Les fils qui se touchent ★☆☆☆

Alors qu’il approche de la cinquantaine, Nicolas Burlaud, un vidéaste marseillais, est foudroyé par une crise d’épilepsie. Une batterie d’examens révèle une alteration de son hippocampe, une structure de l’encéphale qui joue un rôle central dans la mémoire. Cette révélation le conduit à s’interroger sur son travail au sein de la chaîne de télévision locale Primitivi.

Tout intrigue dans ce film : son titre, qui peut susciter bien des confusions (les fils qui se shootent ? les fils qui se couchent ? qui se mouchent ? qui se douchent ?), son affiche, son sujet même. Nicolas Burlaud commence par nous administrer une leçon de neurosciences qui, selon qu’on n’y connaisse rien ou qu’on ait quelques notions de médecine, pourra sembler sembler trop obscure ou trop simplificatrice.

Il est plus pertinent quand il évoque son travail depuis un quart de siècle dans une télé anarchiste et libertaire – qui se revendique de l’esprit des radios libres des années 80. Les émissions qu’il y a réalisées ont documenté la vie des Marseillais, notamment  des quartiers Nord voués à la destruction de leur logement ou de la rue d’Aubagne menacés par l’insalubrité. Nicolas Burlaud s’interroge sur la manière dont s’est constituée une mémoire collective, qui n’est ni la somme ni la moyenne des mémoires individuelles.

Alors qu’il éprouve dans sa chair la crainte de perdre sa propre mémoire, Nicolas Burlaud nous alerte sur les risques qui pèsent sur notre mémoire collective. Ses traces s’évaporent, comme celles de plus en plus évanescentes que nous montre l’urbaniste Nicolas Mémain qui témoignent des actions contestataires dont Marseille a été le théâtre. Elles sont recouvertes par les classes dominantes qui essaient d’imposer leur récit lénifiant, nous dit le réalisateur qui ne cache pas ses opinions anarchistes et anticapitalistes.

C’est un passionnant sujet pour les historiens qui s’en sont d’ailleurs emparés depuis longtemps. On ne compte plus les livres ou les colloques sur Mémoire et Histoire, qu’il s’agisse de la traite négrière, de la Shoah, de la Guerre d’Algérie ou de l’immigration. On a l’impression hélas que le réalisateur de ce documentaire autobiographique ignore ce courant de recherches et en découvre candidement l’existence.

La bande-annonce

The Flats ★☆☆☆

Joe, la cinquantaine bien déglinguée, habite New Lodge une enclave républicaine au nord-ouest de Belfast. Il a vécu dans sa chair la guerre civile qui a longtemps fait rage en Irlande du Nord, opposant les protestants, fidèles à la couronne britannique, aux catholiques qui revendiquaient l’unité de l’Irlande. Il y a perdu un jeune oncle, âgé de dix-sept ans à peine, dont la mort en 1975 ne cesse de le hanter. Révolté par le trafic de drogue qui sévit au pied de son immeuble, il a entamé une grève de la faim, similaire à celle qu’avait menée Bobby Sands en 1981.
D’autres habitants du quartier sont tout aussi traumatisés par un passé qui ne passe pas : Angie, victime de violences domestiques, Jolene, qui doit s’occuper de sa sœur grabataire.

The Flats a l’ambition louable de gratter la mémoire républicaine des « troubles » en Irlande du Nord en dressant le portrait de quelques habitants emblématiques d’un bloc d’immeubles qui, tel le village d’Astérix, revendique irréductiblement son identité catholique et républicaine au cœur de la Belfast loyaliste.

Il a le défaut de le faire en se focalisant sur trois personnages, Joe, Angie et Jolene, dont le piètre état semble avoir son origine plus dans leurs tristes histoires personnelles que dans celle de l’Irlande du nord. Aussi attachants qu’ils soient tous les trois, le sens du documentaire en est dévié d’autant.

La bande-annonce

Les Oubliés de la Belle Étoile ★★☆☆

La Belle Etoile, c’était le nom d’un centre de redressement, à Mercury, au-dessus d’Albertville, dirigé d’une main de fer par un abbé catholique. Placés par la Ddass, André, Michel et Daniel y passèrent une partie de leur enfance et en furent marqués à jamais. La documentariste Clémence Davigo les a retrouvés au crépuscule de leur vie et a recueilli leurs témoignages alors qu’ils tentent d’obtenir de l’Eglise catholique sinon une réparation du moins des excuses.

