Tous les dieux du ciel ☆☆☆☆

Dans une ferme perdue au milieu des champs de la  Beauce, Albert (Jean-Luc Couchard) vit seul avec sa sœur Estelle lourdement handicapée (Mélanie Gaydos). Elle a été victime dans son enfance d’un grave accident. Robert, qui s’en estime responsable, l’entoure de ses soins jaloux et sombre lentement dans la folie.

Le réalisateur Quarxx avait d’abord raconté cette histoire dans un court métrage de trente-sept minutes intitulé Un ciel bleu presque parfait. Sur la même base, il réalise un film trois fois plus long en y rajoutant quelques seconds rôles confiés à des acteurs connus (Thierry Frémont, Albert Delpy).

Le passage du court au long ne convainc guère. Le scénario n’est pas assez riche pour justifier un tel format. La curiosité que l’histoire suscite dans son premier quart d’heure ne tient pas la durée.

Plus grave : la relation entre ce frère paranoïaque et cette sœur grabataire dérange. Pendant tout le film, on voit Estelle nue, en couches, immobile, le corps couvert de bleus ou d’escarres, impuissante face aux délires de son frère. Mélanie Gaydos, cette mannequin affectée d’une maladie génétique rare, une dysplasie ectodermique qui entrave la croissance des cheveux, des poils, des dents et des ongles, prête ses traits à cette jeune femme victime d’abus de faiblesse. Le comble est atteint lorsque Albert recrute un gigolo pour faire l’amour à Estelle. L’épilogue lumineux arrive trop tard pour dissiper le malaise.

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Alpha – The Right to Kill ★★☆☆

À Manille, de nos jours, la police philippine mène une lutte sans merci contre les trafiquants de drogue. Bon mari, bon père, le lieutenant Espino est à la pointe du combat. Pour l’aider, il peut compter sur Elijah, son indic – un « alpha » dans l’argot policier.

Avec son titre à la Rambo et son pitch simpliste, Alpha – The Right to Kill n’a rien pour lui. D’ailleurs, quatre semaines après sa sortie, il a quasiment disparu des écrans. Mais ce serait oublier le talent de son réalisateur.

Brillante Ma Mendoza est le plus grand cinéaste philippin contemporain – c’est en vérité le seul que je connaisse, n’ayant jamais eu le courage de regarder les films de Lav Diaz dont les plus courts dépassent les deux cents minutes. Sa dernière réalisation Ma’Rosa, présentée à Cannes en 2016, avait valu à son actrice principale la Palme d’Or de la meilleure interprétation féminine.

On retrouve dans Alpha les mêmes décors que dans Ma’Rosa : les bidonvilles de Manille, l’inextricable lacis des ruelles qui les sillonnent filmées caméra à l’épaule dans d’impressionnants plans séquence. Mais le point de vue n’est pas tout à fait le même : si dans ces précédents films, Brillante Mendoza s’était intéressé aux petites gens et à leurs déboires face à un pouvoir autoritaire, il renverse ici la perspective en prenant pour héros un flic corrompu.

On a beaucoup reproché au réalisateur d’avoir pris parti en faveur du nouveau président philippin, Rodrigo Duterte, partisan de la manière forte pour démanteler les réseaux de trafic de drogue. On a même fait à Alpha le reproche de s’en faire la propagande. Je ne comprends pas ce mauvais procès. Je ne vois aucune complaisance dans la caméra de Mendoza. Au contraire : Alpha est une dénonciation implacable de la corruption qui gangrène, à tous les niveaux, la police philippine. Et la prise d’armes qui le conclut loin de lui rendre hommage stigmatise son cynisme.

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La Flor ☆☆☆☆

La Flor dure 814 minutes. Vous avez bien lu. Je vous fais grâce de la division sexagésimale que vous étiez en train d’effectuer : 814 min = 13 h 34 min. Autant dire que La Flor est un OVNI cinématographique. Une œuvre qui défie le sage précepte d’Alfred Hitchcock : « La durée d’un film devrait être directement liée à la capacité de la vessie humaine. »

L’endurance humaine ayant ses limites, La Flor est diffusé en quatre parties – de plus de trois heures chacune quand même – sortie l’une après l’autre en salles à une semaine d’intervalle en mars dernier. L’ensemble est lui même divisé en six épisodes d’une inégale longueur (entre 5 h 20 pour le plus long et 22 minutes pour le dernier) : le premier est une «série B» fantastique, le second un mélodrame avec des chansons, le troisième un film d’espionnage, le quatrième «une mise en abîme du cinéma», le cinquième un remake muet de Partie de campagne de Jean Renoir et le sixième la libération de femmes captives d’Indiens au XIXe siècle en camera obscura. Le générique de fin est au diapason qui dure à lui seul plus d’une demie heure.

