Sound of Metal ★★☆☆

Ruben (Riz Ahmed) est batteur. Lou (Olivia Cooke) est guitariste. Ruben et Lou forment, sur la scène et à la ville, un couple inséparable. Leur groupe de heavy metal Blackgammon se produit sur des scènes underground. Pour aller de l’une à l’autre, Ruben et Lou circulent en mobile home.
Ruben souffre de bourdonnements auditifs. Le spécialiste qu’il consulte rend son verdict : Ruben va perdre l’ouïe. La nouvelle le sidère. Il aimerait se faire poser un implant cochléaire. Mais son coût est prohibitif. Sur les conseils d’un ami, il rejoint une communauté de sourds en Virginie pour y apprendre la langue des signes et accepter sa condition. Mais son état et les sacrifices qu’il exige mettent à mal sa relation de couple.

C’est Derek Cianfrance, le réalisateur de Blue Valentine et de The Place Beyond the Pines qui eut l’idée de tourner un documentaire mettant en scène le groupe Jucifer et racontant la perte d’audition de son batteur. Transmis à son ami Darius Marder, le projet devint une fiction pour laquelle Dakota Johnson et Matthias Schoenaerts furent un temps castés. Olivia Cooke, la prometteuse interprète de Katie Says Goodbye et de Ready Player One, et Riz Ahmed furent finalement retenus. Je ne connaissais pas le second qui crève l’écran – après s’être crevé les tympans. Nommé à l’Oscar du meilleur acteur, il échoua de peu face à Anthony Hopkins.

Sound of Metal traite d’un sujet inédit : la perte de l’audition. Il le fait en apportant un soin jaloux au mixage sonore – qui a valu un Oscar à l’ingénieur du son Nicolas Becker – produisant un résultat particulièrement immersif. Avec Ruben, le spectateur entend des bruits inaudibles, mouillés, déformés. Avec lui, il participe à des assemblées de sourds, à la fois bruyantes des messages qui circulent en langue des signes et totalement silencieuses. Avec lui, enfin, il redécouvre une audition reconstruite grâce à la pose d’un implant (non ! il ne s’agit pas d’un spoiler ! L’affiche du film le montre).

Jamais vue – et encore moins entendue – au cinéma, cette odyssée sensorielle est fascinante. Elle souffre hélas d’un scénario qui repose en grande partie sur l’histoire du couple fusionnel que forment Ruben et Lou. Mathieu Amalric y fait une étonnante apparition dans le rôle du père de Lou. Pas sûr que le film-documentaire n’ait pas été plus efficace s’il s’était focalisé sur la seule figure de Ruben et sur son lent cheminement vers l’acceptation de son état.

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Le Père de Nafi ★☆☆☆

Tierno est le jeune imam d’une petite ville du nord du Sénégal, en pays peul. Sa santé est fragile, ses poumons malades. Sa fille, Nafi, souhaite se marier avec Tokara, son cousin. Les deux jeunes gens rêvent de partir à Dakar, Nafi pour y poursuivre des études de neurosciences, Tokara pour y danser. C’est le moment que choisit Ousmane, le frère de Tierno et le père de Tokara, pour débarquer. Il revient d’Europe où il a passé de longues années et où il a versé dans le fanatisme religieux qu’il souhaite imposer à sa communauté et aux futurs époux.

Le Père de Nafi a été tourné à Matam sur les bords du fleuve Sénégal. Mon père y exerça les fonctions de vétérinaire colonial au tout début des années cinquante. Ma sœur aînée y naquit en 1951 – pour être tout à fait exact, à bord du bateau qui conduisait sa mère à la maternité de Saint-Louis-du-Sénégal. J’eus beau passer à mon tour près de quatre ans à Dakar, je ne m’y suis jamais rendu tant la localité est inaccessible et sans attrait. C’est du coup avec beaucoup d’émotion que j’ai scruté les arrières-plans imaginant y retrouver ceux qu’avaient connus mon père il y a plus de soixante-dix ans.

Le Père de Nafi a des airs de pièce de théâtre shakespearien voire de western. Deux visions archétypales de l’Islam s’y opposent, jouant avec un peu trop de facilité sur un thème qui est dans l’air du temps : d’un côté l’Islam tolérant de Tierno, de l’autre celui intégriste d’Ousmane. Nafi et Tokara sont censés incarner deux Roméo et Juliette modernes, aspirant à s’aimer malgré les obstacles. Hélas, ces deux personnages sont trop sommairement dessinés – et trop mal interprétés – pour avoir suffisamment de profondeur.

