Paradis Paris ★★☆☆

Une dizaine de personnages se croisent à Paris : un vieux producteur d’une émission de télé à succès (André Dussollier), un jeune maquilleur gay, un cascadeur professionnel, une diva dont les journaux annoncent par erreur le décès (Monica Bellucci) et sa femme de ménage, une ado traumatisée par la diffusion d’une sextape, un veuf inconsolable (Alex Lutz), un flic taiseux (Roschdy Zem)….

Marjane Satrapi, l’auteur de l’irrésistible Persépolis, une bande dessinée puis un film d’animation qui ont marqué leur époque, poursuit cahin-caha sa carrière sans jamais être parvenue à retrouver l’inspiration de ses débuts. Elle livre ici un film déroutant, qui a divisé la critique et n’a pas réussi à trouver son public. Deux semaines après sa sortie, il a quasiment disparu des écrans. Je me demande d’ailleurs si c’est un ratage total ou au contraire une sympathique bizarrerie.

Il s’inspire directement des films à sketches italiens, qui furent à la mode dans les années soixante. Quelques décennies plus tard, Danièle Thompson s’employait encore sans grand succès d’en filmer de pâles succédanés (Fauteuils d’orchestre). Pour éviter l’accumulation d’histoires indépendantes, le scénario de Paradis Paris essaie assez malignement, même si son écriture tourne vite au procédé, de les lier entre elles.

Le problème des films à sketches est que certains sont plus réussis que d’autres… et que d’autres le sont beaucoup moins que certains. Ici par exemple, on peut trouver fort drôle l’autodérision avec laquelle Monica Bellucci joue une diva jadis renommée aujourd’hui oubliée du public dont la mort n’est guère saluée que par quelques brefs entrefilets dans la presse. André Dussollier est beaucoup plus prévisible dans le rôle d’une vieille star du petit écran à laquelle on diagnostique une maladie incurable. Le rôle de Roschdy Zem n’a aucune épaisseur, un vrai gâchis quand on connaît le talent de cet acteur – et l’admiration que je lui voue.
Celui qui m’a le plus touché, en deux ou trois scènes à peine est Alex Lutz, décidément excellent dans tous les registres.

La bande-annonce

The Bikeriders ★★★☆

Kathy (Jodie Comer) raconte son histoire : comment elle a rencontré Benny (Austin Butler), un chien fou, membre d’un club de motards, les Vandals, dirigé par Johnny (Tom Hardy), comment elle en est tombée follement amoureuse et s’est immédiatement mariée avec lui, quelle vie ils ont menée ensemble tandis que les Vandals évoluaient pour le meilleur et pour le pire.

Jeff Nichols revient. On n’avait plus vu ce réalisateur prometteur (Take Shelters, Mud, Loving, Midnight Special…) depuis plus de huit ans. Il choisit d’adapter un célèbre album de photographies publié en 1968 par Danny Lyon qui s’était immergé pendant quatre années dans un groupe de motards, les Outlaws de Chicago et y avait pris des clichés iconiques.

Plane sur The Bikeriders la double ombre tutélaire de L’Equipée sauvage et de Easy Rider, auxquels d’ailleurs il adresse deux clins d’oeil obligés. Comme eux, The Bikeriders raconte la vie d’une bande de motards. Nous sommes dans le Midwest, près de Chicago, dans les années soixante.

The Bikeriders vaut surtout par ses personnages. L’action nous est racontée par les yeux de Kathy, introduisant un peu de female gaze dans une histoire masculine à 100 %. On pourrait penser que son héros  est l’amoureux de Kathy, Benny, mélange sexy en diable de James Dean et de Brad Pitt. Mais Tom Hardy réussit à lui voler la vedette. Je suis un fan inconditionnel de cet acteur qu’on voit depuis plus de vingt ans dans tellement de grands films (Inception, The Dark Knight Rises, The Revenant, Dunkerque….) mais qui n’a pas encore décroché les récompenses et le statut de star qu’il mérite amplement. Il est magnétique ici, dans le rôle mutique du chef de bande, dont on se demande tout du long si c’est un psychopathe égocentrique ou un leader charismatique.
L’entourent des gueules impossibles de losers magnifiques, qui sentent la transpiration et l’huile de moteur. parmi eux on reconnaît Michael Shannon, l’acteur fétiche de Jeff Nichols qui a joué dans tous ses films. Il interprète ici Zepco, un improbable Letton qui, avec un accent à couper au couteau, profère quelques aphorismes définitifs.

