Je danserai si je veux ★★★☆

Tout – ou presque – est dans l’affiche. D’abord le titre : Je danserai si je veux qui sonne comme un slogan féministe. Ensuite la photo de trois femmes. L’une porte le voile. Les deux autres boivent et fument. Enfin à l’arrière plan, une ville, dont on sait depuis Richard Bohringer que c’est beau la nuit.

Le reste se découvre très vite.
Layla, Salma et Nour sont trois jeunes femmes arabes et israéliennes. Elles partagent un appartement à Tel Aviv. Layla est avocate ; Salma a un job dans un bar ; Nour poursuit des études à l’université. Chacune à sa façon est en prise avec la société phallocrate.

Il y a deux façons de critiquer ce premier film d’une jeune réalisatrice palestinienne.
La première est la plus rationnelle. Elle est la plus sévère aussi.
Elle pointerait du doigt son architecture trop voyante. Scrupuleusement voilée, respectueuse des rites, Nour incarne la jeune Palestinienne pratiquante sous la coupe d’un fiancé qui lui refuse la moindre liberté. Avec ses piercings et ses joints, Salma est la bobo palestinienne qui cache à sa famille bourgeoise son orientation sexuelle. Plus âgée, plus indépendante, Layla est, elle, la Palestinienne installée que les hommes dont elles tombent régulièrement amoureux rappellent à son statut. Trois destins de femme comme autant d’illustrations simplistes de discours féministes.

La seconde choisit d’ignorer ces défauts pourtant bien voyants et de laisser parler son cœur.
Elle soulignerait l’émotion suscitée par ces trois personnages qui, chacun à sa façon, fait naître l’empathie. Même Nour, a priori la moins sympathique.
Sans se réduire à un simple coup de cœur impulsif, cette seconde critique évoquerait le portrait tout en nuance que le film dresse de Tel Aviv, la capitale économique d’Israël, dont Eytan Fox avait déjà fait en 2007 le personnage principal de son film The Bubble. Elle évoquerait aussi le rôle des hommes dans ce film, qu’on pouvait craindre un instant unanimement veules mais qui sont sauvés, dans une scène bouleversante, par la tendresse du père de Nour.

La bande-annonce

Parfaites ★★★☆

Pendant plus d’un an, le documentariste Jérémie Battaglia a suivi l’équipe canadienne de natation synchronisée dans la phase préparatoire des Jeux olympiques de Rio.

J’ai adoré ce documentaire sorti en catimini dans quelques trop rares salles.
Pour trois raisons.

D’abord pour ses étonnantes images. Jérôme Battaglia vient de la photographie et réussit, comme le montre l’affiche, des plans sous-marins ou aériens d’une étonnante sophistication.

Ensuite pour son euphorisant suspense. Comme tous les films de sport, Parfaites est construit autour d’un enjeu simple. Gagnera ? Gagnera pas ? On prend fait et cause pour la sympathique équipe canadienne. On partage son stress, ses joies, ses déceptions. On admire sa quête sans cesse recommencée d’une perfection absolue. On découvre aussi un sport d’une étonnante exigence, nécessitant les talents de nageuse, de gymnaste et de danseuse. Un sport qui souffre d’être trop souvent réduit à l’image caricaturale qu’il donne : jolies poupées en bikini, trop maquillées, au sourire artificiel.

Enfin pour sa dimension géopolitique. Le Canada est en effet un outsider dans le monde de la natation synchronisée. Il est écrasé par la Russie ou par la Chine qui sélectionnent au berceau les nageuses sur des critères purement physiques. Pour améliorer leur synchronicité, ils identifient des jeunes filles quasi identiques, des « jumelles ». Le Canada n’a pas ce luxe. De cet handicap, il veut faire une force, souhaitant renvoyer l’image d’une équipe nationale diverse et métissée. Courez voir Parfaites pour savoir si ce pari hétérodoxe portera ses fruits.

La bande-annonce

Patients ★★★☆

Benjamin, la vingtaine, plonge dans une piscine à moitié vide et s’y brise les cervicales. « Tétraplégique incomplet », il est placé en centre de rééducation.

Le système de soins français est en train de devenir une star de cinéma. Après La Maladie de Sachs en 1999, Le Scaphandre et le papillon en 2007, l’excellent Hippocrate en 2014, Médecin de campagne, Réparer les vivants et La Fille de Brest ont l’an passé eu la médecine comme sujet principal.