Il était un temps où le cinéma africain était si rare que la moindre de ses productions suscitait l’enthousiasme (je pense à ma fascination adolescente devant les films hypnotisants de Souleymane Cissé dans les années quatre-vingts) ; mais après Bamako et après surtout Timbuktu, César 2015 du meilleur film et du meilleur réalisateur, qui déjà traitaient les mêmes thèmes, cet exotisme ne fonctionne plus.

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Nobody ★☆☆☆

Hutch Mansell (Bob Odenkirk) est un nobody, un moins que rien. Marié à Rebecca (Connie Nielsen), père de deux enfants, il mène une existence routinière dans la petite entreprise de son beau-père. Le jour où deux cambrioleurs pénètrent chez lui, son incapacité à protéger sa famille achève de le discréditer aux yeux de son fils aîné.
Mais il faut se méfier de l’eau qui dort. Hutch, dans une vie antérieure sous les drapeaux, a acquis des compétences qu’il va bientôt réutiliser. Hélas pour lui, il s’en prend sans le savoir au jeune frère de Yulian Kusnetsov, un baron de la mafia russe, qui lance contre lui ses hommes. Pour défendre sa famille, Hutch n’a plus d’autre choix que de faire tomber les masques.

« Les gens insignifiants sont parfois les plus dangereux ». Nobody semble avoir été écrit, filmé, monté et distribué dans le seul but d’illustrer cet adage simpliste et improbable. Un adage qui, il est vrai, flatte chaque spectateur (le masculin étant de rigueur tant il semble évident qu’aucune spectatrice soit assez stupide pour y adhérer) qui, aussi minable soit-il en apparence, rêve de cacher peut-être un héros qui s’ignore. Plusieurs films de super-héros reposaient sur ce ressort : Superman, Spiderman… Mais c’est surtout à John Wick que Hutch Mansell fait penser, le héros du film homonyme sorti en 2014. L’ancien tueur à gages, interprété par Keanu Reeves, a eu un tel succès que le film a généré une franchise qui compte déjà – hélas – quatre titres.

Bob Odenkirk interprète donc le même personnage improbable, capable de décimer à mains nues la horde de mafieux russes lancés à ses trousses. Le scénario ne s’embarrasse pas d’être crédible, préférant verser dans une surenchère de violence gratuite (le film est interdit aux moins de douze ans) gentiment surréaliste (une baston épique dans un bus municipal est montée sur le tube des 60ies The Impossible Dream ultérieurement repris par Brel).

On aurait eu la dent plus dure avec ce grand n’importe quoi, chassé des salles après trois semaines d’exploitation à peine, s’il n’était pas sauvé par l’interprétation de Bob Odenkirk, l’avocat véreux de Breaking Bad qui inspira le spin-off Better Call Saul. On n’imaginait pas ce monsieur Tout-le-monde dans le rôle d’une machine à tuer et c’est précisément son contre-emploi qui fait mouche.

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Mère et fille ★☆☆☆

Jasna (Doria Lorenci-Flatz), la quarantaine, a depuis longtemps quitté la Croatie pour l’Allemagne où elle s’est mariée et a eu deux enfants. Elle revient au chevet de sa mère Anka (Neva Rosic) dont la santé décline. Ce retour au pays natal lui pèse ; car Anka est une vieille femme acariâtre et égoïste, confite dans le deuil de son mari et de son fils, qui ne manifeste aucune reconnaissance pour sa fille. Jasna est déchirée entre son devoir filial et le malaise viscéral que sa mère lui inspire.

Mère et fille est le premier long métrage d’un jeune réalisateur croate, Jure Pavlović. Il est en grande partie autobiographique, le réalisateur s’étant inspiré de son expérience. Mais il n’en demeure pas moins solidement ancré dans la fiction. Le réalisateur a opté pour un traitement formel radical : coller sa caméra à son héroïne, filmée sans contrechamp avec une focale très courte qui laisse l’arrière-plan dans le flou. L’affiche donne une idée du résultat.

Ce parti-pris formel produit un effet d’enfermement, d’étouffement. On suit les va-et-vient de Jasna dans la maison, vieillotte et encombrée, de sa mère, dans son jardin qu’une fragile clôture sépare de celle de son voisin à laquelle l’oppose un contentieux dérisoire, dans la ville voisine où Jasna retrouve quelques amis d’enfance perdus de vue. Le scénario refuse la facilité de la dramatisation et des rebondissements, faisant courir au récit le risque de verser dans l’insignifiance.

