Eiffel ★☆☆☆

1886. Gustave Eiffel (Romain Duris) rentre de New York, où il a construit la structure métallique de la Statue de la liberté, auréolé de gloire. L’Exposition universelle de 1889 se prépare ; mais Eiffel ne voit pas l’intérêt de construire un projet éphémère et préfère s’intéresser au futur métro. Il changera d’avis après avoir retrouvé Adrienne (Emma Mackey), un amour de jeunesse, et se lancera dans le défi inouï de construire une tour métallique de trois cents mètres de haut.

Voilà plus de vingt ans que le scénario de Caroline Bongrand circulait des deux côtés de l’Atlantique, entre Paris et Hollywood. Luc Besson envisagea de le réaliser, avec Gérard Depardieu dans le rôle d’Eiffel et Isabelle Adjani dans celui d’Adrienne : peut-être Rodin et Camille Claudel y auraient-ils eu des seconds rôles. Christophe Baratier (Les Choristes) et Olivier Dahan (La Môme) ont été approchés : ils auraient, qui sait, fait chanter les ouvriers depuis leurs échafaudages. Et même Ridley Scott – qui aurait, sait-on jamais, organisé un combat de gladiateurs ou une course poursuites d’androïdes au pied de la Tour.

Le projet est finalement échu à Martin Bourboulon, un réalisateur venu de la publicité qui ne peut guère afficher à sa filmographie que les oubliables Papa ou Maman 1 et 2 (j’en dis du mal sans les avoir vus). C’est peu dire que le résultat en est navrant.

La principale erreur – est-elle d’ailleurs la faute du malheureux réalisateur ou des nombreux co-scénaristes qui ont, sur le métier, cent fois remis leur ouvrage ? – est de vouloir raconter la construction de la tour à travers une romance sirupeuse. La romance réunit, on l’a dit, Gustave Eiffel et Adrienne qu’il avait rencontrée trente ans plus tôt à Bordeaux où il construisait un pont métallique avant-gardiste. Il serait injuste de jeter la pierre aux deux têtes d’affiche : Romain Duris a beau approcher la cinquantaine, il n’en demeure pas moins toujours aussi juvénile et séduisant. Quant à l’actrice franco-britannique Emma Mackey, la révélation de la série Netflix Sex Education, elle est voluptueuse à souhait.
Une sournoise polémique a surgi autour de leur écart d’âge : censés incarner deux personnages du même âge, Romain Duris a en fait vingt ans de plus que sa jeune partenaire, reproduisant, selon certains, les stéréotypes phallocratiques les plus dégradants. Le problème me semble moins être celui de cet écart d’âge que celui des flashbacks dont le film est lardé où le réalisateur a laissé interpréter par les mêmes acteurs, lourdement grimés, leurs rôles en 1860 et en 1889.

Eiffel nous promettait de nous raconter la construction de la Tour. Or on n’en voit pas grand chose, sinon quelques arrières-plans certes majestueux, mais qui sentent les effets spéciaux à plein nez. Bien sûr, la promotion du film a beau jeu d’invoquer Titanic où le naufrage du luxueux transatlantique était raconté à travers la folle histoire d’amour de deux de ses passagers. Mais n’est pas James Cameron – ou Leonardo di Caprio ou Kate Winslet – qui veut ! Certes, l’histoire de l’amour impossible de Gustave et Adrienne est touchante ; mais elle nous distrait de l’essentiel : cette Tour monstrueuse et pourtant si élégante dont l’érection (je n’ai pas pu résister !) ne donne lieu qu’à deux scènes isolées, dans ses fondations où l’eau menace de monter et à son premier étage dont il faut, au millimètre près, agencer les piliers.

Ces deux séquences orphelines laissent augurer ce qu’aurait pu être un film réussi sur la construction de la Tour : une histoire qui au lieu de nous cantonner dans la chambre à coucher de Gustave et Adrienne nous aurait donné le vertige d’une construction babélienne.

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Mourir peut attendre ☆☆☆☆

Depuis l’arrestation de Spectre (Christoph Waltz), James Bond (Daniel Craig) et Madeleine Swann (Léa Seydoux) croient pouvoir couler des jours heureux en Italie avant que leur passé ne les rattrape. Retiré en Jamaïque, l’ancien OO7 est sollicité à la fois par la CIA et par le MI6 pour remettre la main sur un biologiste russe kidnappé par une mystérieuse organisation.

