine aujourd’hui âgée de près de quatre-vingts ans. Son corps noir, massif, presqu’impotent ne saurait plus contraster avec l’image qu’on se fait de Marie Madeleine.

Magdala est radical. Aucune intrigue. Aucune histoire sinon celle minimaliste d’une vie qui s’achève. La caméra se borne à suivre son héroïne dans ses derniers jours. On la voit déambuler d’un pas lourd dans la forêt. Elle se nourrit de baies ; elle boit l’eau de la rosée qui perle à l’aube sur les feuilles de châtaignier. Sentant sa fin venir, elle se réfugie dans une grotte et meurt lentement, veillée par une angélique sylphide.

Au crépuscule de sa vie Marie Madeleine pense à Jésus, l’amour de sa vie. Elle lui parle, en araméen. Elle en rêve – occasion d’un flashback malaisant où on la revoit jeune et nue près de son amant. Elle lui offre son cœur sanglant au sommet d’une montagne battue par les vents, dans une scène empruntée à la plus gore des iconographies sulpiciennes.

Même si Magdala dure 1h18 à peine, il faut une sacrée patience pour le regarder. Les rares spectateurs – ou plutôt spectatrices car j’y étais le seul homme – de la petite salle parisienne climatisée qui le diffuse encore, y sont parvenus. Personne n’a capitulé en chemin. Quelle est la part de masochisme dans cette endurance ? Pour moi, elle était majoritaire. Pour d’autres, qui se récrieront à la lecture de ma critique acariâtre, il s’agissait d’une expérience certes exigeante mais ô combien originale de mysticisme contemplatif. À chacun sa came….

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As bestas ★★★☆

Antoine (Denis Ménochet) et Olga (Marine Foïs), ont tout quitté pour s’installer dans les montagnes de Galice. Sur leur propriété, ils font pousser des légumes bio qu’ils vendent au marché. Ils réhabilitent bénévolement les maisons du village, frappé par la désertification rurale, pour en encourager le repeuplement. Malgré leurs efforts pour s’intégrer, ils se sont déchirés avec leurs plus proches voisins autour du projet de construction d’un parc d’éoliennes. Entre le couple français de néo-ruraux et les deux frères butés, la rancœur le cède bientôt à la haine, distillant une ambiance délétère.

Avez-vous déjà eu un conflit de voisinage, avec un voisin qui laisse déborder sa haie sur votre jardin, qui met la musique trop fort ou qui joue de la perceuse chaque dimanche matin ? Avez-vous – gentiment – essayé de lui signaler que son comportement vous gênait ? Vous a-t-il – méchamment – rembarré – en vous expliquant qu’il avait le droit pour lui ? Comment avez-vous réagi à cette rebuffade ? Avez-vous haussé les épaules et oublié dans l’heure cette algarade ? ou avez-vous au contraire lentement développé une obsession paranoïaque vis-à-vis de chaque fait et geste de ce voisin inamical ?

Si vous faites, comme moi, qui ai failli déménager il y a une vingtaine d’années d’un appartement situé en dessous de celui d’un pianiste fou, partie de la seconde catégorie, As bestas vous dérangera au tréfond. Car il raconte précisément une querelle de voisinage qui rend l’air irrespirable et pose des questions sans issue : peut-on demander l’aide de la police ? sinon que faire ? se défendre ? partir ? On essaie de relativiser, de se dire que ce n’est pas si grave…. mais on n’y arrive pas et on finit par tourner comme un lion en cage, impuissant.

C’est précisément ce qui arrive à Antoine et Olga qui voient leur rêve, un peu naïf, de retour à la terre, se fracasser contre l’hostilité de leurs voisins. Un rêve d’ailleurs pas très glamour tant Rodrigo Sorogoyen s’emploie à peindre les montagnes de Galice non pas comme un paradis vierge, mais au contraire comme un amphithéâtre inhospitalier sinon étouffant.

Dès la première scène, qui, quand on la reconsidère, semble presque hors sujet, le ton est donné. Elle se déroule dans le café du village – mais s’agit-il à proprement parler d’un café ? – et Xan, le voisin d’Antoine, y débine méchamment un commerçant dont il critique la qualité du service. Des longues scènes dialoguées comme celle-ci, on en retrouvera à trois ou quatre reprises dans le film. Elles sont toutes aussi prenantes, aussi asphyxiantes les unes que les autres.

Le succès du film doit beaucoup à ses acteurs. Denis Ménochet est un buffle qui souffle et qui rue. L’acteur – dont le physique massif rappelle celui de Grégory Gadebois – vient d’être au sommet de l’affiche de Peter von Kant. C’est aussi le cas de Marina Foïs, qu’on voit partout cet été (En roue libre sorti le 29 juin, L’Année du requin sorti le 3 août). À noter la présence de Marie Colomb qui interprétait une lumineuse Laëtitia dans la mini-série adaptée du livre de Ivan Jablonka. Mais celui qui leur vole la vedette à tous, c’est Luis Zahera, l’interprète de Xan, l’inquiétant voisin, dont chaque apparition est lourde de menaces.

As bestas fait penser à Chiens de paille de Peckinpah ou, bien sûr, à Delivrance de Boorman. Mais il n’en reste pas moins profondément original, tant dans son sujet que dans son traitement. Un film comme celui-ci, filmé comme cela, on n’en avait jamais vu !

