En plein jour ★☆☆☆

La jeune réalisatrice Lysa Heurtier Manzanares filme, dans un parc parisien, neuf hommes et femmes évoquant très librement leur sexualité. Julien, encore vierge, partage sa frustration. Cordula raconte l’emprise qu’elle a subie alors qu’elle était adolescente. Mélusine parle de BDSM. Judith, une femme transgenre, évoque son pénis et la façon dont il a réussi à l’accepter.

Le titre de ce documentaire sonne comme une revendication. Il s’agit de parler en plein jour, dans le cadre ouvert d’un espace public, de ce qui relève du plus intime. Si les interviews réalisées par Lysa Heurtier Manzanares avaient été tournées dans un espace clos, elles auraient eu un effet tout autre. Dans ce parc, paisible et aéré, elles se nimbent de douceur et de romantisme même si les sujets abordés ne sont pas toujours tendres.

On imagine les trésors de patience déployés par la réalisatrice pour trouver des témoins, discuter avec eux, gagner leur confiance. On est curieux de savoir combien lui ont fait faux bond, sont revenus sur leurs témoignages ou lui ont demandé de les couper au montage.
Car il faut un sacré courage pour accepter de témoigner, face caméra, avec son nom au générique, sur des sujets aussi intimes.

Qui trop embrasse mal étreint. S’il faut saluer son audace, En plein jour a aussi ses limites. La première est sa durée : une heure à peine, scandée par la succession assez morne et vite répétitive de neuf interviews au format par trop semblables avec, entre elles, des plans séquences bucoliques et anonymes.
La seconde est son sujet : la sexualité est un continent immense et En plein jour aurait peut-être dû se focaliser sur un de ses aspects.

Sur le même sujet et dans un format similaire, sans qu’il soit besoin d’invoquer les mânes de Pasolini (Enquête sur la sexualité), j’ai préféré Préliminaires, le documentaire très juste d’Arte sur la sexualité des adolescents.

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Saules aveugles, femme endormie ★★☆☆

Saules aveugles, femme endormie est un recueil, sorti d’abord en anglais en 2006 puis en japonais en 2009, de vingt-trois nouvelles que l’écrivain japonais Haruki Murakami avait initialement publiées dans diverses revues et magazines.
L’artiste franco-hongrois Pierre Földes a choisi d’en adapter six d’entre elles. Compositeur depuis plus de trente ans, il en signe aussi la musique.

Les fans de Murakami – La Ballade de l’impossible, Kafka sur le rivage, 1Q84 – y retrouveront le réalisme magique de ses romans, ses personnages flottant entre rêve et réalité. Le récit se focalise sur trois personnages : Komura, un jeune employé de banque, sa femme Kyoko, sidérée par le tsunami qui vient de frapper le Japon, et Katagiri, son collègue plus âgé. Kyoko quitte Kimura et le laisse sombrer dans la solitude. Il accepte de se rendre à Hokkaido pour y remettre un colis mystérieux à la sœur d’un collègue. Dans un love hotel, il passe une nuit d’amour. De retour à Tokyo, il cherche son chat Watanabe qui ne donne plus signe de vie depuis le départ de Kyoko et fait, durant sa quête, la rencontre d’une jeune voisine. Pendant ce temps, Katagiri croit rencontrer une grenouille parlante qui, tout en citant Nietzsche ou Conrad, lui demande de l’aider à combattre un ver géant pour éviter à Tokyo un tremblement de terre.

Comme souvent dans les recueils de nouvelles, l’ensemble est inégal. On s’attache à certaines histoires – le souvenir raconté par Kyoko de sa rencontre, le jour de ses vingt ans, avec le mystérieux propriétaire du restaurant où elle travaillait alors – on s’intéresse moins à d’autres. On se laisse porter par le trait aérien du dessin et, comme les personnages de l’histoire, on flotte bientôt dans un entredeux (ou un entre-trois ?) étonnant, entre rêve, cauchemar et réalité.

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Le Monde d’après 1 et 2 ☆☆☆☆

Le Monde d’après et sa suite, Le Monde d’après 2, sont deux films à sketches tournés sans un cent de subvention publique et distribués en catimini sans aucune publicité ni couverture de presse. Le premier, qui compte neuf saynètes et dure une heure à peine est sorti le 26 octobre. Le second en compte quinze et atteint la durée canonique de 1h30. Il est sorti le 15 mars dernier dans une seule salle parisienne et n’y est diffusé que trois fois par semaine à des séances qui, paradoxalement, affichent quasiment complet.