Dans un préambule, le réalisateur se met lui même en scène pour donner le mode d’emploi de son film résumé par le croquis qui illustre son affiche. Six flèches entrelacées y esquissent le dessin d’une fleur. Il nous explique que les quatre premiers épisodes partiront chacun dans une direction différente, que le cinquième fera retour sur lui même et que le dernier les réconciliera. Vaine promesse à laquelle il ne faut prêter trop de crédit : les interrogations soulevées dans les premiers épisodes ne trouveront pas la réponse dans les suivants.

Filmé pendant plus de dix ans dans des conditions budgétaires dont on imagine volontiers la précarité, La Flor est un geste cinématographique d’une folle audace. Quel producteur censé se lancerait dans une pareille entreprise ? Il s’agit de faire tenir en un seul film toutes les formes possibles de cinéma, d’en explorer toutes les potentialités. La quatrième et dernière partie (Le Monde évoque spirituellement un « bouquet final ») le montre qui filme tour à tour un asile psychiatrique, un réalisateur qui s’égosille sur son tournage, un Casanova en perruque poudrée, les arabesques dessinées par les pirouettes d’avions, des baigneuses dénudées…

Si La Flor se caractérise par son éclectisme, il n’est pas non plus sans unité. Il s’organise autour d’un quatuor de comédiennes, des actrices argentines qui formaient une troupe de théâtre et que le réalisateur Mariano Llinas a voulu filmer, qui endossent d’un épisode à l’autre toutes sortes de rôles. Il se caractérise aussi par une unité formelle : le jeu des focales, la voix off envoutante, la musique omniprésente.

Pour autant, il est des limites à ce que le spectateur est capable d’endurer. La liberté que s’arroge le réalisateur est au détriment de l’intelligibilité de son film. Chaque épisode ouvre des pistes, pose des questions, mais n’y répond pas. On se dit à la fin de la première partie qu’on les trouvera plus tard. On revient donc de semaine en semaine mu par cette vaine attente. Las… quatre semaines plus tard – et au bout de treize heures de film – on n’aura rien compris.

Est-ce un problème ? En philo, on demande aux élèves de terminale  : « faut-il comprendre une œuvre d’art pour l’apprécier ? ». La réponse évidemment est négative. Pourtant….

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Monrovia, Indiana ★★☆☆

Monrovia est une petite ville de l’Indiana au cœur du MidWest à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Indianapolis. Sa population : 1400 habitants. Aux élections présidentielles de novembre 2016, elle a voté à 76 % pour Donald Trump.
Le grand documentariste Frederick Wiseman en fait la radioscopie.

On imagine volontiers que si Monrovia a été choisi comme sujet de ce documentaire, c’est pour répondre à une question : qui sont ces Américains « moyens » qui ont élu, contre toute raison, Donald Trump à la Maison-Blanche en 2016 ? On imagine tout aussi volontiers le traitement désopilant qu’en aurait fait un Michael Moore, déployant probablement la même méchanceté à se moquer de ces ploucs rétrogrades que celle dont il avait fait preuve dans Bowling for Columbine ou Fahrenheit 9/11.

Or, le spectateur candide qui regarderait Monrovia, Indiana sans avoir été prévenu du sens du vote de cette petite ville pourrait fort bien ne rien comprendre de son sous-thème. Car, Frederick Wiseman, fidèle à la méthode qu’il a déjà utilisée pour faire le portrait des grandes institutions américaines (le zoo de Miami, l’université Berkeley, la New York Public Library, ne prend pas parti. S’interdisant l’usage de la voix off, l’interview, la mise en perspective, il se contente – en apparence du moins – de poser sa caméra au bord de la route et de capter des fragments de vie. Sa neutralité rigoureuse lui interdit tout à la fois l’empathie et la critique.

