Et Dieu créa la femme (1956) ★★★☆

Juliette (Brigitte Bardot), une jeune femme libre et sensuelle, excite le désir des hommes : Carradine (Curd Jurgens), un riche entrepreneur, Antoine (Christian Marquand) dont elle est amoureuse et Michel (Jean-Louis Trintignant), le frère d’Antoine, qu’elle accepte d’épouser sans l’aimer pour s’émanciper de ses tuteurs qui veulent la renvoyer à l’orphelinat.

Et Dieu créa la femme est un film mythique qui lança le « mythe Bardot ». À sa sortie, en France, fin 1956, il fit un flop. Mais son succès au parfum de scandale à l’étranger lui valut de revenir à l’affiche un an plus tard et d’y attirer les foules.

B.B. y crève l’écran. Un des personnages du film la décrit dans un langage fleuri : « Elle a le cul qui chante ». Simone de Beauvoir dit la même chose dans un style plus polissé : « un saint vendrait son âme au diable pour la voir danser ». Aujourd’hui, on pourra la trouver bien sage. Il est vrai que depuis 1956, les mœurs se sont libérées et que le spectateur en a vu des vertes et des pas mûres. Pour autant, même en 2022, les fesses dénudées de l’actrice, sa moue, ses cheveux relevés en chignon ou dénoués en cascade, le déhanché fiévreux de ses danses jusqu’à son phrasé traînant que les puristes critiquent, font leur petit effet.
Et on imagine volontiers le scandale qu’elle a causé à l’époque, pour devenir illico une icône du féminisme. Une icône toutefois pas si révolutionnaire, puisqu’à la fin du film – pardon pour le spoiler – après un mambo endiablé, elle reçoit quatre torgnoles de son mari et le suit piteusement à la maison.

Il est de bon ton de nos jours de tenir en piètre estime Et Dieu créa la femme. Les critiques se moquent de son intrigue de roman-photo. Elles n’ont pas tout à fait tort. Mais celle des Parapluies de Cherbourg, peut-être le film le plus réussi qui soit à mes yeux, ne valait guère mieux. Elles raillent le jeu des acteurs, à commencer, on l’a dit, par celui de Bardot : si Trintignant – dont c’est quasiment le premier film – se morfond dans le rôle du mari cocu transi d’amour, Curd Jurgens y est pourtant impérial. Surtout, elles passent à côté de l’essentiel : l’apparition météoritique d’une actrice incandescente dont le réalisateur – et futur ex-mari – eut le talent de capter la sensualité et l’élan de liberté. Elle enflamma la pellicule ; elle l’enflamme encore.

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Magdala ★☆☆☆

La Légende dorée de Jacques de Voragine raconte que Marie Madeleine aurait vécu seule la fin de sa vie dans une forêt. Damien Manivel, le réalisateur du Parc ou des Enfants d’Isadora, reprend la légende à son compte.

À la place de la sulfureuse rousse que l’iconographie chrétienne a souvent peinte, il donne à la pécheresse les traits d’Elsa Wolliaston, la danseuse jamaïcaine aujourd’hui âgée de près de quatre-vingts ans. Son corps noir, massif, presqu’impotent ne saurait plus contraster avec l’image qu’on se fait de Marie Madeleine.

Magdala est radical. Aucune intrigue. Aucune histoire sinon celle minimaliste d’une vie qui s’achève. La caméra se borne à suivre son héroïne dans ses derniers jours. On la voit déambuler d’un pas lourd dans la forêt. Elle se nourrit de baies ; elle boit l’eau de la rosée qui perle à l’aube sur les feuilles de châtaignier. Sentant sa fin venir, elle se réfugie dans une grotte et meurt lentement, veillée par une angélique sylphide.

Au crépuscule de sa vie Marie Madeleine pense à Jésus, l’amour de sa vie. Elle lui parle, en araméen. Elle en rêve – occasion d’un flashback malaisant où on la revoit jeune et nue près de son amant. Elle lui offre son cœur sanglant au sommet d’une montagne battue par les vents, dans une scène empruntée à la plus gore des iconographies sulpiciennes.

