Filles du feu ★☆☆☆

L’ethnologue Stéphane Breton a rencontré les combattantes kurdes avant qu’elles deviennent les symboles de la résistance à Daech. Il les a filmées au quotidien, marchant à travers une ville en ruines, bivouaquant sur un point haut, préparant une offensive.

Le documentaire de Stéphane Breton est déroutant. On ne mettra pas en cause son authenticité là même où celle de Peshmerga, le documentaire réalisé en 2016 par Bernard-Henri Lévy, pouvait l’être du fait de l’identité de son auteur et de sa réputation polémique. Mais on lui adressera d’autres reproches.

Stéphane Breton se refuse à nous expliquer le conflit qui oppose, au nord de la Syrie, les forces kurdes à celles de l’État islamique. Sans voix off, sans carton explicatif, son documentaire se contente de nous immerger dans le quotidien de ses combattantes. Un quotidien qui n’a rien d’héroïque ou de belliqueux : on y fait la guerre sans passion et sans peur, comme s’il s’agissait d’un acte normal. Un quotidien où les différences de sexe ne comptent pas, où les relations étonnamment apaisées entre combattants et combattantes sont dépourvues de toute tension amoureuse ou érotique.

Le procédé a deux inconvénients majeurs. Le premier est d’être terriblement ennuyeux. Suivre, en caméra subjective, deux combattantes qui marchent à travers une ville en ruines et n’y rencontrent personne sinon des chiens errants, n’est pas très intéressant. Ce l’est encore moins si le plan séquence s’étire interminablement pendant une dizaine de minutes. Et le documentaire a beau être d’une remarquable brièveté (quatre-vingts minutes seulement), les cinq ou six scènes qu’on voit sont, prises isolément, d’une lenteur désespérante.

Le second est qu’il nous laisse avec beaucoup de questions sans réponse. On aurait aimé savoir d’où viennent ces femmes dont le treillis empêche de deviner l’âge. Ont-elles été requises de force ou se sont-elles enrôlées volontairement ? Quelle famille ont-elles quittée ? quel fiancé ? quel mari ? Comment sont-elles intégrées aux forces armées ? Font-elles l’objet de discriminations ? de harcèlement ? Exercent-elles les mêmes fonctions que celles dévolues à leurs frères d’armes ?

L’émotion naît à la toute dernière seconde. Où l’on apprend par un ultime carton que la commandante que l’on vient de voir organiser, avec patience et autorité, le plan de bataille de ses troupes, a trouvé la mort. Trop tard.

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Le Goût du riz au thé vert ★★★☆

Mokichi et Taeko Satake ont fait un mariage de raison. Taeko n’en est pas satisfaite. La vulgarité de son mari, ses manières frustres lui sont de plus en plus insupportables. Elle s’en ouvre sans vergogne à ses amies et s’échappe avec elles au prix de quelques mensonges.
Le couple est au bord de la rupture. La mutation de Mokichi en Amérique latine risque de l’accélérer.

Une rétrospective estivale est consacrée à Ozu à parti du 1er août dans plusieurs salles d’art et essai de France et de Navarre : le Champo, le Louxor, le Lincoln à Paris, le Royal àToulon, le star à Strasbourg, le Majestic à Lille… C’est l’occasion de (re)découvrir dix de ses chefs-d’œuvre qui documentent la reconstruction du Japon d’après guerre et la lente recomposition de la société.

Le Goût du riz au thé vert est sorti en 1952. Le souvenir de la Seconde Guerre mondiale n’est jamais loin comme en témoigne cet ancien soldat reconverti en patron de pachinko que retrouve Mokichi et son filleul. Mais le Japon est obstinément optimiste qui affiche déjà tous les symboles de la modernité : Ozu filme un vélodrome, un stade de base-ball, une locomotive filant à pleine vitesse, un aérodrome comme autant de témoignages de la prospérité retrouvée.

Mais l’œuvre de Ozu ne se réduit pas à une ode au miracle économique japonais. C’est la dissolution du lien familial qui l’intéresse. Ses films les plus connus traitent des liens entre parents et enfants : Le Fils uniqueVoyage à TokyoFleurs d’équinoxeLe Goût du saké… Après Les Sœurs Munakata et avant Printemps précoceLe Goût du riz au thé vert traite du couple.

Le sujet était à la mode – il l’est toujours. Il a inspiré quelques chefs d’œuvre du septième art : les screwball comedies du duo Katherine Hepburn – Spencer Tracy ou Voyage en Italie de Rossellini. Mais Ozu n’a ni la légèreté des premières ni la gravité du second.