Quatre mois à peine après La Déposition est sorti début février ce documentaire qui lui ressemble. Il s’agit de recueillir le témoignage de victimes de sévices commis par l’Eglise. Enfant de chœur, Emmanuel Siess, le protagoniste de La Déposition avait été victime d’attouchements par le curé de son village au début des années quatre-vingts-dix. Les faits relatés dans Les Oubliés de la Belle Etoile sont plus anciens. Ils remontent aux années cinquante et soixante. Ils nous renvoient à une époque et à des témoignages qu’on pensait relégués : celle où l’on enfermait les « sauvageons » dans des centres de redressement pour les mater et les remettre dans le droit chemin. Remontent à la mémoire les récits Quatrième République de Gilbert Cesbron, de Violette Le Duc (racontée au cinéma par Emmanuelle Devos), d’Albertine Sarrazin (L’Astragale), d’Auguste Le Breton (Les Hauts murs porté à l’écran au début des années 2000) ou, plus récemment, le livre Des diables et des saints du prix Goncourt Jean-Baptiste Andréa.

Mais, Clémence Davigo ne se focalise pas sur la vie au pensionnat. Son documentaire ne contient quasiment aucune image d’archives, pas plus qu’il ne rassemble de témoignages d’époque. Ce qui l’intéresse, ce sont ces anciens pensionnaires, aujourd’hui septuagénaires et ce qu’ils sont devenus. Elle veut montrer combien leur enfance et les sévices qu’ils ont subis les ont marqués à jamais. Elle les filme réunis, quelques jours en été, autour d’un pâté en croute et d’une tarte à la mirabelle, dans la maison d’André qui raconte en en riant ses longs démêlés avec la justice, ses lourdes condamnations, les années passées en prison. Michel, devenu coureur de fond, finira par avouer les attouchements dont il fut victime.

Clémence Davigo filme également les démarches entreprises par ces anciens pensionnaires et quelques-uns de leurs camarades auprès de l’Eglise catholique. Un couple de médiateurs les écoute longuement, collectivement puis séparément. L’évêque de Chambéry les reçoit ensuite. Ils acceptent la présence d’une caméra – ce que, si j’avais été à leur place, j’aurais hésité à faire. On peut reprocher à l’Eglise catholique sa surdité sinon son hypocrisie. Mais qu’a-t-elle à offrir à ces hommes sinon une oreille compatissante et la reconnaissance d’une faute ? Une indemnisation en espèces sonnantes et trébuchantes ? de quel montant ? calculée selon quels critères ? Des excuses publiques ? Une plaque commémorative ? Ces réparations hélas semblent bien futiles et ne leur redonneront jamais leur vie définitivement abîmée.

La bande-annonce

To the North ★☆☆☆

Deux immigrés roumain et bulgare montent clandestinement à bord d’un porte-conteneur. Il appareille d’Espagne vers l’Amérique. L’un d’eux est rapidement découvert. L’autre réussit à se cacher avec la complicité d’un contre-maître taïwanais.

Inspiré de faits réels, qui se sont déroulés à la fin des années 90, To the North est un film en huis clos qui se déroule en haute mer. Il met en scène quelques rares personnages exclusivement masculins qui incarnent, chacun à leur façon, une valeur. Dumitru est un jeune immigré roumain hanté par l’instinct de survie. Joel est ce marin philippin vieillissant, profondément croyant, que le sort de Dumitru émeut. Le capitaine Tsai incarne l’autorité.

Ceci étant posé, le scénario aurait pu s’orienter dans le sens le plus attendu : celui du film d’action, avec son lot de rebondissements. On aurait pu imaginer par exemple que Dumitru soit découvert par le capitaine Tsai, qu’il soit placé sous écrou, qu’il réussisse à s’enfuir avec la complicité de Joel, que Tsai se venge sur Joel de cette évasion, que Dumitru tente le tout pour le tout pour sauver Joel, etc.

Tel n’est pas le parti que prend le film. Il choisit un scénario beaucoup plus lent sinon statique. Il préfère scruter les âmes de chacun des protagonistes et interroger leurs valeurs, à rebours de la présentation manichéenne que j’en ai faite. Ce parti-là était stimulant et intelligent. Mais hélas, le résultat est assez décevant. À force de tout relativiser, To the North s’égare. Et sa fin ouverte sonne comme un aveu d’échec : faute d’être capable de départager les adversaires, le scénario nous laisse nous débrouiller avec eux.

