Une affaire de principe ★☆☆☆

En 2012, le commissaire européen à la santé, le Maltais John Dalli (Bernard Campan), démissionne de son poste suite à la publication d’un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) l’accusant de trafic d’influence. Suspectant un coup fourré de l’industrie du tabac, l’eurodéputé José Bové (Bouli Lanners), aidé de son assistant parlementaire (Thomas Vdb) et d’une jeune stagiaire débrouillarde (Céleste Brunnquell) va mener l’enquête et révéler que Dalli, qui s’apprêtait à faire voter une directive imposant le paquet de tabac neutre, a été victime d’un piège.

Une affaire de principe est l’adaptation du livre publié en 2015 par José Bové au titre révélateur Hold-up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe. Pour autant, comme l’annonce le carton placé au début du film, si le film s’inspire de faits réels, les situations et les dialogues y ont été fictionnalisés.

Et c’est bien là que le bât blesse. Tout au long du film, aussi réussi soit-il, une voix lancinante me murmurait à l’oreille : le propos n’aurait-il pas été plus efficace s’il avait été tourné sous la forme d’un documentaire ? quelle est la valeur ajoutée d’une fiction ?

Car Une affaire de principe a le défaut rédhibitoire de la fiction, formatée pour la télévision (et coproduit par France 3) : il lui faut des personnages charismatiques, quitte à les inventer de toutes pièces, comme cette improbable stagiaire qui, avec son ordinateur et une photocopieuse, va de révélation en révélation, une intrigue rebondissante, avec des scènes rocambolesques, comme celle pendant laquelle José Bové prend connaissance d’un accord secret entre la Commission et l’industrie du tabac, et un scénario suffisamment lisible pour ne pas perdre en chemin les spectateurs ignorants des arcanes bruxellois, au risque, pour ceux qui les connaissent un peu, de quelques raccourcis simplistes.

L’autre reproche que j’adresserais à Une affaire de principe – et que j’adresserai également à ces « thrillers de bureau » ou techno-thrillers qu’on voit fleurir depuis quelque temps (L’Ivresse du pouvoir, La Fille de Brest, La Syndicaliste, Enquête sur un scandale d’Etat, Les Algues vertes…) – est de nourrir le soupçon complotiste du « tous pourris », de l’existence d’une foultitude d' »affaires d’Etat » fomentées par des dirigeants corrompus, encouragées par une technocratie aux ordres et ignorées par une justice dépassée. À quelques jours d’un scrutin qui flatte les populismes de tous bords, l’Europe et ses institutions méritent mieux.

La bande-annonce

Agra ★☆☆☆

Guru a vingt-cinq ans. Tanguy malgré lui, il est coincé dans la maison familiale, entre son père, sa mère et sa tante – dont son père a fait sa seconde épouse au grand dam de la première. Il aimerait pouvoir gagner un peu d’indépendance en s’installant sur la terrasse ; mais une cousine l’a déjà préemptée qui souhaite en faire son cabinet dentaire. La seule solution pour Guru : se marier. Mais avec qui ?

Agra se déroule dans cette ville indienne surpeuplée située à deux heures de train de New Delhi, célèbre dans le monde entier pour le Taj Mahal. Hélas ou tant mieux, on n’en verra rien, dans ce film qui tourne le dos à la carte postale et qui reste tout entier concentré sur son sujet : la cohabitation forcée en Inde et les dégâts qu’elle cause.

Si le cinéma indien, loin des romances sucrées de Bollywood, est parfois zébré d’éclairs de violence, il reste toujours très chaste. Tel n’est pas le cas d’Agra qui n’a pas volé son interdiction aux moins de douze ans et l’avertissement qui l’accompagne. Les scènes de sexe, très crues, s’y succèdent, qui mettent en scène notre héros, érotomane pathologique, avec ses partenaires réelles ou fantasmées.

La maison où se pressent Guru et sa famille est une métaphore de l’Inde surpeuplée dont la cohabitation des habitants n’est pas toujours pacifique. Le jeune homme est représentatif des personnes de sa génération, tiraillées entre l’obéissance due aux aînés et le désir d’émancipation, le tout sur fond de frustration sexuelle qui s’épanche tant bien que mal grâce aux sites de rencontres et risquent parfois de dégénérer en violences sexuelles.

