Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles ★★☆☆

Dans les années 1930, le frère Marie-Victorin, éminent professeur de botanique, fondateur du Jardin botanique de Montréal, a entretenu avec son étudiante Marcelle Gavreau une relation passionnée qui est pourtant restée platonique.

Ce film nous vient du Québec. Il en a l’accent si charmant. Il aurait pu se borner à raconter une histoire. Celle d’une relation hors normes entre un frère lasallien et son élève, révélée dans les années quatre-vingt-dix par la publication de leur riche correspondance. Mais il y rajoute une intéressante mise en abyme malheureusement mal exploitée.

L’affaire aurait pu être tristement banale, comme on en entend si souvent hélas depuis quelques années et les travaux nécessaires de la Ciase en France ou d’autres commissions en Irlande, au Chili, ou ailleurs : l’histoire d’une emprise sexuelle d’un homme de foi sur une croyante trop crédule. De telles situations ont d’ailleurs nourri bien des films : The Magdalene Sisters, El Club, Philomena, Grâce à Dieu, Tu ne mentiras point

Mais si emprise il y a entre l’homme d’Eglise et son élève de vingt-deux ans sa cadette, elle n’est pas sexuelle. Leur relation serait semble-t-il restée platonique. Le paradoxe de ce film est de raconter cette relation si chaste avec un érotisme débordant. Car à défaut de pratiquer le sexe, les deux épistolaires s’en sont parlés, en des termes très directs, comme si la description frontale de la sexualité constituât un moyen pour eux de la refouler.

Le film aurait pu se contenter de raconter une histoire. Mais il rajoute une couche de complexité. Il filme ses acteurs en train de tourner dans le film qui raconte cette histoire. Il prête au couple vedette une relation adultère qui fait écho à la chasteté de leurs deux personnages.
Cette mise en abyme était une sacrée bonne idée. Dommage qu’elle n’ait pas été mieux exploitée.

La bande-annonce

Ciudad sin sueño ★☆☆☆

Toni est un adolescent à peine sorti de l’enfance qui vit à la Cañada Real, un immense bidonville dans la banlieue de Madrid. Il est profondément attaché à son grand-père et ne se sépare jamais de son chien Atomica, un lévrier espagnol. Mais le quartier où il habite avec ses parents est sous la menace des promoteurs qui veulent le raser. Pour Toni et sa famille, le déménagement semble inéluctable.

Ciudad sin sueño (littéralement la ville sans rêve ou sans sommeil) est le premier long-métrage de fiction de Guillermo Galoe, un réalisateur venu du documentaire. Il a été sélectionné à la Semaine de la critique à Cannes en mai dernier. Sa principale qualité est de nous plonger au cœur de ce bidonville, peuplé de gitans, d’immigrés maghrébins, structuré par une économie de la débrouille, du travail au noir et du trafic de drogue.

Pour donner vie à ce tableau et parce que Ciudad sin sueño se présente comme un film de fiction, il a bien fallu lui inventer une histoire. Et c’est là que le bât blesse. Parce que le scénario du film est trop prévisible et pas assez prenant. Comme on le pressentait [attention spoiler], Toni va perdre son chien, se séparer de son grand-père et aller vivre avec ses parents dans un immeuble anomique où on leur a fait miroiter tout le confort de la vie moderne.

La banalité du scénario de Ciudad sin sueño affadit l’intérêt suscité par la découverte du lieu extraordinaire où elle se déroule.

La bande-annonce

Libre Échange ★☆☆☆

Carey (Kyle Marvin), gentil quadragénaire, est marié depuis à peine plus d’un an avec Ashley (Adria Arjona) quand elle lui annonce son intention de le quitter. Écrasé de chagrin, Carey court se réfugier chez son meilleur ami Paul (Michael Angelo Corvino) qui lui raconte le secret de son mariage avec la ravissante Julie (Dakota Johnson) : l’union libre. La nuit qui suit, le pacte qui relie Paul et Julie est mis à mal par Paul qui couche avec la femme de son meilleur ami.