Dans un immeuble haussmannien, de nos jours, après l’épidémie de Covid et le confinement, plusieurs histoires se nouent. Un couple, obsédé par les risques d’infection, en convie un autre à dîner. Une féministe retorse fait chanter son plombier. Deux amis transgenres discutent maternité et filiation en fumant un joint. Une célibataire patriote reçoit un policier qu’elle vient de rencontrer sur Meetic. Trois enseignantes discutent des protocoles sanitaires mis en place par leur établissement et de la meilleure façon de les faire respecter par leurs élèves. Deux militantes LGBT vegan et écolo recrutent une étonnante colocatrice. Un mari annonce à sa femme éberluée sa conversion à l’Islam. Deux comédiens sans cachet acceptent de jouer le rôle de deux malades du Covid en fin de vie dans un clip faisant l’éloge de la vaccination. Une propriétaire sur le point de vendre son appartement reconnaît l’infirmière qui lui a interdit pendant le Covid de venir au chevet de sa mère mourante. Deux militantes écolo préparent une manifestation non violente. Un hétérosexuel souhaite participer à une manifestation LGBT et se demande dans quelle section du cortège il pourra se glisser. Une femme transgenre donne une leçon de yoga. Une rencontre amoureuse est brutalement interrompue lorsque l’un des deux partenaires apprend qu’il est cas contact. Par solidarité avec sa femme enceinte, son conjoint essaie de reproduire toutes les contraintes qu’elle doit subir pendant sa maternité. Un fils présente à ses parents sa nouvelle fiancée, voilée et intégriste, qu’il a rencontrée en fac de socio où elle écrit une thèse sur les Juifs et le réchauffement climatique..

Ces deux films provoquent le malaise. Sous couvert de susciter le rire – et reconnaissons leur qu’ils y arrivent souvent, tant les situations qu’ils brossent sont outrancières – ils révèlent vite leur projet : faire le procès des dérives de notre époque. Chaque sketch tourne en dérision l’un de ses travers réels ou fantasmés : l’obession hygiéniste et vaccinaliste créée par le Covid, le transgenrisme, le radicalisme féministe, l’islamophilie….

Bien sûr, l’art peut se moquer de tout. On n’est pas descendu dans la rue en défendant Charlie Hebdo, le droit au blasphème et à la dérision pour venir s’insurger de films qui utiliseraient les mêmes armes au service d’autres causes. Le paysage cinématographique penche à gauche, sinon à l’extrême gauche. Pour prendre par exemple le sujet de l’immigration, on ne compte plus les films, d’ailleurs généreusement subventionnés par le CNC, qui battent en brèche la politique gouvernementale, lui reprochant sa frilosité, sinon son racisme : Welcome, Le Silence de Lorna, Le Havre, Les Engagés, Ils sont vivants… Au contraire, on ne voit pas un seul film qui soutienne le point de vue radicalement inverse et qui reprocherait au Gouvernement d’être trop laxiste ou d’échouer à renvoyer les étrangers en situation irrégulière.

Pour autant, sans appeler à la censure, on a le droit de ne pas rire à des films qui, si on prend la peine de gratter, si on va lire les interviews données par son réalisateur ou la critique évidemment élogieuse, forcément élogieuse, qu’en fait Causeur (« Le cinéma français, « soutenu » par un CNC complaisant et politique, est globalement nullissime. Raison de plus pour aller voir un film qui n’a reçu ni subventions ni critiques élogieuses de la presse progressiste et qui se moque avec intelligence et drôlerie, en une heure chrono, de notre époque hygiéniste, néo-féministe, transgenriste et wokiste ») donnent froid dans le dos.

La bande-annonce du Monde d’après
La bande-annonce du Monde d’après 2

Brighton 4th ★★☆☆

Kakhi est un vieux Géorgien qui fut, dans sa jeunesse champion de lutte. Son frère est un joueur compulsif qui dépense au jeu l’argent que sa femme, qui a émigré à Brooklyn, lui envoie chaque mois pour rénover leur appartement. Son fils, Soso, qui a lui aussi émigré aux Etats-Unis pour y faire des études de médecine, suit le même chemin. Aussi Kakhi décide-t-il de se rendre à New York. Il y retrouve sa belle-soeur qui gère la pension de famille où son fils végète. Soso doit une importante somme d’argent à un caïd russe de la pègre. Son père est prêt à tout pour sortir son fils de la mauvaise passe dans laquelle il s’est enfermé.