A la différence de ces films, Patients s’intéresse aux malades plus qu’aux soignants. Ceux-ci ont bien sûr leur place parmi les rôles secondaires : un médecin chef autoritaire, un kinésithérapeute compréhensif, une infirmière maladroite et un aide soignant insupportable à force de bonne humeur matinale et bruyante (« Alors, Benjamin, il a bien dormi ? il veut que je lui allume la télé ? il prendra du café ou du chocolat ce matin ? »). Mais Ben et sa bande d’amis sont, comme l’annonce l’affiche, les personnages principaux du film.

Farid est en fauteuil depuis l’enfance, Steeve n’accepte pas son état, Toussaint désespère de son manque de progrès, Samia cache les causes de l’accident qui l’ont clouée dans un fauteuil. Autour de Ben se constitue une petite communauté d’amis qui ne se sont pas choisis mais qui traversent ensemble les mêmes épreuves. Leur objectif n’est pas tant de guérir ; car certains savent qu’ils ne le pourront pas. Leur souci principal est de « niquer des heures », de passer un temps qui, comme en prison, s’étend sans sens. Patients, on l’avait compris, est un titre à double entrée.

Ce film est l’adaptation du roman éponyme de Grand corps malade. De son vrai nom Fabien Marsaud, le slammeur français y relatait son séjour en centre de rééducation. Une chronique à hauteur de fauteuil roulant. Sans sentimentalisme ni apitoiement. Avec l’humour comme seule arme pour déminer les situations les plus embarrassantes et les plus déprimantes. Car on se vanne beaucoup, avec un mélange de tendresse et de cruauté, comme dans La Haine, L’Esquive ou Divines.

Patients séduit par son refus du sensationnalisme. Ben est un jeune homme chanceux dans son malheur. Des parents aimants se relaient à son chevet. Ses amis ne l’oublient pas. Sa situation médicale est bien meilleure que celle de ses congénères : il fait de rapides progrès et peut espérer marcher à nouveau. Surtout, il bénéficie d’un accompagnement médical qui frappe par son luxe : séances de rééducation en gymnase, en piscine, personnel médical attentif, lieux de vie spacieux et accueillants…

La romance qui se noue entre Ben et Samia et la façon surprenante dont elle évolue témoignent de l’intelligence et de la sensibilité de ce film qui réussit à émouvoir avec le sourire.

La bande-annonce

Noces ★★★☆

Zahira a dix-huit ans. Elle vit en Belgique avec son père, sa mère, son frère aîné et sa sœur cadette encore adolescente. À cheval entre deux cultures, elle est à l’aise dans l’une comme dans l’autre : elle fait ses cinq prières chez elle et n’est pas la dernière à s’amuser et à sortir avec ses amis du lycée.
Zahira est enceinte. C’est un drame. Pour elle. Pour ses parents auxquels elle ne cache pas son état. Mais ce n’est pas la fin du monde pour cette famille aimante.

Avortera ? Avortera pas ? Se mariera ? Se mariera pas ? Le scénario de Noces est remarquable qui maintient sur toute la durée un suspense.

Car Noces n’aurait pu être qu’un documentaire sur l’intégration difficile d’une jeune fille musulmane en Occident. Une sorte de Fatima belgo-pakistanaise. Cette seule dimension aurait suffi à faire l’intérêt de ce film. Très documenté, il répond à la question : comment peut-on être Pakistanais(e) en Belgique ? Comment concilier sa culture d’origine et celle du pays d’émigration ? Noces répond à ces questions à travers deux dialogues bouleversants, qui frisent la rigidité théâtrale sans y succomber. Le premier entre le père de Zahira et le père de sa meilleure amie se conclut par un constat douloureux d’incommunicabilité. Le second entre Zahira et sa sœur aînée, mariée contre son gré mais désormais heureuse en ménage, est tout aussi intelligent et tout aussi bouleversant.

Mais Noces ne se réduit pas à sa dimension documentaire. Noces est une tragédie grecque pleine de rebondissements. Elle a pour héroïne Zahira. Lina El Arabi est de tous les plans. C’est une révélation. Comme la Rosetta des frères Dardenne, son énergie est le moteur du film. À plusieurs reprises, on pourrait penser que le film va s’achever, une fois apportées les réponses aux questions posées. Mais une nouvelle question surgit. Jusqu’à la conclusion, aussi surprenante par sa violence que logique par son inéluctabilité.

Dans un paysage très encombré par le nombre de sorties, au milieu de films dont j’attendais beaucoup et qui m’ont déçu (Split, Lion, Certaines femmes…), Noces est le film-surprise de la semaine. Mon coup de cœur.

