On a tous vu Le Grand bleu. Une fois au moins pour toutes les personnes de mon âge, même celles qui cet été-là n’allèrent voir qu’un seul film. Cinq en ce qui me concerne – y compris la version longue. Vingt-quatre pour un ami particulièrement addict qui a passé tout l’été 1988 à le regarder en boucle.
Le film de Luc Besson était librement inspiré de la vie de Jacques Mayol, de sa passion pour la mer et les dauphins, de sa rivalité avec l’Italien Enzo Maiorca et de ses tentatives de battre le record du monde de plongée en apnée. Pas évident d’en faire un thriller aux multiples rebondissements. Pourtant le film eut un succès immense et marqua toute une génération.
Le documentaire de Lefteris Charitos raconte très classiquement la vie de l’apnéiste né en 1927 en Chine – où son père travaillait comme architecte pour la municipalité de Shanghai. Voir le jour sur les lieux mêmes où se déroule La Condition humaine de Malraux prédispose sans doute à une vie d’aventures. Et Jacques Mayol vécut une vie de saltimbanque entre Marseille où il grandit, la Suède où il se maria et eut deux enfants, les États-Unis où il travailla longtemps au Seaquarium de Miami, les Bahamas, le Japon, l’île d’Elbe où il finit par s’installer.
Une seule passion : la mer, « l’élément premier ». Il n’a jamais eu le sens de la compétition – comme le montrait d’ailleurs fort bien le personnage lunatique interprété par Jean-Marc Barr, mais recherchait une impossible symbiose avec la mer et les dauphins. Sa quête n’était pas sportive, mais spirituelle. En plongeant dans les grandes profondeurs, il y recherchait la paix, l’ataraxie, l’équilibre, l’harmonie.
Le film contient des plans sous-marins d’une hypnotisante beauté. Il raconte l’histoire d’un homme hors du commun dévoré par sa passion. Mais il décrit aussi, sans le vouloir, sa face plus noire, son égoïsme foncier qui le conduisit à abandonner ses enfants, son donjuanisme compulsif, ses phases de dépression qui débutèrent avec l’assassinat sanglant de sa compagne en 1975 et culmina avec son suicide en 2001.