Même si Magdala dure 1h18 à peine, il faut une sacrée patience pour le regarder. Les rares spectateurs – ou plutôt spectatrices car j’y étais le seul homme – de la petite salle parisienne climatisée qui le diffuse encore, y sont parvenus. Personne n’a capitulé en chemin. Quelle est la part de masochisme dans cette endurance ? Pour moi, elle était majoritaire. Pour d’autres, qui se récrieront à la lecture de ma critique acariâtre, il s’agissait d’une expérience certes exigeante mais ô combien originale de mysticisme contemplatif. À chacun sa came….

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As bestas ★★★☆

Antoine (Denis Ménochet) et Olga (Marine Foïs), ont tout quitté pour s’installer dans les montagnes de Galice. Sur leur propriété, ils font pousser des légumes bio qu’ils vendent au marché. Ils réhabilitent bénévolement les maisons du village, frappé par la désertification rurale, pour en encourager le repeuplement. Malgré leurs efforts pour s’intégrer, ils se sont déchirés avec leurs plus proches voisins autour du projet de construction d’un parc d’éoliennes. Entre le couple français de néo-ruraux et les deux frères butés, la rancœur le cède bientôt à la haine, distillant une ambiance délétère.

Avez-vous déjà eu un conflit de voisinage, avec un voisin qui laisse déborder sa haie sur votre jardin, qui met la musique trop fort ou qui joue de la perceuse chaque dimanche matin ? Avez-vous – gentiment – essayé de lui signaler que son comportement vous gênait ? Vous a-t-il – méchamment – rembarré – en vous expliquant qu’il avait le droit pour lui ? Comment avez-vous réagi à cette rebuffade ? Avez-vous haussé les épaules et oublié dans l’heure cette algarade ? ou avez-vous au contraire lentement développé une obsession paranoïaque vis-à-vis de chaque fait et geste de ce voisin inamical ?

Si vous faites, comme moi, qui ai failli déménager il y a une vingtaine d’années d’un appartement situé en dessous de celui d’un pianiste fou, partie de la seconde catégorie, As bestas vous dérangera au tréfond. Car il raconte précisément une querelle de voisinage qui rend l’air irrespirable et pose des questions sans issue : peut-on demander l’aide de la police ? sinon que faire ? se défendre ? partir ? On essaie de relativiser, de se dire que ce n’est pas si grave…. mais on n’y arrive pas et on finit par tourner comme un lion en cage, impuissant.

C’est précisément ce qui arrive à Antoine et Olga qui voient leur rêve, un peu naïf, de retour à la terre, se fracasser contre l’hostilité de leurs voisins. Un rêve d’ailleurs pas très glamour tant Rodrigo Sorogoyen s’emploie à peindre les montagnes de Galice non pas comme un paradis vierge, mais au contraire comme un amphithéâtre inhospitalier sinon étouffant.

Dès la première scène, qui, quand on la reconsidère, semble presque hors sujet, le ton est donné. Elle se déroule dans le café du village – mais s’agit-il à proprement parler d’un café ? – et Xan, le voisin d’Antoine, y débine méchamment un commerçant dont il critique la qualité du service. Des longues scènes dialoguées comme celle-ci, on en retrouvera à trois ou quatre reprises dans le film. Elles sont toutes aussi prenantes, aussi asphyxiantes les unes que les autres.

Le succès du film doit beaucoup à ses acteurs. Denis Ménochet est un buffle qui souffle et qui rue. L’acteur – dont le physique massif rappelle celui de Grégory Gadebois – vient d’être au sommet de l’affiche de Peter von Kant. C’est aussi le cas de Marina Foïs, qu’on voit partout cet été (En roue libre sorti le 29 juin, L’Année du requin sorti le 3 août). À noter la présence de Marie Colomb qui interprétait une lumineuse Laëtitia dans la mini-série adaptée du livre de Ivan Jablonka. Mais celui qui leur vole la vedette à tous, c’est Luis Zahera, l’interprète de Xan, l’inquiétant voisin, dont chaque apparition est lourde de menaces.

