Paul (Pierre Deladonchamps) est marié à Louise (Céline Salette). Il est mobilisé lorsque la Première guerre mondiale éclate. Blessé, traumatisé, il ne veut plus retourner au front. Louise le cache dans la cave de son appartement. Mais Paul ne supporte pas la réclusion. S’il sort, il risque d’être reconnu, arrêté, passé par les armes pour avoir déserté. Louise a alors l’idée de le travestir. Paul devient Suzanne
André Téchiné nous surprend encore. Sa filmographie est impressionnante. Tous les plus grands acteurs français ont tourné avec lui : Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Jeanne Moreau, Juliette Binoche, Patrick Dewaere, Emmanuelle Béart, Daniel Auteuil…Exception dans son œuvre, Nos années folles est inspiré de faits réels. L’histoire de Paul Grappe a été exhumée par les historiens Fabrice Virgili et Danièle Voldman. Elle avait déjà inspiré la bande dessinée de Chloé Cruchaudet Mauvais genre publiée en 2013
Pourtant, Nos années folles n’est pas un film historique. C’est d’ailleurs même par sa maladresse à reconstituer une époque qu’il pêche faute de moyens. Dommage pour un film dont le titre à double sens laissait augurer plus de flonflons et de cotillons. Autre maladresse : sa façon de filmer le temps qui passe. L’action se déroule de 1914 à 1928 : Paul, qui se travestit pour éviter la prison, n’est plus dans l’obligation de le faire après l’amnistie des déserteurs mais continue portant dans cette voie. Or, on ne voit pas l’effet du temps qui passe – dont il est, c’est vrai, toujours délicat de rendre compte au cinéma ou dans la littérature. Paul et Louise ne changent pas. Ni au physique – ce qui, à la limite, est secondaire. Ni au moral – ce qui est plus grave car, précisément, le film repose sur les chemins différents qu’ils empruntent jusqu’au drame final.
Céline Salette est particulièrement convaincante dans le rôle de Louise. Cette actrice, qui se fait lentement et sûrement un nom, incarne l’amour fou. Elle aime Paul en homme ; elle aimera Suzanne avec la même passion.
Le maillon faible de Nos années folles, c’est Paul/Suzanne précisément. Il est difficile de dire du mal de Pierre Deladonchamps au sourire si attendrissant. Le problème est qu’il est trop sympathique pour le rôle. André Téchiné le dépeint comme un brave bougre qui se travestit pour ne pas remonter au front et qui prend goût à ce travestissement. En réalité Paul Grappe fut un sale type qui vécut toute sa vie aux crochets de sa femme. S’il déserta, ce fut moins par pacifisme que par lâcheté . S’il se travestit, ce fut pour pouvoir évoluer dans un monde interlope. Mari violent et abusif, il n’hésita pas à prostituer sa femme. Le personnage n’avait rien d’aimable. Et les efforts de Téchiné pour le peindre sous un jour moins défavorable font long feu.