Le Garçon ★★★☆

Zabou Breitman et Florent Vassault trouvent dans une brocante un lot de vieilles photos. La récurrence du même blondinet filiforme leur attire l’oeil. Ils se mettent en tête de remonter la piste de l’inconnu.Tandis que Florent Vassault enquête en Normandie, en Bourgogne et à Paris, Zabou Breitmann reconstitue à partir des bribes qu’il lui donne une journée dans la vie du « garçon » avec des acteurs de fiction.

Le Garçon est un film étonnant, voire un OVNI filmique si l’expression, à force d’être utilisée, ne finissait pas par devenir galvaudée. Il mêle le documentaire et la fiction. Si vous en voulez une preuve, regardez attentivement l’affiche : vous y verrez une légère différence entre la photo qui s’affiche sur l’appareil (qui figurait dans le lot retrouvé) et les deux acteurs (on reconnaîtra peut-être Isabelle Nanty et François Berléand) qui posent à l’arrière-plan. Ce mélange est d’ailleurs le seul défaut de ce film : l’enquête menée par Florent Vassault se suffisait à elle-même et les séquences de fiction filmées par Zabou Breitmann semblent souvent superfétatoires.

Cette enquête nous tient en haleine tout le long du film. On admire la perspicacité du documentariste qui réussit à tirer parti de détails minuscules, tels que la physionomie d’un immeuble, pour identifier un quartier parisien. Pour ne rien gâcher au plaisir qu’on y prend, on ne dira pas si elle va jusqu’à son terme et si elle réussit à identifier l’inconnu. Tout ce qu’on pourra en dire est qu’elle nous réservera d’étonnantes surprises et de poignantes révélations.

Pour intéressant qu’il soit, le motif de ce film n’est pas nouveau. Déjà en 1996, dans Sur la plage de Belfast, Henri-François Imbert était-il parti en Irlande du Nord sur les traces des personnages découverts dans un vieux film de famille. Eric Caravaca adoptait la même démarche sur les traces de sa sœur aînée tôt disparue dans le très réussi Carré 35La Carte postale, le roman à succès d’Anne Berest, nous faisait revisiter l’Occupation et la déportation en usant d’un procédé similaire. Enfin, Isabelle Monnin, l’auteur des Gens dans l’enveloppe, intente un procès aux réalisateurs et aux producteurs du Garçon pour s’être inspirés de son roman publié en 2015.

Le jeu de piste du Garçon se double d’une réflexion quasi-philosophique sur la mémoire et sur la mort. Que reste-t-il d’une vie ? Quels souvenirs laisserons-nous après notre mort ? Qu’est-ce qui mérite d’en être gardé ou peut légitimement en être oublié ? Une vie qui tombe dans l’oubli est-elle ipso facto une vie ratée et une vie mémorable une vie réussie ?

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Lire Lolita à Téhéran ★☆☆☆

Exilée aux Etats-Unis pendant la dictature du Shah d’Iran, Azar Nafisi, professeure de littérature anglaise à l’université, revient enseigner à Téhéran en 1979 après sa destitution. Mais elle déchante très vite, face à l’intolérance des mollahs, qui censurent les livres impies, obligent les femmes à se voiler, embastillent et torturent les opposants au régime. De guerre lasse, Azar abandonne son enseignement et réunit chez elle quelques fidèles étudiantes pour lire les livres interdits.

On a scrupule à critiquer un film qui dénonce le régime des mollahs, la chape de plomb qu’il a fait tomber sur l’Iran au nom d’une conception dévoyée de la religion et qui salue le courage de celles et ceux qui osent en braver les interdits. Sur le papier, Lire Lolita à Téhéran coche toutes les cases : un titre qui claque, un sujet en or inspiré d’une histoire vraie, celle d’Azar Nafisi elle-même qui, exilée aux Etats-Unis, a écrit l’histoire des vingt ans passés à Téhéran, un casting constitué des actrices iraniennes les plus talentueuses du moment, condamnées par le régime à l’exil (Golshifteh Farahani, à laquelle les gazettes prêtent des liaisons rocambolesques, Zar Amir, réalisatrice de Tatami et tête d’affiche des Nuits de Mashhad, Mina Kavani l’héroïne de Red Rose…).

