Hot Milk ★★☆☆

Rose (Fiona Shaw) est clouée dans un fauteuil roulant. Sa fille Sofia (Emma Mackey) l’accompagne en Espagne tenter un traitement de la dernière chance dans la clinique du Dr Gomez (Vincent Perez). Sur la plage, elle fait la connaissance d’Ingrid (Vicky Krieps).

Scénariste chevronnée (Ida, Désobéissance, Colette, She Said…), la britannique Rebecca Lenkiewicz passe pour la première fois derrière la caméra pour réaliser l’adaptation du roman à succès de Deborah Levy.

Elle met en scène un trio de femmes : une mère, sa fille et l’amante de celle-ci, sous le soleil brûlant de l’Andalousie. Des non-dits familiaux, trop longtemps accumulés, se sont mués en traumatismes : la relation de Rose avec sa sœur aînée, celle de Sofia avec son père, qui lui a légué son patronyme grec mais l’a abandonnée encore enfant, celle d’Ingrid avec sa sœur handicapée… S’y ajoute ce mystérieux docteur espagnol et ses pratiques dont on se demande si elles relèvent du charlatanisme ou si au contraire elles réussiront à guérir Rose.

Hot Milk – un titre que je n’ai pas compris – baigne dans atmosphère étouffante. Il souffre de la joliesse de ces deux héroïnes au physique de top model, au point de faire ressembler le film à un long défilé de mode, au gré des maillots de bains qu’elles portent. Sa dernière scène est aussi puissante que frustrante.

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Chime ★☆☆☆

Un chef donne des cours de cuisine. L’un de ses élèves s’isole du groupe et devient de plus en plus violent. Il est à craindre qu’il s’en prenne aux autres ou à lui-même.

Alors qu’il approche les soixante-dix ans, Kiyoshi Kurosawa (sans lien de parenté avec son célèbre homonyme) continue à tourner toujours autant. Trois de ses films sortent coup sur coup en France : Chime le 28 mai, Cloud le 8 juin et La Voie du serpent le 13 août. Kurosawa est devenu célèbre grâce à ses films fantastiques : Cure en 1997, Kairo en 2001 et Vers l’autre rive en 2015. Mais sa palette est large qui va du thriller (Creepy en 2016) à la science-fiction Avant que nous disparaissions et Invasion en 2017). En 2016, il s’expatrie en France pour y tourner Le Secret de la chambre noire avec Mathieu Amalric, qu’il retrouvera dans La Voie du serpent, Tahar Rahim et Olivier Gourmet.

Chime est un moyen-métrage de quarante-cinq minutes. Une telle durée a de quoi déconcerter les spectateurs qui ont l’habitude de films nettement plus longs. Quand survient le générique de fin, ils sont déconcertés : certains ne savaient pas que le film serait si court et même ceux qui en étaient, comme moi, avertis, sont décontenancés.

Chime est d’autant plus déconcertant qu’on ne comprend pas immédiatement qui en est le héros. On croit que ce sera Tashiro, cet élève manifestement déséquilibré et que le film racontera sa lente descente dans la folie. Mais le film change bientôt d’axe et s’attache à Matsuoka, son professeur. A-t-il été contaminé par la folie de Tashiro ? On n’en saura rien. Le film se termine brutalement, l’absence d’explication ajoutant au désarroi du spectateur déjà marqué par sa brièveté.

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Familia ★★☆☆

Luigi et son frère aîné Alessandro ont souffert de souffrances domestiques. Franco, leur père violent, battait Licia, leur mère. Emprisonné, tenu à distance de sa femme par une mesure d’éloignement après son élargissement, il n’exerçait pas moins sur elle une emprise maladive, qui le laissait se réinstaller au domicile familial où il reprenait vite ses vieilles habitudes. Par réaction à cette menace, Luigi s’est engagé dans un groupuscule fasciste.

Familia est l’adaptation d’u roman autobiographique de Luigi Celeste. Il y raconte son enfance traumatisante, son enrôlement et ses conséquences funestes.