Le film est bizarrement construit, loin des standards auxquels le spectateur occidental est accoutumé. Il démarre très fort par une scène cauchemardesque qu’on n’est pas prêt d’oublier. Son scénario soulève des questions stimulantes : la maîtresse du père conspire-t-elle avec lui à l’éviction de la famille ? la femme que rencontre Guru accepte-t-elle uniquement de l’épouser par intérêt ? Et puis, bizarrement, il laisse ces questions en jachère, Agra se terminant en épingles à cheveux.

Agra vaut certes le détour par la vision originale qu’il donne de l’Inde, loin des images de carte postale ; mais son scénario est décevant qui nous plante au beau milieu sans répondre aux questions qu’il soulève.

La bande-annonce

Enys Men ★★☆☆

Une botaniste s’est installée seule dans une île déserte pour y observer des plantes rares. Nous sommes au large de la Cornouaille, en avril 1973. Rien ne vient troubler la morne répétition des jours. Mais ce train-train quotidien se dérègle mystérieusement.

Enys Men, une expression cornique (!) signifiant l’île de pierre, est un film étonnant. Tourné en 2022, son action est censée se dérouler une cinquantaine d’années plus tôt. Il emprunte la forme et les codes des films des années 70 : le grain de l’image a été désaturé et sa pigmentation volontairement altérée pour donner au spectateur l’illusion de redécouvrir en ciné-club un vieux film dégradé.

Enys Men utilise les codes du folk horror, un sous-genre du film d’épouvante dont l’action se déroule dans des communautés reculées aux mœurs mystérieuses. Les titres les plus emblématiques de ce genre sont The Wicker Man et, plus récemment, Midsommar, mon film préféré de 2019.

Enys Men n’est pas à proprement parler un film d’horreur. Il ne contient aucune scène horrifique. Mais y règne tout du long un climat inquiétant. Son héroïne et le spectateur avec elle pressentent quelque chose. Mais quoi ? Des figures fantomatiques surgissent : une jeune fille suicidaire, des sorcières en plein sabbat autour d’une mystérieuse formation géologique (ou bien s’agit-il d’une pierre dressée préhistorique ?), des mineurs couverts de suie revenus du passé… Le temps se dérègle. Les plantes connaissent de déconcertantes mutations que semble vivre en même temps le corps de l’héroïne, qui se couvre d’un douteux lichen.

Enys Men est une expérience déconcertante. Car si on pressent quelque chose, rien ne s’y passe sinon dans notre inconscient. Il faut accepter de lâcher prise et se laisser prendre à ce jeu hypnotisant. SInon on court le risque de trouver le temps long. Très long.

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Smoke Sauna Sisterhood ★☆☆☆

Une petite cabane isolée au cœur de la forêt, au bord d’un lac minuscule. C’est un sauna à fumée au fin fond de l’Estonie. Les femmes s’y retrouvent, hiver comme été, à l’abri du regard des hommes. Elles s’y lavent, s’y soignent, s’y détendent. Elles y parlent aussi.

Anna Hints pénètre dans un sauna. C’est une ancienne tradition fennique, qui tient tout à la fois de coutume de sociabilité et de rituel chamanique de purification. Elle a su conquérir la confiance de ses habituées et recueillir leur parole.

Smoke Sauna Sisterhood est un documentaire d’une infinie retenue. Les corps y sont nus, luisants de sueur. Mais le regard que la réalisatrice porte sur eux, toujours bienveillant, ménage leur pudeur et cache leur visage si elles n’ont pas accepté de le montrer.

La même retenue préside au recueil de la parole. Des confidences sont échangées. Les femmes y parlent d’elles, de leur corps, de leur enfance, de la maternité, de la maladie, de la mort qui vient. Dans un long monologue poignant, une femme raconte le double viol qu’elle a subi dans sa jeunesse.

Smoke Sauna Sisterhood est aux antipodes de la publicité pour l’inscription du sauna à fumée au patrimoine de l’Unesco que son sujet aurait pu laisser craindre. C’est plutôt, comme son titre d’ailleurs l’annonce, un documentaire sur la sororité – où l’on ne verra pas l’ombre d’un mâle.

Primé au festival de Sundance, Smoke Sauna Sisterhood a néanmoins le défaut de ses qualités. Il est tout entier contenu dans son dispositif : la caméra ne quitte jamais les quatre murs du sauna, sinon pour plonger dans le petit lac mitoyen, et enchaîne à la file des monologues vite monotones. Il devient vite soporifique, même s’il a l’élégance de ne pas dépasser les quatre-vingt-dix minutes.