Aussi son documentaire distille-t-il un parfum d’ennui, qui filme le quotidien d’une petite ville sans histoire. On assiste à des comices agricoles, à une kermesse, au spectacle de fin d’année du lycée, à plusieurs réunions du conseil municipal, à une curieuse assemblée de la loge maçonnique locale (dont on n’imaginait pas qu’elle laisse si volontiers les caméras filmer leurs rites d’un autre âge), à un mariage, à un enterrement, à la caudectomie d’un boxer, etc. On visite le lycée, le supermarché, les deux salons de coiffure (pour hommes et pour femmes), la salle de sport… C’est long. C’est très long, même si les 2h23 que dure Monrovia, Indiana font figure de court métrage comparé aux 3h17 de Ex Libris ou aux 4h04 de At Berkeley.

C’est seulement à la fin du documentaire, une fois assemblées toutes les pièces, qu’on peut esquisser une réponse à la question posée. Qui sont les électeurs de Trump ? Ce qui saute aux yeux : ils sont Blancs. Quasiment aucun Afro-Américain à Monrovia, aucun Latino, Aucun Asiatique. Une religiosité omniprésente, qui accompagne les grands moments de la vie : le mariage, la mort. Un sexisme décomplexé qui s’exprime sans vergogne sur les stickers à la vente lors de la kermesse annuelle.

C’est déjà beaucoup ; mais ce n’est pas le plus important. Ce qui, tout bien réfléchi, frappe le plus, ne saute pas aux yeux : c’est l’enfermement de cette communauté sur elle-même. Aucune curiosité pour le monde extérieur. Aucune vie culturelle : personne ne lit, ne va au cinéma, n’écoute de la musique. Aucune vie tout court dans cette communauté désespérément triste dont l’existence sans joie ni délicatesse suinte l’ennui.

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Duelles ★☆☆☆

Alice (Veerle Baetens) et Céline (Anne Coesens) sont voisines. Elles sont les meilleures amies du monde. Leurs familles, en tous points similaires, habitent un pavillon cossu de banlieue : Alice comme Céline ont un mari, qui travaille dans une compagnie aérienne, et un fils unique de dix ans. Les deux familles sont vite devenues inséparables.
Mais un événement tragique va les monter l’une contre l’autre.

J’avais beaucoup aimé Illégal (2010) le premier film de Olivier Masset-Depasse. Anne Coesens, déjà elle, y jouait le rôle d’une immigrée russe en situation illégale menacée d’être reconduite à la frontière et séparée de son fils. Avec Duelles, le réalisateur belge change radicalement de registre. Il abandonne le naturalisme brut de son premier film pour un drame intimiste dont l’action se déroule dans les années soixante filmé à la façon d’Alfred Hitchcock ou de Douglas Sirk. Son esthétisation louche du côté de François Ozon.

Hélas, une fois les enjeux du film posés, le scénario peine à soutenir l’intérêt, tournant trop souvent à l’exercice scolaire. Alice et Cécile sont tour à tour coupables et victimes. La paranoïa de l’une nourrit celle de l’autre dans un crescendo de violence qui culmine dans un final paradoxal. Cette conclusion – dont je suis curieux de savoir si elle est fidèle à celle du livre de Barbara Abel dont Duelles est tiré – sauve in extremis le film du naufrage.

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Lourdes ★★★☆

Chaque année, Lourdes, où la Vierge Marie apparut en 1858 à Bernadette Soubirous, accueille quelque six millions de pèlerins dont environ 60.000 malades ou invalides.
Les documentaristes Thierry Demaizière et Alban Teurlai en ont filmé quelques uns.

Les apparitions mariales de 1858 et la ferveur qu’elles ont suscitée ont très tôt inspiré la littérature et le cinéma. Deux courants s’opposent : le premier est critique, le second au contraire est volontiers hagiographique. Au premier appartient le roman rationaliste de Emile Zola, écrit dès 1891 dans la série des Trois Villes (Paris, Rome, Lourdes) ou la satire grinçante de Jean-Pierre Mocky, Le Miraculé (1987) racontant le pèlerinage d’un faux handicapé (Jean Poiret), poursuivi par un assureur (Michel Serrault) qui entend révéler la supercherie de l’usurpateur. Au second appartiennent les nombreux biopics consacrés à sainte Bernadette : celui de Jean Delannoy est sans doute le plus kitsch – je l’avais vu à sa sortie dans une salle toulonnaise fermée depuis  longtemps.