Pour autant, ce film-brulot ne brûle guère. Sa facture est trop classique, sa mise en scène trop banale, ce qu’il raconte hélas trop convenu. Sans remettre en cause notre admiration pour les femmes iraniennes en lutte contre un régime oppresseur et notre soutien, on peut ne pas être enthousiasmé par Lire Lolita à Téhéran.

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Deux sœurs ★★★☆

Pansy (Marianne Jean-Baptiste) est une vieille femme acariâtre, rongée par la dépression, qui fait vivre un enfer à son mari et à son fils. Sa sœur Chantal (Marianne Austin) est son parfait opposé, qui travaille dans son salon de coiffure et entretient avec ses deux filles, Kayla et Aleisha, une relation aimante et complice.

Mike Leigh est un des plus grands réalisateurs britanniques. Palme d’or à Cannes en 1996 avec Secrets et Mensonges, Lion d’or à Venise en 2004 avec Vera Drake, il revient à quatre-vingts ans passés au drame intimiste après un détour par le biopic historique (le très réussi Mr Turner en 2014).

L’héroïne de Deux sœurs n’est pas aimable. Pire : elle est détestable. Au point parfois d’en être drôle façon Tatie Danielle dans ses interactions avec son docteur, sa dentiste, une caissière au supermarché… Pansy est fâchée avec la terre entière. Pourquoi ? On le découvrira progressivement, même si son état ne tient pas à une cause unique : le divorce de ses parents, la mort de sa mère, un mariage sans amour… Elle en fait payer le prix à son mari, qui s’use la santé dans son travail, et à son fils, obèse, qui a trouvé la meilleure parade en se murant dans le silence. Ce personnage secondaire-là, quasi-muet, est très attachant et l’avant-dernière scène sans paroles du film, qui le retrouve à Picadilly Circus, est bouleversante.

En contrepoint du foyer de Pansy, maniaquement entretenu et d’une froideur glaciale, on découvre celui de Chantal, bigarré, mal rangé et bruyant. Ses filles sont des rayons de soleil, même si la vie n’est pas tendre avec elles – l’aînée se fait martyriser par la directrice de l’agence de publicité qui l’emploie. On apprend qu’après le divorce de leurs parents, Pansy a assumé une partie de l’éducation de sa sœur cadette. Chantal, profondément empathique, voudrait aider son aînée, la sortir de sa déprime, la purger de sa fielleuse acrimonie. Le film est l’histoire de ses tentatives avortées. Sa fin pourrait sembler frustrante sinon paresseuse. Elle laisse ouverts tous les possibles et nous laisse imaginer le destin de ces personnages attachants.

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Aïcha ★★☆☆

Aya habite à Tozeur, une petite ville du Sud tunisien. Elle travaille dans un grand complexe touristique et ramène son salaire à ses parents qui désespèrent de la marier. Un drame imprévu lui donne l’occasion de changer de vie et d’aller s’installer incognito à Tunis. Elle y trouve une colocation et un emploi dans une boulangerie. Mais un nouveau drame attire sur elle l’attention de la police.

Aïcha est le deuxième film du réalisateur tunisien Mehdi Barsaoui. Son premier, Un fils, sorti quelques jours avant le Covid en mars 2020, m’avait enthousiasmé. Malgré son peu d’audience, il avait valu à Sami Bouajila le César du meilleur acteur.

Barsaoui utilise les mêmes recettes pour faire le procès de la Tunisie contemporaine, de la corruption qui ronge son administration, de l’horizon bouché qui est offert à ses jeunes. Mais Aïcha n’est pas aussi réussi qu’Un fils pour deux raisons selon moi.

La première est son scénario qui, certes, ménage de nombreux rebondissements et tient le spectateur en haleine, mais qui souffre d’une construction bancale. L’action commence à Tozeur où lentement une histoire se met en place avec des personnages (Aya, ses parents, ses collègues de travail, le directeur de l’hôtel qui l’emploie…) autour d’un lieu (un palace situé au milieu du désert où le personnel d’entretien se plie aux moindres désirs de touristes invisibles). Brusquement, ce film-là s’interrompt et un autre film commence avec pour seul lien avec le premier, son héroïne, catapultée dans un autre univers.