As bestas fait penser à Chiens de paille de Peckinpah ou, bien sûr, à Delivrance de Boorman. Mais il n’en reste pas moins profondément original, tant dans son sujet que dans son traitement. Un film comme celui-ci, filmé comme cela, on n’en avait jamais vu !

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Elvis ★★☆☆

Elvis : son prénom seul suffit à résumer la légende.
Pourtant rien ne prédisposait ce jeune homme timide, issu d’une famille modeste du Mississipi, à devenir une star mondiale. Rien sinon peut-être sa rencontre en 1955 avec l’homme qui deviendra, pour le meilleur et pour le pire, son impresario jusqu’à sa mort vingt ans plus tard : le « colonel » Parker.

Baz Luhrmann choisit un angle original pour raconter la vie d’Elvis : le point de vue de son impresario, un aigrefin doublé d’un manipulateur joué par le méconnaissable Tom Hanks qui prend manifestement une joie mauvaise à abandonner pour une fois les rôles de parfaits Américains qui ont fait sa gloire.

Il le fait dans le style qui est sa marque de fabrique depuis Romeo + Juliet et Moulin rouge : un kitsch revendiqué – qui ne dépare pas avec l’esthétique du King – allié à un montage clippesque (sic) qui donne le tournis. Elvis nous en met plein les yeux. Au point qu’on se demande si nos tympans et nos pupilles seront capables d’y résister pendant près de trois heures. Mais, bien vite, on s’habitue à ce rythme démentiel et on se laisse prendre à ce spectacle décoiffant qui fait passer le temps si vite.

Pourtant, Elvis n’a rien de très original. Comme tant d’autres biopics, il raconte l’ascension, la gloire et la chute d’une star. L’action a beau s’étaler sur plus de deux décennies, les héros n’y vieillissent pas – il est vrai que Elvis meurt à quarante-deux ans à peine, ivre de drogue et de médicaments. Plus grave, on a l’impression que les Etats-Unis ne changent pas entre 1955 et 1977.

Elvis a beau durer 2h39, le scénario ne fait qu’effleurer les moments les plus importants de la vie d’Elvis. Bien sûr, deux scènes mythiques en marquent le début et la fin : l’un de ses premiers concerts publics où ses déhanchements suggestifs hystérisent l’auditoire et scandalisent les forces de l’ordre, l’un de ses tout derniers, à Las Vegas où il réussit encore, à force de volonté, malgré la mort qui vient, à susciter l’émotion.

Tom Hanks, son ironie matoise et son accent incompréhensible manquent de voler la vedette à Austin Butler, qui est peut-être un peu trop lisse pour le rôle. Mais l’interprète d’Elvis est tellement beau, tellement sexy, qu’il lui sera beaucoup pardonné.

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Les Grandes Personnes (2008) ★★☆☆

Albert (Jean-Pierre Darroussin) est un papa poule qui, depuis le divorce de sa femme, assume seul l’éducation de sa fille Jeanne (Anaïs Demoustier). Chaque été, pour parfaire son éducation, il lui fait visiter un pays d’Europe. Cette année, il a mis le cap sur la Suède et a loué une maison sur une île perdue au milieu de la Baltique.
Après un long voyage, les deux Français découvrent que, suite à une méprise de sa propriétaire suédoise, le ravissant chalet avec vue sur mère (lapsus lacanien) a déjà été loué à une autre estivante, Christine (Judith Henry). Les trois vacanciers et leur propriétaire décident de cohabiter.

Le résumé des Grandes Personnes ne paie pas de mine et pourrait faire redouter le pire : une énième comédie française sans grande ambition ni grand relief, sitôt vue et sitôt oubliée. Pourtant, ce film sorti fin 2008 m’a agréablement surpris.