Mère et fille s’inscrit dans une généalogie écrasante d’œuvres célèbres sur les rapports filiaux. On pense à Bergman, à Almodovar, à Sokolov ou, plus près de nous, à Falling ou à The Father. Décidément, signe peut-être de la gériatrisation de nos sociétés, on n’a jamais autant filmé des vieillards impotents et leurs rejetons impuissants. Dans ce genre là, pas le plus gai qui soit, Mère et fille laissera une marque moins forte que d’autres.

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Un printemps à Hong-Kong ★★☆☆

Pak et Hoi sont deux homosexuels hong-kongais sexagénaires. Toute leur vie, ils ont caché leur homosexualité à leurs proches. Conducteur de taxi, Pak vit avec sa femme et est sur le point de marier sa fille à un homme qu’il n’apprécie guère. Hoi est veuf et vit avec son fils, catholique très pratiquant, sa bru et sa petite-fille. Les deux hommes vieillissants vont vivre ensemble une idylle qui mettra en péril le fragile équilibre de leurs vies.

Pour réaliser Suk Suk (que le distributeur français a préféré traduire par Un printemps à Hong-Kong, le distributeur nord-américain optant lui pour le très fleur bleue Twilight’s Kiss), le réalisateur LGBT Ray Yeung s’est inspiré d’une série de témoignages recueillis auprès de gays âgés à Hong-Kong. La plupart ont vécu leur sexualité en secret, en butte à la réprobation de leurs familles et à la politique répressive des pouvoirs publics. La trace de ces témoignages se retrouve dans les histoires de vies des personnages secondaires qui dessine la difficile condition homosexuelle à Hong-Kong aujourd’hui encore. Au stigmate de l’homosexualité s’ajoutent celui de l’âge et bientôt celui de la dépendance : l’une des revendications de la communauté, qui constitue le fil rouge du film, est l’ouverture d’un EHPAD gay.

Mais le film de Ray Yeung est moins une enquête sociologique ou un pamphlet politique qu’une romance assumée. Elle met en scène deux hommes amoureux. Leur rencontre n’a rien de très romantique, près d’une pissotière où Pak a l’habitude de nouer des étreintes furtives ; mais leur histoire d’amour est belle. Elle repose sur une attirance mutuelle (Un printemps à Hong-Kong ose filmer les corps qui se désirent et s’étreignent) et sur l’intelligence partagée des limites que la société met à leur couple.

Ray Yeung opte pour le minimalisme pour raconter cette histoire d’amour impossible sans rebondissements inutiles. On devine par avance son inéluctable issue et on la regarde avec une joie triste.

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L’Oubli que nous serons ★☆☆☆

Héctor Abad Gómez (1921-1987) fut professeur de médecine à l’Université d’Antioquia à Medellín. Il y fonda l’École nationale de santé publique et y œuvra, sa vie durant, pour l’amélioration de la qualité de vie des plus pauvres et la défense de leur santé. Ses prises de position progressistes lui valurent l’hostilité des autorités et l’obligèrent plusieurs fois à s’exiler. Retraité de la Faculté de médecine, il s’engagea à la fin de sa vie en politique et brigua la mairie de Medellín.
Héctor Abad eut six enfants : cinq filles puis un dernier fils qui, en 2006, raconta son enfance dans une autobiographie. C’est ce best-seller que le célèbre réalisateur colombien Fernando Trueba a porté à l’écran en 2020.

L’Oubli que nous serons – un titre curieux emprunté à un vers de Borges dont le sens s’éclairera à la dernière scène du film – raconte la vie d’une famille colombienne de la bourgeoisie aisée dans les 70ies. La référence qui vient immédiatement à l’esprit est Roma, le film autobiographique multi-primé d’Alfonso Cuarón. Le film en couleurs de Fernando Trueba en serait en quelque sorte le pendant ensoleillé, sans divorce traumatisant, ni grossesse ancillaire.

Mais c’est précisément avec ce trop-plein de bienveillance que le bât blesse. Le film – j’ignore si le livre encourt le même reproche – vire à l’hagiographie. À force de vouloir ériger la statue de « [s]on père, ce héros au sourire si doux », le fils de Héctor Abad – lui même prénommé Hector ce qui laisse augurer le pesant complexe d’Œdipe dont il eut à se défaire – en fait trop. Le film de plus de deux heures aurait pu s’épargner quelques longueurs et quelques scènes embarrassantes, telles que celle où le héros surprend les premières caresses solitaires de son fils et y réagit avec humour et intelligence.

Que Héctor Abad fut un grand homme et un père admirable, nul ne se permettrait de le contester, et moi pas plus que quiconque. Que la nostalgie et l’admiration que son souvenir inspire fassent ipso facto un bon film reste pour autant à démontrer.