Les deux phrases qui précèdent n’ont aucun lien entre elles et donnent l’impression d’avoir été écrites par un scénariste qui ne s’est pas relu ? En effet ! Ainsi commence pourtant le vingt-cinquième épisode – ou vingt-sixième si on inclut Jamais plus jamais tourné sous une licence parallèle – de la saga James Bond, dont la sortie a été maintes fois repoussée à cause du Covid.
Inutile d’ajouter qu’il s’agit du dernier épisode avec Daniel Craig : il faudrait vivre au Pôle Nord pour ne pas l’avoir entendu.

Les James Bond ont inventé les pré-génériques, ces mini-histoires qui précèdent le générique (sacramentellement filmé avec des images psychédéliques de naïades en ombres chinoises tandis que la starlette du moment, ici Billie Eilish, interprète un tube tonitruant). Mourir peut attendre nous en offre deux, interminables, sans lien apparent. Le premier se déroule dans une cabane perdue dans la toundra norvégienne ; le second dans un village perché d’Italie selon une chorégraphie qu’on a déjà vue cent fois (auto-moto-plongeon dans le vide et inversement). Après le générique proprement dit – une bonne vingtaine de minutes se sont déjà écoulées d’un film fleuve qui frôle les trois heures – changement de décor : nous voici – je l’ai déjà dit – en Jamaïque – où on le sait est né l’agent OO7 sous la plume de Ian Fleming en pleine Guerre froide.

Selon un schéma éprouvé, James Bond va ensuite faire le tour du monde. Cuba où il croise l’agent Paloma (Ana de Armas, la seule actrice à tirer son épingle du jeu et dont le décolleté est déjà iconique). Puis Londres, au QG du MI6 où Bond retrouve M (Ralph Fiennes) et Q (Ben Whishaw) sans oublier Miss Moneypenny (Naomie Harris) et la nouvelle OO7 (car le politiquement correct a transformé OO7 en agent femme … et noire – et lesbienne peut-être aussi pour faire carton plein ?). La Norvège. Et, pour finir, une île des Kouriles – il y aurait une étude philosophico-géographique sur la place de l’île dans la saga des James Bond.

D’un lieu à l’autre se déroulent les mêmes scènes attendues, alternance de courses-poursuites censées nous couper le souffle et de face-à-face entre notre vieillissant héros, le regard toujours bleu roquefort et la mâchoire crispée, et des méchants qui ne font plus vraiment peur (on a déjà dit tellement de mal de Rami Malek, dans le rôle de Lyutsifer (sic) Safin, que j’aurai la décence de ne pas tirer sur l’ambulance). La fin surprend. Non, je me trompe. Elle ne surprend pas. Mais elle détonne par rapport à celles de tous les James Bond. Et qu’elle ne surprenne pas l’en prive de tout son sel. Elle n’a qu’une seule qualité : mettre enfin un terme après 2h43 (en fait plutôt 2h30 car le générique de fin doit bien durer une quinzaine de minutes) à ce long calvaire dont je suis ressorti les paupières lourdes, les oreilles endolories, le cerveau débranché.

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L’Origine du monde ☆☆☆☆

Jean-Louis (Laurent Lafitte) est avocat dans un grand cabinet parisien. Il mène une vie confortable aux côtés de Valérie (Karin Viard) que vient brutalement interrompre un événement extraordinaire : un beau jour, son cœur s’arrête de battre. Son meilleur ami, vétérinaire (Vincent Macaigne), est catégorique : inutile d’aller aux urgences, tout va bien. La médium que Jean-Louis consulte (Nicole Garcia) est moins optimiste : Jean-Louis va mourir si son cœur ne redémarre pas. Pour y parvenir, elle exige de Jean-Louis qu’il remonte à ses origines et prenne en photo…. le sexe de sa mère.

Le résumé que je viens d’en faire annonce la couleur : L’Origine du monde est une immense farce, teintée de fantastique, qui n’hésite pas à faire dans la surenchère sans souci de crédibilité. Son pitch savoureux, intelligemment présenté dans sa bande-annonce a mis l’eau à la bouche de milliers de spectateurs, appâtés par sa brillante distribution.

L’Origine du monde est le premier film de Laurent Lafitte qui porte à l’écran une pièce de Sébastien Thiéry. On y retrouve toutes les tares du théâtre filmé français dont j’ai déjà eu l’occasion de dire le mal que j’en pensais. Son histoire se résume à l’interaction de trois ou quatre personnages ; son scénario souffre d’un manque chronique de rythme ; son seul moteur est ses dialogues qui essaient désespérément de susciter le rire.