La bande-annonce

September & July ★★☆☆

September et July sont sœurs. Leur mère Sheela est photographe et les élève seule. September et July entretiennent une relation exclusive qui les met en marge des autres élèves de leur école. Leur mère décide de déménager au bord de l’océan dans la maison de ses beaux-parents.

Pour sa première réalisation, l’actrice Ariane Labed (que j’avais adorée dans Fidelio) a décidé d’adapter le roman Sisters de Daisy Johnson. Ariane Labed partage avec son conjoint Yórgos Lánthimos (The LobsterMise à mort du cerf sacréPauvres créatures) le goût de l’étrange et du dérangeant. 

Car September & July n’est pas ce qu’on croit : la chronique façon Diabolo Menthe des années collégiennes de deux sœurs irréductiblement liées. September & July raconte autre chose. Mais on ne sait pas quoi.

La complicité qui unit les deux sœurs cache quelque chose de plus trouble. L’aînée September exerce sur la cadette July une emprise toxique. Elle s’exprime à travers les défis que September lance à sa sœur pour tester sa loyauté (le titre anglais original « September says » est inspiré du jeu enfantin Jacques a dit…). Au point qu’on en vient à se demander si, de tous les dangers qui menacent la fragile July, sujette aux crises de panique, September ne serait pas le plus grand.

[attention spoiler] Sans qu’on comprenne pourquoi, les filles quittent brutalement le collège et vont s’installer avec leur mère au bord de la mer. Le film change de rythme. L’image d’ailleurs change de format – comme Xavier Dolan l’a fait dans Mommy – passant d’un format carré 1:1 à un format 1:85. Ce changement de cadre restera inexpliqué jusqu’à la toute fin du film. Le switch est renversant et donne à tout le film une saveur qu’il n’avait pas.
Je ne sais pas ce qu’il vaut le mieux : l’ignorer et en être surpris, au risque d’avoir trouvé l’heure qui précède bien falote, ou au contraire l’attendre fiévreusement en essayant de le deviner.

La bande-annonce

Maman déchire ★☆☆☆

Emilie Brisavoine a plongé dans les archives familiales pour dresser le portrait de sa mère.

On avait découvert Emilie Brisavoine en 2016 avec Pauline s’arrache, un documentaire tourné avec des bouts de ficelle sur l’adolescense révoltée de sa demi-sœur. La sincérité de ce documentaire bourré de défauts m’avait enthousiasmé.

On la retrouve neuf ans plus tard avec les mêmes recettes. Elle se penche cette fois ci sur celle qui n’était dans Pauline… qu’un personnage secondaire : sa mère.

Elle n’y va pas de main morte, dressant de sa marâtre, qui l’a abandonnée à son adolescence, un portrait sans concession : celle-ci a fait payer à ses enfants, à Emilie son aînée, et à Florian le cadet, le prix de ses traumatismes, de sa paranoïa, de ses bouffées de délire psychotique, et les a privés de l’amour dont ils avaient tant besoin.

Le résultat est particulièrement émouvant. On y lit une (en)quête : alors qu’elle vient elle-même d’avoir un enfant et interroge le lien si fort qui est en train de naître entre elle et lui, Emilie Brisavoine s’interroge sur le lien qui s’est brisé avec sa mère. Elle montre aussi comment son frère Florian a souffert, encore plus qu’elle, de cette relation toxique.

Mais, Maman déchire n’en donne pas moins le sentiment que la réalisatrice s’est payé une psychanalyse aux frais des spectateurs. On ne peut certes que se réjouir de sa lucidité, se féliciter qu’à la fin [attention spoiler] mère et fille trouvent enfin la voie d’une relation apaisée ; mais on garde l’impression désagréable, comme dans le récent À bicyclette !, d’avoir été convié sans notre consentement à un exercice cathartique qui ne nous regardait pas.

La bande-annonce

Bonjour l’asile ★☆☆☆

Elisa (Judith Davis) quitte Paris le temps d’un week-end pour retrouver sa vieille amie Elisa (Claire Dumas) partie s’installer à la campagne avec son mari et ses trois enfants. Tout proche, un ancien hôpital psychiatrique transformé en ZAD accueille des locataires de passage. Il est menacé d’expropriation par un couple d’entrepreneurs sans scrupules.