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Indes galantes ★★★☆

En 2017, sur la foi d’une courte vidéo de six minutes interprétée par des danseurs de Krump, le jeune plasticien Clément Cogitore fut choisi par l’Opéra de Paris pour monter les Indes galantes. Il fit un pari audacieux : mêler le hip-hop au baroque. De l’opéra de Rameau, datant de 1735, hymne au « Bon Sauvage », il opta pour une interprétation radicale : mettre en scène une jeunesse cosmopolite, dansant sur un cratère en ébullition, partant à l’assaut de la Bastille. Le spectacle fut ovationné ; l’accueil critique fut plus tiède.
Le making of de Philippe Béziat raconte son montage, du casting des danseurs jusqu’au triomphe de la première.

Les critiques de la pièce avaient, non sans raison, pointé ses défauts : sa longueur (trois heures), la présence souvent embarrassée et immobile des danseurs sur la scène, la surenchère parfois gratuite des décors et des costumes.

Tous ces défauts sont gommés dans ce documentaire qui ne retient que la formidable créativité de ces jeunes artistes et l’énergie débordante qui les anime. On partage l’enthousiasme de ces danseurs qui, souvent pour la première fois de leur vie, pénètrent dans un lieu qu’ils croyaient leur être interdit, domaine hors de prix de l’entre-soi et de la reproduction sociale. On partage leur éblouissement devant l’immensité de la scène, l’énormité du plateau technique, le luxe des costumes dans lesquels ils ont le privilège de se glisser. On s’attache aux différents personnages qui composent cette troupe hétéroclite : le metteur en scène Clément Cogitore, la chorégraphe Bintou Dembélé, le chef d’orchestre Leonardo Garcia Alarcon et son ensemble Cappella Mediterranea.

Le documentaire, comme l’opéra lui même, se termine en apothéose avec la fameuse « Danse du Grand Calumet de la Paix exécutée par les Sauvages ». Cette chaconne nous accompagne longtemps hors de la salle, son rythme saccadé et le talent de sa mise en scène.

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Il n’y aura plus de nuit ★☆☆☆

Philosophe de formation, la documentariste Éléonore Weber a glané sur YouTube des images de guerre déclassifiées filmées sur des théâtres d’opérations exterieures (Afghanistan, Irak, Sahel…) depuis des hélicoptères américains ou français. La voix off de Nathalie Richard les commente.

En 2014, l’excellent Andrew Niccol réalisait Good Kill, une fiction dans laquelle Ethan Hawke interprétait le rôle d’un pilote de drone américain, passant des heures derrière son joystick, sur une base américaine du Nevada, effaçant quelques cibles, avant d’aller benoîtement chercher ses enfants à l’école à la fin de ses heures de service. Cette fiction soulignait, mieux que n’importe quel documentaire, la transformation de la guerre moderne en jeu video, la déréalisation du théâtre d’opérations, le déséquilibre des forces en présence et les questions éthiques qu’ils soulèvent.

Le documentaire de Éléonore Weber traite le même sujet. Il a le mérite de le faire avec des images « vraies », celles muettes, gris blanc, captées par les caméras thermiques embarquées à bord. Pendant quelques minutes, le temps de la bande annonce voire celui du premier quart du film, elles produisent un effet fascinant, accru par la voix off hypnotisante de Nathalie Richard. On essaie de se repérer, d’évaluer les distances, de distinguer les cibles, en évitant, comme les tireurs, les « bavures » : cette silhouette est-elle celle d’un paysan qui porte un râteau ou d’un moudjahidine brandissant une kalashnikov ? Mais bien vite l’ennui s’installe.

Car Il n’y aura plus de nuit souffre d’un défaut rédhibitoire : son absence de scénario. Il n’y a aucune progression dans ce film. Un seul point de vue nous est montré et répété ad libitum. La succession des séquences ne dessine aucune structure, n’articule aucun récit. Éléonore Weber aurait pu en montrer le double ou la moitié sans que l’équilibre de son documentaire en soit modifié. Reconnaissons lui le mérite de s’être borné à soixante-quinze minutes seulement.

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La Nuée ★★☆☆

Jeune veuve, Virginie (Suliane Brahim) s’occupe seule de sa fille et de son fils. Dans une ferme du Lot-et-Garonne, cette jeune agricultrice écoresponsable élève non sans mal des sauterelles dont elle tire une farine hyper-protéinée destinée à l’alimentation animale. Mais sa production n’est pas suffisante pour couvrir ses coûts. Tout change lorsque Virginie découvre par hasard que ses bêtes, trop peu charnues, enregistrent une croissance monstrueuse si on les nourrit avec du sang. Prête à tout pour sauver son exploitation, Virginie se lance dans une surenchère productiviste.

