Mutafukaz ★★☆☆

Angelino est un gentil Kaïra qui vit de petits boulots à Dark Meat City – un Los Angeles fictionnel en pleine déréliction. Il est sujet à des hallucinations. De mystérieux hommes en noir sont à sa poursuite. Il tente de leur échapper avec son ami Vinz.

Ankama est une success story française, une société créée par de jeunes artistes qui produit des bandes dessinées et des dessins animés. Elle est l’auteur des séries Dofus et Wakfu destinées aux plus petits et diffusées sur France Télévisions.

Mutafukaz est destiné à un public plus âgé. C’est d’abord une série de bandes dessinées signée par Guillaume « Run » Renard, un bédéiste. Son succès a conduit à son adaptation au cinéma avec le concours d’un studio japonais.

Le résultat est (d)étonnant. Il conserve le langage cru et la violence de la BD, l’exubérance de ses vignettes. Il réjouira les fans de la culture street – qui reconnaîtront les voix des rappeurs Orelsan et Gringe – les lecteurs de mangas, les amoureux d’une violence pop expressionniste qui gicle et qui vibre. Les autres, trop vieux pour en saisir toutes les références, seront amusés et intrigués pendant la première moitié du film et glisseront lentement vers l’ennui durant la seconde, quand bien même le rythme ne fléchit jamais. La faute à un scénario qui même s’il lorgne du côté de la SF n’en demeure pas moins d’une décevante simplicité.

La bande-annonce

L’Homme qui tua Don Quichotte ★☆☆☆

Toby (Adam Driver) est devenu un célèbre réalisateur américain. De retour en Espagne sur un tournage, il part à la recherche du cordonnier (Jonathan Pryce) qu’il avait embauché pour son premier film, une adaptation en noir et blanc de Cervantès.
Mais le vieil homme a depuis sombré dans la folie. Il se prend pour Don Quichotte et prend Toby pour son fidèle écuyer, Sancho Panza

Il y a beaucoup de raisons de s’enthousiasmer pour le dernier film de Terry Gilliam.
La première est bien sûr les conditions de sa réalisation et de sa sortie – que nous rappelle d’ailleurs un carton avant le générique. Le film a mis plus de vingt ans à se faire. Lost in la Mancha, un making of sorti en 2002, racontait les déboires subis par Terry Gilliam pour en tourner une première version avec Jean Rochefort, Johnny Depp et Vanessa Paradis. Quinze ans plus tard, c’est un bras de fer juridique avec un ayant-droit, le portugais Paulo Branco et sa société Alfama Films, qui faillit une fois encore compromettre la sortie du film.

La seconde, et non la moins moindre, est la richesse du scénario qui, sous prétexte de nous narrer les aventures de Don Quichotte, s’essaie au portrait de l’artiste en – vieil – homme.  Jonathan Pryce qui interprétait déjà il y a plus de trente ans le premier rôle de Brazil, est le double autobiographique de l’ancien Monthy Python. Le personnage, comme le réalisateur, vit un rêve dangereux : fuir une vie décevante et se réfugier dans la fiction. Il entraîne à sa suite ce jeune réalisateur américain surdoué campé par Adam Driver –  dans la peau duquel on imagine fort bien le charme et l’ironie de Johnny Depp – qui constitue un second double autobiographique de Terry Gilliam. D’un côté donc un jeune réalisateur qui court à sa perte à force de poursuivre des chimères ; de l’autre un vieil homme philosophe qui a définitivement lâché les amarres.

