Margaux (Emmanuelle Béart) remonte de Nice vers Paris en TGV. Elle retrouve sa sœur (Eva Ionesco) à Neauphle-le-Château où elle revient s’installer dans la maison familiale. Elle reprend à l’université des études en littérature allemande et se retrouve au milieu d’une bande de joyeux lurons dont la séparent quelques dizaines d’années. On apprend bientôt que Margaux a perdu son mari six mois plus tôt. L’Etreinte raconte son deuil et sa douloureuse reconstruction.
L’Etreinte est un film paradoxal qu’on pourrait aisément éreinter en trois lignes ou bien essayer de défendre en trois paragraphes.
Le flingage en règle pointerait à raison la maladresse de certaines scènes, quelques incohérences de scénario et pourrait se moquer de son actrice : qui prend la liberté de critiquer Isabelle Huppert doit reconnaître à d’autres le droit de ne pas aimer Emmanuelle Béart.
La défense de ce film, à mon avis sensible et juste, demande plus de temps.
Elle suppose de parler d’Emmanuelle Béart, de sa révélation dès le milieu des années 80, de sa rapide consécration au rang d’icône dans les années 90, de ses rôles très dévêtus dans La Belle Noiseuse, J’embrasse pas, Un cœur en hiver. Elle suppose aussi de parler des ravages de la chirurgie esthétique qui l’ont défigurée attirant sur elle des commentaires éplorés et pas toujours empathiques, et d’une vie privée passablement chaotique.
Le parcours d’Emmanuelle Béart, sa vie cabossée résonnent intimement avec son personnage. Margaux a l’âge de son interprète (née en 1963) : la cinquantaine déjà bien entamée qui, de nos jours, range les femmes dans la catégorie, au choix, des quinquagénaires épanouies, des Milf ou des pré-retraitées. Elle en porte les stigmates : elle en garde paradoxalement l’innocence. Emmanuelle Béart interprète à la perfection cet entredeux indécis : elle est trop vieille pour être de plain pied avec les jeunes étudiants qui l’ont prise sous leurs ailes à la fac ; elle ne l’est pas tout à fait assez pour renoncer aux rêves qui les animent et aux pulsions qui les traversent.
Ludovic Bergery a un défaut. Il construit son scénario à la truelle, voulant par couches successives dresser le portrait chinois de la quinqua en reconstruction en la plaçant dans une succession de situations parfois caricaturales (on se serait volontiers épargné les scènes malaisantes à la piscine et avec les mafieux russes). Mais il a une qualité : il filme Emmanuelle Béart en gros plan. Il filme notamment son visage et ses lèvres dont on a dit combien la chirurgie esthétique (à 27 ans !! mais pourquoi diable une femme aussi belle est-elle allée prendre des risques sous le bistouri d’un chirurgien à 27 ans ?!) l’avait défigurée. Ce corps, d’une sensualité folle, ce visage toujours si beau, qui s’illumine parfois de taches de rousseur adolescentes, Emmanuelle Béart et son réalisateur nous les offrent comme un cadeau. Merci.