Sur le thème du couple, il tisse à sa façon une histoire d’une infinie tendresse qui culmine dans une séquence devenue célèbre. À la nuit tombée, dans leur grand appartement vidé de sa domesticité, le couple, qui n’en a guère l’habitude, se fraie un chemin jusqu’aux cuisines et s’y prépare un plat de riz au thé vert. Cette scène anodine signe leurs retrouvailles et donne son sens au film – au risque de le faire sombrer dans le didactisme : « un couple a le goût du riz au thé vert » tantôt doux, tantôt amer.

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Une famille italienne ★★☆☆

Sur l’île d’Ischia, Pietro et Alba, riches restaurateurs romains, fêtent leurs noces d’or entourés de toute leur famille : leurs enfants, leurs petits-enfants, une vieille sœur, leurs neveux… Mais un orage bloque les invités pendant deux jours sur l’île.

Après douze ans à Hollywood, où Will Smith l’a adoubé, l’Italien Gabriele Muccino revient à Ithaque et y retrouve la formule qui avait fait son succès au debut des années 2000 avec Juste un baiser et Souviens-toi de moi : le film italien chorale rassemblant plusieurs générations d’une même famille et en décrivant, le temps d’un week-end paroxystique, les petites lâchetés et les grandes passions.

La formule pourrait sembler téléphonée. La bande-annonce laissait augurer le pire : une version cinéma de Plus belle la vie ou de Maguy avec moult éclats de voix et de rire. Mais le résultat est loin d’être déplaisant – profitant sans doute de ce que notre indulgence connaît un lâche relâchement en ces périodes caniculaires où la fraîcheur des salles obscures suffit, à elle seule, à nous combler.

Le mérite en revient à Gabriele Muccino qui a réuni autour de lui une pléiade d’acteurs plus ou moins connus de ce côté-ci des Alpes (on reconnait Stefano Accorsi dans le rôle du fils prodigue et Stefania Sandrelli dans celui de la mère de famille). Il réussit à donner à chacun un rôle qui ne se réduit pas à un stéréotype : la femme trompée, le malade d’Alzheimer et son épouse qui s’épuise à le soigner, le mari écartelé entre son ancienne femme et la nouvelle, le couple de jeunes tourtereaux, etc. Il le fait surtout avec une mise en scène d’une parfaite fluidité qui enchaîne les scènes de groupe filmées en longs plans séquences parfaitement millimétrés.

Rien de bien intéressant ne se passe ; mais on ne s’ennuie pas une seconde pour autant. Car on s’attache à toutes ces micro-histoires, à tous ces destins ordinaires. On parle fort et haut ; on crie ; on rit ; on pleure. Tout cela est sans doute excessif sinon caricatural. Mais on est en Italie. C’est l’été. Ne boudons pas notre plaisir.

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My Lady ★★☆☆

Mrs. Justice Fiona Maye (Emma Thompson) vit et travaille à la Haute Cour de Justice à Londres. Elle a consacré sa vie à son travail au point de négliger son mari, professeur de littérature (Stanley Tucci). Affectée à la division familiale, Dame Fiona doit y trancher des affaires délicates : ainsi de deux siamois promis à une mort certaine faute d’être séparés mais dont la séparation entraînera fatalement la mort du plus faible.
Lors d’une astreinte, la juge Maye se voit confier un dossier aussi delicat qu’urgent. Il s’agit d’un Témoin de Jehovah leucémique qui refuse la transfusion sanguine qui pourrait le sauver. Le patient serait-il majeur, l’hôpital ne pourrait pas légalement le transfuser contre son gré. Mais le jeune Adam Henry (Fionn Whitehead) étant encore mineur pendant quelques semaines, l’hôpital peut obtenir d’un juge ce droit, sur la base du Children Act de 1979 qui place l’intérêt de l’enfant au-dessus de toute autre considération.

My Lady est l’adaptation d’un roman de Ian McEwan publié en 2014 sous le titre The Children Act (en français L’intérêt de l’enfant). Même si le film de Richard Eyre est d’une absolue fidélité au roman qu’il adapte, le changement de titre est l’indice d’un glissement sémantique : c’est moins la résolution d’une question juridique qui en sera au cœur que le portrait d’une femme.

Et c’est bien dommage. Car le film – comme le roman – commence bien qui promet une intrigue ramassée dans un prétoire face à une juge magistralement interprétée par Emma Thompson obligée d’arbitrer entre deux valeurs contradictoires : d’un côté le respect des croyances religieuses de chacun, partie intégrante du respect de la dignité humaine, de l’autre le droit à la vie.

