Amal (Lubna Azabal) enseigne le français dans un établissement scolaire de Belgique. Comme elle, ses élèves sont majoritairement d’ascendance maghrébine. L’une d’entre elles, Mounia, est en butte à l’hostilité de ses camarades depuis qu’elle a fait son coming out. Amal, choquée par tant de sectarisme, décide de leur faire lire des vers d’Aboû Nouwâs, un poète arabe libertin du VIIIème siècle, pour leur enseigner la tolérance. Mais cette lecture, loin d’apaiser les esprits, met le feu aux poudres.
L’école est décidément le creuset où se joue aujourd’hui le vivre-ensemble. Le cinéma s’en fait le fidèle reflet qui, coup sur coup, y a consacré plusieurs films en l’espace de quelques semaines : La Salle des profs, Pas de vagues, L’Affaire Abel Trem.
Le belge Amal n’est jamais aussi intéressant que quand il montre les dilemmes auxquels l’autorité éducative est confrontée. Deux scènes successives l’illustrent, dans la salle des profs, autour de la directrice, durant lesquelles tous les points de vue s’expriment, depuis celui le plus rebelle d’Amal jusqu’à celui franchement odieux de Nabil (Fabrizio Rongione), le professeur de religion (car la religion est enseignée dans les établissements publics en Belgique), en passant par ceux plus embarrassés de leurs collègues.
Aussi intéressante est la façon dont Amal décrit la logique pernicieuse des réseaux sociaux qui piègent aussi bien Dounia qu’Amal. La première, harcelée en ligne, a le tort de ne pas débrancher son ordinateur et répond à ses détracteurs au risque de l’escalade et du dérapage. La seconde, outrée du sort réservé à son élève, bientôt elle-même prise à parti, en devient paranoïaque au point de perdre toute mesure.
Hélas ces belles qualités sont gâchées par le manichéisme dans lequel s’égare parfois Amal. Notamment dans le traitement de Nabil, qui aurait eu tout à gagner à rester dans l’ambiguïté. Le scénario se sent obligé dans son dernier quart d’heure de lever les masques. On se serait volontiers passé de cette conclusion simpliste.
J’ai eu la chance de voir Amal en avant-première dans une salle parisienne proche de Bastille. J’aime beaucoup rencontrer le réalisateur et l’équipe du film. Ces échanges sont d’autant plus précieux pour des films comme celui-ci qui suscitent le débat. Pour autant, cette fois-ci, j’ai été profondément déçu par ces questions-réponses qui, au lieu d’explorer les ambiguïtés du film, en ont souligné le manichéisme : si prendre ses distances avec une minorité islamiste fanatisée et éviter l’amalgame dans lequel tous les musulmans sont trop souvent confondus était le seul objectif de ce film, son intérêt se réduirait comme peau de chagrin.