Chiron a une dizaine d’années. Il vit à Miami dans le ghetto noir. Il est la tête de turc de ses camarades qui l’ont surnommé « Little ». Sa mère, qui se drogue et se prostitue, ne s’occupe guère de lui. Chiron s’est trouvé un père de substitution en Juan, un chef de gang.
Cinq ans ont passé. Chiron est désormais adolescent. Son identité sexuelle se précise. Chiron est attiré par Kevin, un camarade de classe.
Cinq ans ont passé à nouveau. Chiron, qui a repris le surnom que lui avait donné Kevin, vit désormais à Atlanta. « Black » est désormais un dealer, comme l’était Juan. Il reçoit un jour un appel de Kevin qui l’invite à Miami.
« Moonlight » c’est Brokeback Mountain + Boyhood + The Wire. En d’autres termes, une histoire d’amour homosexuel, racontée sur une dizaine d’années, dans le milieu hyperviril des trafiquants du ghetto noir.
Le film de Barry Jenkins arrive sur nos écrans précédé d’une rumeur élogieuse. Couronné aux Golden Globes, il est en lice aux Oscars. Le Monde, Libération, Les Inrocks l’encensent.
J’avoue ne pas partager cet enthousiasme. J’ai trouvé inutilement chichiteuses les cadrages flous et les éclairages inspirés de Terence Malick. Plus grave : je n’ai jamais été ému par le personnage de Chiron et par ses difficultés à se trouver.
Troisième et dernier scrupule : j’ai été gêné par la double assignation dans laquelle le héros est enfermé. Enfermé dans sa communauté : on ne voit pas un seul Blanc autour de Chiron comme si sa vie ne pouvait connaître aucun autre horizon. Enfermé dans sa sexualité : Chiron se sent dès son plus jeune âge « différent » – et stigmatisé à cause de sa différence – comme si son homosexualité était inscrite dans ses gènes.