Bécassine (Emeline Bayart) est née dans un foyer modeste. Son oncle Corentin (Michel Vuillermoz) tente sans y parvenir à la guérir de son indécrottable naïveté. Bécassine n’a qu’un rêve : quitter sa Bretagne natale et découvrir la capitale. Mais, en chemin, elle est recrutée par la marquise de Grand-air (Karin Viard) et par M. Proey-Minans (Denis Podalydès) qui viennent d’adopter la fille de leur jardinier. Bécassine va se révéler une nourrice aimante et une domestique pleine de ressources tandis que ses maîtres ont maille à partir avec un marionnettiste grec peu scrupuleux (Bruno Podalydès).
Gaston Lagaffe, Lucky Lucke, Astérix, Spirou, les Bidochon, les Schtroumpfs… il n’est quasiment aucun héros de bande dessinée française (et belge) qui n’ait donné lieu, avec un succès variable, à son adaptation cinématographique. La recette est paresseuse qui consiste à parier sur leur popularité pour espérer attirer les foules. C’est exactement le même principe qu’Avengers et ses avatars suivent d’ailleurs aux Etats-Unis.
Sans doute le même soupçon d’opportunisme peut-il peser contre le dernier film de Bruno Podalydès. Sauf que le réalisateur de Versailles Rive gauche, Liberté-Oléron et Adieu Berthe n’est pas le premier venu, qui a tissé depuis plus de vingt ans, une œuvre d’une grande cohérence caractérisée par son humour décalé et sa grande tendresse. Aussi, qu’on lui ait confié le soin de porter à l’écran cette icône de la culture populaire n’est-il pas sans pertinence.
Témoignage de la collision de deux mondes, de deux classes, le bon sens de la paysannerie d’un côté, la sophistication de la bourgeoisie urbaine en plein essor qui découvre avec ravissement le confort de la modernité (l’automobile, l’électricité, l’eau courante…), Bécassine née en 1905 de la plume de Jacqueline Rivière et de Joseph Pinchon est un personnage de son temps, cette Belle-Epoque que Bruno Podalydès avait déjà filmée en adaptant l’œuvre de Gaston Leroux (Le Mystère de la chambre jaune, Le Parfum de la dame en noir). Mais c’est aussi un personnage intemporel qui, comme Tintin, séduit les petits et les grands à travers les âges.
Le personnage a deux volets. À première vue, c’est une cruche, une bécasse. Quelques bretons régionalistes bas du front s’y sont arrêtés pour critiquer sans l’avoir vu ce film, invoquant une scandaleuse atteinte à leur identité picrocholine. Mais si Bécassine est naïve, elle est plus que cela. Sa naïveté révèle la pureté de son cœur. Son absence de malice ne fait pas d’elle une idiote ou une simple. Car Bécassine a du bon sens, de l’énergie et de l’amour à revendre.
Le personnage, donc, est attachant, sans même qu’il soit besoin d’évoquer sa robe verte blanche et rouge. Mais le problème est qu’un personnage ne suffit pas à faire un film. Il faut le mettre en action, lui faire jouer une histoire. Hélas, Bécassine ! en est cruellement dépourvu. Sans doute est-il construit autour du couple que la domestique zélée joue avec la petite Loulotte. Les mésaventures de la frivole marquise de Bel-Air viennent étoffer le récit. Mais, la succession de saynètes, empruntées en désordre à la trentaine d’albums que compte la série, ne suffit pas à construire un récit. Bécassine ! dure une heure et quarante deux minutes. Il aurait pu en durer vingt de plus ou de moins, avoir une suite… ou pas.
La bande-annonce