Alors, bien sûr si photographier « la chatte de ma mère » – ou « chier dans des draps de soie » – vous semble drôle, vous rirez plus qu’à votre tour. La salle où j’ai vu L’Origine du monde était d’ailleurs joyeuse – les éclats de rire de mes voisins ayant sur moi l’effet paradoxal d’inhiber les miens. Je dois reconnaître que Laurent Laffite joue bien, que Vincent Macaigne est étonnant sans la barbe qu’il arbore d’habitude, que Karin Viard est toujours d’un naturel désarmant et qu’Hélène Vincent joue une tatie Danielle hilarante. Sans oublier les deux scènes d’anthologie de Nicole Garcia.

Mais cette accumulation de bons acteurs ne suffit pas à faire un bon film. L’énormité de son sujet ajoutée à la vulgarité de ses gags le condamne à ce qu’il est : du théâtre ranci.

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Kaamelott – Premier volet ☆☆☆☆

Après le départ en exil du roi Arthur (Alexandre Astier), le royaume de Logres est passé sous la coupe de Lancelot (Thomas Cousseau) qui gouverne avec l’aide de mercenaires saxons. Alzagar (Guillaume Gallienne), un chasseur de primes, retrouve la trace d’Arthur, le pourchasse, le capture et prend avec lui le chemin du royaume de Logres. L’annonce du retour du roi Arthur réveille la flamme de la résistance.

Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont vu, entre 2005 et 2009 ou en replay, les 458 épisodes de la série Kaamelott et les autres. Les premiers se reconnaissent par quelques signes distinctifs : ils échangent, hilares, quelques répliques cultes et évoquent depuis dix ans l’adaptation au cinéma de leur série préférée. Ils se sont précipités en salles dès la sortie de ce Kaamelott, présenté comme le premier volet d’une trilogie. Ils y ont retrouvé avec un plaisir régressif les personnages et les situations de la série. Ils ont ri aux dialogues, toujours aussi mordants et joyeusement absurdes.

Quant aux autres… les autres ont d’abord longuement hésité à aller en salles. Comprendraient-ils quelque chose à une intrigue prise en cours de route – puisque l’action du film commence exactement là où la série s’achevait ? Leurs scrupules levés, ils se sont assis au milieu d’une foule conquise d’avance et prompte à se gausser dès les premières images. Ils s’y sont sentis bien seuls : rien de pire que de passer une séance coincé entre deux spectateurs proches de l’apoplexie alors que rien à l’écran ne fait rire.

Aux autres, on avait promis un spectacle aussi drôle que Monthy Python : Sacré Graal, aussi épique que Game of Thrones. Ils n’eurent ni l’un ni l’autre. Si Alexandre Astier copie les recettes éprouvées de la bande d’humoristes anglais, il ne fait jamais mouche. Pas une scène de Kaamelott ne m’a fait rire, alors que j’ai mal aux côtes au seul souvenir du film des Monthy Python. Quant au lyrisme de Game of Thrones, à supposer d’ailleurs qu’il compte au nombre des ambitions de Kaamelott, on repassera : là où les courtes vignettes de quelques minutes à peine de la série permettaient de multiplier les personnages et les intrigues, le long métrage nécessite un minimum d’unité à laquelle le film d’Alexandre Astier ne réussit pas à se conformer. Son intrigue devient bien maigre, d’autant qu’on a deviné par avance comment elle se conclura, et se révèle vite pour ce qu’elle est : un prétexte à des dialogues pas drôles.

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The Last Hillbilly ☆☆☆☆

Le couple de documentaristes français Thomas Jenkoe et Diane-Sara Bouzgarrou est allé filmer au cœur des Appalaches, le dernier des « hillbillies ». L’idiotisme signifie « plouc », bouseux ». Pour les Américains, et pour le reste du monde depuis Delivrance de Boorman, les habitants de ces montagnes reculées sont des rednecks, des péquenauds arriérés, des dégénérés consanguins et analphabètes, racistes et trumpistes. L’injure a été reprise à son compte par Brian Ritchie, le héros de ce documentaire, qui retourne les stéréotypes dont sa communauté est affublée. Il explique son histoire. Il décrit sa géographie.