Mais toutes ces – bonnes – raisons – ne suffisent pas à faire de L’Homme qui… un bon film.
Pour faire un bon film, il faut… un bon film. Et cette adaptation dynamitée de Cervantès n’en est pas un, aussi grande que fut notre attente et aussi intense notre désir d’accompagner Terry Gilliam dans ses délires. La faute à un effarant manque de rythme. L’Homme qui tua Don Quichotte est une Rolls Royce avec un moteur de 2CV. Sa première demie heure, censée introduire les personnages et lancer l’action, ressemble à un mauvais film d’action : pourquoi diable avoir fait monter Toby sur une moto et l’avoir lancé dans une course poursuite aussi poussive que convenue ? Le reste est à l’avenant, pendant plus de deux heures interminables où les personnages n’évoluent pas d’un iota, jusqu’à une longue scène finale, un bal masqué qu’on espérait féérique et dont la seule utilité semble-t-il est d’éclairer le sens du titre.

La bande-annonce

En guerre ★★★★

Laurent Amédéo (Vincent Lindon) est délégué syndical chez Perrin Industrie à Agen. Le sous traitant automobile bât de l’aile. Deux ans plus tôt, un plan quinquennal de sauvegarde de l’emploi a été signé avec la direction en échange d’une augmentation de la durée de travail sans contrepartie salariale. Mais le groupe allemand auquel Perrin appartient ne veut rien entendre : Agen n’est pas assez compétitif et doit fermer. Laurent Amédéo va se battre. Il ne veut pas du chèque que lui fait miroiter la direction. Il veut sauver son emploi et celui de ses 1100 camarades.

Avec son septième film, Stéphane Brizé est au sommet de son art. Chacun est meilleur que le précédent. Déjà Le Bleu des Villes en 1998 et Je ne suis pas là pour être aimé en 2004, qui racontaient le mal être d’une pervenche pour le premier et d’un huissier de justice pour le second, avaient ce je-ne-sais-quoi qui retenait l’attention. Puis c’est la rencontre avec Vincent Lindon. Mademoiselle Chambon en 2008 d’une rare délicatesse. Quelques heures de printemps en 2012, un film sur l’euthanasie que je défie quiconque de voir sans en être durablement traumatisé. Puis La Loi du marché en 2015 qui vaut à Vincent Lindon, qui campe un chômeur en fin de droit arc-bouté sur le peu de dignité qu’on lui laisse, une Palme d’Or de la meilleure interprétation masculine amplement méritée.

En guerre met en scène le même acteur dans un rôle similaire. Ceux qui ont aimé La Loi du marché y trouveront le même plaisir. C’est le seul défaut de ce film. Et, vu le plaisir qu’on avait pris il y a trois ans au précédent film de Stéphane Brizé, c’est un défaut vite pardonné.

En guerre raconte moins une guerre qu’une grève. Et si le titre n’avait déjà été utilisé avec la postérité que l’on sait par Eisenstein, il lui aurait mieux convenu. Cette grève, c’est celle que Laurent Amedeo et ses camarades de lutte décident de mener contre la decision inique de l’entreprise. Une fermeture et une vague de licenciements doublement injustes car elles interviennent en violation de la parole donnée deux ans plus tôt et qu’elles frappent un site de production qui, nous dit-on, dégage des profits, quand bien même les actionnaires se plaindraient qu’ils ne soient pas suffisants.

Sur un mode quasi documentaire, Stéphane Brizé filme la grève. L’effet de réalité est amplifié par l’utilisation autour de Vincent Lindon d’acteurs non professionnels frappants de vérité. On n’oubliera pas de sitôt Mélanie Rover, la militante CGT à l’accent chantant et aux réparties bien senties, qui a son avenir tout tracé au cinéma si la rage du syndicalisme l’abandonne.

Des grèves au cinéma, on en a déjà filmées beaucoup sans remonter à Eisenstein. Ces dernières années j’ai particulièrement été marqué par deux documentaires : La Saga des Conti en 2013 et Des Bobines et des Hommes en 2017.

Mais ce qui frappe ici, c’est la cohérence du geste cinématographique. Le scénario, la musique, le cadrage, le montage participent tous d’un même but : filmer un combat qu’on croit perdu d’avance. Car c’est cette trajectoire tragique et rectiligne que semble annoncer le film. On ne sait s’il faut saluer sa rigueur ou déplorer son absence de surprise.

