Memoria ☆☆☆☆

Jessica (Tilda Swinton) est Anglaise et vit en Colombie à Medellin. Elle est venue quelques jours à Bogota au chevet de sa sœur. Mais son sommeil est soudain troublé par un bruit sourd et violent. Pour lutter contre cet acouphène déstabilisant, Jessica consulte sans succès un médecin. Elle contacte un acousticien dont elle perdra ensuite la trace. Elle croise le chemin d’une archéologue française (Jeanne Balibar) qui lui montre des restes humains retrouvés dans des excavations.
Finalement, Jessica quitte Bogota pour la jungle amazonienne où elle fera une troublante rencontre.

Le neuvième film de Apichatpong Weerasethakul a bien failli remporter la Palme d’or au Festival de Cannes. Il a dû se contenter du prix du jury – qu’il a dû partager avec Le Genou d’Ahed dont j’ai déjà eu l’occasion de dire tout le mal que j’en pensais. Déjà palmé en 2010 pour Oncle Boonmee, le réalisateur thaïlandais a laissé la place à Titane, qui résonne peut-être plus avec l’air du temps.

je n’ai aimé aucun de ces trois films cannois. Voire, je les ai franchement détestés. Mais force m’est de reconnaître l’audace de cette sélection et de ce palmarès, sa radicalité.

Revenons à Apichatpong Weerasethakul – dont, par je ne sais quel masochisme, je me force à réécrire le nom interminable. Il a quitté la Thaïlande – avec des mots très durs pour son régime autocratique – pour tourner aux antipodes avec une star internationale. Pourtant son film ressemble aux précédents. Il baigne dans la même transe languissante, entre veille et sommeil. ll interroge les mêmes thèmes : la vie, la mort, la communication avec l’au-delà…

À condition d’être sacrément stone ou doté d’une sensibilité exceptionnelle, on se pâmera. Tel ne fut hélas pas mon cas. J’en rougis de honte tant je lis ici ou là, sous la plume de critiques ou de proches, des critiques élogieuses.
Contrairement à eux, j’ai trouvé interminables ces deux heures seize. Je n’ai trouvé à cette histoire aucun intérêt ; j’ai même pouffé au plan surréaliste qui est censé en donner la clé. Je n’ai trouvé aucune beauté aux longs plans fixes éclairés d’une lumière blafarde. Je me suis ennuyé ferme devant ce soi-disant chef d’oeuvre auquel je n’ai rien compris. Mon tort est d’avoir voulu le « comprendre » alors que le cinéma de Apichatpong Weerasethakul n’est pas dans ce registre-là.

La bande-annonce

Les Magnétiques ★★☆☆

Mai 1981. François Mitterrand vient de remporter les élections présidentielles, soulevant une immense espérance dans le peuple de gauche. Philippe (Timothée Robart) ne communie pas à la liesse générale, obnubilé par sa seule passion : le son. Effacé et timide, Philippe assiste Jérôme son frère aîné (Joseph Olivennes) qui anime une radio pirate.
Mais le service militaire l’appelle. Philippe doit quitter son petit village pour Berlin où ses talents auront tôt fait de lui trouver un poste à la radio britannique. Pour Philippe, l’expérience est unique ; mais il vit mal d’être éloigné de Marianne (Marie Colomb), la fiancée de Jérôme dont il est secrètement amoureux.

Il faut reconnaître à ces Magnétiques une qualité : traiter un sujet original. Original par l’époque où il se déroule : le début des années 80 et les espoirs de changement que l’arrivée de la gauche avait fait naître. Original par l’angle d’approche choisi pour le traiter : non pas tant la musique proprement dite – même si la BOF contient quelques petits bijoux – que le son et la façon de le fabriquer, traiter, de le distordre, avec des moyens techniques sacrément inventifs et pourtant préhistoriques.

Le réalisateur Vincent Maël Cardona montre moins d’originalité en utilisant comme fil rouge de cette histoire le passage à l’âge adulte d’un provincial timide. Ce passage se fera au prix d’un exil : de la province française la plus rétrograde (avec son bistrot miteux, son salon de coiffure démodé et son garage encombré d’épaves) à la capitale. La capitale ici n’est pas Paris comme c’est souvent le cas (qu’il s’agisse des Illusions perdues au XIXème siècle ou de La Belle Saison qui se déroule au début des années 70) ; mais, service militaire et guerre froide obligent, Berlin que le manque de moyens empêche de filmer en plan large.