Francesco Costabile, dont le premier film était inédit en France, réussit à recréer une atmosphère étouffante qui justifie largement l’interdiction de Familia aux moins de douze ans. La réussite du film doit beaucoup à l’interprétation de Francesco Di Leva (Dernière Nuit à Milan, Nostalgia) dans le rôle de ce père en apparence bonhomme. Elle lui a valu l’an dernier à Rome le David du meilleur second rôle, l’équivalent du César. Le reste du casting est au diapason, qu’il s’agisse de la mère (Barbara Ronchi), de Luigi (Francesco Gheghi, prix d’interprétation masculine de la section Orizzonti à la Mostra en 2024) ou même de sa petite amie (Tecla Insolia) qui essaie sans succès de l’arracher à l’atavisme auquel il semble condamné.

Familia est un film glaçant sur les violences familiales. Le sujet semble être en Italie encore plus d’actualité qu’en France si on en croit l’audience l’an passé de Il reste encore demain – un titre optimiste qui résonne avec celui du livre de Luigi Celeste Non sarà sempre così. Il rappelle aussi l’un de tes tout meilleurs films français de ces dix dernières années au succès mérité, Jusqu’à la garde, cinq César en 2019 dont celui du meilleur film.

Il évoque aussi le fascisme et la manière dont il enrégimente les plus fragiles. Le sujet n’est pas nouveau qu’on a vu traité aux Etats-Unis (American History X), au Royaume-Uni (This is England), en France ( Un français, Chez nous) et même en Italie (Dogman).

Familia utilise un matériau documentaire pour un thriller noir, tourné dans des lumières artificielles très contrastées, surligné par une musique oppressante. Il évite le piège du manichéisme : Luigi et sa mère ne se réduisent pas à être les victimes passives de la violence de Franco mais sont aussi celles de leurs choix malheureux.

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Moi, ma mère et les autres ★☆☆☆

David est un Juif gay qui vit en Italie loin de sa famille. La mort d’un oncle l’oblige à revenir à Buenos Aires. Son père est plongé dans un profond coma ; sa mère le veille à son chevet et n’arrive pas à imaginer sa mort pourtant certaine. David, lui, cherche sa place, dans un monde qui ne lui en fait pas.

Moi, ma mère et les autres est une comédie familiale douce amère, une tragédie pas vraiment tragique, bref une tramédie comme il est désormais convenu de qualifier ce genre de films. Son titre original, passablement intraduisible, Los domingos mueren más personas [le dimanche est le jour de la semaine où on enregistre le plus de décès], est d’ailleurs bien dans la tonalité de ce film à l’humour triste.

On s’attache à son héros, David, un gros nounours dépressif, qui enchaîne les rebuffades amoureuses auprès de tous les hommes qu’il tente en vain de draguer. Pourtant, il n’a rien de très sympathique cet anti-héros égoïste en surpoids, qui n’offre à sa mère rongée par l’angoisse et le chagrin qu’un soutien bien parcimonieux avant le tout dernier plan.

Iair Said, qu’on avait aperçu dans Los Delicuentes interprète le rôle principal et tient la caméra. Marche-t-il sur les pas de Woody Allen avec ce personnage ? Si tel est le cas, c’est hélas avec moins d’humour et moins de profondeur. Aussi propre soit-elle, sa mise en scène a un parfum de déjà-vu qui lui ôte quasiment tout intérêt.

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Se souvenir des tournesols ★☆☆☆

La réalisatrice Sandrine Mercier a grandi à la campagne. Comme beaucoup de Français, elle a quitté son village natal pour faire sa vie. La quarantaine, elle décide d’interroger son choix en plantant sa caméra dans une petite ville du Gers, dans cette « diagonale du vide » qui coupe la France en deux. Elle y filme son alter ego, Anaïs, une jeune lycéenne de dix-sept ans qui, après son bac, a décidé de partir d’étudier les langues étrangères à Pau.
Elle y filme également la fanfare municipale dans laquelle Anaïs joue de la flute traversière, dirigée par Thierry, un professeur de musique dévoué corps et âme.