Tourné par une réalisatrice franco-suédoise, il nous transporte, le temps de quelques jours de vacances, sur les rives ensoleillées de la Baltique. Comme son titre l’annonce, il traite de la maturité : maturité d’une jeune fille en fleurs, étouffée par un père trop protecteur, qui essaie timidement de s’en émanciper, mais maturité aussi de ce père immature, qu’on croirait tout droit sorti d’un film de Bruno Podalydès ou de Jacques Tati.

Ce père au prénom gentiment démodé a un rêve régressif : retrouver le trésor caché d’un viking disparu. Sa fille, au prénom tout aussi intemporel, a, elle, des rêves plus prosaïques : trouver l’amour dans les bras d’un beau rocker suédois. Les Grandes Personnes raconte, sur un mode mineur, comment ces rêves se réaliseront ou pas. On comprendra vite, à supposer qu’on ne l’ait pas compris dès le début, que la poursuite de ces rêves sera plus enrichissante que leur accomplissement.

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L’Année du requin ☆☆☆☆

La maréchale des logis-cheffe Maja Bordenave (Marina Foïs) est sur le point de prendre sa retraite de la gendarmerie nationale et de quitter la petite brigade balnéaire sur la côte Atlantique où elle a si longtemps servi. Son mari (Kad Mérad) se réjouit de pouvoir enfin jouir avec elle d’un repos bien mérité. Mais la cheffe Bordenave, qui dort sous le portrait du général de Gaulle et rend les honneurs au drapeau chaque matin avant son petit déjeuner, a l’éthique militaire si bien chevillée au corps qu’elle ne peut se résoudre à quitter ses fonctions alors qu’une menace rôde autour de la station balnéaire de La Pointe.

On se souvient tous des Dents de la Mer, de la parfaite réussite de ce film tourné avec deux bouts de ficelle par un gamin sur le point de devenir l’un des plus grands réalisateurs du siècle. L’Année du requin s’en veut le remake revendiqué.

Mais le projet prend vite l’eau faute de choisir son parti. S’agit-il d’un film comique ? hélas il ne fait pas rire. S’agit-il d’un thriller ? hélas il ne fait pas peur.

L’Année du requin est un naufrage absolu.

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Les Yeux sans visage (1960) ★☆☆☆

Un éminent chirurgien spécialiste des greffes de peau, le professeur Génessier (Pierre Brasseur) a décidé de donner à sa fille (Edith Scob), défigurée après un grave accident de voiture, un nouveau visage. Dans le laboratoire secret de sa clinique, installée en banlieue parisienne, il mène des expérimentations sur des chiens. Son assistante dévouée (Alida Valli) l’aide à kidnapper des jeunes femmes pour leur ôter leur visage et le greffer sur celui de sa fille, condamnée pour l’heure à vivre recluse dans la propriété et à se cacher derrière un masque. Mais les greffes échouent les unes après les autres.

Les Yeux sans visage fait partie de ces films culte cités dans toutes les anthologies, présents dans tous les classements. La raison souvent avancée n’est pas très convaincante : Les Yeux sans visage serait le plus grand film d’épouvante français, un genre qui prospéra en Italie ou aux Etats-Unis mais ne connut pas une grande postérité en France.

Je n’avais jamais vu Les Yeux sans visage et ai profité de sa rediffusion dans une petite salle du Quartier latin. La salle – ainsi que l’Officiel des spectacles – affichait une interdiction aux moins de seize ans désormais désuète : la Commission de classification, ressaisie en 1998, l’a à raison reclassé tous publics avec avertissement. Consciencieusement, la caissière demande à un jeune spectateur son âge. « Quatorze ans » répond-il. La caissière tique ; mais le projectionniste la coupe : « Laisse le passer ; ça craint rien ». Je n’ai pas osé intervenir et étaler ma science.