La bande-annonce

Rock’n Roll ★★★★

Guillaume Canet a quarante-deux ans. Une journaliste lui fait remarquer qu’il est de moins en moins « rock’n roll ». La jeune actrice (Camille Rowe, la top model de la pub Poison girl) qui partage l’affiche de son prochain film ne la contredit pas. La star française, assaillie par l’angoisse, va chercher par tous les moyens à vaincre les outrages du temps.

J’ai adoré ce film. Pour trois raisons. La circonstance que je traverse moi même depuis quinze ans au moins une persistante crise de la quarantaine ne sera pas ici développée.

La première, la plus importante peut-être, est que j’y ai beaucoup ri. Ri aux situations gaguesques dans lesquelles notre héros, en quête d’une seconde jeunesse, se retrouve. Ri aux apparitions, dans leur vrai rôle de Johnny Hallyday, de Kev Adams ou de Gilles Lellouche. Ri au virage complètement farfelu que prend le film dans son dernier tiers. Difficile d’en dire plus sur cette transformation bogdanovienne sans déflorer l’intrigue.

La deuxième est qu’il faut un sacré culot pour tourner un film pareil. Guillaume Canet va très loin dans l’auto-dérision. Il fait l’aveu de sa peur de vieillir comme Woody Allen fait rire de sa peur de mourir ou Beigbeder de sa peur d’aimer. La démarche pourrait sembler nombriliste. Elle ne l’est qu’en apparence. Car loin de se donner le beau rôle et de conclure son film par une morale toute faite (« la vieillesse, c’est dans sa tête », « vieillir c’est s’accepter »), Guillaume Canet ose aller au bout de la logique de son personnage.

La troisième est le jeu des acteurs auxquels on demande l’exercice difficile de jouer leur vrai rôle. On parle beaucoup de celui de Marion Cotillard qui passe la première moitié du film à s’exprimer en québécois pour préparer le prochain Dolan. On oublie son interprétation toute en nuances durant la seconde moitié, véritable déclaration d’amour à son conjoint parti en vrille.

Sans doute « Rock’n roll » ne mérite-t-il pas vraiment les quatre étoiles que je lui attribue. Mais, les occasions de rire aux éclats sont suffisamment rares pour ne pas m’autoriser une telle générosité.

La bande-annonce

La La Land ★★★★

Couronné de sept Golden Globes et bientôt probablement d’au moins autant d’Oscars, « La La Land » arrive mercredi sur nos écrans précédé d’une critique élogieuse. Première a annoncé la couleur : « Le meilleur film de l’année »  – ce qui le 20 janvier frise le canular … mais Première a raison et risque d’avoir raison jusqu’au 31 décembre, et le jury des Golden Globes aussi. « La La Land » est un chef d’œuvre.

Il est impossible de voir la bande-annonce de « La La Land » sans succomber immédiatement au charme de la musique, des costumes, d’Emma Stone et de Ryan Gosling et de courir acheter un ticket.

Je ne suis pas totalement objectif. J’adoooooore les comédies musicales et place au firmament de mes films préférés « Les Parapluies de Cherbourg » – que je revois chaque année avec un lot de Kleenex à portée de mains – classé ex aequo dans mon panthéon avec « West Side Story ».

« La La Land » est un film inoubliable. Un film qui fait rire (Ryan Gosling est hilarant dans deux scènes auto-parodiques) et pleurer. Un film qui nous transporte. Un film qui rend la vie plus belle. La démonstration en est faite, le temps d’un prologue aussi étonnant qu’enthousiasmant, filmé sur une bretelle d’autoroute embouteillée, le lieu a priori le moins poétique qui soit. Cette seule séquence suffit à donner un sourire, une énergie et un plaisir qui ne nous quitteront pas pendant deux bonnes heures qui passent comme un songe.

Alors qu’on croyait la comédie musicale définitivement passée de mode – comme les vieux films et le jazz – Damien Chazelle et ses producteurs ont eu le culot d’en réaliser une. Et avec quel brio ! La bande musicale, en tête des charts aux États-Unis, est déjà un classique. Le thème de Mia et Sebastian est d’un romantisme échevelé à faire pleurer un roc. « Another day of sun » donne la danse de Saint-Guy. Je vous défie de l’écouter sans avoir les pieds qui frétillent.

« La La Land » crée un univers, à la foi réaliste et onirique. Les costumes rétro-réalistes de Mary Zophres y sont pour beaucoup. Emma Stone porte au moins quarante robes – et presqu’autant de paires d’escarpins – toutes plus seyantes les unes que les autres. Quant à Ryan Gosling, j’essaie désespérément de jongler avec un chapeau – et de jouer au piano – comme lui.