La seconde est qu’on a vu beaucoup de films sur la Tunisie ces années dernières : La Source, Ashkal, Sous les figues, Harka, Noura rêve, Corps étranger, Les Filles d’Olfa, La Belle et la Meute, Le Challat de Tunis… Certains parmi eux, notamment les trois derniers cités, étaient si remarquables que, par comparaison, cet Aïcha passera inaperçu.

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Baby ★☆☆☆

Beau comme un ange, Wellington est abandonné à son sort à la sortie d’un centre de détention dans l’immense mégalopole de São Paulo . Sa famille lui a tourné le dos. Dans un cinéma porno, il rencontre Ronaldo. Prostitué occasionnel et dealeur, le quadragénaire prend le jeune homme sous son aile. Une complicité amoureuse naît entre eux.

Une blague circule qui m’amuse beaucoup : le président Trump aurait décidé d’enlever de l’alphabet les lettres L, G, B, T, Q, I, A….. Elle aurait pu tout aussi bien s’appliquer au président Bolsonaro qui partageait avec son homologue américain la même homophobie.

Nouvelle figure du cinéma queer, le brésilien Marcelo Caetano signe son second film après Corpo Electrico en 2017. Il arrive sur les écrans auréolé de son succès à Cannes l’an dernier à la Semaine internationale de la critique.

Sans doute, Baby est-il une vibrante ode à la liberté, au droit de chacun de choisir son orientation sexuelle. On ne peut que prendre fait et cause pour lui, s’apitoyer des coups du sort qui le frappent, se réjouir de la rare sollicitude qui lui est manifestée.

Mais, dans son genre déjà bien exploré, Baby est trop banal pour laisser une trace durable.

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Je le jure ★★☆☆

Fabio est un homme taiseux qui travaille chez un ferrailleur en Moselle, près de la frontière allemande. À l’insu de sa famille et de ses amis, il entretient une relation avec Marie, plus âgée que lui d’une vingtaine d’années. Un jour, il reçoit une convocation pour devenir juré d’assises. Avec huit autre jurés, il doit se prononcer en appel sur la peine encourue par un pyromane. Fabio découvre un monde dont il ignorait tout.

Le tournage de ce film a été contrarié par un événement qui en pollue la réception. Son réalisateur, Samuel Theis (Party Girl, Petite Nature) a été accusé de viol par un technicien pendant le tournage. Il a été écarté de sa promotion. Il a été placé sous le statut de témoin assisté et une enquête judiciaire est en cours. Adoptant une stratégie de communication inédite, la productrice et la distributrice ont choisi la transparence.

Je le jure est un film quasiment documentaire qui nous fait découvrir de l’intérieur le fonctionnement d’un jury d’assises. Le sujet n’est pas neuf. C’est l’un des préférés du cinéma américain depuis Douze hommes en colère, le film iconique de John Ford, jusqu’au tout récent Juré n° 2 de Clint Eastwood. Tout récemment, il était au centre de plusieurs films français particulièrement notables : Anatomie d’une chute, Saint Omer, L’Hermine

L’enjeu du procès n’est pas la culpabilité de l’accusé qui a reconnu les faits mais le quantum de la peine : les douze ans prononcés en première instance sont-ils trop sévères ou trop légers ? Pour l’apprécier, la présidente de la cour (Marina Foïs) consacre les débats à la personnalité de l’accusé, à ses antécédents, à ses risques de récidive. Le sens de la peine est interrogé : à quoi servirait une condamnation plus lourde si l’accusé récidive dès sa sortie ?

La démarche est passionnante. Elle sollicite autant la curiosité que l’intelligence du spectateur. Elle souffre toutefois à mes yeux de trois défauts.
Le premier est la présence de jurés caricaturaux : le réactionnaire (Micha Lescot) qui appelle à la sévérité, l’humaniste (Louise Bourgoin) qui au contraire invoque la clémence.
Le deuxième est le délibéré brutalement escamoté là où on escomptait des débats plus fouillés.