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Le Tableau volé ★★☆☆

André Masson (Alex Lutz) est un brillant commissaire-priseur employé par une des plus prestigieuses sociétés de vente aux enchères, Scottie’s – allusion transparente à Christie’s. Une avocate de province (Nora Hamzawi) le contacte. Le nouveau propriétaire d’un modeste pavillon de la banlieue de Mulhouse y a découvert une toile. S’agit-il d’un faux ou de Tournesols fanés de Schiele peint en 1914 et spolié en 1939 ? André Masson et son ex-femme (Léa Drucker) font le déplacement en Alsace pour en avoir le cœur net.

Venu sur le tard à la réalisation, Pascal Bonitzer approche bon pied bon oeil les quatre-vingts printemps mais continue à tourner des films dont Floc’h signe les affiches élégantes et épurées (Petites Coupures, Le Grand Alibi, Cherchez Hortense, Tout de suite maintenant). Cette affiche en évoque d’autres, également dessinées par Floc’h, et d’autres univers cinématographiques proches de celui de Bonitzer : Alain Resnais, Woody Allen, Bruno Podalydès… Ces réalisateurs ont en partage une même élégance, une même ironie douce. L’action de leurs films se déroule souvent dans des intérieurs cossus. La grande bourgeoisie y est tout à la fois exaltée et mise en boîte.

C’est le cas de ce Tableau volé qui est tiré d’un fait réel. Tournesols fanés, inspiré à Schiele par la célèbre toile de Van Gogh, a été peint au début de la Première Guerre mondiale. Un marchand d’art, autrichien et juif, en a été dépossédé sur le chemin de l’exil, à Strasbourg en 1939 avant de réussir à gagner les Etats-Unis. La toile est réapparue soixante ans plus tard et a été adjugée par Christies pour 17.2 millions d’euros en 2006.

Le Tableau volé est un film étonnant : il se tient globalement mais chacun de ses éléments, pris isolément, boite. Ainsi du personnage d’Aurore, la stagiaire d’André Masson, interprété par Louise Chevillotte (À mon seul désir, Le Sel des larmes, Synonymes…) au sombre passé familial : la relation avec son patron n’est pas crédible. L’est un peu plus le couple (dés)uni que forment Alex Lutz et Léa Drucker : on se laisse aller à espérer que deux personnes, qui ont partagé leur vie mais ont décidé de se quitter, puissent ainsi garder,  dix ans après leur séparation, une complicité aussi indestructible.

Le Tableau volé est construit autour d’un suspense qui est désamorcé sitôt son exposition : le propriétaire du tableau acceptera-t-il de le restituer aux héritiers du marchand d’art spolié en 1939 ? C’est bien dommage. Car la tension qui devait faire tenir le film debout s’affaisse. Un émollient badinage s’ensuit. Rien de désagréable ni d’ennuyeux. On ne regarde pas une seule fois sa montre. On sort de la salle en se disant qu’on a passé un bon moment…. et qu’on a aussi perdu un peu son temps.

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Sans cœur ★☆☆☆

C’est l’été dans le Nordeste brésilien à la fin des années 90. Tamara, qui bientôt partira à Brasilia suivre des études d’architecture, et son frère aîné Vitinho traînent avec une bande d’adolescents de leur âge au bord de la plage. Une autre adolescente gravite en marge du groupe, d’un milieu modeste, qui circule à vélo et vend le poisson pêché par son père. Une cicatrice lui barre le thorax. La rumeur l’a surnommée « sans cœur ».

Sans cœur est un film estival dont les distributeurs français ont eu la bonne idée de repousser la sortie, initialement prévue en octobre, au début du printemps, avec les premiers beaux jours. C’est un film ensoleillé, lumineux, sensuel, tourné au bord d’une plage immense, sous l’ombre rare des palmiers, à deux pas d’un complexe hôtelier abandonné dont les adolescents ont fait leur territoire.

Sans cœur est un coming-of-age movie, un film sur la sortie de l’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte. Son héroïne, la jeune et timide Tamara, à laquelle on donne quelques années de moins que son âge, y découvre son attirance pour les filles au contact de la mystérieuse « sans cœur ».

Cette histoire-là n’a rien de bien novateur. Et la façon dont elle est filmée et racontée non plus.

