Chroniques d’Haïfa – Histoires palestiniennes ★★☆☆

Une famille arabe aisée d’Haïfa a bien des soucis. La société d’assurances que dirige le père est au bord de la faillite. La mère est plongée dans les préparatifs du mariage de sa fille aînée et aimerait que ses deux autres enfants prennent exemple sur elle. Mais ni l’un ni l’autre n’en prennent le chemin. Son fils, Rami, entretient une liaison avec une hôtesse de l’air juive qui lui annonce qu’elle est enceinte. La benjamine, Fifi, étudie à Jérusalem mais donne du fil à retordre à sa mère.

Scandar Copti avait co-réalisé en 2009 un portrait en creux de la ville de Jaffa, au sud de Tel-Aviv. Seize ans après ce film unique, il récidive cette fois ci dans le nord du pays, à Haïfa, la troisième ville d’Israël, réputée pour son multi-confessionnalisme : la ville abrite une importante population arabe et est la capitale spirituelle du baha’isme.

Scandar Copti n’épargne rien ni personne. Il a la dent dure avec les fondamentalistes juifs qui se battent contre les unions mixtes. Il l’a tout autant avec le patriarcat qui prévaut au sein des familles palestiniennes et qui dicte aux jeunes filles le choix de leur époux ou, pire, leur interdit toute relation sexuelle avant le mariage. Le portrait qu’il dresse de la famille de Fifi n’est pas tendre sinon pour la benjamine, campée par une jeune actrice solaire, Manar Shehab.

Prix Orizzonti du meilleur scénario à la Mostra 2024, Chroniques d’Haïfa vaut surtout par sa construction. Il est organisé en quatre chapitres, chacun offrant des mêmes faits une version légèrement décalée dans le temps et différente, façon Rashomon. Cet entrelacs particulièrement subtil stimule l’intelligence du spectateur et lui interdit de relâcher son attention. Chaque détail compte qui, mystérieux ici, s’éclairera plus tard à travers la narration d’un autre protagoniste. Ainsi de l’accident de voiture dont est victime Fifi dans la première scène du film.

On aurait aimé dire que Chroniques d’Haïfa esquisse la possibilité d’un vivre-ensemble en Israël comme le font les films d’Amos Gitaï, un natif de cette ville. Hélas, Scandar Copti ne cède pas à l’irénisme.

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7 jours ★☆☆☆

Myriam (Vishka Asayesh) est une militante féministe incarcérée depuis six ans en Iran. Son mari et ses deux enfants se sont exilés en Allemagne. Myriam bénéficie d’une permission exceptionnelle de sept jours pour raison de santé. Son frère, à son insu, a organisé sa fuite pour lui permettre de rejoindre sa famille qui l’attend, en Turquie, de l’autre côté de la frontière.

Le cinéma iranien affiche décidément une remarquable vitalité. Jafar Panahi s’est vu décerer la Palme d’or pour Un simple accident dont on attend la sortie avec impatience le 1er octobre. Ces derniers mois, je me suis enthousiasmé pour Les Graines du figuier sauvage, TatamiChroniques de Téhéran, le diptyque The WastelandThe WastetownL’Odeur du vent… Pas plus tard que la semaine dernière, j’exprimais quasiment au mot près les mêmes réserves devant La Femme qui en savait trop.

Cette surabondance a hélas ses défauts. Elle prive les films iraniens, désormais monnaie courante, du parfum d’exotisme que les premiers, si rares, exhalaient. Elle va même parfois jusqu’à créer un effet de redite.

C’est le cas de 7 jours dont j’ai scrupule à dire qu’il m’a semblé redondant avec d’autres déjà vus, tant son héroïne qui emprunte certains traits à Narges Mohammadi, militante des droits civiques, Prix Nobel de la paix en 2023, est admirable. Mohammad Rasoulof, le réalisateur des Graines du figuier sauvage, du Diable n’existe pas et surtout de Un homme intègre en a cosigné le scénario. Condamné à la prison, il a quitté l’Iran pour l’Allemagne. C’est là où vit également le réalisateur Ali Samadi Ahadi. Autre exilée : l’actrice Vishka Asayesh vit depuis peu en France.