Ainsi présenté, The Last Hillbilly a l’air passionnant.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis allé le voir, la semaine de sa sortie, malgré un agenda très embouteillé.
Mais quels ne furent ma déception et mon ennui devant le résultat : une longue élégie nébuleuse, qui refuse le 16:9 que les paysages grandioses des Appalaches auraient pourtant mérité (les auteurs s’en justifient en expliquant qu’ils ont voulu « casser les codes »), qui colle aux pas de son héros frappadingue qui déclame des strophes hallucinées en regardant le soleil se coucher ou qui, dans une scène malaisante, tente de transmettre ses valeurs à ses enfants sous emprise.
The Last Hillbilly ne dure qu’une heure et vingt minutes ; et j’ai pourtant trouvé le temps bien long.

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Villa Caprice ☆☆☆☆

Le milliardaire Gilles Fontaine (Patrick Bruel) est visé par la justice qui lui reproche les conditions opaques de l’acquisition de la luxueuse Villa Caprice dans la presqu’île de Saint-Tropez. Pour le défendre, il choisit le meilleur avocat parisien, Luc Germon (Niels Arestrup). Les deux hommes au tempérament bien trempé ne se font pas spontanément confiance mais sont condamnés à faire cause commune pour résister à la vindicte du juge d’instruction (Laurent Stocker) qui s’est juré d’avoir la tête de l’homme d’affaires.

Villa Caprice a tout pour appâter le chaland : deux stars en affiche, une bande-annonce qui montre des décors paradisiaques et laisse augurer une histoire vénéneuse, un cocktail de coups tordus, de manipulation et de chantage sexuel.

Hélas, tout se dégonfle très vite face à ce film vieillot tourné par un réalisateur de 78 ans. Bernard Stora en a co-écrit le scénario avec Pascale Robert-Diard, la célèbre chroniqueuse judiciaire du Monde. Mais cette signature prestigieuse, si elle réhausse le cachet du film, ne le rend pas plus juste pour autant. Tout y est en effet outré, paroxystique, caricatural. On y voit Patrick Bruel passer des coups de téléphone depuis son Falcon (on me rétorquera que c’est désormais possible…. mais je n’ai pas assez souvent voyagé en Falcon pour le savoir avec certitude), Niels Arestrup recevoir ses clients dans des bureaux qui ressemblent plus à un palais de satrape babylonien qu’à un cabinet d’avocats.

Le film aurait pu être tourné à peu près à l’identique vingt ans plus tôt. Il y aurait peut-être gagné : ses acteurs en auraient été moins décrépits. Certes, Niels Arestrup y est, comme d’habitude, magistral ; mais on le sent si proche de l’apoplexie qu’on a envie de lui signer un arrêt maladie. Quant à Patrick Bruel, à soixante ans passés, et avec les accusations de harcèlement sexuel qui lui collent à la peau, il est moins séduisant que vaguement malaisant.

On escomptait un scénario alambiqué à double fond. Et on en est pour son argent. Car le double fond s’avère vite coquille vide. Les démêlés de Gilles Fontaine avec la justice se dénouent miraculeusement ; quant au face-à-face final entre les deux hommes, dont je ne dirai mot à la fois parce que je ne veux pas divulgâcher et que je ne suis pas sûr d’en avoir compris tous les ressorts, il se solde par une conclusion ridicule.

Restent les décors. Le cap Taillat est superbe sous le soleil méditerranéen. Mais, aussi joliment filmé soit-il, il ne suffit pas à lui seul à donner une seule étoile à ce Villa Caprice trop poussiéreux.

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Suzanna Andler ☆☆☆☆

Suzanna Andler (Charlotte Gainsbourg), la quarantaine, est mariée et mère de famille. Son mari, Jean, la trompe éhontément. Suzanna a pris un amant, Michel (Niels Schneider). Venue sur la Côte d’Azur à la morte saison pour y louer une maison, elle s’interroge sur ses sentiments pour Jean et pour Michel.

Quelle mouche a piqué Benoît Jacquot, qu’on connaissait plus inspiré, ses acteurs et ses producteurs, pour aller ressusciter cette pièce démodée de la dramaturge la plus démodée des Trente Glorieuses ? Marguerite Duras était déjà exaspérante de son vivant. On la soupçonne d’ailleurs d’en avoir fait profession. Elle l’est encore plus vingt ans après sa mort. Son théâtre sans rythme, sans vie, qui s’étire en d’interminables face-à-face, qui triture le vide de nos existences avec un plaisir masochiste, était vain. Le temps qui passe ne lui a pas conféré la valeur qu’il n’a jamais eue.