Il y a une dizaine d’années, la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner avait consacré une fiction injustement méconnue au pèlerinage avec Sylvie Testud, Léa Seydoux et Bruno Todeschini dans les rôles principaux. Un prêtre y racontait une blague qui me fait toujours rire. C’est l’histoire de la Sainte famille qui discute de ses prochaines vacances : « Si on allait à Jérusalem ? » dit le Père « Ah non répond le fils, je n’y ai pas que de bons souvenirs ». « Lourdes ? propose-t-il. « Oh oui répond la mère ! Je n’y suis jamais allée ».

Mais venons en au documentaire de Demaizière et Teurlai qui avaient consacré, dans un registre radicalement différent, leurs précédentes réalisations à Benjamin Millepied et à Rocco Siffredi.

Il y a avait bien des façons de documenter Lourdes.
Par l’histoire : en racontant la vie de Bernadette.
Par la sociologie : en étudiant les pèlerins qui s’y pressent.
Par l’économie : en dénonçant le mercantilisme régnant autour du pèlerinage.

Demaizière & Teurlai adoptent un parti pris beaucoup plus subjectif. Ils choisissent un échantillon de pèlerins particulièrement significatif venus chercher à Lourdes sinon un miracle du moins une réponse. Il s’agit d’une part de grands malades : un homme lourdement paralysé depuis plus de vingt ans que sa mère continue à entourer de ses soins attentifs, un autre progressivement emmuré par la maladie de Charcot, un officier supérieur du SID dont le plus jeune fils, âgé de deux ans seulement, est condamné à terme par une maladie orpheline. Il s’agit d’autre part d’individus marginaux : un vieux travesti qui se prostitue au Bois de Boulogne, une bande de Gitans…

Tous ces pèlerins sont filmés au cours des différentes étapes qui ponctuent leur séjour à Lourdes : le pèlerinage à la grotte de Massabielle, la messe dans la basilique enterrée Saint-Pie-X, le bain dans la piscine miraculeuse…  On nous montre aussi la foule de bénévoles de toutes obédiences qui se déploient pour faciliter leur accueil. Mais c’est moins décrire cette organisation qui intéresse les réalisateurs que nous faire pénétrer dans l’intimité de ces pèlerins. Il ne s’agit pas de faire leur psychologie, de déterminer leurs motivations, encore moins d’en faire la critique, mais simplement de les donner à voir.

Bien sûr, on pourrait leur reprocher un excès de pathos, un manque de distance. Bien sûr, celui qui croyait au Ciel et celui qui n’y croyait pas ne ressentiront pas ce témoignage baigné de religiosité de la même façon. Et celui même qui y croyait pourrait avoir des réserves sur la débauche de superstitions qui entoure le pèlerinage de Lourdes. Mais tous communieront dans l’émotion poignante que fait naître ce concentré déchirant d’humanité.

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Retour de flamme ★★★☆

Marcos et Ana ont la petite cinquantaine. Il enseigne la littérature à l’université ; elle est cadre dans une société de marketing. Le départ de leur fils unique pour ses études en Espagne les oblige à une lucide introspection. Même s’ils sont unis par une solide complicité, construite sur l’accumulation des souvenirs partagés, l’amour a déserté leur couple.
Ils décident logiquement de se séparer. Mais, la liberté que leur séparation procure aux deux nouveaux célibataires trouve vite ses limites.

Dans les années trente, Hollywood a inventé la comédie du remariage. Cary Grant et Katherine Hepburn en devinrent les figures emblématiques sous la direction de Howard Hawks (L’Impossible Monsieur Bébé) ou de George Cukor (Indiscrétions). Le principe en était simple : un couple marié divorce puis se retrouve. À la vérité, il s’agissait moins pour les studios hollywodiens de parler de remariage que d’adultère, dont l’évocation était censurée par le code Hays.