Il y a cinq ans déjà sortait entre deux confinements The Climb réalisé par Michael Angelo Covino, co-écrit avec son meilleur ami Kyle Marvin, et co-interprété par ce duo. J’avais été attiré par sa bande-annonce, impressionné par la maîtrise de ses plans-séquences et l’humour de ses situations, mais passablement déçu par la répétition de ses sept chapitres censés raconter les hauts et les bas d’une amitié virile. Je lui avais mis une étoile et demie, et avais arrondi ma note à l’entier supérieur dans un instant d’indulgence.

Cinq ans plus tard, le duo récidive. Mais le duo est devenu quatuor comme l’affiche l’annonce. Les deux mâles amis sont désormais en couple. Et leur amitié est mise à mal (!) par leurs partenaires respectives, jusqu’à provoquer une bagarre d’anthologie, aussi drôle que rebondissante pendant laquelle les deux hommes mettent à sac une splendide villa de bord de mer (bord de lac ?).

Sa première scène est bluffante. En un seul plan-séquence, on y voit un accident de voiture, un massage cardiaque … et un pénis full frontal. Si le reste du film était au diapason ce serait un chef d’oeuvre. D’ailleurs, la fameuse bagarre entre Carey et Paul se hisse au même niveau. Mais Libre Échange hélas s’enlise vite dans un propos convenu. Sous des apparences transgressives (le défilé des amants d’Ashley est certes hilarant), il raconte une histoire bien banale à laquelle Lubitsch, Hawks et Capra ont donné ses lettres de noblesse : la comédie du remariage.

La bande-annonce

Downton Abbey III : le grand final ★★☆☆

Nous sommes en 1930, dans une Angleterre en pleine évolution, fragilisée par les répliques du krach de Wall Street. Il est temps pour Lord Crawley (Hugh Bonneville), dont la mère, Lady Violet (Maggie SMith), vient de mourir, de céder la direction du fief familial à sa fille, Lady Mary (Michelle Dockery).

Après sept saisons et cinquante-deux épisodes, après deux films, sortis en 2019 et en 2022 auxquels j’avais consacré de longues critiques très subjectives, les producteurs de Downton Abbey ont décidé de fermer le ban. Aucune tromperie sur la marchandise : Downton Abbey III sera bien, comme son titre l’annonce dans un mauvais franglais teinté d’italien un « grand final ».

Quelques fils narratifs lui permettront de durer deux heures : la disgrâce dans laquelle Lady Mary menace de tomber après la révélation de son divorce, les mésaventures financières d’Harold (Paul Giamatti), l’oncle d’Amérique, l’organisation au château d’une soirée en l’honneur du dramaturge à succès, Noël Coward, celle au village de la foire annuelle, deux événements qui seront l’occasion de remettre en cause les hiérarchies coutumières. Mais l’essentiel n’est pas là. Il s’agit de faire un dernier tour de piste, de saluer tour à tour chacun des personnages, y compris les absents (Lady Violet, Sybil la sœur cadette, morte en couches, Matthew, le premier époux de Lady Mary…)

Le procédé sent un peu la naphtaline, comme si on reposait des figurines dans leur écrin. Mais ce serait un reproche bien amer à faire à ce long épilogue qui suscitera chez tous les amoureux de la série une immense nostalgie. Ils se replongeront plus de dix ans en arrière, au début des années 2010, quand ils binge-watchaient (sic) ses épisodes les uns après les autres, pendant de longs week-ends pluvieux.

La salle où j’ai vu le film hier soir était bondée. Le public était majoritairement féminin et avait mon âge – une autre façon de dire qu’il était très âgé. C’est le signe de la popularité de la série, de l’engouement et de la fidélité de ses spectateurs et plus encore de ses spectatrices qui en sont sortis la larme à l’oeil.