L’exil est le sujet du film. Son héroïne est tiraillée entre deux impératifs contradictoires. Le premier est la lutte qu’elle mène dans son pays, depuis la prison. Elle estime que quitter l’Iran, même en poursuivant le combat depuis l’étranger, serait trahir ses engagements et donner raison aux mollahs. Le second est la douleur que lui cause la séparation d’avec son mari et ses enfants, douleur exacerbée par la parenthèse miraculeuse que constitueront leurs brèves retrouvailles dans un petit village turc enseveli sous la neige, douleur encore accrue par l’injonction patriarcale qui lui est adressée de ne pas trahir son rôle d’épouse et de mère.

Partira ? partira pas ? On sait par avance le choix qu’opèrera Myriam même si le film repose sur ce faux suspense. La seule hypothèque est son état de santé dont on se demande, s’il se détériore, s’il ne résoudra pas le dilemme qui se pose à Myriam sans qu’elle ait à le trancher.

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Alpha ★★☆☆

À une époque indéterminée qui pourrait être la nôtre ou quarante ans plus tôt, un virus dangereux se répand. Il calcifie lentement ses victimes les transformant inexorablement en statue de marbre. Il se transmet par le sang.
Alpha (Melissa Boros) a treize ans. Sa mère (Golshifteh Farahani) panique le jour où Alpha revient d’une soirée un tatouage sur le bras, peut-être dessiné avec une aiguille infectée. L’oncle d’Alpha (Tahar Rahim) toxicomane est rongé par la terrible maladie.

Alpha a fait beaucoup parler de lui. C’est le troisième long-métrage de Julia Ducournau dont Grave, le premier, avait suscité un grand vent d’air frais dans le cinéma gore et dont le deuxième, Titane, avait remporté la Palme d’or en 2021. Autant dire qu’Alpha, en sélection en mai dernier à Cannes, était attendu au tournant. Les festivaliers ont eu la dent dure qui l’ont taillé en pièces.

Ils n’avaient pas totalement tort. Alpha a beaucoup de défauts. Des défauts qu’on aurait passés à un premier film d’un réalisateur inconnu mais qu’on ne pardonne pas au film qui suit immédiatement une Palme d’or. D’autant qu’il s’agit de défauts réparables : une musique envahissante, des effets spéciaux ratés, des scènes mal filmées (celle par exemple où la mère d’Alpha essaie d’endiguer la foule de patients qui se pressent devant l’hôpital). Le principal est peut-être d’avoir voulu trop en mettre : la maladie et la peur de l’épidémie, le harcèlement scolaire, la toxicodépendance, la monoparentalité, l’homosexualité et l’homophobie…. C’est beaucoup. C’est trop pour un film qui trop embrasse et mal étreint.

Mais ils n’avaient qu’à moitié raison. Alpha n’en a pas moins en effet plusieurs qualités. Le premier est l’originalité de son scénario qui, sans l’identifier clairement, reconstitue la chromatique marronnasse des années SIDA, en y laissant planer, avec cette poussière rouge omniprésente, des airs de fin du monde. Il vaut aussi par sa direction d’acteurs. Il faut saluer la révélation Melissa Boros, mais surtout l’interprétation incroyable de Tahar Rahim, méconnaissable, qui a perdu vingt kilos pour le rôle. Il mérite haut la main le prochain César du meilleur rôle masculin.

Sans doute Alpha n’est-il pas au niveau de Grave ou de Titane. Mais il n’en est pas moins un film (d)étonnant qui mérite d’être vu… en attendant le prochain de Julia Ducournau.

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Fantôme utile ★☆☆☆

Pour nettoyer la poussière qui s’accumule dans son appartement un homme achète un aspirateur qui lui joue bientôt des tours. Le SAV lui envoie un réparateur qui lui raconte une incroyable histoire, celle de Nat l’épouse d’un veuf inconsolable, qui s’est réincarnée… en aspirateur.

Le pitch de ce film thaï et sa bande-annonce déjantée pourraient laisser augurer une loufoquerie bizarre façon Rubber de Dupieux, où un pneu semait la terreur. C’est d’ailleurs ce créneau-là qu’explore Fantôme utile pendant sa première moitié. Elle contient quelques scènes franchement drôles où le mari de Nat enlace sensuellement son aspirateur de femme sous les yeux de sa famille consternée.