Même si Marianne (la jeune révélation de la mini-série Laëtitia) est désirable en diable, le personnage le plus intéressant est Jérôme, le frère aîné, interprété avec incandescence par Joseph Olivennes. Jérôme, Philippe et leur père – la mère a disparu sans qu’on sache si elle est partie ou décédée – forment un trio biblique dont on pressent par avance qu’il est voué à un destin tragique.

C’est là le principal défaut du film : un scénario languissant qui semble hésiter sur son cours et qui souffre dans son dernier tiers, une fois refermée la parenthèse berlinoise, d’un cruel trou d’air.

La bande-annonce

Nouvelle Donne (2006) ★★★☆

À Oslo, de nos jours, Phillip (Anders Danielsen Lie) et Erik (Espen Klouman-Høiner) sont deux jeunes hommes passionnés d’écriture. Ils ont chacun écrit leur premier roman qu’ils rêvent de publier.

La sortie et le succès de Julie (en 12 chapitres) ont conduit Malavida à ressortir en salles le tout premier film de Joachim Trier, tourné en 2006.

Il frappe par sa maîtrise. Nouvelle donne ne se contente pas de raconter platement l’histoire d’une amitié littéraire. Il entrelace plusieurs niveaux de lecture, multiplie les flashbacks et les flashforwards, explore quelques hypothèses, revient en arrière, repart en avant…. Loin de donner le tournis, Nouvelle Donne nous emporte avec sa folle énergie sans jamais nous perdre.

Je n’avais pas aimé Oslo 31 août, le film qui en 2011 avait révélé Joachim Trier. La faute en était peut-être au Feu follet, le roman de Drieu la Rochelle, et sa noirceur suicidaire.
J’ai au contraire été enthousiasmé par Julie (en 12 chapitres) et sa communicative énergie.

Bien que réalisé avant ces deux films-là, Nouvelle Donne en constitue en quelque sorte l’heureuse synthèse. Comme Oslo 31 août, c’est un film triste, hanté par les pulsions suicidaires qui emportent régulièrement Phillip en hôpital psychiatrique et minent le couple qu’il forme avec la charmante Kari. Mais, comme Julie (en 12 chapitres), c‘est aussi un film gai, plein de vie et d’énergie, débordant de créativité.

Que vous ayez aimé les deux films de Joachim Trier ou que vous ayez aimé l’un des deux seulement, voire que vous ne les ayez vus ni l’un ni l’autre, jetez un oeil à celui-ci, vous ne serez pas déçu.

La bande-annonce

Lui ★☆☆☆

Un compositeur en panne d’inspiration se réfugie dans une maison isolée au sommet d’une falaise d’une île bretonne. En proie à une grande confusion mentale, il voit défiler dans son esprit perturbé sa femme (Virginie Effira) qu’il vient de quitter mais qu’il aime encore, sa maîtresse (Laëtitia Casta) qu’il désire encore mais n’a jamais aimée, son meilleur ami (Mathieu Kassovitz) qu’il suspecte d’avoir couché avec sa femme, ses parents (Nathalie Baye et Patrick Chesnais).

Lui est un drôle de film qui n’a rien de drôle.
Sa bande-annonce est fallacieuse : on imagine en la voyant, un polar schizophrène avec des cadavres dans le placard. Les premières minutes du film sont dans cette veine là : île quasi-déserte, maison isolée, bruits suspects….
Mais Lui bifurque vers autre chose, une auto-analyse cathartique façon Bertrand Blier, avec ses situations absurdes, ses dialogues transgressifs, ses situations cocasses…

Il faut reconnaître à Guillaume Canet un sacré culot pour réaliser et tenir le premier rôle d’un film pareil. Il avait déjà montré une telle audace dans Rock’n roll, une autobiographie déguisée d’une star française hantée par la panique du vieillissement qui m’avait bluffé.

Je n’ai pas retrouvé le même plaisir jubilatoire face à Lui, un film plus sombre, plus sérieux, plus plombant, plus bavard. J’ai eu un peu le sentiment que Canet avait voulu s’épargner une analyse en tournant un film. Pas sûr que le procédé soit efficace et, vu l’insuccès du film qui a déjà disparu des écrans en quatrième semaine d’exploitation, moins coûteux.

La bande-annonce

Pig ★☆☆☆

Rob, un vieil homme solitaire (Nicolas Cage) vit au fond des montagnes de l’Oregon. Sa seule compagnie est une truie avec laquelle il déniche des truffes qu’il échange chaque semaine avec les produits de première nécessité que lui apporte Amir, un jeune grossiste fils à papa.
La vie de Rob bascule lorsque sa truie lui est brutalement dérobée. Avec l’aide d’Amir, il décide de partir la retrouver à Portland. Son retour en ville oblige Rob à revenir sur un passé qu’il cherchait à oublier.