Pour son premier long-métrage, le jeune réalisateur Just Philippot réussit un pari audacieux : mélanger drame rural et film fantastique. Le drame rural, c’est celui que vit Virginie (formidable Suliane Brahim, pensionnaire de la Comédie-Française, dont la ressemblance avec Charlotte Gainsbourg est troublante), façon Petit Paysan. Comme le héros du film multi-primé de Hubert Charuel, Virginie ne réussit plus à joindre les deux bouts au point d’en perdre son équilibre mental et de mettre en danger ses enfants que pourtant elle adore. Elle ignore la main tendue par son voisin, Karim (Sofian Khammes), un vigneron débrouillard secrètement amoureux d’elle et préfère se lancer seule dans un engrenage dangereux.

Le film fantastique, c’est celui qu’annoncent le titre et l’affiche. Il aura fait fuir tous les entomophobes (le mot du jour !), chez qui araignées et cafards provoquent une peur panique. La Nuée serait pour eux une rude épreuve – il est d’ailleurs interdit aux moins de douze ans – qui filme en gros plans ces insectes normalement phytophages, mais qui peuvent parfois devenir prédateurs. Moins réussis, sans doute faute de moyens, les plans larges de nuées de sauterelles que, dans une veine hollywoodienne un peu racoleuse, nous laissait augurer le titre.

Le premier film de Just Philippot fait mouche (humour Télérama). Il nous rappelle Grave, dont il partage la profondeur psychologique et la dérangeante obsession de la chair. Mais il souffre d’un scénario trop lâche qui échoue à installer et à maintenir la tension. On y comprend trop vite qui est le pire monstre du film et on assiste, sans réellement s’y passionner, à son inexorable dérive jusqu’à une conclusion trop convenue qui achève de nous décevoir.

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5ème set ★★★☆

Thomas Edison (Alex Lutz) a été un jeune prodige du tennis plein d’avenir comme ce sport en connut tant. Mais après avoir échoué d’un cheveu à se qualifier en finale de Roland-Garros en 2001, il a plongé dans les profondeurs du classement ATP. Aujourd’hui, à près de trente-huit ans, marié à Ève (Ana Girardot), une ex-championne de tennis elle aussi, père d’un petit garçon, il vivote grâce à quelques maigres cachets et quelques cours particuliers.
Malgré son âge, il n’a pas renoncé à la compétition. Le tournoi de Roland Garros 2019 lui donnera peut-être l’occasion d’un ultime baroud d’honneur. Mais, il lui faut d’abord franchir les trois tours des qualifications avant d’affronter une jeune gloire montante du tennis français, Damien Thosso.

Le tennis est un sport extrêmement télégénique. Qui n’a pas passé des heures cloué devant son poste à regarder une finale de Grand Chelem ? Pourtant, les films sur le tennis sont rares : Borg/McEnroe raconte la rivalité qui opposa les deux stars au jeu si dissemblable et qui culmina lors de la finale de Wimbledon de 1980, Battle of the Sexes évoque, autour de la figure de Billie Jean King (interprétée par Emma Stone), le tennis féminin des 70ies et sa quête laborieuse de légitimité. On peut rajouter à cette liste bien courte deux documentaires récents : L’Empire de la perfection en 2018 et Guillermo Vilas : Un classement contesté en 2020.

Ce que réussit à merveille 5ème set est précisément de recréer l’ambiance électrique qui entoure une balle de match, le silence autour du court, la fébrilité anxieuse qui précède le point décisif. On tremble devant ce film, comme on tremble devant un match, les paumes moites de l’adrénaline qu’il déclenche. Le jeune réalisateur Quentin Reynaud sait y faire : il fut lui-même un bon joueur de club avant d’abandonner sa carrière sur blessure. Il place sa caméra sur le cours, juste derrière l’épaule des joueurs, nous donnant des angles de vue que les retransmissions classiques n’offrent pas. Le jeu y devient plus rapide, plus physique, plus âpre : les balles fusent, la terre battue gicle, les joueurs ahanent…

Le film est porté à bout de bras par Alex Lutz. On connaissait son immense talent depuis sa composition dans Guy qui lui valut en 2018 le César du meilleur acteur. Il n’avait jamais touché une raquette de tennis avant ce film et nous donne l’impression étonnante de posséder un niveau professionnel (trucage ? angle de caméra ?). Face à sa femme, face à sa mère, il incarne l’obstination têtue du sportif en fin de carrière qui n’accepte pas de raccrocher.

Le film se termine sur un plan surprenant. Comment l’interprétez-vous ?

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