Mais le film, après un long ventre mou dans lequel il manque de s’enliser, prend dans sa seconde partie un autre tour, nettement moins cocasse. Il devient politique, convoquant les âmes errantes des manifestants torturés en 2010 par la dictature thaïe dont la mémoire continue à hanter à la fois leurs tortionnaires et leurs proches éplorés.

On reconnaît chez Ratchapoom Boonbunchakoke les mêmes influences que son aîné Apichatpong Weerasethakul (sic !). Les fantômes de Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or 2010, sont les cousins de ceux de Fantôme utile. Je ne connais pas assez la culture thaïe pour savoir si elle est particulièrement perméable aux esprits et à l’au-delà. Tout au plus puis-je déduire de ces films que cette thématique est très présente dans son cinéma.

Autre similarité entre ces deux réalisateurs dont j’ignore si elle peut être généralisée : leur lenteur. Une lenteur pour moi rédhibitoire qui a failli me conduire à déserter la salle tant je sombrais dans un ennui cataleptique. J’ai un souvenir physiquement douloureux des films de Weerasethakul qui, en dépit de toutes les qualités qu’on veut bien y trouver, m’ennuient à périr.

Une amie toulonnaise a adoré Fantôme utile et me l’a chaleureusement recommandé. J’aimerais vous le conseiller avec le même enthousiasme qu’elle. Car c’est un film profondément original, comme on n’en a jamais vu, qui, au-delà de sa superficialité affichée, de sa bouffonnerie revendiquée, développe un message profondément politique. Mais j’y ai trouvé le temps tellement long que j’ai scrupule à vous imposer ce pensum.

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F1® le film ★★☆☆

Sonny Hayes (Brad Pitt) fut dans sa jeunesse un espoir de la F1, en route vers un titre mondial, avant qu’un accident ne vienne briser sa carrière. Mais il est revenu à l’anonymat, vit dans son van et ne participe plus guère qu’à quelques courses quand Ruben (Javier Bardem), son équipier du temps jadis, vient le convaincre de rempiler pour aider l’écurie qu’il dirige, classée bonne dernière, et mettre le pied à l’étrier de son jeune rookie (Damson Idris).

F1 aura été le blockbuster de l’été 2025, dépassant les six cents millions de dollars de recettes dans le monde et les trois millions de spectateurs en France.

Cet engouement était-il justifié ? À mon avis, oui et non.

F1 nous en donne pour notre argent. Le tycoon hollywoodien Jerry Bruckheimer a obtenu une wild card pour filmer directement de l’intérieur les grands prix de Silverstone et d’Abu Dhabi. Il s’est adjoint un faiseur consciencieux, Joseph Kosinski (Tron: Heritage, Oblivion, Top Gun: Maverick…), un musicien de légende, Hans Zimmer (en fermant les yeux, on se croit parfois dans Gladiator !) et un casting cosmopolite pour mettre en valeur « l’homme le plus sexy du monde ».

J’ai nommé Brad Pitt, 61 ans au compteur, mais pas un poil de graisse, des tatouages de bad boy et un sourire à faire fondre la ménagère de l’Iowa et de la Creuse. Il cabotine délicieusement pendant les 2h35 du film

Les principales limites de F1 tiennent à son cahier des charges corseté. On en sait dès le début chacune des étapes – même si je n’avais pas prévu le vainqueur du dernier Grand Prix. On sait par avance que Brad Pitt soldera les comptes de son passé et pavera pour son coéquipier le chemin de l’avenir… sans oublier de conquérir le cœur de la directrice technique de l’écurie (on notera pour s’en féliciter qu’elle a quand même la quarantaine). Ses partenaires sont réduits à de pâles caricatures : le coéquipier encore un peu tendre, le vieil ami fidèle, le traître de comédie ourdissant les plus veules trahisons, la directrice technique susmentionnée qui a pour le héros tellement séduisant les yeux de Chimène…

F1 est un film hyper-testostéroné, portant aux nues les valeurs virilistes, qui échouerait lamentablement au test de Bechdel. Sans doute ce catalogue de défauts devrait-il conduire logiquement à sa plate condamnation. Pour autant, il serait malhonnête de nier le plaisir qu’on a pris à le regarder. le scénario bien rythmé tient la durée avec une alternance de scènes de circuits fast and furious et de scènes plus intimistes ; ses images immersives à 300 km/h au ras du macadam sont à couper le souffle ; les caméos des meilleurs conducteurs du circuit sont autant de clins d’œil – à condition, ce qui n’est pas toujours mon cas, de savoir reconnaître Verstatten, Hamilton ou Leclerc. Bref un film old school où on ne s’ennuie pas.