Se souvenir des tournesols creuse un sillon qui n’a rien de très novateur. On ne compte plus les documentaires ou les œuvres de fiction qui suivent, pendant quelques semaines ou pendant quelques mois, des lycéens à un moment charnière de leur vie. Je cite souvent Chante ton bac d’abord, sorti fin 2014, qui m’avait particulièrement séduit ; mais on pourrait en citer d’autres : Château rougeLa GénéraleAllons enfants… Pas plus tard que le mois dernier, Guillaume Brac lui en consacrait encore un, particulièrement réussi, sur une classe de terminale d’un pensionnat drômois, Ce n’est qu’un au revoir.

La semaine dernière, le film qui ouvrait le festival de Cannes, Partir un jour, avait aussi pour héroïne une jeune femme qui revenait au bercail et interrogeait sa décision d’en partir quelques années plus tôt. Et La Venue de l’avenir racontait l’histoire d’une jeune Normande montée à Paris à la Belle Époque.

Dans cette avalanche de films, Se souvenir des tournesols, malgré la joliesse de son titre et la sincérité de ses personnages, ne se distingue pas. Il souffre d’un handicap paradoxal : son héroïne, Anaïs, est trop jolie pour le rôle. On comprend ce qui, dans sa beauté, a attiré l’œil de la réalisatrice. Mais hélas, rien sinon sa plastique parfaite n’a d’intérêt dans son personnage trop lisse.

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Jeunes Mères ★★☆☆

Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma ne sont pas encore sorties de l’adolescence. Elles sont hébergées à Liège dans un centre d’accueil qui les aide à devenir mères.

Les frères Dardenne sont de retour, trois ans après Tori et Lokita. Et bien sûr, leur film, comme la quasi-totalité des précédents depuis La Promesse en 1996, était en compétition à Cannes – d’où il est reparti avec le Prix du scénario.

S’il est joué par des actrices, Jeunes Mères semble marquer le retour des frères Dardenne à leurs débuts dans le documentaire. Il s’emploie en effet, avec un soin presque excessif, à radiographer la situation des jeunes mères célibataires confrontées à une grossesse précoce. L’échantillon des cinq jeunes femmes retenues est parfaitement représentatif. On y trouve une Maghrébine et une Noire. Quatre ont déjà eu leur enfant, la cinquième va accoucher dans quelques semaines. Deux sont en couple, Julie avec un apprenti boulanger qui lui apporte la stabilité qui lui manque, Perla avec un repris de justice qui refuse d’assumer ses responsabilités envers elle et envers leur enfant. Deux se battent contre leurs addictions : la drogue, l’alcool. Quasiment toutes sont en conflit ouvert avec leur famille : Ariane s’est laissé convaincre par la sienne de mener cette grossesse à terme, Jessica est à la recherche de la sienne et voudrait comprendre pourquoi elle l’a placée à sa naissance.

Ce récit choral et éclaté, qui passe alternativement d’une histoire à l’autre, fait la richesse et constitue la limite de ce film étonnamment bienveillant, rompant avec la noirceur désespérée des précédents films des frères belges. Comme à leur habitude, les Dardenne filment des individus pauvres et dignes confrontés à une situation dramatique (on pense au couple formé par Jérémie Rénier et Déborah François dans Le Fils, palme d’or 2005) ; mais cette fois-ci, le pire leur est évité. Les drames muets qui coupent en deux les films des Dardenne ne surviennent pas – même si on le frôle à un moment. Et la vérité oblige à dire que, sans ces accidents, Jeunes mères est privé de la gravité qui donnait aux précédents films des Dardenne tout leur poids et leur qualité.

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La Venue de l’avenir ★★★☆

De nos jours, un héritage compliqué conduit quatre lointains cousins que tout oppose, un apiculteur gentiment perché (Vincent Macaigne), un photographe en quête de sens (Abraham Wapler), un professeur de français vieille France (Zinedine Soualem), une executive woman dépressive (Julia Piaton), sur les traces de leur lointaine aïeule, Adèle (Suzanne Lindon) qui quitta en 1895 sa Normandie natale pour la capitale à la recherche de sa mère (Sara Giraudeau).