Brighton Beach est ce quartier de Brooklyn en bord de mer où la diaspora soviétique a convergé avant d’essaimer vers le reste des Etats-Unis. James Gray en avait fait en 1994 le cadre de son premier film, Little Odessa, dont l’ombre intimidante plane au-dessus de Brighton 4th. On y retrouve le même souci quasiment anthropologique, de radioscoper un quartier où, dans un joyeux Babel linguistique, se croisent toutes les populations de l’ex-URSS.

À cette radioscopie quasi-documentaire s’ajoute une tragédie grecque qui raconte la décision héroïque d’un père de sauver son fils, au péril de sa vie. Le rôle de Kakhi est interprété par un ancien lutteur professionnel, double champion olympique et quintuple champion du monde dans les 70ies. Il a encore, à soixante-dix ans passés, la stature du rôle ; mais le manque d’expérience de cet acteur amateur se ressent dès qu’il a quelques lignes de texte à dire.

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L’Éden ★☆☆☆

Eliú et Mono sont deux gamins des rues colombiens qui ont commis un crime de sang. Arrêtés, condamnés, ils purgent ensemble leur peine dans un curieux centre de rééducation où des détenus réhabilitent une propriété privée délabrée sous la garde d’hommes en armes et y participent, sous l’autorité d’un ancien alcoolique en rémission, à des ateliers de thérapie collective.

LÉden n’a pas été interdit aux moins de douze ans ni même accompagné d’un avertissement. Pourtant LÉden est un film éprouvant qui met en scène des adolescents entre quatorze et seize ans et qui serait de nature à impressionner un jeune public, à supposer qu’il y comprenne quelque chose.

Car LÉden ne prend pas le parti naturaliste de décrire la violence des rues et de la prison telle qu’elle est. Le parti retenu est poétique sinon hermétique. Du meurtre, commis semble-t-il sous l’emprise narcotique, on ne voit et on ne comprend pas grand-chose, comme d’ailleurs ses deux auteurs eux-mêmes qui se sont trompés de victime. Et leur emprisonnement dans un no man’s land au parfum d’absurdie laisse la même impression cotonneuse.

Le contrecoup en est que la violence abjecte imposée à ces gosses réduits en esclavage, enchaînés jour et nuit, est euphémisée. Elle en paraît presque plus douce. Mais la fin du récit prend soin sinon de nous ramener à la réalité du moins de nous rappeler la dureté du sort de ces orphelins sans feu ni lieu, acculés à ne pouvoir compter que sur eux-mêmes et à vivre tant bien que mal avec leurs cauchemars.

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Le Coup de l’escalier (1959) ★★☆☆

Dave Burke (Ed Bigley), un ancien policier corrompu, cherche deux acolytes pour braquer une banque dans le nord de l’Etat de New York. Il convainc Earle Slater (Robert Ryan), un ancien soldat, et Johnny Ingram (Harry Belafonte), un chanteur noir criblé de dettes. Mais la rivalité entre les deux hommes compromet vite la réussite du hold-up.

Le Coup de l’escalier est l’œuvre de Robert Wise, un des réalisateurs les plus étonnants de Hollywood. Il tourne d’abord des films de série B, d’horreur, de science-fiction, un western et même un péplum (avec Brigitte Bardot !) avant d’accéder tardivement à la célébrité avec West Side Story en 1961 et La Mélodie du bonheur en 1965 qui seront l’un et l’autre couverts d’Oscars. Il n’avait guère joué de rôle dans Le Coup de l’escalier, sorti quelques années plus tôt, un film de studio dont l’initiative revenait à Harry Belafonte alors au sommet de sa gloire.

Dans son Dictionnaire du cinéma, Jacques Lourcelles a consacré quelques lignes à ce film noir méconnu, dont le sujet est moins l’organisation d’un hold-up (Quand la ville dort est son modèle indépassable) que le racisme viscéral de l’un de ses protagonistes. Il parle d’un film sur l’échec, d’une « élégie glaciale », d’une « pavane pour l’agonie de trois losers, de trois has-been saisis dans un univers urbain qui les encercle et les asphyxie ».
C’est l’inconvénient de lire d’autres critiques avant d’écrire la sienne : que peut-on rajouter à celles qui ont déjà tout dit ?