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En boucle ★★☆☆

À Kibune, au cœur des Alpes japonaises, à quelques kilomètres au nord de Kyoto, se trouve un ryokan, une auberge traditionnelle, où s’affaire un personnel nombreux et dévoué au bien-être des clients. Mais soudain, à 13h56 précisément, le temps bégaie comme un disque rayé condamnant tous les locataires de ce ryokan à revivre perpétuellement les mêmes deux minutes.

Depuis le cultissime Un jour sans fin, un genre est né : le film en boucle temporelle. Il est d’ailleurs étonnant que n’ait pas été forgé à ma connaissance, en français ou en anglais, un néologisme pour le désigner. Il a diffusé dans tous les genres : la comédie romantique (Il était temps), la science-fiction (Edge of Tomorrow, Looper…), le thriller (Source Code), le slasher (Triangle), etc.

La boucle temporelle constitue une mine pour les scénaristes. Le temps ne s’y déroule plus linéairement comme nous en avons l’habitude, mais bégaie, nous ramenant en arrière. Le même moment nous est donné à vivre plusieurs fois, fort de l’expérience acquise lors de ses précédentes occurrences. Opportunité inespérée d’arrêter le temps qui file trop vite ? de réparer les erreurs passées ? ou condamnation nietzschéenne à l’éternel retour ?

Les boucles temporelles sont plus ou moins longues. Chez Sam Raimi, elle durait, on s’en souvient, une seule journée. Dans un récent film japonais, Comme un lundi, elle durait une semaine. L’idée ingénieuse de Junta Yamaguchi, qui lui avait déjà consacré un autre film intitulé Beyond the Infinite Two Minutes (2020), inédit en France, est de ne la faire que deux minutes.

L’idée est brillante d’un point de vue cinématographique car elle conduit à un résultat quasiment en temps réel d’une trentaine de boucles successives (je m’amuserais volontiers à les chronométrer pour vérifier qu’elles ont bien la même longueur, suspectant le réalisateur d’avoir pris quelque liberté avec leurs durées). Chaque boucle commence donc deux minutes après la fin de la précédente ; mais les protagonistes – et les spectateurs avec eux – se souviennent de ce qui vient de se passer dans la précédente et l’histoire peut ainsi avancer.

Le risque est celui de la répétition et de la monotonie. D’ailleurs En boucle (River dans son titre international) n’y échappe pas totalement. Heureusement le scénario alterne les scènes de folle cavalcade avec des dialogues plus intimistes, par exemple entre l’héroïne Mikoto et le cuisinier pour lequel elle se languit qui rêve d’aller se former en France.

Le film pourrait s’étirer indéfiniment et explorer la psychologie de chaque personnage. Pour éviter ce travers, il se donne un but : échapper de cette boucle temporelle dans laquelle les protagonistes semblent être coincés. La résolution de cette énigme réservera son lot de déception et de surprise, quitte à frôler le grand-n’importe-quoi.

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Le Roi soleil ★★☆☆

« Le Roi soleil », c’est le nom d’un rade banal à Versailles à une encablure du château, tenu comme beaucoup de cafés franciliens par un gérant chinois assisté d’une serveuse (Lucie Zhang), où se retrouvent à l’ouverture quelques clients de passage : deux flics fatigués après une nuit de service difficile (Pio Marmaï et Sofiane Zermani), un urgentiste (Panayotis Pascot), un trader sous substances, une gouape fébrile et un vieux monsieur qui, comme chaque semaine vient vérifier les numéros gagnants du Loto. Quand il découvre, stupéfait, qu’il a gagné le gros lot, tout dérape….

Trois semaines seulement après Last Stop: Yuma County, sort un film français qui lui ressemble. Soit une demi-douzaine de personnages coincés dans un lieu clos qui essaient, quasiment en temps réel, de s’en sortir, si possible en sauvant leur peau et si possible encore en dérobant quelques millions de dollars/d’euros.