Hélas la question – qui, tout bien réfléchi est moins epineuse qu’il n’y paraît et a été tranchée par une jurisprudence ancienne et constante – n’occupe que la moitié du film. Au bout d’une heure, un second commence, qui entraîne à Newcastle à l’occasion d’une audience foraine de la juge Maye. Il n’est certes pas sans lien avec le premier ; mais il n’en a pas l’unité et l’intensité. Il éclaire certains aspects du premier. Mais trop tard : il a perdu en cours de route son intérêt… sinon celui de l’enfant.

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Arythmie ★★★☆

Katia et Oleg se sont rencontrés en faculté de médecine. Mariés depuis peu, ils travaillent ensemble au service des urgences d’une ville russe moyenne. Katia accueille les malades et les oriente vers le bloc. Oleg est affecté dans une unité mobile d’intervention.
Mais réforme du système de santé oblige, leurs conditions de travail changent. On leur demande d’être plus rapides, plus efficaces, fût-ce au détriment de la qualité des soins prodigués aux patients dont ils ont la charge.
Ces évolutions ne sont pas sans incidence sur leur couple. Oleg boit de plus en plus et Katia le supporte de moins en moins.

Le cinéma russe a le don de nous terrasser. Leviathan et Faute d’amour de Zvianguitsev, L’Idiot! de Bykov, Une femme douce de Loznitsa, Classe à part de Tverdovsky, Tesnota de Balagov, la liste est longue de ces films russes qui nous laissent hébétés, pantois. Ces œuvres ont en commun de filmer à l’os, sans concession, une société dure à l’homme, violente, égoïste et les fragiles îlots de résistance que lui opposent quelques individus esseulés et leurs moyens dérisoires : leur courage, leur intégrité, leur amour…

Arythmie s’inscrit dans cette désormais riche généalogie. Il s’y inscrit si bien qu’il risque de passer inaperçu, éclipsé par ses prédécesseurs, desservi par la date de sa sortie en plein cœur de l’été. Il trace deux fils narratifs dont on aurait pu craindre qu’ils fussent par trop artificiellement reliés l’un à l’autre.
D’un côté, une critique politique en règle d’un système de santé, obligé de se renier pour satisfaire aux règles iniques de l’efficience capitaliste. On suit Oleg et son infirmier dans leurs maraudes, qui prennent le temps d’apaiser l’insuffisance respiratoire d’une vieille dame au risque d’arriver trop tard à leur rendez-vous suivant et d’y découvrir une patiente décédée et sa famille désespérée.
De l’autre côté, le drame intime d’un couple qui se délite, un homme et une femme qui ne se supportent plus mais n’arrivent pas à se séparer. Leur histoire, pour banale qu’elle soit, est bouleversante. Elle connaît de touchantes accalmies, telle cette scène d’amour filmée sans fard, à l’issue d’une soirée arrosée entre amis. Son dénouement réussit à éviter le double piège du cynisme et de l’irénisme.

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Une pluie sans fin ★★☆☆

Des jeunes femmes sont tuées près d’une vieille usine dans le sud de la Chine en 1997. Yu Guowei en dirige la sécurité. L’officier Zhang l’associe à l’enquête de police.

Une pluie sans fin est le premier film de Dong Yue. Le réalisateur est un ancien chef opérateur qui soigne sa mise en scène. L’usine en cours de désaffection qui en est le cadre est en fait l’acteur principal. La pluie ininterrompue qui s’abat sur les personnages gomme les couleurs et sature le son.

Cet esthétisme, qui rappelle les fictions de Jia Zhang-Ke et les documentaires de Wang Bing, joue parfois au détriment de l’histoire dont le scénariste semble s’être désintéressé en cours de route, comme les films noirs américains des années cinquante. On perd de vue l’enquête policière proprement dite pour se focaliser sur les personnages : le héros Yu Guowei dont le zèle maladroit tourne bientôt à l’obsession, la belle Yanzi qui rêve de partir à Hong Kong dont la rétrocession est imminente, le vieux policier Zhang revenu de tout.

Une pluie sans fin est un film politique qui tend à la Chine un miroir : celui du temps pas si ancien de l’industrialisation maoïste à marche forcée. Une pluie sans fin raconte la fin de cette époque – qu’on aurait tort de situer dès les premières ZES lancées dès 1979. Il le fait sans nostalgie. Il tire plutôt son film vers l’onirisme ou le cauchemar éveillé : Yu Guowei, dont on doute un instant de la santé mentale, a-t-il vécu les événements qu’il relate ou s’est-il contenté de les rêver ?