Cedric Klapisch est de retour. Après En corps, un des films à mon sens les plus euphorisants de ces dernières années, il a pour la première fois les honneurs de la sélection officielle à Cannes (hors compétition). Son film le mérite largement.

Il s’empare d’un scénario vraiment original, co-signé avec son vieux complice Santiago Amigorena, rencontré sur les bancs du lycée Rodin (poke mes deux fils !), qui joue à saute-moutons par-dessus trois générations, s’amusant à des jeux de miroirs entre la France de la Belle époque et celle d’aujourd’hui. Il traite à sa façon le même sujet que Partir un jour : l’arrachement d’une jeune femme à sa vie provinciale. Il réunit des acteurs de toutes les générations, les vieux fidèles de Klapisch (Cécile de France, Zinedine Soualem, François Berléand…) et la fine fleur de ce que Télérama appelle méchamment les Nepo babies, les fils et filles de : la fille de Sandrine Kiberlain, celle de Charlotte de Turckheim, celle d’Anny Duperey, le fils d’Irène Jacob…

Il réussit surtout – et c’est à mes yeux sa principale qualité – à regarder en même temps vers le passé et vers l’avenir. C’est un film nostalgique sur un Paris disparu. Mais ce n’est jamais un film réactionnaire, entonnant la lassante ritournelle du c’était-mieux-avant. Au contraire, La Venue de l’avenir est une ode à la jeunesse qui exalte une époque de progrès, de changement (l’invention de la photographie qui révolutionne la peinture, la généralisation de l’électricité…), tout entière tournée, comme son titre polysémique, vers l’avenir.

J’aurais volontiers mis quatre étoiles à ce film coup-de-cœur si une personne qui m’est chère ne m’avait pas alerté sur ses limites. Les allers-retours entre 2024 et 1895 y sont un peu trop mécaniques. Les acteurs n’y sont pas toujours bien dirigés, notamment Cécile de France malgré son brushing incroyablement stylé. Les rebondissements du scénario n’y sont pas toujours crédibles quand ils ne sont pas très prévisibles (aurez-vous deviné de qui Adèle est la fille ?).

Malgré ces défauts, La Venue de l’avenir reste pour moi un film à la fois solaire et mélancolique, un film joyeux et rieur qui nous met la banane 🙂

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Libertate ★★☆☆

Décembre 1989, Sibiu en Transylvanie. Le régime autoritaire de Ceaucescu vient de tomber. La foule en colère manifeste et exige l’arrestation des anciens communistes. Les forces de l’ordre ne savent comment réagir ni à quel saint se vouer. Les militaires sont les premiers à retourner leur veste et à arrêter les policiers accusés d’être les exécutants des basses oeuvres de l’ancien régime. Ils sont entassés pêle-mêle dans une piscine vidée de son eau.

Trois semaines seulement après Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé sort sur les écrans français un nouveau film roumain. Il a le même thème, la révolution roumaine de 1989, preuve s’il en fallait qu’elle a marqué les esprits. Libertate commence exactement au moment où Ce Nouvel An… se terminait : l’un racontait les hésitations de Roumains ordinaires avant la chute du régime, l’autre décrit le chaos qui s’en est suivi. Il faudrait, si ce n’est pas déjà fait, écrire un article ou un livre sur la révolution roumaine vue à travers son cinéma.

Libertate a une grande vertu historique. Il décrit ce moment précis où le pouvoir vacille, s’écroule et change de main, laissant les acteurs dans le brouillard. Les livres d’histoire en rendent rarement compte, qui rationalisent et éclairent a posteriori une succession d’événements rapides et confus. Ici, les catégories morales traditionnelles volent en éclats. Les policiers de la Securitate deviennent les victimes d’un ordre inique qui au nom de la purge anticommuniste les accusent de « terrorisme ». Faute de certitudes, on se raccroche aux rumeurs les plus fantaisistes qui circulent : la police a tiré sur la foule, l’eau est empoisonnée…

Le problème est que cette ambiance-là n’est guère cinématographique. Tout est flou dans Libertate, surtout dans sa première moitié où on peine à comprendre qui est qui, à distinguer les bons des méchants, à reconnaître les personnages principaux aux pas desquels on va s’attacher, tel ce policier, père de famille, qui veut à tout prix être relâché pour le baptême de son fils le 7 janvier. Un œil plus familier de la Roumanie identifierait peut-être les protagonistes ; mais le spectateur français que je suis s’est perdu dans ce jeu de dupes illisible (je n’ai pas compris qui était la femme à toque qui sillonne la ville avec sa fille : l’épouse d’un prisonnier ? une policière elle-même ?).