On avait découvert Judith Davis il y a plus de six ans dans Tout ce qu’il me reste de la révolution sur l’héritage laissé par la génération de mai 68 et on était resté sans nouvelles d’elle depuis. On la retrouve, inchangée, dans un second film qui pourrait être la suite ou le prologue du premier. Son ton, son ambiance, son sujet qui interroge notre société et ses choix politiques m’ont rappelé Les Barbares de July Delpy sorti l’automne dernier.

Le duo formé par Judith Davis et Claire Dumas – qui reprend à l’identique celui qu’elles formaient déjà dans Tout ce qu’il me reste… – y est particulièrement convaincant. Leurs deux personnages interrogent, avec Maxence Tual qui interprète le conjoint d’Elisa, la place des femmes dans la société contemporaine, leur autonomie revendiquée, l’égale répartition des tâches ménagères.

De même, Bonjour l’asile nous fait pénétrer dans un lieu à part, peuplé d’inoffensifs frappadingues, sur un mode à mi-chemin de la comédie grinçante façon Problemos (la comédie à succès de Eric Judor qui tournait en dérision les mouvements écologistes radicaux) et du documentaire empathique.

Ces deux fils narratifs auraient suffi au succès du film. Mais Bonjour l’asile a la mauvaise idée de lui en rajouter un troisième : un couple d’entrepreneurs sans scrupules qui a décidé de transformer ce tiers-lieu en complexe hôtelier cinq étoiles. Ce couple outrancièrement interprété par Mélanie Bestel et Nadir Legrand fait tomber le film dans le grand n’importe quoi. Dommage…

La bande-annonce

L’Énigme Velázquez ★★☆☆

Velázquez occupe dans l’histoire de la peinture une place originale. Il est universellement reconnu comme l’un des plus grands peintres qui soient ; mais il est relativement oublié. C’est à cette énigme que s’attaque Stéphane Sorlat avec le dernier volet d’un triptyque dont il avait produit les deux premiers : Le Mystère Jérôme Bosch en 2016 et L’Ombre de Goya en 2022.

Son documentaire est d’une facture très classique. On y entend en voix off Vincent Lindon, au timbre reconnaissable entre mille. On y voit des conservateurs, des critiques d’art ou des artistes (parmi lesquels mes amis Isabel Coixet et Guillaume Kientz #Namedropping) analyser l’oeuvre de Velázquez. On y voit surtout les peintures du maître, dont la caméra scrute les moindres détails. Les Ménines – analysé par Foucaut comme une subversion et revisité par Picasso – a droit à la place qu’il mérite : cette oeuvre étonnante renverse, on le sait, la perspective, nous mettant à la place du couple royal dont le peintre est en train de faire le portrait devant leurs enfants amusés.

L’Énigme Velázquez ne révolutionnera pas le cinéma. Pas sûr qu’il vaille la peine d’aller le voir en salles. L’offrir à ses beaux-parents ou à ses petits-enfants, s’ils manifestent une velléité de s’orienter vers les Beaux-Arts, en coffret DVD avec Bosch et Goya à Noël, devrait faire l’affaire. Il n’en reste pas moins l’occasion d’une découverte intelligente et sensible d’un des peintres les plus marquants de l’histoire de l’art.

La bande-annonce

Queer ★☆☆☆

Héroïnomane invétéré, William Lee, double autobiographique de William Burroughs, a quitté les Etats-Unis pour le Mexique où il peut consommer sans crainte de la police. Homosexuel revendiqué, il tombe sous le charme d’Eugene Allerton, un jeune éphèbe à l’identité sexuelle encore indécise. Le couple décide d’aller visiter l’Amérique du sud et de s’enfoncer dans la jungle amazonienne, à la recherche du yagé, une plante hallucinogène.

Auréolé du succès de ses films précédents, et notamment de Call Me by Your Name qui a fait de lui une icône gay, l’Italien Luca Guadagnino s’attaque à un monument de la littérature. L’œuvre de William Burroughs, qu’on disait inadaptable, a déjà été portée à l’écran par David Cronenberg dans un film devenu culte, Le Festin nu.