Sous prétexte de permettre le come back de Nicolas Cage, qu’on croyait à presque soixante ans définitivement retraité, on pouvait craindre le pire de Pig : un scénario à la John Wick ou à la Nobody mettant en scène un ancien tueur à gages rangé des voitures, obligé par un ultime défi de renouer avec un passé violent.
Il n’en est rien. Ou pas tout à fait. Car, dans sa vie antérieure, Rob était….. Je n’en dirai rien pour ne pas gâcher le suspense ; mais j’ai bien du mal à n’en rien dire si je veux en parler ! Disons que Rob exerçait un métier aussi éloigné de celui de John Wick que possible.

C’est peut-être ce décalage entre ce qu’on escomptait du film et ce qu’il raconte qui constitue la principale qualité et le principal défaut du film. Eût-il suivi la voie déjà toute tracée du dingue de la gâchette venu solder de vieux comptes (après la mort de sa femme/ le viol de sa fille et/ou le kidnapping de son cochon) en dézinguant à tire-larigot, il n’aurait pas présenté grand intérêt. Emprunte-t-il une voix, assez originale, quelque part entre Fight Club, Le Festin de Babette et First Cow (le non-western élégiaque de Kelly Reichardt), il risque d’égarer le spectateur.

Jamais content, me direz-vous ? Vous aurez bien raison !

La bande-annonce

Oranges sanguines ★☆☆☆

L’espace d’une nuit, quelque part en France, à Paris ou en province, trois destins s’entrelacent. Un ministre corrompu et volage tente de démentir les accusations de fraude fiscale qui pèsent contre lui. Une jeune adolescente, après une visite chez sa gynécologue, a la ferme intention de perdre sa virginité. Un couple de retraités surendettés passionnés de danse de salon espère remporter le premier prix d’un concours pour se renflouer. Le point commun entre les trois histoires : Alexandre, un avocat qui travaille auprès du ministre, prendra la défense de la jeune adolescente et qui est le fils du couple de danseurs.

Oranges sanguines (un titre absurde dont rien ne permettra de comprendre la signification) est un ovni filmique. Sur la forme comme sur le fond.

Sur la forme, il entrelace trois histoires sans lien apparent entre elles, le lien qui se dessine finalement et que j’ai évoqué dans mon résumé ci-dessus se révélant très ténu sinon artificiel. Oranges sanguines vaut moins pour les histoires qu’il raconte que pour les scènes qu’il filme en longs plans fixes. Les premières sont les plus longues et les plus marquantes. C’est là qu’on voit apparaître les seconds rôles du film. Autour de Patrice Laffont, l’immortel animateur du jeu télévisé Des chiffres et des lettres, le jury d’un concours de danse se déchire. C’est l’occasion pour Vincent Dedienne de se lancer dans un vibrant éloge de la diversité et pour Guilaine Londez (son nom ne vous dira rien peut-être mais regardez sa photo et vous la reconnaîtrez immédiatement) de crier son amour pour l’art. Autre scène marquante aussi hilarante que sidérante : la consultation chez Blanche Gardin, une gynécologue passablement barrée qui, dans le langage le plus cru qui soit, donne à une adolescente des conseils déroutants avant son premier rapport.

Sur le fond, Oranges sanguines est une comédie noire et punk volontiers politique. La corruption des élites y est férocement dénoncée, à travers notamment le personnage d’avocat mielleux et amoral interprété par Denis Podalydès. La critique n’y va pas par quatre chemins. Etait-il absolument nécessaire qu’elle emprunte les voies radicales de la seconde partie du film, lorsque le ministre puis l’adolescente croisent le chemin d’un détraqué sexuel (sorte de Dutroux tout droit sorti de C’est arrivé près de chez vous) ? Deux scènes particulièrement trash vaudront au film une interdiction aux moins de douze ans. La seconde, aussi excessive soit-elle, est inspirée d’un fait divers. Pour autant, et même s’il n’est pas bégueule, partagé entre la stupéfaction et l’éclat de rire, le spectateur ne sait plus sur quel pied danser. Le sentiment qui le domine est celui d’être pris en otage devant une outrance certes bien faite mais dont le seul ressort est la provocation.

La bande-annonce

Marcher sur l’eau ★☆☆☆

Au nord du Niger, la petite ville de Tatiste est frappée par la désertification. Le seul puits accessible, situé à plus de dix kilomètres menace d’être tari. La jeune Houlaye, quatorze ans à peine, a dû rester seule garder ses jeunes frères et sœurs pendant que son père est allé faire paître son troupeau plus au sud et que sa mère est partie au Nigeria faire du commerce.