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Transmitzvah ☆☆☆☆

Ruben est un petit garçon argentin qui, la veille de sa bar-mitzvah, a exigé de ses parents médusés, propriétaires d’une boutique portègne bon chic bon genre de prêt-à-porter, l’organisation d’une bat-mitzvah au motif qu’il était une fille prénommée Mumy. Devenue quelques années plus tard une diva trans pop yiddish mondialement connue, Mumy revient en Argentine au chevet de son père mourant.

Daniel Burman avait réalisé il y a une vingtaine d’années Le Fils d’Elias qui interrogeait l’histoire de la communauté juive argentine. Il n’avait plus guère donné signe de vie depuis lors mais revient avec un film qui interroge le même sujet : la judéité confrontée ici non pas à son passé mais à une question bien actuelle, la transidentité.

Le sujet était intrigant et alléchant. Daniel Burman aurait pu le traiter sous l’angle de la comédie décalée, comme il le fait d’ailleurs en insérant des numéros musicaux trop sucrés. Il aurait pu aussi raconter un drame familial, la confrontation d’un enfant transgenre à ses parents transphobes, ou bien encore la réconciliation apaisée d’un enfant avec son père. Il prend un autre parti, assez déroutant, qui flirte avec le réalisme magique, lestant les scènes de longs dialogues fumeux, déménageant ses personnages, on ne sait trop pourquoi, à Tolède dans la dernière partie du film.

Je suis sorti de la salle dérouté et déçu.

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Accident domestique ★☆☆☆

Maria, nullipare vieillissante, et Jesus ont enfin réalisé le rêve de leur vie : avoir un enfant. Ils déménagent et équipent leur nouvel appartement. Pour ce faire, ils achètent une table basse après d’âpres discussions avec un vendeur bonimenteur. Mais, revenus chez eux, au moment de l’assembler survient un accident dramatique.

Accident domestique (La Mesita del comodor dans son titre original, qu’on peut traduire par « la petite table à manger » ou « la table basse ») joue sur deux registres : le drame et la comédie. Le drame qui en constitue le moyeu est le plus horrible qui soit, dont le lecteur avisé aura déjà eu le pressentiment à la lecture de ces lignes et dont la cruelle réalité est d’ailleurs dévoilée dans de nombreuses critiques. Pourtant, ce drame est traité sur un mode comique, pas celui de la grosse blague qui tache, mais plutôt du rire nerveux qui constitue le seul exutoire au malaise.

Cette atmosphère très particulière imprègne déjà la toute première scène filmée en très gros plan. Elle se déroule dans un centre commercial sordide et bizarrement désert. Elle met en scène Maria, Jesus et un vendeur bedonnant qui s’évertue à leur vendre une table basse hideuse qu’on croirait tout droit sortie du showroom – aujourd’hui désaffecté rue Faidherbe – de Claude Dalle.

Accident domestique est organisé comme une pièce de théâtre. Après son premier acte, les trois ou quatre suivants se déroulent en huis clos dans le nouvel appartement de Maria et Jesus. Des personnages secondaires y passent : une voisine, son chien et sa fille adolescente qui fantasme une idylle impossible avec Jesus, puis le propre frère de Jesus et sa nouvelle compagne invités à déjeuner.

Le problème du scénario est qu’il est construit sur une attente : l’attente du moment où Maria découvrira l’accident intervenu pendant sa brève absence. Ce moment est sans cesse repoussé – sans quoi le film se réduirait à un court métrage. Quand il survient enfin, le chaos qu’il suscite a beau prendre des dimensions dantesques, il n’en reste pas moins très prévisible.

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