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Los reyes del mundo ★☆☆☆

Cinq enfants des rues de Medellin entreprennent un long voyage à travers la Colombie pour aller prendre possession de la terre qui vient d’être restituée à la grand-mère de l’un d’entre eux.

Le cinéma colombien se porte décidément très bien. Après Un Varón et L’Eden, voici un troisième film qui nous vient de ce lointain pays. Son défaut est d’avoir comme les deux précédents, les mêmes héros : une bande d’enfants des rues abandonnés à eux-mêmes comme si le cinéma colombien n’avait que ces seuls héros-là à filmer.

Los reyes del mundo emprunte au genre du road movie. Entre Medellin et Nachi, aux confins de l’Antioquia, tout en bas de la cordillère des Andes, les gamins font de nombreuses rencontres plus ou moins hospitalières : des prostituées bienveillantes leur font un temps office de mères de substitution avant que des rancheros surarmés ne les agressent. Au bout du chemin, on pressent que l’eden escompté ne sera pas au rendez-vous et que les jeunes verront une fois encore se fracasser leurs rêves d’une vie meilleure.

Le traitement de Los reyes est moins naturaliste que l’était celui de Un Varón. Au contraire, le parti retenu est celui de la poésie sinon de l’onirisme au détriment de la lisibilité du récit pas toujours facile à suivre. Ainsi quand les cinq gamins sont kidnappés par des hommes en armes, on ne comprend pas grand-chose à ce qui leur advient : sont-ils enfermés dans une cave, dépouillés de leurs effets, battus voire violés ? réussissent-ils à s’échapper ? qu’advient-il de Nano ? On n’en saura rien….

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Tristana (1970) ★★★☆

Dans l’Espagne des Années Vingt, Tristana (Catherine Deneuve) est une jeune pianiste recueillie par son oncle à la mort de sa mère. Vieux sexagénaire libidineux, Don Lope (Fernado Rey) professe des idées avant-gardistes sur le mariage et l’Église et exerce sur sa nièce une emprise étouffante au point de faire d’elle sa maîtresse. La jeune Tristana parvient à lui échapper avec Horacio (Franco Nero), un peintre  sans talent, qui l’emmène vivre à Madrid. Mais, deux ans plus tard, atteinte d’une tumeur au genou qui conduira à son amputation, elle revient vivre auprès de Don Lope et finira par l’épouser.

Tristana est, avec Viridiana, un des rares films tournés par Buñuel en Espagne. Le moindre des paradoxes du plus grand réalisateur espagnol ne fut pas en effet d’avoir quasi-exclusivement tourné hors de son pays : au Mexique, puis en France. Tristana est l’adaptation du roman éponyme de Benito Pérez Galdós écrit à la fin du dix-neuvième siècle. Buñuel avait déjà porté à l’écran deux romans de cet auteur espagnol naturaliste, Nazarin en 1959 et Viridiana en 1961. Buñuel y a en effet trouvé un thème qu’on retrouve dans plusieurs de ses films à commencer par El ou Belle de jour : la toxicité du désir masculin qui enferme son objet dans un amour possessif et jaloux, opposée à la perversité du désir féminin qui parvient à renverser cette domination à son avantage.

Car, si Don Lope est un personnage abject, qui non seulement abuse de la fragilité de la jeune Tristana mais en plus se paie de mots en se faisant passer pour un libre penseur affranchi de la morale étriquée de son temps, Tristana n’est pas une oie blanche et encore moins une victime. La seconde partie du film, à partir de son retour à Tolède et de son amputation, voit les caractères se renverser. Don Lope devient de plus en plus doux alors qu’au contraire Tristana, de plus en plus amère et dure, achève logiquement son parcours par un crime qui ne figurait pas dans le roman de Pérez Galdós.

Autre différence avec le roman, le fétichisme avec lequel Bunuel entoure la terrible amputation de son héroïne. Ce coup du sort asservit moins Tristana à son tuteur qu’il ne la pare d’un érotisme aussi morbide que fascinant, comme le montre la célèbre scène du balcon où elle se dénude sous les yeux médusés du jeune Saturno ou celle, non moins célèbre, où elle interprète une étude de Chopin. La légende voudrait que Hitchcock – qui ne s’en laisser remontrer à personne en matière de fétichisme – ait nourri une fascination particulière pour cette scène dont il connaissait par cœur le découpage.