Comme « Les Parapluies de Cherbourg » et comme « West Side Story », « La La Land » nous parle d’amour. Un coup de foudre entre Mia, l’actrice qui rêve de percer à Hollywood, et Sebastian, le pianiste qui rêve d’ouvrir sa boîte de jazz. Bien sûr, les esprits chagrins reprocheront au scénario son ingénuité, ses facilités. Mais c’est oublier qu’il peut se lire à plusieurs niveaux. « La La Land », ce n’est pas seulement une histoire d’amour. C’est aussi l’histoire de deux personnages à la poursuite de leurs rêves. C’est l’histoire des compromis inévitables ou haïssables qu’il faut accepter pour les réaliser.

Et les réserves qui pourraient émerger au fil du film seront inévitablement balayées par un final d’anthologie. Un final qui fait écho à « Midnight in Paris » et plus encore à « Un Américain à Paris ». Un final qui, sur le fond, est remarquable d’intelligence et de subtilité, évitant aussi bien les pièges du happy end mielleux que le pathos de la tragédie. Un final qui fait immédiatement de « La La Land » un film culte. Un film culte pour les fans de jazz, pour les amateurs de vieux films visionnés dans des salles à moitié vides, pour les amoureux de Emma Stone et de Ryan Gosling, pour les amoureux de Los Angeles et de Paris. Un film culte pour moi. Un film culte pour vous.

La bande-annonce

Amy ★★★☆

Je ne connaissais quasiment rien de Amy Winehouse sinon, comme tout le monde, son album « Back to black » et l’hystérie qui entoura sa déchéance et sa mort à 27 ans.

Le documentaire de Asif Kapadia est déchirant. Pourtant il laisse beaucoup de questions en suspens : pourquoi cette addiction précoce à l’alcool et aux drogues, de plus en plus dures ? pourquoi Amy a-t-elle été broyée par sa soudaine célébrité ?

Asif Kapadia est un peu trop « people » qui s’intéresse plus aux mésaventures amoureuses de l’artiste qu’à sa musique. On ne saura quasiment rien de ses influences artistiques, de son processus de création. Le film sur les Beach boys est paradoxalement plus documenté sur cet aspect des choses.

Mais le documentariste londonien a réussi à mettre la main sur des archives vidéo et à recueillir des témoignages extraordinaires. Grâce à eux, on suit Amy depuis l’enfance, avec ses boutons d’acné et ses dents disgracieuses, bien loin de l’icône qu’elle est devenue quelques années plus tard. On découvre sa fragilité et aussi l’originalité de sa voix incroyable, qui lui ressemble si peu et qui lui valut la célébrité vénéneuse qui précipita sa mort.

La bande-annonce

Ma vie de Courgette ★★★☆

Coup de cœur pour ce dessin animé français qu’un excellent bouche à oreille m’a convaincu d’aller voir et que j’aurais ignoré sinon, couturé d’a priori sur les dessins animés que je continue à cantonner à un public enfantin.

Quel que soit l’âge, on sera ému par l’histoire de Courgette, un petit garçon de neuf ans placé en foyer. Il doit s’y faire une place entre Simon le caïd, Jujube le glouton et Camille la garçonne.

Céline Sciamma signe le scenario de cette adaptation d’un roman de Gilles Paris publié en 2002. On y retrouve la subtilité et l’empathie pour ses personnages de la réalisatrice de « Tomboy » et « Bande de filles ».

Le sujet de ce dessin animé n’est pas gai. Il traite de l’abandon, de la maltraitance enfantine. C’est un peu « La tête haute » (l’excellent film de Emmanuelle Bercot avec Catherine Deneuve en juge aux affaires familiales, Benoît Magimel en éducateur et Rod Paradot en ado têtu) en stop motion. Car Claude Barras utilise la même technique que « Wallace et Gromit » ou « Coraline » : une animation image par image de petites figurines stylisées en pâte à modeler.

Courgette va se reconstruire – ainsi qu’il est d’usage de le dire aujourd’hui – avec l’aide de ses camarades et de quelques adultes bienveillants (le policier bourru auquel Michel Vuillermoz prête sa voix est particulièrement réussi). Un seul personnage négatif dans cette belle assemblée : la tante de Camille qui fait avancer un scenario qui, sans elle, aurait peut-être tourné en rond. Dommage qu’elle le fasse avec un manichéisme caricatural.

La bande-annonce

Arès ★★★☆

En 2035, la France compte quinze millions de chômeurs et Paris est devenue une ville du tiers-monde. L’État en faillite a cédé le pouvoir aux groupes pharmaceutiques dont les produits anabolisants dopent en toute légalité les champions de l’Arena, un sport martial ultra-violent. Reda est un vieux boxeur sur le retour. Tout bascule pour lui le jour où le grand groupe Donevia teste sur lui son dernier produit.