J’avoue avoir été très déçu. Le thème du savant fou, même s’il est magistralement interprété par le toujours magistral Pierre Brassseur, n’est pas très original. Quant à sa clinique filmée dans un noir et blanc anxiogène et magnifiée par la musique de Maurice Jarre, elle n’est pas si angoissante que cela.
Bien embêté, je me demandais comment tourner ma critique, n’osant pas avoir l’irrévérence de ne pas encenser ce film-culte unanimement encensé. La lecture du Dictionnaire du cinéma de Jacques Lourcelles m’a désinhibé. Il y exécute Les Yeux sans visage en deux expressions : « poésie de bazar », « horreur de pacotille ».

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Operation finale ★★☆☆

Le nazi Adolf Eichmann, l’homme de la Solution finale, s’était enfui sous une fausse identité en Argentine à la fin de la Seconde guerre mondiale. Il y fut identifié par une jeune fille qui fréquentait son fils. L’information parvint au Mossad qui décida de monter une opération commando à hauts risques pour l’appréhender et l’exfiltrer d’Argentine vers Israël où il serait jugé. Operation finale raconte l’histoire de ce commando.

L’arrestation et le jugement d’Eichmann à Jerusalem m’ont toujours passionné. Car ils combinent trois éléments fascinants. 1. La Shoah et l’intérêt morbide qu’elle suscite. 2. L’opération commando rocambolesque, digne des meilleurs films d’espionnage, qui a réussi à kidnapper Eichmann à Buenos Aires et à le dissimuler dans un avion El Al en partance pour Israël. 3. Le procès d’Eichmann à Jerusalem, ce qu’il a révélé sur la « banalité du mal » et l’analyse si intelligente qu’en fit à chaud Hannah Arendt.

Il était évident que le cinéma allait s’emparer d’une matière aussi riche. Ce fut le cas dès 1961 avec Opération Eichmann. En 1979, The House on Garibaldi Street, le livre de Isser Harel, le directeur du Mossad qui supervisa les opérations, fut adapté pour la télévision. En 1996, toujours pour la télévision américaine est tourné The Man Who Captured Eichmann avec Robert Duvall dans le rôle d’Eichmann. En 1999, j’avais vu dans les salles en France le remarquable documentaire co-réalisé par Eyal Sivan et Rony Brauman, Un spécialiste, portrait d’un criminel moderne. Il m’avait tellement marqué que j’en avais même lu le livre qui en avait été tiré et que je retrouve avec nostalgie, rempli de mes pattes de mouche illisibles. Enfin, en 2007, un film britannico-hongrois (sic) réalisé par Robert Young était sobrement intitulé Eichmann.

Le film de Chris Weitz (un homme de cinéma américain connu pour avoir prêté la main en tant que réalisateur, scénariste ou producteur, à des films aussi différents que American Pie, Twilight ou Rogue One) s’inscrit dans cette longue généalogie. Il rassemble un casting international autour de l’excellent Oscar Isaac. L’inoxydable Ben Kingsley y incarne l’ancien nazi à la perfection. Mélanie Laurent joue les utilités françaises – et paie ses impôts. La lecture du générique nous apprend que l’informe Mme Eichmann, quinquagénaire et boudinée, est interprétée par la sublime Gretta Scacchi qui, dans les années quatre-vingts incarnait mon idéal féminin.

Brièvement sorti aux Etats-Unis fin 2018 avant d’être racheté par Netflix pour sa diffusion mondiale, Operation finale se regarde sans déplaisir bien qu’on en connaisse par avance les rebondissements les plus rocambolesques et l’épilogue glaçant.

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Men ★☆☆☆

Pour récupérer du traumatisme qu’elle vient de subir, une jeune Anglaise, Harper (Jessie Buckley) décide de louer un gîte à la campagne. Elle découvre un splendide manoir dans le Gloucestershire dont Geoffrey (Rory Kinnear) lui fait faire le tour du propriétaire. Mais, bien vite, dans cette immense maison isolée entourée d’une nature menaçante, le malaise s’installe.

Alex Garland est un sacré homme de cinéma qui, après avoir signé plusieurs scénarios, et non des moindres, de Danny Boyle (La Plage, 28 jours plus tard, Sunshine), est passé derrière la caméra (Ex Machina, Annihilation).