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Tully ★★★☆

Marlo (Charlize Theron) est sur le point d’accoucher. Elle est à bout de forces. Son mari (Ron Livingston) et elle ont déjà deux enfants qui prennent toute leur énergie, surtout Jonah, le cadet, qui présente un syndrome autistique.
À la naissance de Mia, sa fille, Marlo se décide à recruter une nounou de nuit. Aussi efficace qu’amicale, Tully (Mackenzie Davis) va lui changer la vie.

Jason Reitman documente depuis une dizaine d’années les âges de la vie de l’Amérique contemporaine. Juno retraçait le parcours d’une adolescente tombée accidentellement enceinte qui décidait de garder son enfant. Young Adult – avec Charlize Theron déjà dans le rôle titre – mettait en scène une femme célibataire revenant dans la petite ville où elle avait grandi. Avec Tully, on fait un bond d’une dizaine d’années et on se retrouve dans les affres de la conjugalité quarantenaire.

Le pitch de Tully m’avait rebuté et j’ai mis plus d’un mois à me convaincre d’aller voir ce film. Je n’avais pas envie d’être le témoin du baby blues de Charlize Theron, de son ventre vergeturé et de ses montées de lait. Je n’avais pas envie non plus d’assister ensuite à sa renaissance au contact d’une moderne Mary Poppins.

Je me trompais sur ce film, beaucoup plus subtil qu’il n’en a l’air. La présence de Diablo Cody au scénario aurait dû me mettre la puce à l’oreille, qui avait déjà signé ceux de Juno et Young Adult. Elle y met une intelligence rare qui évite les ponts-aux-ânes attendus. Et Charlize Theron est bluffante, l’une des plus belles actrices du monde qui ose sans vergogne s’enlaidir – et n’y parvient pas tout à fait – pour convaincre.

Surtout Tully est illuminé par une idée de génie, un twist dont je ne dirai rien… mais dont j’ai déjà trop dit en vous révélant son existence… mais que je ne pouvais pas taire car c’est lui qui donne au film un relief inattendu et bouleversant.

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Bécassine ! ★★☆☆

Bécassine (Emeline Bayart) est née dans un foyer modeste. Son oncle Corentin (Michel Vuillermoz) tente sans y parvenir à la guérir de son indécrottable naïveté. Bécassine n’a qu’un rêve : quitter sa Bretagne natale et découvrir la capitale. Mais, en chemin, elle est recrutée par la marquise de Grand-air (Karin Viard) et par M. Proey-Minans (Denis Podalydès) qui viennent d’adopter la fille de leur jardinier. Bécassine va se révéler une nourrice aimante et une domestique pleine de ressources tandis que ses maîtres ont maille à partir avec un marionnettiste grec peu scrupuleux (Bruno Podalydès).

Gaston Lagaffe, Lucky Lucke, Astérix, Spirou, les Bidochon, les Schtroumpfs… il n’est quasiment aucun héros de bande dessinée française (et belge) qui n’ait donné lieu, avec un succès variable, à son adaptation cinématographique. La recette est paresseuse qui consiste à parier sur leur popularité pour espérer attirer les foules. C’est exactement le même principe qu’Avengers et ses avatars suivent d’ailleurs aux Etats-Unis.

Sans doute le même soupçon d’opportunisme peut-il peser contre le dernier film de Bruno Podalydès. Sauf que le réalisateur de Versailles Rive gauche, Liberté-Oléron et Adieu Berthe n’est pas le premier venu, qui a tissé depuis plus de vingt ans, une œuvre d’une grande cohérence caractérisée par son humour décalé et sa grande tendresse. Aussi, qu’on lui ait confié le soin de porter à l’écran cette icône de la culture populaire n’est-il pas sans pertinence.

Témoignage de la collision de deux mondes, de deux classes, le bon sens de la paysannerie d’un côté, la sophistication de la bourgeoisie urbaine en plein essor qui découvre avec ravissement le confort de la modernité (l’automobile, l’électricité, l’eau courante…), Bécassine née en 1905 de la plume de Jacqueline Rivière et de Joseph Pinchon est un personnage de son temps, cette Belle-Epoque que Bruno Podalydès avait déjà filmée en adaptant l’œuvre de Gaston Leroux (Le Mystère de la chambre jaune, Le Parfum de la dame en noir). Mais c’est aussi un personnage intemporel qui, comme Tintin, séduit les petits et les grands à travers les âges.