J’avais eu la main lourde en mettant un zéro pointé à India Song – qui passe, aux yeux d’un grand nombre, pour un chef d’oeuvre. Benoît Jacquot y fut le premier assistant de l’auteure du Barrage contre le Pacifique et de Moderato Cantabile qui s’était piquée, alors qu’elle n’y entendait rien, de faire du cinéma ; et c’est sans doute à ce lointain héritage qu’on doit aujourd’hui de sa part ce retour au source. Ma main ne tremble guère au moment d’évaluer ce Suzanna Andler tant ce film m’a semblé dépourvu du moindre intérêt. Les spectateurs qui ont lentement déserté la salle pendant la séance, écrasés comme moi par un trop-plein de vacuité, me confortent dans ma sévérité.

Habillée par Yves Saint Laurent dans un improbable manteau ocellé, Charlotte Gainsbourg a l’air de s’y ennuyer autant que nous. Elle embrasse sans sensualité un Niels Schneider aussi mollasson qu’elle. Deux personnages secondaires viennent compléter le casting : un agent immobilier et une ancienne maîtresse de Jean. Tel est l’avantage de l’adaptation des pièces de théâtre : les acteurs ne sont guère nombreux et le budget n’est pas gaspillé dans la rémunération des figurants (Benoît Jacquot a fait une économie supplémentaire en jouant lui-même Jean qu’on ne voit pas à l’écran mais qui s’entretient longuement avec sa femme au téléphone)

Le film d’ailleurs, qui ne quitte guère les quatre murs d’une villa au charme vieillot (l’action est censée se dérouler dans les années soixante – comme elle aurait pu aussi bien se dérouler en 2090), surplombant la baie de Cassis (l’action est censée se dérouler à Saint-Tropez …. mais bon….), n’aura pas coûté grand-chose. Heureusement pour lui : sa billetterie rapportera encore moins !

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Il Mio Corpo ☆☆☆☆

Deux destins se croisent dans une petite ville de Sicile écrasée par le soleil, aux alentours d’une mine de soufre abandonnée. Oscar, la quinzaine, est italien ; son père ferrailleur l’élève à la dure. Stanley, la vingtaine, est un immigré nigérian en attente de régularisation ; il vit des petits boulots que lui confie le prêtre de la paroisse.

Il Mio Corpo, nous apprend le dossier de presse, est le troisième volet  d’une trilogie que le jeune réalisateur italien Michele Pennetta a consacrée aux laissés-pour-comptes de Sicile. Pourquoi les deux premiers n’ont-ils pas trouvé le chemin des salles françaises ? Mystère. Pourquoi celui-ci y était-il projeté ? Mystère encore.

Un mystère d’autant plus épais qu’on peine à trouver dans ce film, qui flirte avec le documentaire, le moindre intérêt. La construction en miroir a-t-elle un sens ? le réalisateur a-t-il voulu montrer que la pauvreté n’a pas de couleur ? que Blancs et Noirs partagent les mêmes conditions misérables d’exploitation et d’abrutissement ?
A-t-il voulu raconter une histoire ? montrer une convergence entre deux destins ? À défaut d’avoir compris comment le film se termine – la faute peut-être à un coupable endormissement autour de la soixante-dixième minute – je ne saurais dire. Oscar et Stanley finissent-ils par se rencontrer ? À mon grand soulagement, je constate en lisant les commentaires que je ne suis pas le seul à ne pas être en mesure de répondre à cette question pourtant censée aimanter le film. Bref, si j’avais voulu vous en spoiler la fin, j’en aurais été bien incapable !

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Mandibules ☆☆☆☆

Amis pour la vie, Jean-Gab (David Marsais) et Manu (Grégoire Ludig) n’ont pas inventé le fil à couper le beurre. Associé à une combine louche – apporter contre 500 euros une mystérieuse mallette à son riche propriétaire – Manu vole une vieille Mercédès dont le coffre  contient… une mouche géante. Sans guère d’hésitation, les deux compères abandonnent leur mission pour dresser la mouche. Ils kidnappent le propriétaire d’un camping car (Bruno Lochet) avant de croiser la route de Cécile (India Hair) qui croit reconnaître dans Manu un ancien amoureux. Cécile habite avec son frère (Romé Elvis) et deux amies (Adèle Exarchopoulos et Coralie Russier) la grande villa de ses parents en bord de mer où elle accueillera quelque temps Jean-Gab, Manu… et leur mouche géante.