Quand on regarde la bande-annonce de Marcher sur l’eau, on imagine volontiers un énième documentaire sur le réchauffement climatique et ses répercussions au Sahel. On est du coup un peu décontenancé par le « film » – le mot figurait pourtant expressément sur l’affiche – d’Aïssa Maïga, cette actrice franco-malienne talentueuse et engagée.

On n’y appendra rien sur le réchauffement climatique contrairement à ce qu’on escomptait en entrant dans la salle. On verra au contraire un film quasi muet, très esthétisant, presqu’un conte, sur une adolescente que la rude vie paysanne aux environs du désert du Ténéré oblige à quatorze ans, en l’absence de ses parents, à assumer les tâches d’une femme adulte.

Bien sûr, Houlaye est une figure attachante. Mais sa vie quotidienne peine à retenir l’attention pendant une heure et trente minutes d’autant que le scénario refuse d’y introduire le moindre rebondissement. Son fil rouge est l’attente du forage dans la nappe phréatique qui permettra enfin au village d’être approvisionné en eau. Je vous laisse deviner comment le film se termine. Mais n’escomptez aucun twist renversant !

La bande-annonce

Burning Casablanca ★★☆☆

Un violent accident de la circulation provoque dans les rues de Casablanca la rencontre de Larsen Snake, une rock star déchue, et  de Nesrine, une prostituée au grand cœur. C’est le coup de foudre immédiat entre ces deux marginaux passablement égratignés par la vie. Mais Nesrine a un maquereau, Saïd, qui n’acceptera pas de sitôt qu’elle lui échappe. D’autant que Nesrine est en dettes auprès d’un influent homme d’affaires qui n’hésitera pas à lâcher son homme de main, Mourad, pour laver (sic) l’affront qu’elle lui a infligé (ceux qui auront vu le film poufferont).

Les films qui nous viennent du Maroc brillent souvent par leur naturalisme. Nabil Ayouch s’est fait le porte-étendard de ce cinéma qui n’a pas froid aux yeux pour critiquer le conservatisme d’une société coincée dans une impossible hypocrisie. Après Much Loved et Razzia, que j’avais l’un et l’autre adorés, son dernier film, Haut et Fort, sort dès demain en salles. Je courrai le voir.

Burning Casablanca est tout aussi abrasif. Mais il ne s’inscrit pas dans cette veine-là. Il s’agit d’un film rock et pop aux influences tarantinesques revendiquées qui tourne même au western dans sa dernière partie, lorsqu’il quitte les ruelles de la médina de Casablanca pour le désert marocain.

Son sujet est naïf : il raconte une histoire d’amour entre deux losers magnifiques sur fond de hard rock. Deux heures sont sans doute trop longues pour un sujet aussi ténu aux rebondissements qui pourront sembler bien artificiels.
Mais se dégagent de ce film hors des sentiers battus une énergie communicative et un désir de cinéma qui donnent la banane.

La bande-annonce

A Good Man ★☆☆☆

Benjamin (Noémie Merlant) va bientôt achever sa transition. Avec Aude (Soko) sa compagne, il aspire à une vie de couple paisible. Ils ont quitté Aix en Provence où ils se sont rencontrés six ans plus tôt pour l’île de Groix où Aude anime les  ateliers de danse d’une école primaire et Ben exerce comme infirmier sans que personne soupçonne son changement de genre.
Ben et Aude veulent avoir un enfant. Mais Aude n’y parvient pas, laissant à Ben une douloureuse responsabilité : suspendre sa transition avant qu’elle soit irréversible et porter un enfant, l’acte le plus féminin qui soit.

Marie-Castille Mention-Schaar aime les sujets forts : la transmission de la mémoire de la déportation (Les Héritiers), l’embrigadement fondamentaliste des jeunes filles (Le ciel attendra qui révéla Noémie Merlant et lui valut une nomination au César du meilleur espoir féminin). Elle en traite un autre ici : la transparentalité.