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Elvis ★★☆☆

Elvis : son prénom seul suffit à résumer la légende.
Pourtant rien ne prédisposait ce jeune homme timide, issu d’une famille modeste du Mississipi, à devenir une star mondiale. Rien sinon peut-être sa rencontre en 1955 avec l’homme qui deviendra, pour le meilleur et pour le pire, son impresario jusqu’à sa mort vingt ans plus tard : le « colonel » Parker.

Baz Luhrmann choisit un angle original pour raconter la vie d’Elvis : le point de vue de son impresario, un aigrefin doublé d’un manipulateur joué par le méconnaissable Tom Hanks qui prend manifestement une joie mauvaise à abandonner pour une fois les rôles de parfaits Américains qui ont fait sa gloire.

Il le fait dans le style qui est sa marque de fabrique depuis Romeo + Juliet et Moulin rouge : un kitsch revendiqué – qui ne dépare pas avec l’esthétique du King – allié à un montage clippesque (sic) qui donne le tournis. Elvis nous en met plein les yeux. Au point qu’on se demande si nos tympans et nos pupilles seront capables d’y résister pendant près de trois heures. Mais, bien vite, on s’habitue à ce rythme démentiel et on se laisse prendre à ce spectacle décoiffant qui fait passer le temps si vite.

Pourtant, Elvis n’a rien de très original. Comme tant d’autres biopics, il raconte l’ascension, la gloire et la chute d’une star. L’action a beau s’étaler sur plus de deux décennies, les héros n’y vieillissent pas – il est vrai que Elvis meurt à quarante-deux ans à peine, ivre de drogue et de médicaments. Plus grave, on a l’impression que les Etats-Unis ne changent pas entre 1955 et 1977.

Elvis a beau durer 2h39, le scénario ne fait qu’effleurer les moments les plus importants de la vie d’Elvis. Bien sûr, deux scènes mythiques en marquent le début et la fin : l’un de ses premiers concerts publics où ses déhanchements suggestifs hystérisent l’auditoire et scandalisent les forces de l’ordre, l’un de ses tout derniers, à Las Vegas où il réussit encore, à force de volonté, malgré la mort qui vient, à susciter l’émotion.

Tom Hanks, son ironie matoise et son accent incompréhensible manquent de voler la vedette à Austin Butler, qui est peut-être un peu trop lisse pour le rôle. Mais l’interprète d’Elvis est tellement beau, tellement sexy, qu’il lui sera beaucoup pardonné.

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L’Année du requin ☆☆☆☆

La maréchale des logis-cheffe Maja Bordenave (Marina Foïs) est sur le point de prendre sa retraite de la gendarmerie nationale et de quitter la petite brigade balnéaire sur la côte Atlantique où elle a si longtemps servi. Son mari (Kad Mérad) se réjouit de pouvoir enfin jouir avec elle d’un repos bien mérité. Mais la cheffe Bordenave, qui dort sous le portrait du général de Gaulle et rend les honneurs au drapeau chaque matin avant son petit déjeuner, a l’éthique militaire si bien chevillée au corps qu’elle ne peut se résoudre à quitter ses fonctions alors qu’une menace rôde autour de la station balnéaire de La Pointe.

On se souvient tous des Dents de la Mer, de la parfaite réussite de ce film tourné avec deux bouts de ficelle par un gamin sur le point de devenir l’un des plus grands réalisateurs du siècle. L’Année du requin s’en veut le remake revendiqué.

Mais le projet prend vite l’eau faute de choisir son parti. S’agit-il d’un film comique ? hélas il ne fait pas rire. S’agit-il d’un thriller ? hélas il ne fait pas peur.

L’Année du requin est un naufrage absolu.

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Men ★☆☆☆

Pour récupérer du traumatisme qu’elle vient de subir, une jeune Anglaise, Harper (Jessie Buckley) décide de louer un gîte à la campagne. Elle découvre un splendide manoir dans le Gloucestershire dont Geoffrey (Rory Kinnear) lui fait faire le tour du propriétaire. Mais, bien vite, dans cette immense maison isolée entourée d’une nature menaçante, le malaise s’installe.

Alex Garland est un sacré homme de cinéma qui, après avoir signé plusieurs scénarios, et non des moindres, de Danny Boyle (La Plage, 28 jours plus tard, Sunshine), est passé derrière la caméra (Ex Machina, Annihilation).

Men se présente comme un film d’horreur. Il appartient au sous-genre du folk horror, dont la spécificité est de se dérouler à la campagne et de faire fond sur les mythes et traditions populaires les plus perturbantes. Midsommar – mon film préféré en 2019 – en est l’exemple le plus caractéristique et le plus réussi.

Mais Men a un sous-texte que son titre annonce. Il s’agit d’un film sur la masculinité toxique qui empoisonne la vie de Harper. On découvre par bribes le traumatisme qu’elle a subi. On la voit ensuite se heurter aux quelques hommes qu’elle croise, qui ont tous le même visage – celui de l’acteur, remarquable, Rory Kinnear – et la même attitude faussement amicale : l’hôte qui lui fait visiter les lieux, le policier qui recueille son témoignage, le gamin qui l’insulte, le prêtre auprès duquel elle cherche du réconfort….

Men culmine dans un final d’apocalypse. Les avis en sortant de la salle sont divisés : certains rient aux éclats devant ce grand n’importe quoi, d’autres en sont durablement traumatisés. Aucun ne l’oubliera en tout cas.

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