Retour de flamme n’est pas une comédie du remariage. D’une part, ce n’est pas une comédie – même si les distributeurs français, cherchant à appâter des spectateurs plus enclins à aller au cinéma pour y rire qu’y réfléchir, ont barré l’affiche d’un inepte bandeau « Le retour de Ricardo Darin à la comédie ». D’autre part, le remariage n’est pas vraiment son sujet – même si les mêmes distributeurs ont traduit le subtil « El Amor Menos Pensado » (littéralement « L’Amour le plus improbable ») par le spoilant « Retour de flamme ».

Retour de flamme est plus intelligemment un film sur la crise de la cinquantaine, qui frappe, après le départ de leurs enfants, les couples les plus unis, encore trop jeunes pour considérer que leur vie est finie et qu’elle n’a pas besoin d’un projet pour lui donner du sens. Retour de flamme est un film subtil sur ce désir de liberté qui nous anime tous, quel que soit notre genre, notre âge et notre statut matrimonial, et auquel nous avons tant de mal à renoncer. Qui n’aime pas séduire et être séduit ? Qui n’a pas envie de s’enflammer, de désirer ? Qui a la sérénité d’accepter le fatal engourdissement d’une union qui a inexorablement perdu la fougue de ses commencements et la perspective d’un futur sans surprise scandé par la répétition des habitudes ? Qui a la lucidité de comprendre que les alternatives sont des leurres ?

Le sujet est merveilleusement servi par ses deux interprètes. Ricardo Darin et Mercedes Moran sont l’un comme l’autre d’une classe folle. Je défie les spectateurs.trices de ne pas rêver de ressembler à l’un et d’épouser l’autre.

Retour de flamme a pour autant deux défauts. Le premier, structurel, est son cœur de cible, particulièrement étroit, auquel j’appartiens trop parfaitement pour ne pas mettre en cause mon enthousiasme suspect : CSP+, 45-55 ans, marié depuis vingt ans…
Le second est sa durée et sa théâtralité : trop bavard, trop long, il aurait pu être amputé d’une bonne demie heure sans nuire à son efficacité.

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Versus ☆☆☆☆

Achille (Jérémie Duvall) est victime d’une sauvage agression dans un bus parisien. Sévèrement blessé, il met plusieurs mois à se remettre. À la fin de sa convalescence, une fois ses blessures cicatrisées, il va passer quelques jours au bord de la mer chez une tante.
Achille y croise Léa (Lola Le Lann), une jeune fille qui l’attire. Mais Léa le repousse qui éprouve une attirance ambigüe pour Brian (Jules Pélissier), un jeune homme hyperviolent défiguré par une cicatrice héritée de sa petite enfance.

Versus commence fort par une scène filmée par des caméras de surveillance. Dans un bus, une altercation tourne mal et se conclut en explosion de violence incontrôlée. Un jeune voyageur est tabassé par un groupe de cinq jeunes déchaînés. On retrouve la victime quelques temps plus tard. Si son visage ne porte plus les marques des coups qu’il a reçus, on comprend vite que les cicatrices sont profondes et que les plaies ne sont pas refermées.
Le cheminement de Brian est symétrique. Le jeune homme, qui refuse d’effacer la cicatrice qui lui barre le visage, va progressivement être ramené à la douceur au contact de la belle Léa.

Versus serait convaincant s’il n’était pas plombé par sa dernière demie heure. Il tourne au slasher. C’était bien la peine que les scénaristes se mettent à quatre pour accoucher d’une histoire aussi dénuée de crédibilité. L’interprétation de Jérémie Duvall n’arrange rien, aussi peu inspirée que celle de Jules Pélissier est incandescente. Si on avait failli, un temps, se laisser séduire par ce ballet d’adolescents mal dans leur peau, on décroche irrémédiablement.

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Crazy Rich Asians ☆☆☆☆

Rachel et Nick sont chinois. Elle est née aux États-Unis, lui à Singapour.
Rachel et Nick sont jeunes, beaux, intelligents et amoureux. Mais Nick a un défaut. Il est riche. Immensément riche. Et sa famille qui possède une bonne part de l’immobilier de l’État-cité, voit d’un mauvais œil leur union.