La bande-annonce

Renoir ★☆☆☆

La petite Fuki a onze ans à peine. Elle est particulièrement précoce. La vie n’est pas simple pour elle dans cette petite ville japonaise de province en 1987 : son père se meurt lentement d’un cancer incurable et sa mère ne lui montre aucune tendresse.

Réalisatrice de l’intrigant Plan 75, la réalisatrice Chie Hayakawa, née en 1976, tourne un film dont on imagine la part d’autobiographie qu’il contient. Il met en scène une fillette confrontée à la perspective de la mort de son père. Il rappelle les trois gamins de Jardin d’été, leurs interrogations morbides sur la mort de la grand-mère de l’un d’entre eux et la candeur de leurs réponses glanées auprès d’un vieil homme solitaire dont ils débroussaillent le jardinet. Il rappelle aussi l’énergie débordante de l’héroïne de Déménagement, un autre film japonais qui mettait en scène une fillette perturbée par la séparation de ses parents.

Il est significatif que Jardin d’été et Déménagement aient été réalisés au début des années quatre-vingt -dix. C’est d’ailleurs à la même époque que se situe l’action de Renoir. Mais Renoir, lui, a été tourné de nos jours. Comparer ces trois films, qui traitent du même sujet, c’est réfléchir à l’évolution du cinéma japonais sur trente ans.
Il y a d’abord des différences techniques : la qualité du son, de l’image…
Il y a ensuite une façon bien différente de monter un film. Jadis un film était la succession platement chronologique de plusieurs scènes, d’une durée à peine inférieure à celle d’une scène d’une pièce de théâtre, avec ses champs et ses contre-champs. Aujourd’hui, le montage est beaucoup plus serré [Je serais curieux de connaître le nombre moyen de plans dans un film contemporain comparé à celui d’un film des années quatre-vingt-dix] et autorise des allers-retours temporels. Le flashback est bien sûr une invention ancienne, Citizen Kane ou Eve constituent des exemples célèbres ; mais désormais il n’est guère de films qui n’en contiennent quelques-uns.

Reste le fond. Et, sur le fond, la vérité oblige à dire que rien n’a vraiment changé. Jardin d’été, Déménagement et Renoir traitent du même sujet quasiment de la même façon. Je ne sais pas si c’est un point à charge pour le plus récent des trois. Le cinéma connaît-il le « progrès » ? les films d’aujourd’hui devraient-ils être « meilleurs » – à supposer qu’on s’accorde sur la définition de ce terme – que ceux d’hier ?

La bande-annonce

Connemara ★★★☆

Hélène (Mélanie Thierry) est au mitan de sa vie. Son couple bat de l’aile ; son travail dans une société de conseil parisienne la lessive. Avant de s’effondrer, elle décide de retourner vivre à Épinal, où elle a grandi. Elle y retrouve Christophe Marchal (Bastien Bouillon), un ancien ami de lycée, ex-star de l’équipe de hockey locale.

Après Leurs enfants après eux, prix Goncourt 2018, Nicolas Mathieu, soudainement promu au rang d’écrivain à succès, écrit quatre ans plus tard Connemara. Les réactions sont tièdes voire hostiles.
Leurs enfants après eux a été adapté à l’écran l’an passé. L’accueil n’a pas été très bon. Je lui ai reproché son écriture trop lâche qui voulait à tout prix faire rentrer un livre touffu dans un film, fût-il de deux heures vingt.

J’ai préféré, comme beaucoup, le Goncourt au roman suivant de Nicolas Mathieu. Mais s’agissant de leurs adaptations cinématographiques, mon classement est inverse. J’ai préféré Connemara à Leurs enfants après eux. À cela deux raisons.

La première tient à la qualité de la mise en scène. Homme orchestre, Alex Lutz est aussi bon devant la caméra (son interprétation sauve du naufrage le très mauvais Fils de) que derrière. Pour mélanger les temporalités d’Hélène, son présent quadragénaire et son passé adolescent vingt ans plus tôt, pour rendre compte aussi du chaos qu’est devenue sa vie, Connemara adopte un montage très rapide, multiplie les flash-back, désaccorde le son et l’image, l’image d’un plan mordant sur le son du plan suivant. Ainsi formulé, le procédé peut sembler bien indigeste ; mais le résultat très fluide, quoiqu’à la longue un peu répétitif, est efficace.