Le troisième est le plus fondamental. Il a trait au héros lui-même. Qu’il soit resté silencieux pendant tout le procès donne aux mots qu’il finira bien par prononcer d’autant plus de poids. Je les ai trouvés hélas bien anodins. Et surtout, je n’ai pas compris le parallèle tissé entre les deux histoires : celle de l’accusé et de son procès, celle du héros et de sa relation avec sa compagne d’une part et avec Julia (Louise Bourgoin), l’une des jurés de l’autre.
[Une question sous forme de spoiler : comment avez-vous compris la scène du baiser volé ? Julia repousse-t-elle définitivement Fabio ? ou son geste laisse-t-il augurer la possibilité d’une idylle ?]

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Berlin Été 42 ★★★☆

Hilde Coppi est arrêtée à la fin de l’été 1942 avec son mari Hans. Le Reich nazi lui reproche de faire partie d’un groupe de résistants de mèche avec l’URSS. Berlin Été 42 raconte les mois qu’elle passe en prison, durant lesquels elle accouche d’un fils, et, en flashbacks revient sur les circonstances dans lesquelles, quelques années plus tôt, Hilde a fait la rencontre de Hans et de ses amis et est entrée en clandestinité.

Je lis ici et là des critiques mitigées de Berlin Été 42. Il est vrai que ce film sort après tant d’autres qui ont traité du même sujet tels que celui consacré à Sophie Scholl et au réseau de la Rose blanche ou que l’adaptation du célèbre roman de Hans Fallada Seul dans Berlin publié dès 1947. Il est vrai que Berlin Été 42 ne révolutionnera pas le cinéma ni la filmographie de la Seconde Guerre mondiale.

J’ai pour autant particulièrement apprécié ce film pour deux raisons.

La première est la plus évidente. Il peint une héroïne extraordinaire. Pourtant, la sage Hilde ne paie pas de mine, le visage mangé par ses immenses lunettes. Mais le film révèle lentement son caractère : l’amour enfiévré qu’elle porte à son mari, son engagement sans faille dans la résistance, aussi dérisoire soit-elle, sa grandeur d’âme en prison, avec son fils nourrisson, avec ses co-détenues, face à la mort qui vient. Une quasi-inconnue l’interprète, vue dans Lou-Andreas Salomé en 2017 et dans Hinterland fin 2022. On souhaite à Liv Lisa Fries la carrière qu’elle mérite.

La seconde est plus cinématographique. Elle tient à la construction du film. Le réalisateur aurait pu paresseusement suivre le fil de la chronologie. Il lui préfère une narration éclatée selon deux axes. Le premier suit Hilde depuis son arrestation en septembre 1942 jusqu’à [attention spoiler] sa décapitation onze mois plus tard. Le second procède par flashbacks et raconte par bribes, en partant des épisodes les plus récents avant de remonter jusqu’au plus ancien, le passé de Hilde.
Cette construction, qui fait appel à la vigilance du spectateur, peut égarer. On peut avoir le sentiment de s’y perdre. Mais, à condition de ne pas relâcher son attention, toutes les pièces du puzzle finissent par s’agencer intelligemment.

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Radio Prague, les ondes de la révolte ★★☆☆

Technicien anonyme à l’Agence centrale des télécommunications, Tomás Havlík est muté au service international de Radio Prague fin 1967. Il y découvre des journalistes passionnés qui se battent pour la liberté d’expression. Mais la brève libéralisation que connaît la Tchécoslovaquie au printemps 1968 sous la direction d’Alexander Dubček est brutalement arrêtée par l’invasion soviétique en août 1968. Harcelée par la police secrète, Radio Prague continue d’émettre pour informer les Tchécoslovaques de l’avancée des chars russes.

Vlny : le titre tchèque de ce film est plus court que son titre français. Vlny, en tchèque, ce sont les ondes radio qui constituèrent la seule source d’information indépendante des Tchèques sur le point de tomber sous la botte de l’occupant soviétique.

Le sujet parle éminemment à une audience tchèque. Le film, sorti en République tchèque et en Slovaquie l’été dernier, y a eu un immense succès. Il a même représenté la République tchèque aux Oscars (mais, on le sait, la statuette a été remportée par le dessin animé letton Flow). Le sujet parle un peu moins à une audience étrangère, même si les faits qu’il raconte ont marqué la conscience collective du monde entier.