The Bikeriders aurait pu se borner à décrire cette galerie de personnages hauts en couleur. Mais il n’oublie pas de raconter une histoire. L’histoire a pour toile de fond l’Amérique profonde à la fin des années soixante, la guerre du Vietnam et ses soldats perdus qui en reviennent déconstruits, la montée de la violence, de la consommation des drogues les plus diverses, de la dérive des clubs de motards vers le banditisme…. Johnny, le chef des Vandals, en est, je l’ai dit, la figure principale. Mais j’en ai déjà trop dit….

La bande-annonce

Le Passager de la pluie (1970) ☆☆☆☆

Mélie (Marlène Jobert) est l’épouse d’un pilote de ligne. Une nuit qu’elle passe seule dans sa grande maison isolée au bord de la Méditerranée, elle est violée par un inconnu de passage, qu’elle avait vu l’après-midi descendre de l’autobus de Marseille sous la pluie. Elle réussit à tuer son agresseur de deux balles de chevrotine et à se débarrasser de son cadavre dans une crique voisine.
Le lendemain, un mystérieux Américain (Charles Bronson) se présente à elle. Il veut lui faire admettre le crime qu’elle a commis. la police elle aussi commence à enquêter. Mélie ne veut rien avouer.

Le Passager de la pluie a été tourné à la fin des années 60 dans la presqu’île de Giens – que le Toulonnais que je suis identifie avec nostalgie. Son réalisateur, René Clément, était une institution du cinéma français : l’auteur de La Bataille du rail, de Jeux interdits et de Paris brûle-t-il, bizarrement, à la fin de la carrière allait se convertir au polar. Le scénariste, Sébastien Japrisot, écrivait à l’époque à la chaîne des polars sacrément bien troussés pour le cinéma : Compartiment Tueurs, Piège pour Cendrillon, Adieu l’ami, La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil… Sa popularité culminerait avec L’Eté meurtrier et Un long dimanche de fiançailles l’un et l’autre adaptés au cinéma avec le succès que l’on sait.

J’ai trouvé ce film furieusement démodé. Son sexisme décomplexé hystériserait Sandrine Rousseau. La musique de Francis Lai, qui accompagnait la quasi-totalité des films de l’époque comme aujourd’hui celle d’Alexandre Desplat ou de Hans Zimmer, est insupportable. Mais l’est plus encore l’interprétation des deux acteurs principaux. On se demande s’ils avaient reçu des instructions en ce sens, ou s’ils se laissent aller à leurs penchants : Charles Bronson ânonne un Français hésitant avec un demi-sourire de faux dur tandis que Marlène Jobert multiplie les minauderies de petite fille.

L’intrigue du Passager de la pluie est passablement déroutante. On connaît dès le départ le double crime – le viol et l’assassinat – et leurs deux auteurs. Aussi, l’histoire, qui se réduit au jeu du chat et de la souris auquel se livre le personnage interprété par Charles Bronson, ne devient-elle vite qu’un prétexte, un MacGuffin – le mot est même utilisé à la fin du film. Prétexte à quoi ? Je me le demande encore.

La bande-annonce

No Pasàran (2003) ★★☆☆ / Le Temps du voyage ★☆☆☆

À l’occasion de la sortie en salles du Temps du voyage, plusieurs cinémas parisiens (Le Grand Action mercredi 8 mai, Le Saint-André des Arts samedi 11) ont programmé une double projection-débat, en présence de Henri-François Imbert, de deux de ses documentaires, réalisés à vingt ans de distance.

J’ai beaucoup aimé No Pasaràn, que j’avais raté en octobre 2003. Son titre pourrait laisser augurer une histoire des Républicains espagnols, dont on aura reconnu le slogan, opposé sans succès hélas à l’avancée des troupes franquistes. Il s’agit plutôt de l’histoire de leur exil en France. L’idée en a germé chez le jeune Henri-François Imbert en découvrant six cartes postales chez ses grands-parents maternels, émigrés espagnols. Elles montraient des réfugiés franchissant la frontière au Perthus et parqués dans des camps de concentration – l’expression n’avait pas encore reçu la sinistre connotation dont les camps nazis allaient la lester à jamais.