La seconde est l’interprétation. J’ai déjà avoué, subjectivement, l’horripilation que suscite en moi le jeune Paul Kircher, tête d’affiche de Leurs enfants après eux. Je crois avoir aussi dit mon engouement à la fois pour Mélanie Thierry et pour Bastien Boillon. Ils sont tous les deux parfaits dans le rôle. L’ironie de la programmation est que Bastien Boillon vient de jouer quasiment le même rôle dans  Partir un jour qui a fait l’ouverture du festival de Cannes. Ce qui est plus ironique encore est qu’il y partageait l’affiche avec Juliette Armanet qui déclencha une petite polémique en août 2024 en critiquant en des termes peu amènes la chanson de Michel Sardou Les Lacs du Connemara.

Cette chanson joue un rôle bien particulier dans le livre au point d’en avoir inspiré le titre. On l’entend à la fois dans les fins de soirée à HEC et dans les mariages de la « France périphérique » comme celui (attention spoiler) qui clôt le film. Elle constitue donc à la fois un patrimoine commun et un marqueur social.

Connemara était un livre de quatre cents pages qui creusait la question sociale : la fracture entre la France d’en haut, celle des sociétés de conseil parisiennes, et celle d’en bas, celle des hockeyeurs vosgiens amateurs et des banquets de mariage trop arrosés. Le film qu’Alex Lutz en a tiré est moins politique. Il se focalise sur Hélène et sur sa midlife crisis, son ras-le-bol d’une vie parisienne dont elle ne supporte plus le rythme frénétique, son aspiration à une vie plus simple, son retour nostalgique dans la ville de son enfance, son attirance pour celui qui, vingt ans plus tôt, faisait battre le cœur de toutes les lycéennes et qu’elle, la forte en thème recluse dans ses bouquins, n’avait pas eu le courage d’aborder… Il prend le parti du romantisme, filmant dans des clairs-obscurs david-hamiltoniens les corps dénudés des amants qui s’accorchent l’un à l’autre pour s’empêcher de tomber.

La bande-annonce

Sirāt ★★★☆

Une rave se déroule au milieu du désert marocain. Un homme (Sergi Lopez) se faufile au milieu des participants, à la recherche de sa fille, disparue quelques semaines plus tôt. Son fils l’accompagne. Lorsque la rave est interrompue par la police, Esteban et son fils suivent une bande de ravers et leurs deux camping-cars qui traversent le désert pour rejoindre le lieu de leur prochaine teuf.

Sirāt nous vient de Cannes avec une réputation écrasante. Il y a remporté le Prix du jury et y a raté d’un cheveu, dit-on, la Palme d’or décernée au film iranien de Jafar Panahi, actualité politique oblige.

Son sujet est diablement original. Sirāt commence comme un documentaire musical sur une rave party filmée au milieu du désert. Un petit film français passé inaperçu s’y était essayé l’an dernier, After d’Anthony Lapia. Gaspar Noé l’avait fait également dans Climax. Oliver Laxe, qui connaît bien son sujet, y réussit très bien filmant les corps en transe des raveurs (le raveur rêve-t-il ?!) qui s’abandonnent au rythme pulsatile de la musique techno.

Mais le documentaire musical façon Woodstock prend au bout d’une demi-heure une autre direction en se focalisant sur Esteban, son fils et la bande de teufeurs qui traversent le désert en caravane vers le sud. Les paysages sont majestueux et rappellent ceux de Cent mille dollars au soleil. Les allusions cinématographiques sont d’ailleurs (trop ?) nombreuses, la troupe bohème à laquelle Esteban s’est agrégé évoquant, elle, les monstres de Freaks.