Parce que j’ai vu récemment le film de Cronenberg, je l’avais constamment à l’esprit pendant ce Queer. J’ai retrouvé dans Queer le même scénario organisé – comme le sont les livres de Burroughs – en chapitres très différents les uns des autres, la même insertion de scènes oniriques censées retranscrire les rêves et les cauchemars de son héros sous substance, la même tendance à l’esthétisation.

Il faut reconnaître que les décors de Queer sont particulièrement réussis. Le film a été tourné en studio à Cinecitta avec des décors en carton pâte, volontairement artificiels, qui donnent à l’image une saveur originale. Mais c’est là la seule qualité d’un film qui, pour le reste, m’a déplu.

Je n’ai pas trouvé particulièrement transgressive l’interprétation de Daniel Craig. On imagine que les producteurs, en recrutant la star hypertestostéronée des James Bond, ont voulu défier les canons de la virilité. Le procédé fait pschitt : Daniel Craig décidément moins beau que dans mon souvenir [je n’exclus pas que la jalousie me fasse parler], affublé d’une coiffure improbable, est pathétique dans le rôle d’un amoureux transi. Son compagnon, interprété par Drew Starkey, se contente d’être beau – et il l’est certes, plus qu’à son tour. Les scènes de sexe sont crues ; mais les producteurs se sont bien gardés de franchir la ligne rouge qui les aurait exposés aux foudres (avec un d) de la censure.

Le film, interminable, dure plus de deux heures. Il contient vers la toute fin une scène dont on fait grand cas, d’une grande beauté plastique. Hélas, ma patience avait cédé depuis longtemps pour me permettre de l’apprécier à sa juste mesure.

La bande-annonce

Black Dog ★☆☆☆

À sa sortie de prison, Liang revient dans sa ville natale. Il peine à la reconnaître : l’ancienne cité minière, quasiment vidée de ses habitants, est hantée par des hordes de chiens sauvages. La police l’assigne dans une brigade chargée d’en débarrasser la ville. Liang prend sous sa garde un corniaud décharné suspecté d’être enragé. Son père se meurt lentement. Un cirque fait escale dans la ville.

Prix « Un certain regard » au dernier festival de Cannes, Black Dog était projeté en avant-première au festival de Vesoul du cinéma asiatique le mois dernier. Son action se déroule dans des paysages post-apocalyptiques, à la Mad Max, en lisière du désert de Gobi. Comme dans White God, ce film hongrois sorti en 2014 qui m’avait durablement marqué, des chiens ramenés à un état sauvage y jouent un rôle essentiel, laissant imaginer combien le tournage fut périlleux et difficile.

Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris de Black Dog qui part dans trop de directions pour que chacune des métaphores qu’il dessine fasse sens.
La plus évidente est sans doute celle du statut de paria que partagent ce repris de justice taiseux et ce corniaud décharné. L’un et l’autre, frappés d’infamie, sont ostracisés, marginalisés. L’un avec l’autre vont retrouver ensemble la fraternité que la société leur refuse.
Autre métaphore : celle d’une société policière qui poursuit inlassablement ses éléments déviants et les parque dans des camps. Une telle position politique était-elle tenable dans un film qui a franchi la censure et qui a été diffusé en Chine continentale ? D’autant que, dans la dernière partie du film, quasiment fellinienne, tandis que la population s’assemble pour regarder une éclipse solaire, l’ordre établi cède, les animaux sont remis en liberté.
Un dernier sous-texte : la filiation. Liang retrouve son père en piteux état, rongé par l’alcoolisme et l’amertune, installé dans un zoo désaffecté. [attention spoiler] Il le veillera sur son lit de mort jusqu’à son dernier soupir. Comme il veillera ce chien qu’il a pris sous son aile. Et il adoptera le chiot que son protégé a engendré, laissant planer l’augure qu’il en prendra plus de soin que son propre père n’en a pris à son éducation.

Nous avons eu un vif débat à la sortie du film, avec les amis qui nous accompagnaient. Ils étaient tous beaucoup plus enthousiastes que moi insistant sur la majesté des décors, sur l’originalité du scénario, sur sa richesse. J’étais le moins emballé. Je reproche à Black Dog son inutile longueur (il dure près de deux heures et sa dernière demi-heure est interminable) et les thèmes trop nombreux qu’il esquisse à peine (qu’advient-il de cette entreprenante actrice de cirque qui s’entiche du héros et qui le demande même en mariage ?)

La bande-annonce