Excité par cette découverte, Henri-François Imbert est parti à la recherche des autres cartes postales constituant ce lot. Le documentaire raconte en voix off cette quête, longtemps frustrante, émaillée de découvertes et de rencontres. À chaque carte postale découverte, c’est un nouvel élément du puzzle qui est retrouvé. On y comprend l’infâmie commise par le gouvernement français de l’époque : au nom de la neutralité, emprisonner les Républicains espagnols, aussi bien civils que militaires, dans des camps de rétention, leur confisquer leurs effets (et ne jamais les leur restituer), séparer les hommes de leurs femmes et de leurs enfants, déplacer les camps des Pyrénées-Orientales (Argelès, Saint-Cyprien, Le Barcarès) où la crainte naît que leurs occupants encouragent le sécessionnisme catalan, vers l’Aude (Bram) et l’Hérault (Agde).

J’ai beaucoup moins aimé Le Temps du voyage que j’ai vu dans la foulée. La raison en est que j’escomptais une suite à No pasaràn, sur l’internement des Tziganes pendant la Seconde guerre mondiale en France. Henri-François Imbert en fait son point de départ mais s’en désintéresse bien vite pour se focaliser sur la situation contemporaine de la communauté tzigane.

Il y aurait eu beaucoup de choses à dire à ce sujet, à commencer par éclairer une question étymologique : faut-il parler des Roms, des Tziganes, des Gitans, des Manouches ? Quelle est leur histoire ? Quelle est leur répartition sur le territoire national ? Parlent-ils tous la même langue ? Pratiquent-ils la même religion ? Partagent-ils la même culture ? Se sont-ils sédentarisés ? intégrés ?

Le Temps du voyage, qui avait commencé au camp d’internement de Jargeau dans le Loiret sur les traces d’Eugène Daumas, le président de l’UFAT (Union française des associations tziganes) qui a milité avec succès pour l’abolition du livret de circulation des Tziganes, délaisse ce fil-là, pourtant passionnant, pour un autre. Dans sa seconde moitié, renonçant à faire oeuvre d’historien et de sociologue, Henri-François Imbert se contente paresseusement de suivre Thierry Patrac, un fils de Gitan sédentarisé à Agde, qui travaille dans la musique et l’animation culturelle. Il s’englue dans le portrait sans intérêt d’une famille tzigane qui a réussi son intégration sans renoncer à son identité.

La bande-annonce du Temps du voyage

Semaine sainte ★★☆☆

Leiba, un aubergiste juif, est en conflit avec Gheorghe, son employé paresseux et alcoolique. Il le licencie mais Gheorghe promet de se venger. Le village, gangréné par l’antisémitisme, se ligue vite contre l’aubergiste et menace sa famille.

Aucune indication de lieu ni d’époque ne nous est fournie. Mais on devine qu’on est au début du XXième siècle dans la campagne roumaine (dans le delta du Danube peut-être). On pense aussitôt à Shttl, qui se déroulait presque à la même époque, presque au même endroit et qui racontait presque la même histoire. Il s’agit dans ces deux films d’évoquer l’antisémitisme qui a dressé les goys contre les Juifs dans l’est de l’Europe, avec, chez le spectateur contemporain, la prescience du génocide nazi à venir qui rayera cette communauté de la carte.

La mise en scène de Semaine sainte est déroutante. Contrairement à la tendance actuelle du cinéma à filmer de longs plans-séquences où la caméra tourbillonne au milieu du décor – comme c’était par exemple le cas dans Shttl – Andrei Cohn préfère l’immobilité des plans fixes. Ces plans sont savamment composés, comme le montre l’affiche du film. Selon qu’on y regarde l’avant-plan ou l’arrière-plan, on y lit deux histoires différentes.

Au-delà de la composition des plans, le plus déroutant dans Semaine sainte est son montage. Andrei Cohn pratique l’art de l’ellipse. L’essentiel de l’action se déroule entre les plans. L’exercice sollicite le spectateur qui doit rester sur le qui-vive. Le défi est exigeant, dans un film qui s’étire sur plus de deux heures. Ainsi des trois plans qui clôturent le film. J’ai mis longtemps à en comprendre la signification dont je ne suis encore pas tout à fait certain.

La bande-annonce

Notre monde ★☆☆☆

Zoé et Volta sont deux cousines qui ont grandi ensemble au Kosovo, un pays qui, en 2007, panse les plaies d’une guerre civile qui a décimé la population et cherche encore son indépendance qu’il n’acquerra qu’un an plus tard. Fuyant le destin tout tracé qui les attend dans leur petit village, les deux jeunes femmes partent à Pristina et s’inscrivent à la fac. Mais elles déchantent bien vite devant le manque d’intérêt des cours et l’absentéisme endémique de leurs enseignants.