Radio Prague m’a fait penser à 5 septembre, qui présentait la prise d’otages de Munich en 1972 du point de vue des journalistes de la chaîne sportive américaine ABC. J’y ai retrouvé la même ambiance fébrile de la salle de presse, les mêmes journalistes passionnément investis dans leur tâche, le même surgissement brutal du drame dans l’Histoire.

Pour autant, Radio Prague ne saurait se comparer à 5 septembre. Il n’en a pas la même énergie. Sa mise en scène, son scénario, son interprétation sont furieusement datés. Le même film aurait pu être tourné il y a vingt ou trente ans.

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Lumière. L’aventure continue ! ★☆☆☆

Il y a huit ans, Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière, avait réalisé Lumière ! L’Aventure commence. Il y présentait une centaine des très brefs films des frères Lumière, merveilleusement restaurés. Fort du succès de ce documentaire, et grâce au travail de restauration toujours en cours, Thierry Frémaux en présente cent autres, moins connus que les premiers. Éclairés par ses commentaires intelligents, ils révèlent le génie novateur des pères du cinéma.

Écrire une critique mitigée de ce documentaire, c’est à la fois remettre en cause le génie des inventeurs du cinéma et s’attaquer à l’un de leurs avocats les plus respectés.

Le génie des premiers n’est guère contestable. A partir de rien, ils ont inventé un art. On aurait aimé connaître comment ils en ont fait une industrie ; mais tel n’est pas l’objet de ce documentaire qui s’attache uniquement à leur démarche artistique et au soin avec lequel ils composaient chaque prise. À regarder les films des frères Lumière, on a l’impression qu’ils ont inventé tous les genres.

C’est peut-être l’académisme plat avec lequel Thierry Frémaux présente leurs œuvres qui suscite quelques réserves. Thierry Frémaux se laisse emprisonner dans un exercice qui devient vite répétitif : nous montrer, l’un après l’autre, cent-vingt courts métrages. Sans doute organise-t-il sa présentation autour d’une dizaine de thèmes, insistant par exemple sur les témoignages que les frères Lumières nous livrent de la France et du monde de la toute fin du dix-neuvième siècle. Mais cette structuration n’épargne pas au documentaire un rythme qui devient vite lassant.

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Vermiglio ou La Mariée des Montagnes ★★★☆

Vermiglio est le nom d’un petit village du Trentin italien, perdu dans un vallon alpin. L’histoire racontée s’y déroule à l’hiver 1944 et pendant les quelques années qui suivent. Elle se focalise sur la famille de Cesare Graziadei, le maître d’école, père de dix enfants. Elle commence avec l’arrivée dans le village de Pietro, un Sicilien qui fuit la conscription. Lucia, l’aînée des Graziadei, a tôt fait d’en tomber amoureuse.

Vermiglio est un film taiseux habité par la grâce. Mauria Delpero, la réalisatrice de Maternal, est allée le tourner dans le village natal de son père, après son décès. Chacun de ses plans constitue un tableau muet qui raconte une histoire. On y voit les saisons qui passent, les enfants qui naissent et qui meurent, les amours qui s’esquissent… La guerre, au loin, gronde, mais ne vient jamais troubler la vie routinière des paysans.

Les enfants de Cesare et d’Adele sont les personnages principaux de ce film. Ils représentent un échantillon représentatif de cette population paysanne à l’avenir bouché et sont les yeux à travers lesquels l’histoire est racontée : Dino, l’aîné paresseux et buté, qui fait le désespoir de son père, Ada, dont le mysticisme la destine à entrer dans les ordres, Flavia, la plus intelligente et la plus espiègle, en qui le père a placé tous ses espoirs, Pietrin dans lequel la réalisatrice a voulu filmer le double autobiographique de son propre père…

Vermiglio était menacé par le double risque de l’immobilisme et de l’esthétisme. La réalisatrice l’évite grâce à un scénario suffisamment rebondissant pour ménager quelques surprises. On pense aux Quatre filles du docteur March ou aux grands films italiens des frères Taviani (Padre Padrone) ou d’Ermanno Olmi (L’Arbre aux sabots, Palme d’or 1978).

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