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Marin des montagnes ★★☆☆

Le réalisateur Karim Aïnouz (Madame Sata, La Vie invisible d’Eurídice Gusmão, Le Jeu de la reine) est né d’une mère brésilienne et d’un père algérien qui se sont rencontrés aux Etats-Unis au mitan des années 60. Ils y étaient venus l’un et l’autre poursuivre leurs études supérieures. Après sa conception, sa mère enceinte est revenue au Brésil à Fortaleza, où le jeune Karim a grandi tandis que son père est retourné en Algérie pour participer à la construction de son pays nouvellement indépendant. Karim a entretenu avec ce père absent des relations épisodiques. En 2019, après la mort de sa mère, il entreprend son premier voyage en Kabylie sur ses traces.

Marin des montagnes est l’autobiographie d’un retour au pays natal. Ou plutôt – car il est impropre de parler d’un retour dans un pays où on n’est jamais allé – une enquête menée par le réalisateur au pays de son père.

Ce qui frappe d’abord, ce sont les images de l’Algérie et de la Kabylie, volées par une caméra cachée, alors que le pays est sur le point d’exploser avec l’Hirak. L’Algérie est étouffée par son histoire post-coloniale, par un gouvernement incapable d’offrir à sa jeunesse un emploi et un espoir, par les frustrations que suscite un Occident opulent qui le nargue de l’autre côté de la Méditerranée.

Mais Marin des montagnes ne se réduit pas à un album touristique. C’est surtout le journal intime d’un homme à la recherche de ses racines. Les vues d’Algérie sont montées alternativement avec des photos d’archives de ses parents, jeunes et beaux, comme on l’était dans les années 60. Karim Aïnouz reste très pudique sur leur couple : sa conception était-elle désirée ? pourquoi le couple s’est-il séparé ? son père a-t-il réclamé à sa mère sa garde ? On n’en saura rien.

Marin des montagnes devient vertigineux quand Karim Aïnouz, au terme d’une longue route, atteint le village de son père et de ses aïeux. Il y rencontre ses cousins. Il y imagine un instant la vie qui aurait été la sienne s’il avait grandi ici. Aurait-il vécu les mêmes expériences ? aurait-il eu les mêmes opportunités ? serait-il devenu celui qu’il est aujourd’hui ? se serait-il dans ce cas alors rendu à Fortaleza pour y imaginer la vie qu’il aurait vécue s’il y avait été élevé par sa mère ?

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Il pleut dans la maison ★☆☆☆

Makenzy, quinze ans, et Purdey, de deux ans son aînée, sont frère et sœur. Laissés à eux-mêmes par une mère alcoolique, dans une maison qui tombe lentement en ruines, ils n’ont d’autre alternative que de s’assumer. Makenzy s’est acoquiné avec un autre adolescent de son âge, Donovan, et commet avec lui de menus larcins. Purdey a trouvé un job d’été dans une résidence hôtelière et rêve d’indépendance à l’approche de sa majorité.

Il pleut dans la maison m’a évoqué Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018. J’y ai retrouvé la même ambiance estivale, les mêmes bords de lac balnéaires (dans les Vosges pour Nicolas Mathieu, dans le Hainaut pour ce premier film d’une jeune réalisatrice belge) et surtout la description d’une même jeunesse blanche désœuvrée de la France périphérique, loin de celle des banlieues si souvent et si caricaturalement filmées.

J’aime les films estivaux. Ils ont un parfum immédiatement reconnaissable. Ils sentent l’ambre solaire, la sueur, le sel ou le chlore : La Piscine, L’Eté meurtrier, L’Eté en pente douce, L’Année des méduses… J’aime aussi ces héros adolescents qui sortent de l’enfance pour entrer dans l’âge adulte, de La Fureur de vivre à Bande de filles en passant par Bonjour Tristesse, Les Quatre Cents coups, Le Péril jeune ou Les Roseaux sauvages.

Le premier film de cette réalisatrice belge, qui fait tourner son neveu et sa nièce, avait donc tout pour me plaire, jusqu’à son naturalisme revendiqué : les deux acteurs, demi-frère et demi-sœur dans la vraie vie, y jouent sous leur propre prénom. Le problème est que rien ne s’y passe. Le scénario, soit par paresse, soit par parti-pris, ne raconte rien. Le film commence, le film s’achève après une heure vingt à peine sans avoir vraiment commencé, comme si sa mise en route avait été trop longtemps retardée. Entre ces deux points, rien ne se tend ; pas le début d’une intrigue ne se noue, sinon celle vite expédiée de l’agression commise par Makenzy, sous le coup de la haine de classe, contre un gamin plus nanti que lui.

