Mahitio a onze ans. La Seconde Guerre mondiale fait rage au Japon. Il perd sa mère dans l’incendie qui détruit Tokyo et part à la campagne avec son père, qui y dirige une usine aéronautique. Sa nouvelle belle-mère, déjà enceinte de son père, le prend sous sa coupe. Avec la complicité d’un héron cendré doué de parole, Mihito découvre un passage secret qui le mène dans un monde parallèle. Il y pénètre dans l’espoir d’y retrouver sa mère.
Hayao Miyazaki, 82 ans, est de retour, dix ans après Le vent se lève. Il avait pourtant, à plusieurs reprises déjà, annoncé sa retraite. Pour le plus grand soulagement de ses fans, il n’a pas tenu sa promesse.
Le Garçon et le Héron sonne un peu comme un film testamentaire et comme la synthèse de ses films précédents. On y trouve, comme dans Le vent se lève ou dans Porco Rosso, un ancrage historique bien réel et ici largement autobiographique (fils d’un ingénieur en aéronautique, Miyazaki est né en 1941 et sa famille a fui Tokyo en 1944 pour se protéger à la campagne des bombardements). Son héros est un pré-adolescent – ici un garçon alors que souvent il s’agissait d’une jeune fille (Le Voyage de Chihiro, Le Château ambulant). Comme Alice au pays des merveilles, ce héros effectue un voyage initiatique dans un monde imaginaire peuplé d’étranges créatures. Il en ressort transformé et grandi et y aura trouvé, comme Mihito à la fin du Garçon et le Héron les moyens d’y dépasser le traumatisme originel qu’il avait subi.
Si la palette de Miyazaki est immédiatement reconnaissable, si on retrouve dans son dernier film les mêmes situations, les mêmes personnages que dans les précédents, cette répétition ne produit aucune lassitude. Au contraire. C’est avec un plaisir toujours renouvelé qu’on se laisse emporter dans cet univers à l’imagination débridée, tout à la fois mystérieux et familier.
J’aurai vu trois films magistraux ces dernières semaines : Killers of the Flower Moon, L’Enlèvement et Le Garçon et le Héron. Ils sont chacun signés par un immense réalisateur octogénaire au sommet de son art. Aucun de ces films n’est crépusculaire. J’ai dit du Garçon et le Héron qu’il était testamentaire – dans la mesure notamment où il ouvre dans son dernier tiers une réflexion sur l’héritage et la succession – mais testamentaire et crépusculaire ne sont pas la même chose.
Je ne sais que penser de cette concomitance. Faut-il déplorer que de jeunes réalisateurs se voient éclipsés par de vieilles gloires et que les meilleurs films qu’on nous propose en cet automne 2023 soient les mêmes que ceux qu’on nous proposait déjà il y a vingt ans à l’époque de Gangs of New York, de Buongiorno, Notte ou du Voyage de Chihiro ? ou doit-on au contraire se féliciter qu’avant de passer la main ces immenses réalisateurs trouvent encore l’énergie de nous léguer un dernier témoignage de leur impressionnante maîtrise et de leur foisonnante créativité ?
Kim (Song Kang-Ho) est un réalisateur vieillissant et obsessionnel, cantonné aux séries B, qui n’a jamais réussi à percer malgré le succès de son premier film dont une rumeur persistante l’accuse d’avoir volé le scénario au maître dont il était l’assistant jusqu’à sa mort. Il est déterminé à retourner la fin de son film, Dans la toile, dont il n’est pas satisfait, et réussit, à force de persuasion, à faire revenir ses acteurs, ses techniciens pour deux jours de tournage supplémentaires. C’est sans compter sur les egos surdimensionnés des acteurs, sur les intrigues de couloir qui les déchirent, sur les problèmes techniques qui s’accumulent et sur la censure officielle (l’action se déroule au début des 70ies sous la dictature coréenne),, heureusement soluble dans le whisky.
MMXX se déroule, comme son titre l’indique, en 2020. Il se déroule aussi – mais son titre ne l’indique pas – à Bucarest et raconte quatre histoires qui sont peut-être (ou pas) reliées entre elles par un fil ténu.
Dodin (Benoît Magimel) est un gastronome. Ce riche châtelain a une passion dévorante : la cuisine qu’il a érigée en art. Pour l’épauler, il peut compter sur Eugénie (Juliette Binoche), sa fidèle cuisinière qui est devenue, les années passant, sa compagne mais a toujours refusé de légaliser leur union. Tandis que la santé d’Eugénie montre des signes inquiétants de déclin, Dodin travaille au repas qu’il doit donner en l’honneur d’un prince ottoman.
La vie et l’oeuvre de l’abbé Pierre que sa santé fragile a empêché d’embrasser la vie ascétique des Capucins. Soldat puis résistant pendant la Seconde guerre mondiale, brièvement député sous la IVème République, il achète à Neuilly-Plaisance un édifice en ruines pour y accueillir les vagabonds et les mal-logés. Afin de financer les repas et les dépenses courantes, il a l’idée de recycler détritus et objets usagés et de les revendre. Emmaüs est né. À l’hiver 54, l’appel déchirant qu’il lance en faveur des sans abris lui confère une célébrité qui l’accompagnera jusqu’à sa mort en 2007.
En 1942, Helena Citron a vingt ans à peine. Elle est belle comme un cœur, fraîche « comme une pêche » dira plus tard une de ses compagnes de captivité. Elle fait partie du premier convoi de femmes déportées de Slovaquie à Auschwitz. Elle y survivra près de trois ans grâce à un officier SS, Franz Wunsch, qui tombe éperdument amoureux d’elle, la prend sous son aile et parvient même à sauver in extremis la sœur de Helena de la chambre à gaz même s’il y laisse ses deux neveux. Trente ans plus tard, il sera jugé à Vienne et lui demandera de venir témoigner en sa faveur.
En juin 1858, dans les États pontificaux, le jeune Edgardo Mortaro est soustrait à la garde de ses parents par les soldats du Pape au motif qu’il aurait été secrètement baptisé et doit recevoir une éducation catholique. Le rapt provoque une campagne internationale de soutien à ses parents, des riches marchands israélites bolognais, qui exigent sa libération. Mais le pape Pie IX, dont l’autorité vacille sous les coups du Risorgimento, refuse de relâcher l’enfant.
Un cambrioleur pénètre dans un luxueux penthouse new-yorkais pour y dérober des oeuvres d’art. Il s’y retrouve piégé, sans contact avec l’extérieur. La crainte d’y être à tout jamais enfermé se substitue bientôt à celle d’y être cueilli par la police. D’autant que l’eau y a été coupée et que la climatisation fait des siennes.
Le réalisateur Kleber Mendonça Filho est né et a grandi à Recife, la capitale du Pernambouc dans le Nordeste brésilien. Il a gardé le souvenir de la maison familiale qui servit de décor à ses premiers essais filmiques et celui des nombreux cinémas du centre ville aujourd’hui désaffectés.
Marguerite Hoffmann (Ella Rumpf) travaille à l’ENS sous l’autorité de Laurent Werner (Jean-Pierre Darroussin) à une thèse de mathématiques. Mais la présentation au public de ses premiers résultats tourne au fiasco. Dégoûtée, Marguerite claque la porte de l’ENS, décide de renoncer à jamais aux mathématiques et part s’installer dans un meublé crasseux du 13ème arrondissement parisien.