Mais la surprise viendra à la fin du film. Une fin qui précisément semble ouvrir les possibles alors qu’on les croyait jusqu’alors condamnées. C’est une fin à tiroirs que je vous laisse découvrir. Il y a d’abord une rencontre qu’on pensait impossible. Et puis il y a un geste insensé, glaçant, monstrueux, tout aussi inattendu que logique. Et ce geste ouvre une perspective que la voix d’un journaliste, la même que celle qui avait ouvert le film deux heures plus tôt, esquisse.

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Comme des rois ★★★☆

Joseph (Kad Merad) est un arnaqueur né. Ses magouilles font vivre sa famille : sa mère, sa femme (Sylvie Testud) et ses deux enfants, Micka (Kacey Mottet Klein) et Stella (Tiphaine Daviot). Il y associe son fils, qui rêve d’une autre vie, à Paris, où il aimerait devenir acteur. Entre le père et le fils, l’amour le dispute à la haine

Xabi Molia est un nom qui sonne et qu’on n’oublie pas. Ce Basque, passé par Henri-IV et Normal Sup, avait écrit et réalisé en 2009 un premier film qui m’avait durablement marqué. Avec Julie Gayet – qui n’était pas encore devenue célèbre pour des motifs extra-cinématographiques – et Denis Podalydès, Huit fois debout racontait l’histoire de deux paumés résilients.

C’est un peu la même histoire que raconte Comme des rois. Kad Merad y joue le rôle d’un père toxique qui tente de convaincre son fils de suivre la même voie que lui. L’acteur de Baron noir est au sommet de son art. Alors qu’il pourrait sans peine, depuis le succès de Bienvenue chez les Ch’tis, se contenter de cachetonner dans des comédies à succès, l’acteur franco-algérien, co-producteur de Comme des rois, relève le défi du film d’auteur. De film en film, cet hyper-actif dégingandé n’est ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. À la différence de Depardieu, d’Auteuil ou de Luchini, il réussit à se répéter sans lasser.

Dans le rôle de son fils, le jeune Kacey Mottet Klein confirme qu’il a tout d’une – future – star. Il nous est devenu si familier, depuis ses premières apparitions dans les films de Ursula Meier jusqu’à l’excellent Keeper – un des films de mon Top 10 2016 – qu’on oublie qu’il a dix-neuf ans à peine. Il aurait pu se faire bouffer tout cru par Kad Merad. Il réussit à lui tenir tête, dans son rôle et dans son jeu, jusqu’à un dénouement un brin tiré par les cheveux mais auquel il sera beaucoup pardonné pour son ultime réplique.

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Otages à Entebbe ★★☆☆

1976. Quatre terroristes (deux Allemands des Revolutionären Zellen et deux Palestiniens du FPLP) prennent en otages les passagers d’un vol Air France Tel Aviv – Paris à l’escale d’Athènes. Ils le détournent vers Benghazi en Libye puis vers Entebbe en Ouganda. Ils exigent la libération de 53 prisonniers politiques palestiniens.
La prise d’otages durera sept jours. Elle divise le gouvernement israélien, le Premier ministre Yitzhak Rabin étant partisan de négocier tandis que le ministre de la défense Shimon Peres prône le recours à la force pour libérer les otages.
C’est cette seconde option qui l’emporte. Une opération aéroportée audacieuse est montée. Un commando de forces spéciales est déployé qui neutralise les forces ougandaises, tue les terroristes et libère les 102 otages. Le commando israélien n’enregistre qu’une seule perte : celle de son chef, le colonel Jonathan Netanyahou, le frère aîné du futur Premier ministre.

L’histoire est connue. Elle a déjà été souvent filmée – avec Burt Lancaster, avec Charles Bronson, avec Klaus Kinski. Le scénario ne peut pas espérer surpendre le spectateur qui en connaît déjà l’issue. Pour réussir, il doit explorer d’autres voies. Il ne s’agit plus de se demander si les otages vont être libérés mais comment et pourquoi ils vont l’être.