Deux ans après La Colline où rugissent les lionnes, la jeune réalisatrice franco-kosovare Luàna Bajrami signe déjà son deuxième film. Comme le premier, il se déroule au Kosovo et en montre une « génération oubliée » ou qui se vit ainsi, sans formation, sans perspectives d’avenir sinon celle de l’exil.

Notre monde est un bien joli titre qui joue sur la paronymie Notre monde/Un autre monde. Il se déroule en 2007 et a l’ambition revendiquée d’évoquer en arrière-plan la naissance du Kosovo indépendant qui aura lieu en mars 2008. Telle était la démarche d’un film serbe sorti il y a quelques mois à peine, Lost Country, dont j’ai tardé à publier la critique : son action se déroulait en 1996 et son héros était un adolescent dont la mère était la porte-parole du parti présidé par Slobodan Milosevic, l’autocrate serbe.

Ici hélas, l’arrière-plan politique est à peine ébauché. De la guerre au Kosovo, de la longue marche vers l’indépendance, de sa proclamation, on ne verra rien sinon quelques images d’archives en ouverture du film. Et on apprendra moins encore si tant est qu’on eût pu l’escompter.

Mais il y a pire. Après une première partie prometteuse durant laquelle Zoé et Volta quittent leur village et s’installent dans la capitale kosovare, la seconde partie s’enlise dans une chronique sans enjeu de leur vie universitaire. Entre les sit-in à la fac, les bières et les fumettes partagées avec leurs nouveaux amis, Volta tombe amoureuse d’un garçon qui trempe dans des trafics louches et Zoé se laisse attirer par l’argent facile pour se produire dans une boîte à soldats. Cette chronique convenue d’une jeunesse désabusée a un parfum de déjà-vu.

La bande-annonce

Bushman (1971) ★★☆☆

À San Francisco, à la fin des années soixante vit un Nigérian, dont le visa va bientôt expirer. Gabriel se frotte à la contre-culture hippie, mais aussi au racisme ordinaire des Blancs et des Afro-américains qui le renvoient systématiquement à son africanité fantasmée.

Ce film de David Schickele était jusqu’alors resté inédit en France. Il est sorti fin avril en salles dans une superbe restauration qui exalte son noir et blanc velouté. Avec lui, c’est le cinéma-vérité de l’époque qui ressurgit, aux frontières du documentaire et de la fiction. David Schikele a non seulement tourné en Californie mais aussi au Nigeria où il s’était engagé dans les Peace Corps au début des années soixante et avait enseigné l’anglais dans une université de l’est du pays.

Bushman est d’abord un témoignage, qui a aujourd’hui valeur historique, sur l’Amérique de la contre-culture. Mais c’est aussi une réflexion plus profonde sur l’exil, sur la solitude, sur l’identité.

Le tournage du film a été interrompu par l’arrestation et la déportation de son acteur, accusé de séjour illégal aux Etats-Unis. Le scénario racontait précisément l’angoisse grandissante de son personnage au fur et à mesure que l’expiration de son visa se rapprochait et finalement son départ. La réalité s’est avérée plus forte encore que la fiction puisque, sans attendre la fin du film, l’emprisonnement de son acteur, son procès et son retour au Nigéria en ont précipité le terme.

La bande-annonce

Sky Dome 2123 ★☆☆☆

Dans un futur dystopique, en l’an 2123, la Terre, victime d’une impitoyable sécheresse, est devenue inhabitable. Les humains survivent dans quelques rares conurbations sous des dômes artificiels qui les protègent des dérèglements du climat. La survie de l’espèce est toutefois soumise au respect d’une règle impitoyable qui ne connaît aucune dérogation : chaque humain doit accepter le jour de ses cinquante ans de se sacrifier pour être transformé en plante et produire l’oxygène indispensable à ses congénères.
Nora est loin d’avoir atteint cet âge limite. Mais profondément déprimée par la mort prématurée de son fils, elle s’est portée volontaire pour anticiper cette échéance funeste. Quand son mari, Stefan, l’apprend, il décide de tout mettre en œuvre pour la sauver.

Sky Dome 2123 a un titre qui ressemble au pseudo d’un hacker Facebook pornographe. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. C’est un duo hongrois qui est aux manettes de ce film d’animation tourné en rotoscopie (les acteurs sont filmés en prise de vues réelles et redessinés à la main) aux splendides images futuristes. La fascination produite par certains de ses décors est d’ailleurs sa principale qualité.