Le personnage a deux volets. À première vue, c’est une cruche, une bécasse. Quelques bretons régionalistes bas du front s’y sont arrêtés pour critiquer sans l’avoir vu ce film, invoquant une scandaleuse atteinte à leur identité picrocholine. Mais si Bécassine est naïve, elle est plus que cela. Sa naïveté révèle la pureté de son cœur. Son absence de malice ne fait pas d’elle une idiote ou une simple. Car Bécassine a du bon sens, de l’énergie et de l’amour à revendre.

Le personnage, donc, est attachant, sans même qu’il soit besoin d’évoquer sa robe verte blanche et rouge. Mais le problème est qu’un personnage ne suffit pas à faire un film. Il faut le mettre en action, lui faire jouer une histoire. Hélas, Bécassine ! en est cruellement dépourvu. Sans doute est-il construit autour du couple que la domestique zélée joue avec la petite Loulotte. Les mésaventures de la frivole marquise de Bel-Air viennent étoffer le récit. Mais, la succession de saynètes, empruntées en désordre à la trentaine d’albums que compte la série, ne suffit pas à construire un récit. Bécassine ! dure une heure et quarante deux minutes. Il aurait pu en durer vingt de plus ou de moins, avoir une suite… ou pas.

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Penché dans le vent ★★☆☆

Photographe, sculpteur et performer mondialement connu, l’Écossais Andy Goldsworthy travaille la nature. La pluie, la pierre, l’argile : tels sont les materiaux dont il fait ses œuvres éphémères et changeantes au gré de la météo. Une rivière, un champ, une colline : tels sont les lieux où il les expose. Thomas Riedelsheimer lui avait consacré un premier documentaire en 2004. Voici le second.

Le documentariste allemand a suivi pendant trois ans le land artist britannique à travers le monde : des rues d’Edimbourg à la jungle amazonienne en passant par la garrigue provençale et le New Hampshire. Au gré de ce tour du monde, on découvre in situ ses réalisations les plus marquantes : des « pierres dormantes », des arbres peints, des rochers emmurés, des rivières endiguées…

Sans se presser, Penché dans le vent alterne des interviews de l’artiste et des images de ses œuvres. Le cheveu grisonnant, les pieds dans la glaise, Andy Goldsworthy dit des choses belles et simples sans pontifier ni jargonner. On lui est en particulier reconnaissant de nous éviter le prêchi-prêcha New Age qu’on craignait sur Mère nature, sa beauté et sa fragilité. Il n’est jamais plus convaincant que lorsqu’on le voit au travail, tâtonnant, échouant souvent (parce que le vent s’est levé et emporte les feuilles dont il avait patiemment revêtu la roche), réussissant parfois à faire naître de la beauté.

Sans doute Penché dans le vent fascinera-t-il ceux qui s’intéressent au Land Art et à l’œuvre de Andy Goldsworthy. Sans doute sera-t-il l’occasion pour ceux qui ne le connaissait pas de découvrir son travail. Pour autant, cette réalisation très académique ne se hisse pas au-delà du tout-venant documentaire et, s’il a sa place sur Discovery Channel, sa sortie en salles, aussi confidentielle soit-elle, ne se justifiait pas.

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C’est qui cette fille ? ★☆☆☆

Gina (Lindsay Burge) est hôtesse de l’air. La trentaine, elle vient de perdre son mari et tarde à se remettre de cette disparition. Une nuit, à Paris, dans un bar interlope, elle rencontre Jérôme (Damien Bonnard). Pour elle, c’est le coup de foudre. Elle décide de tout quitter, les Etats-Unis, son travail, pour s’installer à Paris. Mais pour lui, Gina est juste un coup d’un soir.

C’est quoi ce film ? C’est qui cette fille ?, calamiteuse traduction de Thirst Street est un OVNI cinématographique qui voudrait, sans y réussir, jouer avec les genres, comme il voudrait se jouer des frontières, à cheval sur les deux rives de l’Atlantique. Il se présente comme « l’anti-comédie romantique de l’été » ; mais il n’a pas les moyens de ses ambitions. Il n’est pas assez drôle pour être parodique, pas assez sérieux pour être dramatique. La fantaisie de Gina ne fait pas vraiment rire ; la folie dans laquelle elle bascule progressivement ne fait pas non plus pleurer. Au bout de quatre-vingt-trois minutes (sa brièveté est une de ses rares qualités), on comprend que Gina est frappa-dingue, voire toxique. Mais on s’est depuis longtemps désintéressé de son sort, de celui de Jérôme et de Clémence (Esther Garrel), la chanteuse de rock dont il est en fait amoureux.

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