Sept personnages se retrouvent par la force des choses réunis dans un bar avec un cadavre sur les bras et cherchent ensemble l’histoire qu’ils raconteront à la police pour pouvoir se partager un magot de plusieurs centaines de millions d’euros. Le pitch est alléchant. Il est sacrément ambitieux. Il ressemble à un puzzle, à une équation à sept (et bientôt huit avec l’arrivée inopinée de la patronne) inconnus. J’ai dit dans ma critique de Last Stop le plaisir communicatif offert aux spectateurs à participer, en même temps que les acteurs, à l’écriture du scénario.

Il faut des scénaristes sacrément malins pour relever une telle gageure. Ceux de ce Roi soleil le sont plus souvent qu’à leur tour. D’autant qu’ils jouent avec les temporalités pour explorer les diverses alternatives possibles. Ils auraient dû le faire à mon avis encore plus, pour nous donner notamment notre revanche contre tous ces films qu’on a envie d’interrompre pour dire au réalisateur : « Stop ! si la femme de la victime reçoit cet appel téléphonique, c’est la première chose qu’elle ira raconter à la police ! ».

Puisqu’il faut bien choisir et avancer, le scénario fait donc des choix. C’est là peut-être que le bât blesse. Car le scénario [spoiler] prend une direction malvenue : celle du défouraillage tarantinesque façon Reservoir Dogs, celle aussi de Last Stop, qui voit l’élimination métronomique d’un personnage après l’autre, laissant comme seul suspense au spectateur l’identité du dernier survivant.

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La Femme qui en savait trop ★★☆☆

Zara, professeure de danse d’une quarantaine d’années, a épousé en secondes noces Solat, un homme riche et puissant. Zara a eu une fille, Ghazal, d’un premier lit, qui marche sur ses pas et aspire elle aussi à plus de liberté.  Mais les deux femmes sont tenues en laisse courte par Solat, qui réprouve la profession de sa femme et son exposition sur les réseaux sociaux. Tarlan (Maryam Boubani), une enseignante retraitée qui adopta Zara après la mort de sa mère biologique, est le témoin  impuissant des violences subies par sa fille adoptive. Ses tentatives pour les dénoncer se heurtent au mur de silence dressé par une société patriarcale adossée à un régime policier.

Nader Saeivar est un compagnon de route de Jafar Panahi. Il a coproduit et coécrit avec lui le scénario de plusieurs de ses films, notamment Aucun ours et Trois visages. Le célèbre réalisateur iranien primé à Venise, à Berlin et en mai dernier à Cannes lui a renvoyé l’ascenseur en participant à l’écriture et au montage de cette Femme qui en savait trop, un titre peut-être un peu trop hitchcockien pour un film sans suspense. Le titre original, plus laconique, The Witness, aurait mieux convenu.

La Femme qui en savait trop a l’avantage et l’inconvénient de ressembler aux films iraniens qu’on a déjà vus et beaucoup aimés. Comme eux, il dénonce un régime criminel, qui bafoue les libertés individuelles et opprime les femmes. Il le fait avec un vrai talent cinématographique, à la fois dans sa mise en scène et sa direction d’acteurs. Mais rien ne le distingue de ce qui a déjà été filmé, et remarquablement filmé, par d’autres réalisateurs iraniens, tels que Jafar Pahani précisément, Mohammad Rasoulof ou Asghar Farhadi.

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Miroirs n° 3 ★☆☆☆

Étudiante en musique à Berlin, Laura (Paula Beer) échappe de peu à la mort lors de l’accident de voiture qui tue le petit ami dont elle était en train de se séparer. Betty (Barbara Auer) la prend sous sa coupe et l’héberge chez elle le temps de sa convalescence. Le mari de Betty et son fils Max, qui travaillent ensemble dans un garage clandestin, accueillent l’inconnue avec réticence.

Christian Petzold est devenu depuis quelques années le porte drapeau du cinéma allemand à l’étranger. Il y occupe la place laissée vacante par Wim Wenders depuis que le réalisateur de Paris, Texas s’est perdu dans des chemins de traverse.
Christian Petzold a eu longtemps pour égérie Nina Hoss qu’il fit tourner dans six de ses films de 2001 à 2014. Il lui a substitué Paula Beer, à l’affiche de Transit, d’Ondine, du Ciel rouge et de ce Miroirs n° 3 qui doit son titre à une pièce de Ravel qu’elle interprète sans doublure au piano. Le réalisateur aime à s’entourer d’acteurs fidèles puisqu’on retrouve à l’affiche Barbara Auer, Matthias Brandt et Enno Trebs qu’il avait déjà fait tourner.

