Seydou et Moussa, deux adolescents dakarois, attirés par les mirages de l’eldorado européen, décident, contre l’avis de leur famille, de tenter leur chance et d’émigrer. Les voilà en route vers l’Italie. Leur chemin, à travers le Sahara et la Libye, sera semé d’embûches.
Matteo Garrone est peut-être l’un des réalisateurs italiens les plus prometteurs. On lui doit Gomorra, prix du jury à Cannes en 2008, adapté du brûlot du journaliste d’investigation napolitain Roberto Saviano. On lui doit aussi Dogman, qui avait raté de peu la Palme en 2018 et s’était consolé avec le prix d’interprétation masculine et le David , l’équivalent des Oscars, du meilleur réalisateur.
Moi capitaine a reçu le Lion d’argent à la Mostra de Venise en septembre dernier. C’est un film fort sur un sujet désormais bien connu hélas : l’odyssée des migrants subsahariens qui traversent le continent africain et la Méditerranée au péril de leur vie pour essayer de rallier le continent européen. Cette équipée meurtrière aurait – les estimations sont en l’espèce hasardeuses – causé la mort de vingt-sept mille migrants ces quinze dernières années.
Moi capitaine a une incontestable valeur pédagogique. Pédagogique pour nous Occidentaux afin que nous prenions conscience du traitement inhumain des migrants qui parviennent non sans mal sur notre sol et que nous n’accueillons pas toujours fraternellement. Pédagogique – à supposer qu’ils le voient – pour les Arabes qui abusent de cette main d’oeuvre bon marché. Mais pédagogique aussi pour tous les Africains subsahariens qui s’imaginent à tort que le voyage vers l’Europe est une expédition sans danger.
Mais un film ne saurait se réduire à sa seule dimension pédagogique. Moi capitaine a le défaut de venir après d’autres films qui ont déjà traité du même sujet : la traversée du Sahara par des migrants (Mediterranea), le sort qui leur est réservé en Libye (L’Ordre des choses). Michael Winterbottom avait de la même façon documenté la traumatisante odyssée d’un immigré afghan vers l’Angleterre (In this world).
Mais il a surtout un défaut rédhibitoire : être tout entier enfermé dans son pitch et dans sa bande annonce. En moins de deux minutes, elle nous montre le film tout entier et nous permet de faire l’économie de ses deux longues heures inutilement démonstratives.
Vous êtes très optimiste quant au caractère fraternel de l’accueil en France des migrants… ce film m’a permis de comprendre certaines choses, notamment concernant le passage en Libye, donc je n’avais pas connaissance,. Ce qui m’a surtout interpellé, c’est que malgré tous ces morts, tous ces échecs, toutes ces peurs, ne sois pas remonté aux pays et qu’il y a encore tellement de candidats à l’exil qui n’ont pas conscience de ce qui les e attendent?!… le visionnage de ce film m’a personnellement, mise très mal à l’aise.
Et vous avez raison, la bande aurait suffit.
Je n’avais pas vu la bande annonce avant de voir le film, que j’ai trouvé à la fois pédagogique, comme tu le dis, et fort juste dans son approche. Il n’en rajoute ni d’un côté, ni de l’autre, ne prend aucun parti. Les acteurs sont vraiment très bons. Le jeune Seydou Sarr est à retenir je trouve. Et son obsession d’amener tous les passagers en vie jusqu’à destination, m’a beaucoup touchée. Pour finir, je suis aussi agréablement surprise qu’un réalisateur italien tourne tout un film en wolof, avec un peu de français et d’arabe. C’est quand même une performance intéressante.