Le réalisateur de Narcos, le Brésilien José Padilha, connaît la musique. Il a rassemblé à Malte une troupe cosmopolite : les stars allemandes Rosamund Pike (Gone Girl, Jack Reacher) et Daniel Brühl (Good Bye Lenin!, Rush), le Britannique Eddie Marsan (outrageusement grimé pour jouer le rôle de Shimon Peres), le Français Denis Menochet (Jusqu’à la garde, Marie Madeleine), l’Israélien Lior Ashkenazi… Le résultat aurait pu ressembler à un mauvais assemblage ; mais la mayonnaise prend.

Otages à Entebbe multiplie les points de vue. Ceux des otages qui tremblent que leur judéité ne signe leur arrêt de mort. Ceux des deux terroristes allemands, enivrés par leur lutte contre l’impérialisme et le sionisme, qui découvrent progressivement, en retenant prisonniers des Israéliens, qu’ils sont en train de reproduire les crimes de leurs pères. Ceux des ministres du cabinet Sharon qui hésitent entre la négociation et le recours à la force.

Otages à Entebbe ne révolutionnera pas l’histoire du cinéma. Il n’a pas le rythme haletant de La Casa de Papel, la tension anxiogène de Buried ou le machiavélisme de Inside Man. Mais il se laisse regarder sans déplaisir.

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Rester vivant – méthode ★☆☆☆

Rester vivant est un écrit de jeunesse de Michel Houellebecq, un manuel de survie pour poètes maudits, écrit en 1991.
Trois co-réalisateurs néerlandais ont demandé à Iggy Pop d’en lire de larges extraits. Ils filment parallèlement trois artistes tombés dans la folie ou sur le point d’en réchapper.

Drôle de méli-mélo que ce film-documentaire de soixante-dix minutes réalisé aux Pays-Bas, tourné en France dont le héros est un artiste rock américain et dont le sujet est le manuel de savoir-vivre d’un Prix Goncourt réfugié en Irlande.

Les précédentes tentatives de Michel Houellebecq de passer derrière la caméra avaient été peu concluantes. La Possibilité d’une île avec Benoît Magimel constitue sans doute l’un des plus navrants naufrages jamais filmés. Pas sûr que l’aura cinématographique de Michel Houellebecq soit réhabilitée par cette adaptation brouillonne de ce court recueil (45 pages seulement) qui rassemble des textes poétiques et philosophiques.

Sa morale, simpliste, est pourtant claire. Elle se résume en deux points, comme les aiment les étudiants de Sciences Po et leurs professeurs : 1. Si la vie est souffrance…2. elle mérite néanmoins d’être vécue. Pour l’illustrer, les réalisateurs filment Iggy Pop en train de lire Houllebecq. C’est peu et c’est déjà beaucoup tant le physique du rockeur américain, son visage ridé, son corps émacié, sont éminemment photogéniques. Les réalisateurs auraient pu, auraient dû s’en contenter. Mais ils lestent leur documentaire de trois portraits : une femme et deux hommes en proie à la folie, sauvés  par leur art. Ces trois personnages sont étonnants ; mais leurs histoires se présentent comme une adjonction un peu artificielle à un film dont elles rompent l’unité.

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Daphné ★☆☆☆

Daphné a trente ans. Elle vit à Londres. Depuis la mort de son père, ses relations avec sa mère se sont tendues. Le jour, Daphné travaille d’arrache-pied dans un restaurant. Elle traîne de bar en bar la nuit et la finit parfois dans le lit d’un inconnu.
Sa vie n’a guère de sens. Une agression à l’arme blanche dont elle est témoin lui en redonnera.