Quentin Dupieux creuse dans le cinéma français un sillon bien à lui : celui d’un humour absurde qui divise les spectateurs. La moitié se gondole tandis que l’autre ne rit pas et ne comprend pas l’hilarité de la première moitié de la salle, qui lui semble de plus en plus incompréhensible et exaspérante, ce qui la conduit, dans un cercle vicieux d’une logique implacable, à trouver encore moins plaisant un spectacle qu’elle ne goûtait guère…

Hélas, j’appartiens à la seconde moitié.
Cela ne m’a pas empêché, avec le masochisme qu’on me connaît, de sortir de mon lit pour voir tous les films de Dupieux (lol) : Steak mettait déjà en scène deux amis (Eric & Ramzy) passablement demeurés, Rubber suivait les traces d’un pneu tueur en série (sic), Wrong racontait la disparition d’un chien et l’enquête de son maître pour le retrouver, Au Poste ! (avec déjà Grégoire Ludig) retraçait le quotidien d’un poste de police, Le Daim avait pour héros un Jean Dujardin…. qui se prenait pour un daim.

Replacé dans sa filmographie, Mandibules ne détonne pas. Pire : il n’étonne plus. L’effet de surprise sinon de sidération produit par les premiers films de Quentin Dupieux ne joue plus. On sait par avance à quoi s’attendre…. et on est d’autant plus déçu de ne pas en rire. Le duo vedette du Palmashow ? Deux acteurs vidés de leurs verves par des rôles surjoués et des dialogues sans étincelles. Une mouche géante ? Son apparition, annoncée par le running gag le plus besogneux qui soit (« T’as pas entendu un bruit ? »), est censée être le moment le plus drôle du film… c’est dire… Adèle Exarchopoulos dans le rôle d’une handicapée dysphonique ? Elle m’a fait penser à Zézette, le personnage du Père Noël est une ordure interprétée par Marie-Anne Chazel, la drôlerie en moins.

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Psychokinesis ☆☆☆☆

Un père défaillant, qui a quitté une dizaine d’années plus tôt le domicile familial, végète dans un emploi minable de vigile. Pendant ce temps, sa femme meurt en défendant son petit commerce face à la mafia locale qui souhaite l’exproprier pour le compte d’un grand conglomérat. Sa fille, aujourd’hui âgée d’une vingtaine d’années, entend reprendre le flambeau, avec l’aide d’un avocat qui se consume d’amour pour elle. Elle aura besoin des pouvoirs télékinésiques dont son père est mystérieusement doté pour y parvenir.

Après Dernier Train pour Busan – qui lui valut un succès mérité et mondial – et Peninsula – qui ne casse pas trois pattes à un canard – le jeune réalisateur Yeon Sang-ho a tourné Psychokinesis. Sorti en salles en Corée en janvier 2018 où il se classa en tête du box-office, il fut racheté par Netflix qui en assure, depuis avril 2018, la diffusion à l’étranger.

Psychokinesis essaie d’articuler trois niveaux de récit. Premièrement le film de superhéros avec un sous-genre qui, depuis Spiderman, a gagné ses lettres de noblesse : le super-héros-malgré-lui.
Deuxièmement, la romance familiale ou l’histoire, courue d’avance, de la réconciliation d’un père et de sa fille.
Troisièmement, la lutte des classes entre le petit commerce menacé d’expropriation et le grand capital corrompu, allié à la mafia et à sa cohorte de gros bras bas-du-front.

Ce programme ambitieux aurait pu sans problème nourrir un film réussi. Hélas, rien ne marche dans Psychokinesis dont les ficelles sont trop grossièrement tissées pour tenir ensemble. La découverte par le héros de ses superpouvoirs est l’occasion d’une scène sans surprise que la bande-annonce avait au surplus déjà révélée. La réconciliation du père et de sa fille est tellement téléphonée qu’elle ne soulève aucune émotion. Quant à l’opposition bloc à bloc des courageux commerçants et des cyniques capitalistes, si elle fournit le prétexte à une scène d’un sadisme étonnant d’une PDG en talons aiguilles, elle est trop caricaturale pour susciter la moindre réflexion.

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