Le film menace de s’enliser dans les sables du désert et dans la pesante métaphore métaphysique que son titre ésotérique appelle (le Sirāt est dans l’Islam un pont sur l’enfer qui mène au paradis). Mais il est sauvé par deux scènes scotchantes. La première est aussi inattendue que brutale. Rien dans le scénario ne la laissait escompter. Elle leste le film d’une gravité qu’il ne parvenait pas à atteindre jusque là. La seconde est au contraire beaucoup plus longue. Elle place les personnages, et les spectateurs avec eux, au cœur d’un suspens irrespirable. Elle a vocation à devenir anthologique. À elle seule elle donne au film une valeur qu’il n’aurait pas eue sinon.

La bande-annonce

La Voie du serpent ★☆☆☆

Albert (Damien Bonnard) a été totalement dévasté par le kidnapping et la mort atroce de sa fille, huit ans. Il a décidé de se venger lui-même de ses meurtriers. Une psychiatre japonaise installée en France lui sert de complice. Ensemble, ils kidnappent l’ancien comptable d’une fondation mêlée à un trafic d’organes.

Voici le troisième film de Kiyoshi Kurosawa sorti cette année, après Chime fin mai et Cloud début juin. Ils n’ont aucun lien les uns avec les autres même si on reconnaît quelques traits communs : des histoires aux confins de la science-fiction, du thriller et du slasher, des scénarios à l’équerre, filmés à l’os, sans fioritures, des ambiances glauques…

On peut aimer… ou pas. J’appartiens plutôt à la seconde catégorie. Je reconnais volontiers au cinéma de Kiyoshi Kurosawa ses qualités, sa bizarrerie ; mais je le trouve plus dérangeant qu’autre chose. En soi, être dérangeant n’est pas un défaut pour un film. C’est même souvent une qualité. Le cinéma n’a pas pour fonction de nous conforter dans nos certitudes mais de nous dé-ranger, de nous ranger ailleurs, hors de notre cercle de confort.

La Voie du serpent est un film sur la vengeance. Il met en scène deux « victimes » qui, au nom de la justice, vont administrer aux auteurs présumés des sévices infligés à leurs enfants des souffrances plus cruelles encore. Cette loi du talion, qui n’a plus cours depuis l’Ancien Testament sinon dans quelques théocraties rétrogrades, est barbare. La voir à l’écran met mal à l’aise. Le film est d’ailleurs, à bon droit, interdit aux moins de douze ans. Une interdiction aux moins de seize ans, eu égard à la cruauté de certaines situations et de l’atteinte à la dignité humaine, n’aurait pas été selon moi disproportionnée.

Le problème de ce film-là – et au-delà des autres réalisations de Kiyoshi Kurosawa – est que cette immoralité n’est mise au service de rien, sinon d’un sombre nihilisme. Elle se conclut inévitablement dans un hangar désaffecté par une ultime course poursuite. C’est le défaut de sortir trois films par an : s’ils ne se renouvellent pas un tant soit peu, ils donnent vite l’impression de se répéter.

La bande-annonce

Fils de ★☆☆☆

Anne Chalamond (Karin Viard), l’influente conseillère stratégique du Président de la République (Karin Viard) a décidé de propulser à Matignon le sénateur Lionel Perrin (Lionel Cluzel), suite à la disqualification de la favorite pour le poste. Mais plusieurs éléments contrecarrent ce plan : l’hostilité de Patrick Schuffenecker (Alex Lutz), le futur ministre de l’intérieur, et les réticences de Lionel Perrin lui-même. Aussi Chalamond missionne-t-elle le fils de Perrin, Nino (Jean Chevalier), attaché parlementaire, en couple avec une jeune et ambitieuse journaliste de France Inter pour convaincre son père d’accepter cette nomination.