J’entrais dans la salle certain d’adorer Daphné dont la bande-annonce m’avait conquis au premier regard. J’étais sûr de fondre pour cette rousse flamboyante au profil préraphaélite, pour ses noctambules déambulations londoniennes, pour son humour tendre, pour sa quête amoureuse… J’imaginais volontiers un mélange de Gloria, Frances Ha, Bridget Jones et Jeune femme, une Gena Rowlands britannique, une cousine londonienne de Greta Gerwig, une petite sœur de Renée Zellweger, une Laetitia Dosch d’Outre-manche,

Quelle ne fut ma déception ! Car Daphné, loin d’être séduisante, refuse avec la plus suprême énergie de plaire. Bourrue, cynique, solitaire, misanthrope, blessante, elle y réussit tant et si bien qu’elle finit par déplaire. On me dira que la caméra toujours bienveillante de Peter Mackie Burns, qui signe son premier film, réussit à en peindre le portrait paradoxal. Ce serait juger avec beaucoup d’indulgence une histoire violemment dépourvue d’enjeu dramatique, un coup de couteau porté à un commerçant pakistanais et le travail pour dépasser le traumatisme de ne pas avoir su l’empêcher ne suffisant pas à donner à ce film inconsistant la tension qui lui fait cruellement défaut.

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No dormirás ☆☆☆☆

Blanca est une jeune actrice qui rêve de percer sur la scène théâtrale. Elle est contactée par l’homme de confiance d’Alma Böhm, la célèbre dramaturge, qui lui propose le rôle principal de sa prochaine pièce. Mais pour le décrocher, elle devra se plier aux méthodes hétérodoxes de la metteuse en scène qui enferme ses comédiennes dans un ancien asile psychiatrique et les prive de sommeil afin qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes.

Les films d’épouvante aiment les lieux clos peuplés de créatures maléfiques : les vieux manoirs victoriens, les orphelinats, les asiles… Mais, ici, les monstres ne se cachent pas dans les armoires mais au fond du subconscient des comédiennes détraquées par la privation de sommeil.

Le problème de No dormirás est d’être à cheval sur deux registres. D’un côté la réflexion, assez stimulante, sur le métier d’acteur, les concessions qu’on est prêt à faire ou pas pour l’exercer. S’y ajoute une réflexion stimulante sur le rôle que peut jouer le théâtre dans la cure psychiatrique (on pense à la psychothérapie institutionnelle pratiquée à la clinique de La Borde dont les patients montent chaque été une pièce de théâtre). Et aussi une dimension politique à peine esquissée qui se cache derrière l’époque où sont censés se dérouler les faits : 1984, temps de dictature en Argentine où les opposants politiques, quand ils n’étaient pas froidement exécutés ou poussés en haute mer depuis un hélicoptère, étaient enfermés dans des asiles psychiatriques et soumis à des traitements dégradants.

De l’autre, le film d’épouvante plus classique, avec ses codes et ses règles, ses jump scares, ses revenants, ses allers-retours pas toujours très lisibles entre la réalité et le cauchemar. C’est un genre cinématographique qui ne me plaît guère. Je n’aime pas avoir peur ; je n’aime pas être cloué à mon fauteuil par l’effet un peu facile d’un monstre hurleur qui jaillira par une porte grinçante qu’une héroïne en robe de nuit semi-transparente ouvre craintivement. Du coup, comme il l’était prévisible, No dormirás m’a terrifié. D’une terreur que je ne valorise pas mais que d’autres que moi, moins allergiques au genre, apprécieront peut-être.

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Le Secret des Marrowbone ★★☆☆

Fuyant un père violent, Rose Marrowobone et ses quatre enfants se réfugient aux Etats-Unis dans une maison isolée près de l’Océan atlantique. Mais la mère de famille, très malade, décède. Pour éviter d’être placés, les enfants décident d’un commun accord de cacher le décès de leur mère d’ici à la majorité imminente de Jack l’aîné.
La vie se déroule sans anicroche jusqu’à ce qu’une présence inquiétante, dans les combles de la maison, ne vienne troubler la sérénité de la fratrie.