Miroirs n° 3 a enthousiasmé Cannes où il était projeté à la Quinzaine des cinéastes, et la critique qui l’a élu sans hésitation film de la semaine sinon du mois ex aequo avec Valeur sentimentale. Si je cite le film scandinave couvert d’éloges, c’est parce que j’ai éprouvé la même déception devant ces deux films, accrue du sentiment d’être passé à côté de deux grandes oeuvres unanimement acclamées.

En effet, je reconnais volontiers à ce film-ci comme à Valeur sentimentale, ses qualités, sa direction d’acteurs, la sensibilité des thèmes évoqués, qui traversent d’ailleurs toute l’oeuvre de Petzold : la présence obsédante de la mort (qui hante la première scène où Laura déambule au bord du parapet d’un pont avant de croiser au bord de l’onde la route d’un macabre nautonier), les familles brisées, le travail de deuil, la possibilité d’une seconde chance….

Mais j’ai trouvé sa langueur vite désagréable, voire un brin poseuse. Le scénario de ce film aurait pu tenir en dix pages et en trente minutes. J’ai eu l’impression que le réalisateur/scénariste diluait la sauce pour tenir une heure trente.

Deux points du scénario m’ont posé problème. Le premier est le caractère hautement improbable de la rencontre entre Laura et Betty. Comment peut-on raisonnablement imaginer que la première, après avoir échappé de peu à la mort, s’installe chez la seconde sans qu’un ami (notamment ce couple qu’elle a laissé quelques minutes plus tôt à un embarcadère) ou un parent ne s’inquiète de son sort ?
Le second est le secret de famille que taisent Betty, son mari et son fils. Un oeil à la bande-annonce ou quelques minutes dans le film suffisent à le deviner. On n’imagine pas que les producteurs n’en aient pas eu conscience et aient accepté que le film soit tout entier construit autour de ce faux secret. Pourquoi donc le taire ? Parce que Paula serait la seule qui n’en ait pas conscience ?

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Pris au piège ★★☆☆

Ancien jeune espoir du baseball dont la carrière fut stoppée net par un accident de voiture, Hank Thompson (Austin Butler) vit désormais à New York. Il y mène une vie tranquille entre le bar qui l’emploie dans le Lower East Side son job de barman et sa petite amie (Zoe Kravitz) jusqu’au jour où son voisin de palier, un punk à chat, part pour Londres et que la mafia russe, deux tueurs loubavitchs et une flic louche se mettent à lui tourner autour à la recherche d’une clé qu’il n’a pas.

Darren Aronofsky est sans doute l’un des réalisateurs les plus talentueux de sa génération. Je me souviens l’avoir découvert avec π à la fin des années 90 et surtout de la claque reçue devant Requiem for a Dream – dont j’ai écouté la bande originale en boucle pendant des années. je me souviens de The Fountain, de The Wrestler avec Mickey Rourke et de Black Swan avec Natalie Portman. Si Mother! était carrément raté, The Whale avec l’interprétation bluffante de Brendan Fraser était inoubliable.

Dans une telle filmographie qui est tout sauf tiède, Pris au piège a des airs de film mineur, de pas de côté. Une autre façon, moins amène, de le dire est qu’il ne faut pas se fier à la réputation de son réalisateur. Pris au piège en effet ressemble à des films qu’on a déjà vus, sympathiques, rythmés, pétaradants, délicieusement amoraux, tournés par Guy Ritchie (pour les scènes d’action), par Tarantino (pour ses tueurs sympathiques) ou par Danny Boyle (pour les séquences trash sous substance).

On passe un agréable moment, sans regarder sa montre. On serait vraiment bégueule de nier le plaisir qu’on y prend à débrancher ses neurones et à reluquer Austin Butler (Elvis, The Bikeriders) et Zoe Kravitz aussi agréables à regarder torses nus l’un que l’autre. Mais, il est à craindre que sitôt vu ce film soit sitôt oublié. L’utilité d’y adjoindre deux suites comme annoncé par ses producteurs ne saute pas aux yeux.

La bande-annonce