Le sujet est troublant. Il est d’actualité : aux Etats-Unis, deux mille hommes trans accoucheraient chaque année. Il interroge le droit, l’anthropologie et met aux défis nos préjugés. L’incarnation qu’en propose Noémie Merlant est épatante. Une semaine à peine après Les Olympiades, la voici encore au sommet de l’affiche. Je prends le pari que, pour ce rôle-ci ou pour ce rôle-là, elle décrochera en mars prochain le César de la meilleure actrice et l’aura amplement mérité.
Une vaine polémique reproche à la réalisatrice d’avoir confié le rôle d’un personnage trans à une actrice cis. Elle y a intelligemment répondu : « Selon moi, il serait absurde, injuste et contre-productif de cantonner des acteurs trans à des rôles de trans, et le même raisonnement doit s’appliquer aux acteurs et actrices cis. Car, avant son genre, son identité sexuelle, sa couleur de peau, un acteur ou une actrice est avant tout un acteur ou une actrice. Et je crois que le personnage qu’il ou qu’elle incarne a autant besoin de sa technique et de son talent que de son vécu. Les acteurs trans doivent pouvoir être choisis parce qu’ils sont acteurs, pas parce qu’ils sont trans. »

Reste le film. Aussi bien interprété soit-il, A Good Man (pourquoi ce titre anglais ? « L’homme qu’il faut » n’aurait-il pas aussi bien fait l’affaire ?) semble ployer sous son sujet. Quelques flashbacks pas vraiment réussis racontent la rencontre d’Aude et de Benjamin avant sa transition, alors qu’il s’appelait encore Sarah. On voit défiler autour de lui son frère, sa mère, son meilleur pote qui jouent tous à leur façon les figures de la réprobation sociale et/ou de la tolérance empathique.

Le problème de A Good Man est qu’il ne raconte pas grand-chose de plus que sa bande-annonce ne nous l’a laissé présager.

La bande-annonce

Cry Macho ★☆☆☆

Mike Milo (Clint Eastwood) est un vieux dresseur de chevaux texan dont la vie a été doublement brisée par un grave accident de rodéo puis par la mort accidentelle de sa femme et de sa fille dans un accident de la route. Son employeur a eu beau le licencier sans état d’âme quelques années plus tôt, Mike le voit revenir en lui demandant un ultime service : aller chercher à Mexico son fils Rafo, un jeune garçon en pleine crise d’adolescence.

Clint Eastwood a quatre-vingt-onze ans. Difficile d’oublier cet âge canonique quand on regarde son quarantième film, le quatre-vingt-douzième en tant qu’acteur, le vingt-cinquième dans lequel il se dirige. Une filmographie d’autant plus impressionnante que l’oeuvre d’Eastwood, après avoir suscité des réserves pour ses dérives virilistes et vigilantistes, est désormais portée aux nues comme sommet du néoclassicisme hollywoodien.
J’avoue ne pas communier à cette religion. Million Dollar Baby ne figure pas dans mon panthéon. Pas plus que Impitoyable ou Gran Torino. J’ai aimé Le Cas Richard Jewell ainsi que, dans une moindre mesure La Mule. Mais j’ai rarement vu film plus bâclé que Le 15h17 pour Paris.

J’ai bien failli ne mettre aucune étoile à Cry Macho et en rédiger une critique assassine où j’aurais méchamment raillé « le film de trop ». J’aurais évoqué la démarche claudicante d’Eastwood dont on se demande à chaque pas s’il ne va pas s’effondrer. J’aurais pointé du doigt la doublure qui le remplace lorsqu’il prétend dompter un mustang sauvage. Je me serais moqué de l’attraction qu’il exerce – ou croit exercer – sur les deux femmes qu’il croise, une nymphomane qui veut le mettre dans son lit (dont on se demande bien dans quel état il en ressortirait) et une veuve qui esquisse avec lui les quelques pas de danse qu’il partageait, il y a plus d’un quart de siècle, avec Meryl Streep dans Sur la route de Madison. Et puis surtout, j’aurais été sans pitié pour ce film indigent, son scénario sans imagination le ressassement ad nauseam des deux thèmes qui traversent toute l’oeuvre d’Eastwood, la transmission et la rédemption, le jeu caricatural de cet adolescent insupportable – dont on comprend aisément que sa mère ait envie de le renvoyer dans sa chambre avec une bonne fessée.

Mais j’ai ravalé mon fiel. Certes je n’ai pas poussé l’indulgence jusqu’à lui octroyer plusieurs étoiles. Mais je n’ai pas osé tirer sur l’ambulance. Face à ce qui pourrait bien être le dernier film de Clint Eastwood – en tous cas certainement le dernier où il jouera sur ses deux jambes – je lui ai reconnu le droit de dresser lui-même son éloge funèbre. Un bel éloge sous forme d’auto-dérision avec une phrase qui est déjà entrée dans la légende eastwoodienne : « This macho thing is overrated ».

La bande-annonce