Le XXIème sera asiatique ou ne sera pas. Les spécialistes qui, vers 2090, feront retour sur le siècle finissant, marqué par le basculement des centres de pouvoir vers l’Asie et la fin de la suprématie occidentale sur le monde, évoqueront peut-être le best-seller de Kevin Kawan et son adaptation cinématographique comme le signe avant-coureur de ce basculement de puissance. Pour la première fois en effet, un blockbuster hollywoodien se déroule à Singapour avec une distribution composée exclusivement d’acteurs asiatiques.

Crazy Rich Asians met en effet en scène des personnages dont nous ne sommes guère coutumiers : des « Chinois pétés de thune » (ce titre aurait été certes moins élégant que l’original en anglais). Le film est l’occasion de montrer le luxe ostentatoire dans lequel cette folle jeunesse s’ébroue : une réception fastueuse dans l’hacienda familiale, un enterrement de vie de garçon dans un supertanker customisé, un mariage à quarante millions de dollars dans une église transformée en rizière… Bref, un La Vérité si je mens made in Singapour.

Mais, hélas, une fois satisfaite la curiosité qu’inspire ce sujet inédit, il ne reste… pas grand-chose. Crazy Rich Asians est une bluette simplette, pour ne pas dire idiote. La charmante Rachel doit affronter l’hostilité de sa belle famille (étrangement réduite aux seules figures féminines d’une mère et d’une grand-mère, le père et le grand-père n’apparaissant jamais sans trop qu’on sache pourquoi). Il y a des méchants et des gentils. Et pour sortir des moments difficiles, avoir des amis c’est très utile. Un peu d’astuces, d’espièglerie. C’est la vie de Candy

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Dressé pour tuer ★★☆☆

Julie (Christy McNichol) percute un berger allemand sur une route de Los Angeles. Elle le soigne, le recueille et s’y attache. Mais elle comprend bientôt que l’animal est dangereux, qui a été dressé pour attaquer les hommes noirs.
Avec l’aide de Keys (Paul Winfield), un dresseur afro-américain, Julie va entreprendre la rééducation de son chien.

« C’était un chien gris… » C’est par ces mots que commence Chien blanc, le livre de Romain Gary publié en 1970. Ce roman autobiographique raconte la vie du prix Goncourt aux États-Unis, son récent mariage avec Jean Seberg, ses rencontres dans le L.A. huppé où il croise Marlon Brando et les leaders du NAACP.

L’adaptation qu’en fait Samuel Fuller n’y a pas grand chose à voir, qui a pour héros un berger allemand – cinq furent en fait utilisés pendant le tournage – blanc comme neige. À se demander même si le vieux réalisateur, gloire déchue du Hollywood des années cinquante, a lu le livre de Gary. Il n’en retient qu’une facette : l’histoire de ce chien dressé depuis son plus jeune âge à attaquer les humains à peau noire.

Le film est construit en deux parties. La première, particulièrement niaise, met en scène la jeune Julie et son chien. Aussi mignonne soit-elle, Christy McNichol, qui d’ailleurs ne fit pas carrière, est calamiteuse qui passe son temps à faire des mamours à son chien, lequel retrousse les babines voire saute sauvagement à la gorge de tous les Noirs qu’il croise. Une fois que la donzelle, la larme à l’œil, a compris quel monstre elle a recueilli sous son toit commence la seconde partie : celle de la rééducation. C’est l’occasion des meilleures scènes du film.

Samuel Fuller ne s’embarrasse pas de longs discours. Il donne à voir sans donner à penser. Derrière la rééducation de ce chien assassin, conditionné à attaquer les hommes de couleur, c’est le procès de l’Amérique raciste, sinon celui de la condition humaine, que Gary intentait posant des questions autrement existentielles : le racisme est-il inné ou acquis ? peut-on l’inoculer ? peut-on en guérir ? Pareil questionnement n’est pas dans les habitudes du cinéma coup-de-poing de Samuel Fuller.

On imagine sans surprise un épilogue convenu qui verrait le gros toutou enfin guéri lécher copieusement les joues de Julie tombée entretemps amoureuse de son beau et noir dresseur. Mais à rebours du happy end attendu, Samuel Fuller a la bonne idée de respecter celui de Romain Gary.

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