Marrowbone (audacieusement traduit en français Le Secret des Marrowbone) est un film à la croisée des genres. Pendant la première demie heure qui présente une famille gentillette qui vit dans une jolie maison et gambade dans les vertes collines alentour, on se croirait dans un remake de La petite maison dans la prairie tourné en 1969 en Nouvelle-Angleterre. Ou plutôt de Bambi dont la maman meurt tristement abandonnant des orphelins inconsolables.

Mais bientôt l’angoisse s’installe avec son cocktail de ressorts éculés qui font la saveur – et les limites du genre. La maison est probablement hantée, un monstre se terre au grenier, qui marche la nuit et dévore le gentil raton laveur que les enfants avaient domestiqué.

Sauf que Le Secret des Marrowbone est plus subtil que le premier jump scare movie venu. Il cache plusieurs secrets dans son sac. Qu’est-il advenu de ce père violent que les Marrowbone fuient ? Pourquoi prennent-ils un soin maniaque à voiler tous les miroirs ? D’où vient ce magot qu’ils vont retrouver pour aller payer les frais de succession ?

Le film prend alors une dimension inattendue, sinon freudienne rappelant Les Autres de Amenabar ou Split de Shyamalan – où la révélation Anya Taylor-Joy avait fait ses premiers pas. Aurez-vous vu venir le twist final ? Moi-même ne m’y étais pas attendu. De là à dire que j’en suis tombé de l’armoire, il y a un pas que je ne franchirai pas. D’autant que la terreur distillée par les deux heures précédentes avaient suffi à me terrer sous mon fauteuil. Bref, un film pour les plus souples d’entre vous…

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La Révolution silencieuse ★★☆☆

En septembre 1956, à Berlin-est, une classe de lycéens décide de marquer une minute de silence en solidarité avec les révoltés hongrois. Les conséquences de leur protestation seront terribles.

Depuis une quinzaine d’années le cinéma allemand se penche sur son passé. Non pas qu’il ne l’avait pas fait jusqu’alors. Mais il semble aujourd’hui le faire plus systématiquement au risque parfois de donner de lui, dans celles de ses réalisations qui franchissent ses frontières, l’impression que c’est devenu son seul fonds de commerce.

Deux œuvres marquantes dominent cette tendance. La première, Good Bye, Lenin! (2003), emprunte la veine de l’ostalgie, la nostalgie de la vie quotidienne dans les démocraties populaires du Bloc de l’Est. La seconde, La Vie des autres (2006), décrit sans complaisance une société minée par le soupçon.

D’atres films remontent plus loin dans l’histoire de l’Allemagne : la résistance au nazisme (Sophie Scholl en 2005, Seul dans Berlin en 2016), la vie d’Hitler (La Chute en 2004), la lente et tardive Vergangenheitsbewältigung à laquelle le peuple allemand s’est astreint après-guerre pour regarder en face son passé (Le Labyrinthe du silence en 2014)

Le réalisateur Lars Kraume avait déjà réalisé en 2015 un film sur ce sujet. Fritz Bauer, un héros allemand avait pour héros le procureur qui poursuivit des criminels de guerre et permit l’arrestation de Eichmann.

Avec La Révolution silencieuse, il s’inspire d’une histoire vraie qui s’était déroulée en Allemagne de l’Est en pleine guerre froide. L’un des principaux protagonistes, Dietrich Garstka, narra les faits dans un livre autobiographique qui inspira le scénario.

Le sujet était en or. Il aurait pu inspirer une nouvelle Vie des autres. Hélas La Révolution silencieuse pêche par son classicisme et n’a pas le potentiel tragique du film de Florian Henckel von Donnersmarck.

La sympathique bande de lycéens qu’il peint, avec son leader idéaliste, son joyeux luron pragmatique et son Judas schizophrène, ressemble à celle du Cercle des poètes disparus : des jeunes gens épris de liberté. Mais en RDA en 1956, l’exercice de son libre arbitre pouvait avoir des conséquences dramatiques. C’est l’imminence de ce danger qu’on peine à ressentir face à des aventures qui penchent plus du côté du Club des Cinq que du Zéro et l’infini.

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