J’ai eu la chance de voir Tristana au Louxor dans le dixième arrondissement, avec en bonus la conférence très informée de Fabienne Duszynski. Chaque dimanche depuis le 12 mars, elle y analyse un film de Buñuel. Hélas, le cycle s’achève demain avec Le Charme discret de la bourgeoisie. Aurais-je vu Tristana sans ces commentaires éclairés, j’en aurais compris la moitié et l’aurais d’autant moins apprécié. Mais, Buñuel fait partie de ces artistes dont j’apprécie d’autant plus les œuvres que je me les suis fait expliquer.

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Blue Jean ★☆☆☆

Nous sommes en 1988, en plein thatchérisme, alors que la Section 28, qui interdit de « promouvoir l’enseignement dans aucune école publique de l’acceptabilité de l’homosexualité » vient d’être promulguée. Jean (Rosy McEwen), la petite trentaine, est prof de sport dans un lycée du nord de l’Angleterre. Jean est lesbienne, vit une relation amoureuse avec Viv, mais le cache à ses proches et à son employeur de peur de perdre son poste.

Blue Jean est un film qui malheureusement se laisse écraser par son sujet : l’impossibilité de vivre à visage découvert son homosexualité dans l’Angleterre conservatrice de Thatcher. Tourné à l’époque des faits, il aurait eu la rage rebelle des premiers Stephen Frears, de Prick up your Ears ou My Beautiful Launderette. Mais, trente-cinq ans plus tard, il a un goût de réchauffé.

La faute n’en incombe pas à son actrice principale qui joue à merveille un rôle ambigu, celui d’une femme qui, après un mariage malheureux (dont on ne saura ni comment il s’est noué ni comment il s’est brisé), est tombée amoureuse d’une femme et s’est reconstruite dans la douce sororité d’amies lesbiennes mais n’est pas encore parvenue à assumer socialement son homosexualité.

L’enjeu du film, on le sait par avance, est de deviner quand et comment « Jean la mélancolique » (c’est je crois le sens du titre) fera son coming out. Elle y sera obligée par une de ses élèves, Lois qui, comme Jean quelques années plus tôt, essaie dans l’hostilité générale, d’affirmer son identité sexuelle. Jean est tiraillée entre la crainte que Lois ne la trahisse et le souhait de l’aider. Elle est peut-être aussi animée de pensées plus troubles pour l’adolescente.

Blue Jean est construit au point de rencontre de deux univers dont la description n’évite pas hélas les clichés : d’un côté un lycée anglais engoncé dans son conservatisme hors d’âge avec ses collégiennes en uniforme, de l’autre un club de lesbiennes sans soutien-gorge, l’aisselle buissonnante, tatouées et piercées. Ce qui réunit ces deux univers, outre l’héroïne : la musique new wave aux parfums de madeleine proustienne qui rappellera à tous ceux qui ont mon âge le parfum de leur adolescence plus ou moins rebelle.

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Alma Viva ★☆☆☆

Salomé est une enfant de neuf ans élevée en France. Elle passe tous les étés auprès de sa grand-mère adorée qui l’initie aux rites et coutumes de son petit village du nord du Portugal avant de mourir brutalement. Son décès sème le chaos dans sa famille tandis que les feux de forêt qui cet été-là ravagent tout le pays se rapprochent dangereusement du village.

Alma Viva est, de l’aveu même de sa réalisatrice, la Franco-portugaise Cristèle Alves Meira, en partie autobiographique. Comme son héroïne, elle a passé tous ses étés chez ses grands-parents au Portugal. On retrouve d’ailleurs la même veine autobiographique, chez des enfants d’émigrés portugais de la deuxième génération dans Tous les rêves du monde, un film passé inaperçu de Laurence Ferreira Barbosa, qui racontait les vacances pendulaires d’une jeune Franco-portugaise.

Alma Viva a reçu un succès mérité à la Semaine Internationale de la Critique au Festival de Cannes 2022. Il joue sur plusieurs registres. C’est un roman initiatique qui raconte la sortie de l’enfance d’une petite fille. C’est une tragicomédie familiale qui met en scène des personnages felliniens hauts en couleur (la naine cocue et revancharde, le frère aveugle et philosophe…). C’est un film qui convoque les plantes et les esprits pour flirter avec le fantastique. C’est presque un documentaire anthropologique.
J’ai vu récemment Traces un autre film portugais, lui aussi passé inaperçu, qui utilisait ces éléments là en les lestant d’une gravité que ce film n’a pas et ne cherche pas à avoir. Je l’avais préféré à cet Alma Viva que j’ai parfois trouvé un peu mièvre.

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