Cléo, six ans, et Gloria, sa nounou cap-verdienne, sont unies par un lien symbiotique. Mais lorsque la mère de Gloria meurt et qu’elle doit rentrer dans son pays pour y prendre en charge l’éducation de ses deux enfants, sonne l’heure de la séparation. Le chagrin de Cléo est si grand que son père accepte de l’envoyer au Cap-Vert y passer avec sa nounou adorée un dernier été.
Je suis allé à reculons voir un film dont je redoutais par avance la mièvrerie et le débordement de sentimentalisme. Je n’en suis sorti qu’à moitié convaincu, certes touché par la délicatesse du scénario mais néanmoins conforté dans certains de mes a priori.
Il faut d’abord reconnaître à ce film une vraie originalité. La relation qui se noue entre une enfant et la personne que ses parents ont salariée pour en assurer la garde est pourtant un riche sujet. Il en existe une face noire, celle de la nounou meurtrière, caricaturalement exploitée par La Main sur le berceau, un nanar des 90ies qui pourrait revendiquer le titre de plus mauvais film de l’histoire (avec Rebecca De Mornay, une star en devenir qui ne l’est jamais devenue) ou, plus subtilement, Karin Viard dans Chanson douce, l’adaptation poignante du prix Goncourt 2016 de Leïla Slimani.
Mais il en existe une face moins dramatique, plus naturaliste et pas moins poignante : les relations complexes qui se nouent entre un enfant et un adulte payé pour lui donner ce qui, dit-on couramment, ne s’achète pas, l’amour.
Plusieurs films latino-américains ont fait la part belle à ce personnage, omniprésent dans toutes les familles, fussent-elles de la petite bourgeoisie : le chilien La Nana (2009), l’argentin La Fiancée du désert (2017), les brésiliens Les Bonnes Manières (2018) et Trois Étés (2018). La nounou est un personnage aussi omniprésent désormais dans toutes les familles parisiennes ; mais, à ma connaissance, le cinéma français ne s’était jamais intéressé à lui.
Le principal défaut de Àma gloria n’est pas son sentimentalisme, contre lequel on était au demeurant prévenu. L’extrême délicatesse de la caméra de Marie Amachoukeli – qui s’est inspirée, dit-elle, de la relation fusionnelle, qu’elle entretenait enfant avec sa nounou portugaise elle aussi obligée un jour de rentrer au pays – et surtout le jeu incroyable des deux actrices, la petite Louise Mauroy-Panzani, dont on se demande en tremblant comment la réalisation a réussi à deux reprises au moins à lui arracher des sanglots aussi déchirants, et Ilça Moreno Zego, tout en rondeur maternelle, réussissent à éviter ce piège.
Son principal défaut est peut-être dans sa simplicité et sa modestie. Sans qu’il soit besoin d’invoquer à charge les incohérences de son scénario (imagine-t-on envoyer une fillette de six ans non accompagnée dans un vol avec escale vers Praia ??), Àma Gloria, la caméra collée à ses personnages, n’évoque qu’un seul sujet sans jamais en dévier : l’amour oblatif de Cléo pour Gloria. Tout dans le film est organisé autour de ce thème unique. Une semaine après Anatomie d’une chute, dont quasiment chacune des scènes ouvrait sur des lignes de fuite vertigineuses, la comparaison ne joue clairement pas en faveur de ce film univoque et monotone.
La bande-annonce