Premier long-métrage d’un jeune réalisateur biberonné à la politique, Fils de se revendique d’un genre, le film politique et d’un sous-genre, la comédie politique. On entend souvent dire que ce genre est typiquement américain et qu’il ne s’est guère exporté en France. L’affirmation est largement erronée : depuis toujours, on a vu de ce côté de l’Atlantique des films qui décrivent les coulisses du pouvoir que ce soit Le Président avec Jean Gabin ou Le Bon Plaisir qui, en pleine ère mitterrandienne, imaginait l’existence d’une fille adultérine à l’Elysée. Plus récemment, on peut citer L’Exercice de l’Etat – qu’il est de bon ton de vanter mais que j’ai toujours trouvé surcoté – La Conquête sur l’élection de Sarkozy, Bernadette, Quai d’Orsay, Président ou Second Tour que j’ai franchement détesté… sans oublier de prestigieuses séries (Baron Noir, L’État de GraceLes Hommes de l’ombre…).

Fils de m’a fait penser à un film injustement oublié qui se revendiquait aussi de ce genre : Le Poulain avec Finnegan Oldfield et Alexandra Lamy. Mais hélas, il n’en a ni l’acuité ni la saveur.

Fils de voudrait être drôle, mais ne l’ai guère sinon dans les deux répliques que la bande annonce diffusée ad nauseam tout le mois dernier, a déjà éventées. Il prétend nous dévoiler les dessous de la politique mais se réduit à une mascarade dans laquelle tous les politiciens ont un compte en Suisse ou à Singapour et une seule obsession : salir leurs adversaires pour obtenir une nomination.

Il nous entraîne l’espace d’une journée dans une folle course poursuite entre Paris et Bruxelles dépourvue de toute crédibilité. Si le parti retenu avait été celui de la satire, alors on aurait pu accepter ces débordements. Mais, en revendiquant celui du film politique, il se trompe de cible voire crée le malaise.

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Chroniques d’Haïfa – Histoires palestiniennes ★★☆☆

Une famille arabe aisée d’Haïfa a bien des soucis. La société d’assurances que dirige le père est au bord de la faillite. La mère est plongée dans les préparatifs du mariage de sa fille aînée et aimerait que ses deux autres enfants prennent exemple sur elle. Mais ni l’un ni l’autre n’en prennent le chemin. Son fils, Rami, entretient une liaison avec une hôtesse de l’air juive qui lui annonce qu’elle est enceinte. La benjamine, Fifi, étudie à Jérusalem mais donne du fil à retordre à sa mère.

Scandar Copti avait co-réalisé en 2009 un portrait en creux de la ville de Jaffa, au sud de Tel-Aviv. Seize ans après ce film unique, il récidive cette fois ci dans le nord du pays, à Haïfa, la troisième ville d’Israël, réputée pour son multi-confessionnalisme : la ville abrite une importante population arabe et est la capitale spirituelle du baha’isme.

Scandar Copti n’épargne rien ni personne. Il a la dent dure avec les fondamentalistes juifs qui se battent contre les unions mixtes. Il l’a tout autant avec le patriarcat qui prévaut au sein des familles palestiniennes et qui dicte aux jeunes filles le choix de leur époux ou, pire, leur interdit toute relation sexuelle avant le mariage. Le portrait qu’il dresse de la famille de Fifi n’est pas tendre sinon pour la benjamine, campée par une jeune actrice solaire, Manar Shehab.

Prix Orizzonti du meilleur scénario à la Mostra 2024, Chroniques d’Haïfa vaut surtout par sa construction. Il est organisé en quatre chapitres, chacun offrant des mêmes faits une version légèrement décalée dans le temps et différente, façon Rashomon. Cet entrelacs particulièrement subtil stimule l’intelligence du spectateur et lui interdit de relâcher son attention. Chaque détail compte qui, mystérieux ici, s’éclairera plus tard à travers la narration d’un autre protagoniste. Ainsi de l’accident de voiture dont est victime Fifi dans la première scène du film.

On aurait aimé dire que Chroniques d’Haïfa esquisse la possibilité d’un vivre-ensemble en Israël comme le font les films d’Amos Gitaï, un natif de cette ville. Hélas, Scandar Copti ne cède pas à l’irénisme.

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