C’est hélas la seule. Car le suspense qui se crée dans la première demi-heure se perd très vite en chemin de ce road-movie trop long, qui dure près de deux heures, et qui se conclut dans un prêchi-prêcha écolo-panthéiste.

La bande-annonce

L’Affaire Vinča Curie ★★☆☆

En 1958, quatre atomistes yougoslaves, gravement irradiés alors qu’ils travaillaient à l’institut Vinča de Belgrade à un projet secret d’arme nucléaire, sont soignés en France par le professeur Mathé (Alexis Manenti) qui les sauvera en pratiquant la première greffe humaine de moelle osseuse.

Ce film serbe est inspiré d’une page méconnue de la guerre froide, à l’époque où la Yougoslavie titiste, en froid avec l’URSS, avait essayé de renforcer son autonomie stratégique en tentant de se doter de l’arme atomique. L’épisode est l’occasion d’un thriller tourné quasiment en huis clos dans l’hôpital francilien où les quatre scientifiques yougoslaves sont soignés en secret.

Son sujet n’est pas tant la bombe atomique que la course contre la montre menée par les médecins français pour soigner les malades irradiés. Le professeur Mathé travaillait sur les leucémies, mais n’avait jamais osé tenter une greffe humaine de moelle osseuse. La réussite de son opération (pardon pour le spoiler) allait permettre à l’avenir de sauver des milliers de leucémiques.

L’Affaire Vinča Curie est un film volontiers austère, qui refuse ostensiblement de céder aux modes du temps. Sa mise en scène rappelle celles du siècle dernier, sans pour autant qu’il s’agisse d’une figure de style ou d’un projet revendiqué. L’Affaire Vinča Curie a ainsi un aspect démodé, has been. Loin de l’handicaper, ce défaut-là le rend d’autant plus attachant.

La bande-annonce

Rendez-vous avec Pol Pot ★★☆☆

Nous sommes en 1978 au Cambodge. Trois Français, Alain Cariou, un intellectuel (Grégoire Colin), Lise Delbo, une journaliste (Irène Jacob) et Paul Thomas, un photographe de guerre (Cyril Gueï), sont autorisés à visiter ce pays fermé au monde depuis que les Khmers rouges y ont pris le pouvoir. On leur a fait miroiter un rendez-vous avec Frère n° 1, le leader khmer, ancien compagnon d’études d’Alain.

Depuis qu’il a été prisonnier des Khmers, qu’il s’est réfugié en France, qu’il a étudié à l’Idhec, Rithy Panh, aujourd’hui âgé de soixante ans a tourné quelque vingt films, tous plus ou moins consacrés aux crimes de masse perpétrés par les Khmers rouges entre 1975 et 1979. Il a exploré toutes les formes que le cinéma lui permettait pour mener à bien ce travail de mémoire : le documentaire (S21, la machine de mort khmère rouge, Duch, le maître des forges de l’enfer), la fiction et même les figurines d’argile de L’Image manquante (2013).

Dans son dernier film, Rithy Panh convoque tous ces registres. Il s’est inspiré du livre d’une journaliste américaine du Washington Post, Elizabeth Becker, autorisée à visiter le Kampuchéa démocratique en compagnie de deux compatriotes. Leur voyage, unique en son genre, s’est dramatiquement achevé.

Sévèrement encadré par leur comité d’accueil qui n’entend que leur montrer ce qu’ils veulent et leur cacher la réalité sordide des camps de travail, les trois Occidentaux réagissent chacun à leur façon. L’intellectuel maoïste ne peut pas concevoir que la révolution ait trahi ses idéaux ; le photographe de guerre au contraire n’accepte pas d’être pris en otage d’une entreprise de désinformation ; la journaliste essaie, aussi lucidement que possible, de s’en tenir aux faits.

Rendez-vous avec Pol Pot souffre d’une mise en scène très guindée. Les acteurs, contraints d’incarner des caricatures, sont pris au piège de cette mise en scène hiératique. La musique sans âge renforce l’intemporalité d’un film qui aurait pu, à l’identique, être tourné quarante ans plus tôt.
Pour autant, malgré ses défauts, ce film fait oeuvre utile en dénonçant la « pureté dangereuse » au nom de laquelle le communisme a commis au vingtième siècle des crimes impardonnables.

La bande-annonce