Le cinéma français n’a jamais été à l’aise avec la science-fiction. « Babylon A.D. » fut un bide retentissant malgré l’ampleur des moyens déployés. « Gaz de France » sorti en début d’année est passé inaperçu et ne méritait pas autre chose. Cet « Arès » démontre toutefois que le cinéma français est capable de faire un film d’anticipation réussi sans la débauche de moyens mobilisés dans les super-productions de Luc Besson.

Pas de navette spatiale ou de combat intergalactique, mais une dystopie intelligente et bien filmée qui imagine un future anarchique, poisseux comme l’était celui de « Blade Runner » ou de « Soleil vert » (les images ont été tournées en Chine et en Ukraine et remarquablement mixées à des panoramas parisiens connus). Sur ce fond politique hélas réaliste s’écrit une histoire simple de rédemption et de machination. La rédemption d’un faux salaud, le héros, Arès, colosse bourru au cœur tendre interprété par Ola Rapace. Et la machination ourdie par les affreux capitalistes de Donevia, la multinationale présidée par Louis-Do de Lencquesaing caricatural à souhait.

Évidemment, « Arès » ne brille pas par sa subtilité. C’est un divertissement qui n’a pas la prétention de viser plus haut. Mais c’est un divertissement efficace dont je prends le pari qu’il aura son petit succès, sinon dans les salles (il est trop mal distribué pour l’espérer), du moins sur Internet.

La bande-annonce

Captain Fantastic ★★★★

Moitié hippie, moitié altermondialiste, un père décide d’éduquer ses six enfants loin de la société et de ses pollutions. Mais sa vie hors du monde est remise en cause lorsque sa femme se suicide. Contre l’avis de ses beaux-parents, il décide de se rendre aux funérailles en compagnie de ses enfants et d’exécuter les dernières volontés de la défunte.

Et dire que j’ai failli ne pas aller voir ce bijou ! Sa bande-annonce me donnait l’impression d’en révéler tous les ressorts et de ne ménager aucune surprise. Quelle erreur aurais-je commise ! Ma passion inentamée pour le cinéma doit beaucoup à de telles surprises : j’arrive encore à être étonné, emporté, par des films qui ne paient pas de mine.

« Captain Fantastic » commence comme « Into the Wild » et finit comme « Little Miss Sunshine ».

Soit au départ une première moitié du film qui se déroule exclusivement dans les montagnes Rocheuses où Ben et ses enfants réalisent une utopie écologique : vivre en harmonie avec la nature, en y développant son corps et son esprit (Ben soumet ses enfants à  un entraînement physique et à une éducation intellectuelle qui fait d’eux des Castors juniors aussi débrouillards que savants).

Soit ensuite un road trip familial provoqué par un bien macabre événement mais qui multiplie les situations cocasses. Cette petite bande décalée rencontre de « vraies » gens, s’y percute parfois (les élans amoureux du fils aîné pour une cagole de camping sont hilarants), les met face à ses contradictions souvent (les cours que Ben donnent à ses enfants donnent de bien meilleurs résultats que ceux que leurs cousins reçoivent au collège).

« Captain Fantastic » est follement attachant par son absence de manichéisme. Ben n’est ni un gourou qui endoctrine des mineurs sous influence, ni un héros monolithique qui a raison contre la terre entière. C’est un père pétri d’amour qui veut protéger ses enfants et leur transmettre le meilleur. Cet amour s’illustre dans le respect qu’il porte à chacun d’eux : les enfants ne sont jamais traités comme une masse indifférenciée mais comme six individualités aux besoins spécifiques. Et les résultats qu’il atteint feraient pâlir de jalousie tout parent d’élève normalement constitué : les analyses que font, sous l’aiguillon de leur père, l’aînée de « Lolita » ou la cadette du Premier amendement sont d’une rafraichissante acuité.

Cet amour se traduira dans le dernier tiers du film par une prise de conscience et par une décision qui force l’admiration et démontrera la capacité de Ben à reconnaître ses limites et à toujours faire prévaloir le bien-être de ses enfants.

Sans avoir l’air d’y toucher, « Captain Fantastic » traite avec une infinie délicatesse de sujets aussi grave que la paternité, l’éducation, le libre arbitre. À chacune de ces questions, il propose une réponse tendre, bonne, juste. Un pays qui produit de tels films ne peut pas être totalement mauvais. Même après avoir porté à sa tête un clown misogyne et menteur.

La bande-annonce