Men se présente comme un film d’horreur. Il appartient au sous-genre du folk horror, dont la spécificité est de se dérouler à la campagne et de faire fond sur les mythes et traditions populaires les plus perturbantes. Midsommar – mon film préféré en 2019 – en est l’exemple le plus caractéristique et le plus réussi.

Mais Men a un sous-texte que son titre annonce. Il s’agit d’un film sur la masculinité toxique qui empoisonne la vie de Harper. On découvre par bribes le traumatisme qu’elle a subi. On la voit ensuite se heurter aux quelques hommes qu’elle croise, qui ont tous le même visage – celui de l’acteur, remarquable, Rory Kinnear – et la même attitude faussement amicale : l’hôte qui lui fait visiter les lieux, le policier qui recueille son témoignage, le gamin qui l’insulte, le prêtre auprès duquel elle cherche du réconfort….

Men culmine dans un final d’apocalypse. Les avis en sortant de la salle sont divisés : certains rient aux éclats devant ce grand n’importe quoi, d’autres en sont durablement traumatisés. Aucun ne l’oubliera en tout cas.

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Margaret (2011) ★★☆☆

Lisa (Anna Paquin) est une adolescente new-yorkaise scolarisée dans un établissement huppé de l’Upper West Side. Ses parents sont divorcés : son père est parti s’installer en Californie avec sa nouvelle compagne ; Lisa est restée à New-York avec son petit frère et sa mère (J. Smith-Cameron), une comédienne à succès que courtise un riche Colombien (Jean Reno). Son instabilité émotionnelle l’a conduite à multiplier les aventures : avec un camarade de lycée, puis avec son professeur de mathématiques (Matt Damon).
La vie de Lisa éclate lorsqu’elle cause un accident de la circulation et qu’une passante, Monica (Allison Janney), est fauchée par un bus dont Lisa avait distrait l’attention du conducteur (Mark Ruffalo). La jeune femme, écrasée par la culpabilité, part à la recherche de la famille de la victime pour l’inciter à entamer une procédure contre la régie des transports de Manhattan.

Margaret est un film maudit, tourné en 2005, mais sorti seulement six ans plus tard. La cause de ce retard : la bataille dantesque entre le réalisateur, Kenneth Lonergan, qui, fort de sa réputation de dramaturge à succès à Broadway, avait obtenu le director’s cut, et le studio Fox Searchlight qui n’avait pas accepté de distribuer le film dans sa version initiale de trois heures. C’est finalement une version amputée, de deux heures trente quand même qui sortait en catimini aux Etats-Unis en 2011, puis en France, fin août 2012 (en vf et sans projection de presse).
Margaret n’en acquérait pas moins une réputation de film culte, trouvant même sa place dans la liste de la BBC des cent meilleurs films du siècle. Cet argument n’était pas le moindre qui me poussait à le voir.

Force est d’avouer que je fus déçu. Sans doute Margaret est-il remarquablement interprété, notamment par son héroïne, la jeune Anna Paquin, découverte face à la caméra de Jane Campion en 1993 dans La Leçon de piano. Elle est entourée d’une pléiade de stars plus habitués aux premiers rôles qu’aux seconds : Matt Damon, étonnamment effacé dans un rôle ingrat, Mark Ruffalo (dont le premier film de Kenneth Lonergan avait lancé la carrière) et Matthew Broderick, le professeur de littérature de Lisa qui lit le poème qui éclaire le titre du film.

Mais Margaret ne justifie pas sa réputation sulfureuse. Le montage est très rapide, qui témoigne des efforts inlassables pour en ôter les intrigues secondaires et les secondes superflues. Mais la durée du film, anormalement obèse, ne se justifie pas. Si Lisa traverse une époque chaotique de sa vie et cristallise autour de la mort de Monica toutes les émotions que la fin de son enfance suscite (la relation houleuse avec sa mère, l’éloignement de son père, la perte de sa virginité….), son histoire aurait pu être racontée plus brièvement.

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