On aurait aimé aimer Il pleut dans la maison ; mais encore eût-il fallu qu’Il pleut dans la maison nous donne des raisons de l’aimer.

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Le Vieil Homme et l’Enfant ★★☆☆

Gunnar a passé toute sa vie dans sa ferme, héritée de son père et de son grand-père. Il y a vécu seul, sans femme, avec la seule compagnie de ses chevaux. Quand l’État l’en exproprie pour la construction d’un barrage, il reçoit un gros pécule dont il ne sait que faire. Contraint de se réinstaller en ville, il s’habitue mal à son nouvel environnement. C’est là qu’il fait la connaissance du fils de ses voisins, Ari, un rouquin haut comme trois pommes.

Le Vieil Homme et l’Enfant a le même titre que le film célèbre de Claude Berri avec Michel Simon. La ressemblance s’arrête là.

Je suis allé voir ce film islandais par amour inconditionnel pour ce petit pays nordique où j’ai réalisé peut-être le plus beau de tous mes voyages. Las ! Ma soif de paysages volcaniques et glacés battus par les vents a été mal récompensée par ce film dont l’action, mis à part quelques rares scènes dans la ferme de Gunnar, se déroule pour l’essentiel dans les paysages tristes d’une ville anonyme et pluvieuse.

À cette première déception allait bientôt s’en rajouter une seconde : l’amitié naissante entre Gunnar et Ari se déploie gentiment, sans tension ni enjeu, pendant le deuxième tiers du film. Elle nous fait craindre un film gentillet réduit à cela : un vieux fermier solitaire, contraint de quitter sa ferme, voit son exil attendri par la fréquentation d’un gamin joueur.

Dieu merci, le film connaît dans son dernier tiers une bifurcation inattendue. Elle le sauve. Elle aurait pu donner lieu à de plus amples développements : pourquoi Ari a-t-il agi ainsi ? pourquoi Gunnar n’a-t-il pas réagi autrement ? mais Le Vieil Homme et l’Enfant se termine déjà, après une heure et quinze minutes à peine, en nous laissant imaginer deux fins alternatives.

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Resilient Man ★☆☆☆

L’Australien Steven MacRae est danseur étoile au Royal Ballet de Londres depuis 2009. En octobre 2019, il se brise le talon d’Achille en plein spectacle. Sa carrière est compromise. Mais au terme d’une longue convalescence, Steven MacRae prépare son retour sur scène dans Roméo et Juliette. Le français Stéphane Carrel, qui a déjà consacré plusieurs documentaires à la danse, l’a suivi pas à pas.

Resilient Man n’est pas sans atouts.

Le premier, bien sûr, qui attirera tous les passionnés de danse, est de nous faire pénétrer au cœur d’un des plus prestigieux ballets au monde, sur les traces d’un de ses plus célèbres danseurs. Ce sujet n’est guère original (La Danse de Frederick Wiseman, Relève de Benjamin Millepied, L’Opéra de Jean-Stéphane Bron, Indes galantes sur la mise en scène de Clément Cogitore..) ; mais on ne s’en lasse pas.

Le second est le portrait de son héros. À la différence de celui de Musil, l’homme a toutes les qualités : mari aimant d’une ancienne soliste du Royal Ballet, père dévoué de trois enfants en bas âge, il est beau comme une divinité celtique, intelligent et…. résilient. Sa discipline, sa détermination forcent l’admiration.

Mais le problème de ce documentaire est que, au-delà de ces deux atouts-là, il n’a pas grand-chose à proposer. Certes, il donne à réfléchir sur la pression qui pèse sur les danseurs-étoiles, sur les performances physiques qui sont attendues d’eux au risque de leur santé et sur la nécessité pour eux de mener leur carrière sans négliger leur hygiène de vie et leur équilibre mental. Benjamin Millepied évoquait cet aspect des choses dans Relève. Mais une fois qu’on a mis en garde contre le danger de sacrifier son corps à une gloire éphémère, un point qui ne fait guère débat, on n’a pas dit grand-chose.

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