La documentariste franco-chinoise Ye Ye a planté sa caméra dans les couloirs de l’hôpital H6 de Shanghai, un des plus grands hôpitaux au monde qui accueille chaque année deux millions de malades. Elle y a suivi en particulier le sort de cinq patients : une gamine de trois ans à peine dont la main gauche a été écrasée par un autobus, une adolescente, les jambes brisées dans l’accident de voiture qui a coûté la vie à sa mère, un paysan devenu tétraplégique après avoir chuté d’un arbre, un clochard boiteux venu faire soigner son genou en soins de jour, une vieille femme quasi-inconsciente que son mari visite amoureusement chaque jour….
À tous ceux qui se plaignent de l’état de notre système de soins, il faudrait prescrire un voyage en Chine et un séjour à l’hôpital H6 de Shanghai ou bien le visionnage de cet éclairant documentaire. Certes, on n’y descend pas au septième cercle de l’Enfer. Les malades n’y sont pas abandonnés à leur sort. Ils sont traités dignement. Mais la façon dont ils sont entassés par dizaines dans une même salle commune, le bruit constant qui y règne contrastent avec l’environnement beaucoup plus serein de nos hôpitaux français, même obérés par l’austérité budgétaire.
Dans H6, il est constamment question d’argent. Argent pour financer l’opération de la dernière chance qui sauvera peut-être ce tétraplégique mais exigera à sa famille de vendre tous ses biens et de s’endetter. Argent que la compagnie de bus refuse de verser à la famille de cette gamine victime d’un accident de la circulation. Argent pour payer l’aide-soignante qui passe prodiguer aux patients les soins basiques que des infirmières débordées ne peuvent pas donner. Argent pour une coupe de cheveux négociée pied à pied….
Face au sempiternel défi d’avoir à rassembler cet argent qu’on leur réclame, les patients chinois et leur entourage font, c’est le cas de le dire, contre mauvaise fortune bon cœur. Ye Ye voulait filmer leur résilience, leur capacité à faire face aux coups du sort. Elle y parvient dans un documentaire qui, sans verser dans le sentimentalisme, émeut souvent.
Certes H6 ne nous offre pas, comme on pouvait l’espérer, une vue d’ensemble d’un hôpital, comme l’aurait filmée systématiquement Frederick Wiseman. La caméra reste du côté des patients et ne s’intéresse que brièvement à un rhumatologue un peu excentrique qu’elle suit dans sa séance de gymnastique quotidienne.
À défaut, H6 pourra concourir dans la catégorie des films aux titres les plus courts, juste derrière Z de Costa-Gavras et ex aequo avec E.T. de Spielberg.